Nations Unies

CAT/C/62/D/493/2012

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

18 janvier 2018

Original : français

Comité contre la t orture

Décision adoptée par le Comité au titre de l’article 22 de la Convention, concernant la communication no493/2012 * , **

Communication p résentée par:Damien Ndarisigaranye, représenté par TRIAL(Track Impunity Always)

Au nom de:Le requérant

État partie:Burundi

Date de la requête:8décembre 2011(lettre initiale)

Date de la présente décision:10novembre 2017

Objet:Torture infligée par des agents de police ; utilisation dans une procédure judiciaire d’aveux obtenus sous la torture ; absence d’enquêteet de réparation

Question ( s ) de procédure:Examen de la même question devant une instance internationale d’enquête ou de règlement; épuisement des recours internes

Question ( s ) de fond:Torture et peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants; mesures visant à empêcher la commission d’actes de torture; surveillance systématique quant à la garde et au traitement des personnes détenues; obligation de l’État partie de veiller à ce que les autorités compétentes procèdent immédiatement à uneenquête impartiale; droit de porter plainte; droit d’obtenir une réparation

Article ( s ) de la Convention:2 (par.1) et11 à 14, lus conjointement avec les articles 1et 16 de la Convention

1.1Le requérant estDamien Ndarisigaranye, citoyen burundais né le 15 août 1953 à Burarana. Il prétend être la victime de violations par le Burundi de ses droits protégés au titre des articles 2 (par.1) et 11 à 14, lus conjointement avec l’article 1 et, subsidiairement, avec l’article 16 de la Convention. Il est représenté par l’organisation TRIAL (Track Impunity Always).

1.2Le Burundi a déclaré reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner les communications individuelles conformément à l’article 22 de la Convention le 10 juin 2003.

1.3Le 27 février 2012, en application du paragraphe 1 de l’article 114 de son règlement intérieur, le Comité a demandé à l’État partie de prévenir efficacement, tant que l’affaire serait à l’examen, toute menace ou acte de violence auquel le requérant pourrait être exposé, en particulier du fait de la présentation de la présente requête, et de tenir le Comité informé des mesures adoptées à cet effet.

Rappel des faits présentés par le requérant

2.1À l’issue de la guerre civile (1993-2006), le Burundi a connu une lutte de pouvoir provoquant un climat d’instabilité. En 2006, le dernier groupe rebelle actif –les Forces nationales de libération – a signé un cessez-le-feu avec le Gouvernement, marquant ainsi la fin officielle de la guerre civile burundaise. Cependant, l’instabilité politique et les menaces qu’elle faisait peser sur le processus de paix sont demeurées source de préoccupation. En août 2006, six personnalités politiques, dont l’ancien Président et le Vice-Président,ont été emprisonnées pour une présumée tentative de coup d’État.

2.2Dans ce contexte, le 2 août 2006, vers 8 heures du matin, le requérant, qui était colonel dans l’armée burundaise, a été arrêté dans le centre de Bujumbura par sept agents du Service national de renseignementhabillés en civil. Ils lui ont braqué un pistolet sur la poitrine et lui ont demandé de les suivre sans fournir d’explications. Un des agents s’appelait Jean Bosco Nsabimana.À leur arrivée au siège du Service national de renseignement, le requérant a été conduit dans un bureau où se trouvaient six agents de ce service, dontM. Nsabimana.L’Administrateur général du Service national de renseignement, le général-major Adolphe Nshimirimana, était en communication téléphonique avec les agents. Les agents ont informé le requérant qu’il était accusé d’avoir participé à une tentative de coup d’État et lui ont demandé de signer une déclaration admettant sa participation. Comme il a refusé de signer, le requérant a été violemment frappé sur l’ensemble du corps pendant plus de deux heures, en particulier sur le dos, à l’aide de bâtons, de matraques et de fils de fer préalablement trempés dans de l’eau sablée afin que le sable se place dans ses blessures et lui provoque davantage de souffrances. Un des agents filmait la scène. Selon le requérant, le général Nshimirimana ordonnait par téléphone aux agents de reprendre les coups à son encontre lorsqu’il refusait d’avouer les faits. Comme le requérant a persisté à refuser de signer la déclaration d’aveux, il a ensuite été suspendu par les bras au-dessus du sol et une nouvelle fois violemment frappé sur tout le corps. Afin d’étouffer ses cris de douleur, une pierre a été introduite dans sa bouche, endommageant ses dents.

2.3Les coups ont cessé lorsque le requérant, qui se trouvait dans un état très critique, a accepté de signer la déclaration préalablement préparée, dans laquelle il reconnaissait avoir participé à la tentative de coup d’État. Il a ensuite été enfermépendant sept jours dans un cachot du Service national de renseignement de 9 mètres carrés, avec 12 autres personnes, dans des conditions d’hygiène déplorables, sans recevoir de nourriture pendant plusieurs jours. Il n’y avait pas de sanitaires dans la cellule et le requérant dormait à même le sol.Iln’a reçu aucun soin durant cette période,en dépit de ses demandes répétées d’être examiné par un médecin.Il n’a pas non plus été autorisé à entrer en contact avec un avocat ou avec sa famille, qui a appris son arrestation par les médias.

2.4Pendant sa détention au cachot, le requérant a reçu la visite de membres de la Ligue Iteka et de la Ligue Izere, deux associations burundaises de défense des droits de l’homme, qui ont pu constater qu’il avait été soumis à des tortures. Alertée par de nombreuses dénonciations, la Ministre de la solidarité, des droits de la personne humaine et du genre, Françoise Ngendahayo, s’est rendue en personne, le 3 août 2006, au siège du Service national de renseignement. Elle a tenu les propos suivants aux médias : « Je suis allée voir les personnes arrêtées […]. Elles m’ont dit, et j’ai constaté, qu’elles avaient été battues. J’ai demandé au Chef de la Documentation nationale que cela cesse ».

2.5Cependant, aucune suite n’a été donnée à ces propos. Après la visite desligues Iteka et Izere, une déclaration publique signée par 10 organisations de défense des droits de l’homme dénonçant les arrestations de personnalités politiquespar le Service national de renseignement a été adressée aux autorités burundaises le 4 août 2006. Dans cette déclaration, il était indiqué que les visites effectuéespar la Ligue Iteka etpar des membres de familles de détenus, ainsi que par la Ministre de la solidarité, des droits de la personne humaine et du genre, avaient permis de confirmer que trois individus, dont le requérant, avaient subi des actes de torture et que les prévenus n’avaient l’autorisation de recevoir ni avocat, ni médecin.

2.6Le 9 août 2006, après une semaine de détention dans le cachot du Service national de renseignement, le requérant a été présenté au Procureur général en Mairie de Bujumbura et formellement informé qu’il était accusé d’avoir participé à une tentative de coup d’État. Il a alors été transféré à la prison centrale de Mpimba. Le 10 août 2006, compte tenu de l’insistance des proches du requérant et des associations humanitaires,il a été transféré à l’hôpital militaire de Kamenge pour y recevoir des soins. Sur la base de constatations médicales, l’avocat attribué au requérant après son transfert à la prison de Mpimba a dénoncé les tortures subies auprès du magistrat instructeur et a demandé à ce dernier de faire une réquisition à expert afin que soit établi un certificat médical. Le 17 août 2006, un certificat médical, requis à la demande du magistrat instructeur, a été établi, attestant de traces linéaires et ecchymotiques multiples et concluant que le requérant« a été victime de coups et blessures délibérés. La palpation douloureuse de toutes les lésions implique le caractère récent des lésions. La multiplicité des lésions identiques localisées presque sur tout le corps fait penser à des actes de torture ». Le magistrat instructeur, qui a pourtant accepté d’effectuer la réquisition à expert, n’a donné aucune suite aux conclusions consignées dans l’expertise médicale, et aucune instruction sur les faits n’a été initiée.Le22 septembre 2006, sur la base de ce certificat médical, l’avocat du requéranta déposé une plainte formelle auprès du Procureur de la République de Bujumbura.

2.7Le requérant a été détenu pendant plus de cinq mois à la prison de Mpimba dans des conditions de détention déplorables, marquées par une surpopulation carcérale ayant des conséquences sérieuses sur la situation sanitaire et sécuritaire des détenus.Il a été libéré le 16 janvier 2007,suite à son acquittement le jour précédent pour manque de preuve, dans le cadre du procès ouvert contre lui et plusieurs autres personnes pour tentative de coup d’État.

2.8Outre les démarches auprès des autorités judiciaires, les faits subis par le requérant ont été portés à la connaissance des autorités gouvernementales et administratives dès son arrestation par plusieurs organisations de défense des droits de l’homme sur le plan national et international, y compris par le biais d’un appel public urgent d’Amnesty International les 3 et 4 août 2006 et de l’Organisation mondiale contre la torture le 1er septembre 2006. Le 4août 2006, une coalition de 10 organisations de protection des droits de l’homme basées au Burundiaadopté une déclaration dénonçant publiquement les arrestations et détentions de plusieurs personnes, dont le requérant, nommément mentionnédans la déclaration. Le Groupe de travail sur la détention arbitraire et le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants sont en outre intervenus conjointement au travers d’un appel urgent en faveur du requérantle 10 août 2006. Lerequérant se réfère également aux observations finales du Comité contre la torture suite à l’examen du rapport périodique de l’État partie en 2006, dans lesquelles le Comité a appelé les autorités à procéder à une enquête immédiate et impartiale, suite aux informations selon lesquelles plusieurs personnes détenues dans le cadre de la tentative de coup d’État présumé auraient été soumises à la torture(voir CAT/C/BDI/CO/1, par. 12).

2.9Par conséquent, les autorités burundaises ont à plusieurs reprises été informées des tortures subies par le requérant et, de ce fait, ne pouvaient les ignorer. Toutefois, à la date de présentation de la communication au Comité, plus de cinq ans s’étaient écoulés depuis la survenance des faits,et aucune suite n’avait été donnée à la plainte. Les défaillances du système judiciaire, ainsi que les risques encourus pour son intégrité physique et psychologiqueont empêché le requérant d’initier d’autres démarches pour obtenir gain de cause. En particulier, il n’a pas pu s’adresser au Procureur général de la République pour se plaindre de la passivité du substitut du Procureur et obtenir l’ouverture d’une enquête car,entretemps, le substitut du Procureur est devenu Procureur général de la République et le requérant aurait donc dû présenter sa plainte à la même personne qui a refusé d’agir dans son cas. Une telle démarche n’avait aucune chance de succès.

2.10Le requérant fait en conséquence valoir que a) les voies de recours internes disponibles ne lui ont donné aucune satisfaction, les autorités n’ayant pas réagi à ses dénonciations, alors qu’elles auraient dû ouvrir une enquête pénale sur la base de sesallégations ;b) les voies de recours internesont excédé les délais raisonnables, puisque plus de cinq ans se sont écoulés depuis la survenance des faits, et aucune enquête n’a été ouverte ; et c) il était dangereux pour lui d’entreprendre d’autres démarches car les personnes responsables des faits de torture étaient de hauts gradés du Service national de renseignement et des proches du Gouvernement en place.

Teneur de la plainte

3.1Le requérant prétend être victime de la violation, par le Burundi, de ses droits protégés par les articles 2 (par.1) et 11 à 14, lus conjointementavec l’article1 et, subsidiairement, avec l’article 16 de la Convention.

3.2Selon le requérant, les sévices qui lui ont été infligés ont provoqué des douleurs et des souffrances aiguës, et constituent des actes de torture, tels que définis à l’article premier de la Convention.Les agents du Service national de renseignement, agents étatiques, munis de bâtons, matraques et fils de fer, l’ont passé à tabac pendant plus de deux heures en vue d’obtenir des aveux de sa part. Ces souffrances étaient infligées intentionnellement, comme en attestent le fait que les objets avec lesquels la victime a été frappée avaient été préalablement trempés dans du sable afin que celui-ci s’insère dans les blessures provoquées par les coups et le fait que la scène de torture ait été filmée par l’une des personnes présentes.

3.3Le requérant fait en outre observer que l’État partie n’a pas adopté les mesures, législatives ou autres, nécessaires pour prévenir la pratique de la torture au Burundi, contrairement à ses obligations prescrites par l’article 2 (par. 1) de la Convention. Pendant les sept jours de détention au cachot du Service national de renseignement, le requérant n’a pas eu accès à un avocat, n’a pas pu recevoir de visites de sa famille et n’a reçu aucun soin. Selon le requérant, l’État partie a également manqué à son obligation d’enquêter sur les tortures qui lui ont été infligées, afin de traduire les responsables devant la justice. En outre, malgré la réforme de 2009 du Code pénal, des obstacles juridiques demeurent pour prévenir efficacement la pratique de la torture. En particulier, aucune disposition ne rejette explicitement la validité d’aveux obtenus sous la torture, l’article 27 du Code de procédure pénale prévoyant uniquement que « lorsqu’il est prouvé que des aveux de culpabilité ont été obtenus sous la contrainte, ils sont frappés de nullité ». En outre, le requérant souligne qu’en droit burundais, hormis lorsqu’ils sont commis dans le contexte de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité ou du crime de génocide, les actes de torture sont soumis à un délai de prescription de vingt ou trente ans selon les circonstances. En conséquence, le requérant soutient que l’État partie n’a pas adopté les mesures législatives ou autres qui s’imposent au titre de l’article 2 (par. 1) de la Convention.

3.4Le requérant soumet que les autorités burundaises n’ont pas exercé la surveillance nécessaire sur la façon dont il a été traité durant sa détention au Service national de renseignement : il n’a pas eu accès à un avocat ; il n’a pas pu recourir contre sa mise en détention ; il n’a pas été examiné par un médecin ; et il n’a pas pu avoir de contact avec les membres de sa famille pour les informer de son arrestation. À cet égard, le requérant allègue qu’il n’existe pas de système de surveillance systématique efficace des lieux de détention et que les pratiques des autorités burundaises, en particulier du Service national de renseignement, à l’encontre des personnes privées de liberté ne sont pas conformes aux principes de l’article 11 de la Convention.

3.5Les autorités burundaises, bien qu’informées sur les tortures subies par le requérant, n’ont pas effectué d’enquête prompte et effective, en violation de leur obligation imposée par l’article 12 de la Convention. Le requérant souligne en outre que la législation pénale burundaise ne prévoit pas l’obligation pour les procureurs de la République de poursuivre les auteurs de torture, ni même d’ordonner une enquête sur de tels actes.

3.6Le requérant invoque également l’article 13 de la Convention, au motif qu’aucune enquête n’a été initiée sur ses allégations, malgré le dépôt d’une plainte formelle le 22 septembre 2006 pour actes de torture. Aucune suite n’a été donnée à sa plainte, alors même qu’elle était soutenue par un élément de preuve solide établi dans le cadre d’une réquisition à expert. La cause n’a donc pas été immédiatement et impartialement examinée, contrairement à ce qui est prévu à l’article 13. En outre, l’avocat d’une autre personne arrêtée par les agents du Service national de renseignement dans les mêmes circonstances que le requérant a lui-même été écroué après avoir dénoncé la torture subie par son client. Selon le requérant, cela représente un acte d’intimidation à l’encontre des victimes de l’affaire et de leur conseil qui a suscité des craintes légitimes pour leur sécurité. En conclusion, le requérant soutient que l’État partie n’a pas garanti son droit de porter plainte en vue de l’examen immédiat et impartial des faits allégués, en violation de l’article 13 de la Convention.

3.7Le requérant considère également que l’État partie a violé l’obligation qui lui incombe en vertu de l’article 14 puisque, d’une part, les crimes perpétrés à son encontre sont restés impunis et, d’autre part, il n’a reçu aucune indemnisation et n’a bénéficié d’aucune mesure de réhabilitation pour les tortures subies. Au regard de la passivité des autorités judiciaires, d’autres recours, notamment pour obtenir réparation par le biais d’une action civile en dommages et intérêts, n’ont objectivement aucune chance de succès. Peu de mesures d’indemnisation des victimes de torture ont été prises par les autorités burundaises, ce qui avait été relevé par le Comité dans ses observations finales, suite à l’examen du rapport de l’État partie en 2006 (voir CAT/C/BDI/CO/1, par. 23). Quant à sa réadaptation la plus complète possible, à la fois sur le plan physique, psychologique, social et financier – réadaptation dont il n’a pas bénéficié – le requérant fait valoir que le Comité a également souligné avec préoccupation, dans ses observations finales, l’absence de moyens mis à la disposition des victimes de torture pour leur garantir ce droit. En outre, le requérant rappelle que l’obligation de réparation qui incombe à l’État partie comprend une indemnisation pour les dommages subis, mais ne s’y limite pas, puisqu’elle doit également inclure l’adoption de mesures visant à la non-répétition des faits, qui implique, aupremier chef, de diligenter une enquête et de poursuivre les responsables.Pour ce qui est du requérant, le crime perpétré à son encontre demeure impuni, ce qui révèle une violation de son droit à la réparation en vertu de l’article 14 de la Convention.

3.8Le requérant réitère que les violences qui lui ont été infligées sont des actes de torture, conformément à la définition de l’article premier de la Convention. Néanmoins, et subsidiairement, si le Comité ne devait pas retenir cette qualification, il maintient que les sévices qu’il a endurés constituent dans tous les cas des traitements cruels, inhumains ou dégradants et que, à ce titre, l’État partie était également tenu de prévenir et réprimer leur commission, instigation ou tolérance par des agents étatiques, en vertu de l’article 16 de la Convention. En outre, il rappelle les conditions de détention qui lui ont été imposées durant les cinq mois de sa détention, en premier lieu dans les cachots du Service national de renseignement, puis au sein du pénitencier de Mpimba. Ces deux lieux de détention sont caractérisés par la surpopulation carcérale et l’insalubrité. Le requérant se réfère de nouveau aux observations finales du Comité, qui avait considéré les conditions de détention au Burundi comme assimilables à un traitement inhumain et dégradant (voir CAT/C/BDI/CO/1, par. 17). Enfin, il rappelle qu’il n’a reçu aucun soin médical durant sa détention au cachot, malgré son état critique, et en conclut que les conditions de détention auxquelles il a été exposé sont constitutives d’une violation de l’article 16 de la Convention.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond

4.1L’État partie a été invité à soumettre ses observations sur la recevabilité et le fond le 27 février 2012. Des rappels lui ont été envoyés les 19 novembre 2012, 15 mai 2013, 12août 2013 et 10 février 2015. Le 9juin 2015, l’État partie a formulé des commentaires sur les « enquêtes menées » et sur la recevabilité de la communication. Il note, en premier lieu, qu’aussitôt informées des actes de torture par la plainte déposée par l’avocat du requérant, les autorités judiciaires ont commencé l’instruction du dossier. Un dossier d’information a été ouvert à l’endroit du prévenu Jean Bosco Nsabimana, alias « Maregarege », sous le numéro de référence D15 5604/ B.V au parquet de la République en Mairie de Bujumbura. Après que l’on a remarqué qu’il pouvait y avoir des indices sérieux de culpabilité, le même dossier a été transformé et inscrit au rôle du ministère public sous le numéro RMP 123.256/B.V en date du 6 juillet 2007. Des témoins à charge et à décharge ont été convoqués et certains d’entre eux ont déjà fait leurs dépositions. Pourtant, le prévenu rejette catégoriquement les faits portés contre lui en arguant qu’il n’était pas sur place au moment de la tentative de coup d’État. Selon l’État partie, jusque-là, les magistrats du parquet sont à l’œuvre pour mener une instruction qui doit viser à rechercher des indices sérieux de culpabilité de l’auteur, sans toutefois méconnaître les garanties nécessaires pour l’exercice de son droit à la défense, et à recueillir des preuves dans le respect du principe de la présomption d’innocence – à charge et à décharge.

4.2À propos de la recevabilité, l’État partie soutient que le Comité doit rejeter la communication en vertu de l’article 22 (par. 2 et 5 b)) de la Convention pour abus de droit, puisque le requérant a volontairement abandonné les voies de recours disponibles en droit interne. Selon l’État partie, adresser une correspondance à un organe de protection ne suffit pas, parce qu’il ne peut être suffisamment informé de l’étendue des faits ou de la nature des violations alléguées que lorsque la victime ou son conseil manifeste la volonté réelle de coopérer ou collaborer à l’investigation. En l’espèce, depuis que l’avocat du requérant a déposé la plainte au parquet, il ne s’est plus présenté pour suivre le dossier. Donc l’État partie considère que l’avocat du requérant a déposé cette plainte sans que le requérant ait l’intention réelle de suivre la procédure, ce qui est une « tricherie intellectuelle » et dénote la mauvaise foi. L’État partie ajoute que, depuis que le requérant a été acquitté, il reste libre et ne se présente jamais au parquet pour suivre son dossier. En outre, le requérant n’a présenté aucun recours judiciaire ou administratif contre l’absence de célérité du Procureur.

4.3L’État partie ajoute que les délais qui ont été utilisés pour clôturer le dossier relatif aux actes de torture subis ne sont pas excessifs puisque le dépôt de la plainte et la saisine du Comité ont des dates rapprochées. Le délai n’excède donc pas les délais raisonnables et ne justifie aucune dérogation à la règle d’épuisement de tous les recours disponibles en droit interne, conformément à l’article 22 (par. 5) de la Convention. L’État partie demande également au Comité de constater que le système judiciaire interne offre des garanties suffisantes de protection puisque la saisine des instances de protection est efficace.

4.4L’État partie conclut que la qualification pénale des faits dénoncés relève de la compétence des organes judiciaires et demande au Comité de permettre que la procédure interne suive son cours normal puisque les allégations présentées ne sont qu’une pure spéculation à caractère politique. Il réitère donc sa disponibilité à assurer le suivi de cette affaire.

Commentaires du requérant sur les observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

5.1Le 22 juillet 2015, le requérant a transmis des commentaires relatifs aux observations de l’État partie. Il rejette l’argument selon lequel la communication constitue un abus de droit. Il fait référence à l’affaire Ben Salem c. Tunisie, où le Comité a fait observer que pour qu’il y ait abus du droit de saisir le Comité en vertu de l’article 22 de la Convention, il fallait que soit remplie l’une des conditions suivantes : que l’exercice par un particulier du droit de saisir le Comité soit constitutif d’un acte de malice ou de mauvaise foi ou à tout le moins d’une erreur équivalente au dol, ou avec une légèreté blâmable ; ou que les actes ou les abstentions incriminés n’aient aucun rapport avec la Convention. En l’espèce, le requérant considère que l’État partie n’a pas prouvé l’existence de l’une de ces conditions.

5.2Le requérant rejette également l’argument selon lequel il n’aurait pas épuisé les voies de recours internes, réitérant que plus de cinq ans se sont écoulés depuis les faits et que, contrairement à ce que l’État partie affirme sans apporter de preuve, sa plainte pénale n’a été suivie d’aucune enquête. Le requérant rappelle que le Comité n’exige que l’épuisement des voies de recours efficaces, utiles et disponibles. À cet égard, il relève que, même si une enquête a été ouverte au nom de M. Nsabimana, plusieurs autres personnes ont été impliquées dans les violences qu’il a subies. Comme le déclarel’État partie lui-même, jusque-là, les magistrats du parquet sont à l’œuvre pour mener une instruction qui doit viser à rechercher des indices sérieux de culpabilité de l’auteur. Les autorités judiciaires seraient donc toujours en train d’instruire le dossier neuf ans après le dépôt de sa plainte le 22 septembre 2006.

5.3Le requérant fait ensuite référence à l’affaire Niyonzima c. Burundi pour souligner que le Comité a considéré que le manque d’informations et d’éléments permettant au Comité de mesurer les progrès de l’enquête et de juger de son efficacité potentielle, alors qu’elle a été ouverte il y a plus de huit années, équivalait à une inaction des autorités compétentes qui a rendu improbable l’ouverture d’un recours susceptible d’apporter une réparation utile et qu’en tout état de cause les procédures internes ont excédé les délais raisonnables. Le requérant met ainsi en question la véracité des affirmations de l’État partie quant à l’enquête menée et considère que, même si une enquête a été ouverte, elle n’a pas été conduite de manière diligente, sérieuse et impartiale.

5.4Le requérant précise en outre qu’il n’a jamais abandonné sa plainte, mais que, les faits demeurant impunis après l’écoulement d’une longue période, il a été contraint de saisir les juridictions internationales. Il ajoute qu’une procédure n’exclut pas l’autre et que, malgré la saisine du Comité, il serait souhaitable que les autorités burundaises ouvrent une procédure et poursuivent les responsables.

5.5Enfin, le requérant relève que les voies de recours internes ont excédé les délais raisonnables. En s’appuyant sur la jurisprudence du Comité, il considère qu’un délai de cinq ans et quatre mois pour ouvrir une enquête sur des allégations de torture constitue un délai excessif. Pour ce qui est de l’affirmation de l’État partie qu’il n’a fait aucun recours contre l’absence de célérité du Procureur, le requérant rappelle qu’il ne pouvait pas s’adresser au Procureur général de la République pour se plaindre de la passivité du substitut du Procureur puisque le substitut du Procureur était entretemps devenu Procureur général de la République. S’adresser à la même personne qui avait refusé d’agir dans son cas n’avait aucune chance de succès. De plus, il serait dangereux pour lui de poursuivre de tels recours, étant donné que les personnes responsables des faits de torture qu’il a subis sont de hauts gradés du Service national de renseignement et des proches du Gouvernement en place qui jouissent de pouvoirs et de moyens de pression importants.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 5 a) de l’article 22 de la Convention, que la même question n’a pas été et n’est pas actuellement examinéeparune autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.2Le Comité observe par ailleurs que l’État partie a contesté la recevabilité de la communication au motif que le requérant aurait abusé du droit de soumettre une telle communication. S’agissant de l’abus de droit invoqué par l’État partie, le Comité rappelle que pour qu’il y ait abus du droit de saisir le Comité en vertu de l’article 22 de la Convention, l’une des conditions suivantes doit être remplie : la plainte présentée doit s’apparenter à un acte de malice ou de mauvaise foi, traduire à tout le moins une intention de tromper ou être futile ; ou les actes ou omissions relatés doivent n’avoir aucun rapport avec la Convention. En l’espèce, il ne peut pas être établi que la requête a été soumise de mauvaise foi ou qu’elle est futile étant donné que le requérant dénonce des actes de torture et/ou de mauvais traitements et invoque à l’encontre de l’État partie la violation de dispositions de la Convention. Par conséquent, le Comité conclut que le requérant n’a pas abusé du droit de soumettre des communications au sens de l’article 22 (par. 2) de la Convention.

6.3Le Comité note ensuite que l’État partie a contesté la recevabilité de la requête pour non-épuisement des voies de recours internes, dans la mesure où, à la suite de la plainte déposée par l’avocat du requérant, un dossier pénal a été ouvert et enregistré le 6 juillet 2006 au rôle du ministère public sous le numéro RMP 123.256/B.V. Le Comité note que l’État partie a affirmé que la procédure demeure pendante, sans apporter aucune autre information ou élément susceptible de permettre au Comité d’en mesurer le progrès et de juger de l’efficacité potentielle de cette procédure, alors qu’elle demeure inscrite au rôle du ministère public depuis plus de onze ans. Le Comité conclut que, dans les circonstances, l’inaction des autorités compétentes a rendu improbable l’ouverture d’un recours susceptible d’apporter au requérant une réparation utile et que, en tout état de cause, les procédures internes ont excédé les délais raisonnables. En conséquence, le Comité considère qu’il n’est pas empêché de considérer la communication au titre du paragraphe 5 b) de l’article 22 de la Convention.

6.4En l’absence d’autres obstacles à la recevabilité de la communication, le Comité procède à l’examen quant au fond des griefs présentés par le requérant au titre des articles 1, 2(par. 1), 11 à 14et 16 de la Convention.

Défaut de coopération de l’État partie

7.Les 26 novembre 2015, 25 avril 2016, 29 juin 2016 et 30 novembre 2016, l’État partie a été invité à présenter ses observations concernant le fond de la communication. Le Comité note qu’il n’a reçu aucune information à ce titre. Il regrette le refus de l’État partie de communiquer toute information concernant le fond des griefs du requérant. Il rappelle que l’État partie concerné est tenu, en vertu de la Convention, de soumettre par écrit au Comité des explications ou déclarations éclaircissant la question et indiquant, le cas échéant, les mesures qu’il pourrait avoir prises pour remédier à la situation. En l’absence de réponse de l’État partie, il convient d’accorder le crédit voulu aux allégations du requérant qui ont été dûment étayées.

Examen au fond

8.1Le Comité a examiné la requête en tenant dûment compte de toutes les informations qui lui ont été fournies par les parties, conformément au paragraphe 4 de l’article 22 de la Convention.L’État partie n’ayant fourni aucune observation sur le fond, il convient d’accorder le crédit voulu aux allégations du requérant.

8.2Le Comité note l’allégation du requérant selon laquelle,le 2août 2006, il a été arrêté sans mandat d’arrêt par sept agents du Service national de renseignement habillés en civil et a été emmené dans les locaux de ce dernier. Le Comité a en outre noté les allégations du requérantqui affirme qu’après qu’il a nié son implication dans un coup d’État présumé, des agents du Service national de renseignementl’ont frappé violemment sur tout le corps ; qu’ils ont introduit une pierre dans sa bouche pour étouffer ses cris ; que lors de sa visite au siège du Service national de renseignement, le 3 août 2006,la Ministre de la solidarité, des droits de la personne humaine et du genre de l’État partie a affirmé avoir constaté que les détenus portaient des marques de torture ; que d’après le certificat médical établi le 17 août 2006 la multiplicité des lésions identiques localisées presque sur tout le corps du requérant faisait penser à des actes de torture ;que, malgré ses demandes, le requérant n’a reçu aucun soin médical au cours de ses sept jours de détention au Service national de renseignement ; que les coups qui lui auraient été infligés intentionnellement dans le but de lui extorquer des aveux lui ont occasionné des douleurs et souffrances aiguës. Le Comité note que l’État partie n’a pas contesté les faits tels qu’ils ont été présentés par le requérant. Dans ces circonstances, le Comité conclut que les allégations du requérant doivent être prises pleinement en considération et que les faits, tels que présentés, sont constitutifs de torture au sens de l’article premier de la Convention.

8.3Le requérant invoque également l’article 2 (par. 1) de la Convention, en vertu duquel l’État partie aurait dû prendre toutes les « mesures législatives, administratives, judiciaires et autres mesures efficaces pour empêcher que des actes de torture soient commis dans tout territoire sous sa juridiction ». Le Comité observe, en l’espèce, que le requérant a été battu, puis détenu sans base légale pendant sept jours dans les cachots du Service national de renseignement sans pouvoir entrer en contact avec un défenseur, sa famille ou un médecin. Il rappelle ses conclusions et recommandations, dans lesquelles il a exhorté l’État partie à prendre des mesures législatives, administratives et judiciaires effectives pour prévenir tout acte de torture et tout mauvais traitement, et à prendre des mesures urgentes pour que tout lieu de détention soit sous autorité judiciaire afin d’empêcher ses agents de procéder à des détentions arbitraires et de pratiquer la torture (voir CAT/C/BDI/CO/1, par. 10). Au vu de ce qui précède, le Comité conclut à une violation de l’article 2 (par. 1), lu conjointement avec l’article 1 de la Convention.

8.4Le Comité note également l’argument du requérant selon lequel l’article 11 aurait été violé car l’État partie n’a pas exercé la surveillance nécessaire quant au traitement réservé au requérant durant sa détention au Service national de renseignement. Il a allégué, en particulier, que sa détention s’était faite hors du cadre de la loi ; qu’il n’a pas eu accès à un avocat ; qu’il n’a pas pu recourir contre sa mise en détention ;qu’il n’a pas pu avoir de contact avec les membres de sa famille pour les informer de son arrestation ; et qu’il n’a pas été examiné par un médecin, malgré l’état critique dans lequel il se trouvait. Le Comité rappelle ses observations finales concernant le deuxième rapport périodique du Burundi dans lesquelles il s’est dit préoccupé par : la durée excessive de la garde à vue ; les nombreux cas de dépassement du délai de garde à vue ; la non-tenue et tenue incomplète des registres d’écrou ; le non-respect des garanties juridiques fondamentales des personnes privées de liberté ; l’absence de dispositions prévoyant l’accès à un médecin et à l’aide juridictionnelle pour les personnes démunies ; et le recours abusif à la détention préventive en l’absence d’un contrôle régulier de sa légalité et d’une limite à sa durée totale (voir CAT/C/BDI/CO/2, par. 10). En l’espèce, le requérant semble avoir échappé à tout contrôle judiciaire. L’absence manifeste de tout mécanisme de contrôle du cachot où le requérant a été détenu a indubitablement exposé ce dernier à un risque accru de subir des actes de torture et mauvais traitement. En l’absence d’information probante de la part de l’État partie susceptible de démontrer que la détention du requérant a en effet été placée sous sa surveillance, le Comité conclut à une violation de l’article 11 de la Convention.

8.5S’agissant des articles 12 et 13 de la Convention, le Comité a pris note des allégations du requérant, selon lesquelles il a été détenu sans base légale du 2 au 9août 2006, date à laquelle il a été présenté devant le Procureur général et formellement inculpé de participation à une tentative de coup d’État. Bien qu’il ait déposé sa plainte le 22septembre 2006 devant le Procureur général de la République, que sa plainte ait été appuyée par une expertise médicale requise à la demande du magistrat instructeur concluant qu’il avait vraisemblablement été soumis à des tortures,et queles faits aient été largement connus et rapportés par divers acteurs, y compris une Ministre du Gouvernement de l’État partie, aucune enquête n’a été menée plus de onzeans après les faits. Le Comité considère qu’un tel délai avant l’ouverture d’une enquête sur des allégations de torture est manifestement abusif. Il rejette en outre l’argument de l’État partie selon lequel l’absence de progrès dans l’enquête tient au manque de coopération du requérant ou de son avocat. Le Comité rappelle l’obligation qui incombe à l’État partie, au titre de l’article 12 de la Convention, qu’il soit immédiatement procédé à une enquête impartiale ex officio chaque fois qu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’un acte de torture a été commis. En l’espèce, le Comité constate une violation de l’article 12 de la Convention.

8.6N’ayant pas rempli cette obligation, l’État partie a également manqué à la responsabilité qui lui revenait, au titre de l’article 13 de la Convention, de garantir au requérant le droit de porter plainte,qui présuppose que les autorités apportent une réponse adéquate par le déclenchement d’une enquête prompte et impartiale.Le Comité conclut que l’article 13 de la Convention a également été violé.

8.7S’agissant des allégations du requérant au titre de l’article 14 de la Convention, le Comité rappelle que cette disposition reconnaît non seulement le droit d’être indemnisé équitablement et de manière adéquate, mais impose aussi aux États parties l’obligation de veiller à ce que la victime d’un acte de torture obtienne réparation. Le Comité rappelle que la réparation doit couvrir l’ensemble des dommages subis par la victime et englobe, entre autres mesures, la restitution, l’indemnisation ainsi que des mesures propres à garantir la non-répétition des violations, en tenant toujours compte des circonstances de chaque affaire.En l’espèce, en l’absence d’enquête diligentée de manière prompte et impartiale, malgré l’existence de preuves matérielles manifestes indiquant que le requérant a été victime d’actes de torture –restés impunis– le Comité conclut que l’État partie a également manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 14 de la Convention.

8.8Pour ce qui est du grief tiré de l’article 16, le Comité a pris note des allégations du requérant, selon lesquelles il a été détenu du 2 au 9août 2006 dans une cellule exiguë du Service national de renseignement partagée avec 12 autres détenus, dans des conditions sanitaires déplorables, et, malgré ses demandes et son état de santé préoccupant, l’accès à un médecin lui a été refusé. Il a en outre allégué avoir été dès le 9 août 2006 transféré au pénitencier de Mpimba, caractérisépar un état d’insalubrité et de surpopulation constitutif de traitements inhumains et dégradants. En l’absence de toute information pertinente de la part de l’État partie à ce sujet, le Comité conclut que les faits de l’espèce révèlent une violation par l’État partie de ses obligations au titre de l’article 16 de la Convention.

9.Le Comité, agissant en vertu du paragraphe 7 de l’article 22 de la Convention, conclut que les faits dont il a été saisi font apparaître une violation de l’article1, lu seul et conjointement avec l’article 2 (par. 1), et des articles 11 à 14 et 16 de la Convention.

10.Conformément au paragraphe 5 de l’article 118 de son règlement intérieur, le Comité invite instamment l’État partie à initier une enquête impartiale sur les évènements en question, dans le but de poursuivre en justice les personnes qui pourraient être responsables du traitement infligé à la victime, et à l’informer, dans un délai de quatre-vingt-dixjours à compter de la date de transmission de la présente décision, des mesures qu’il aura prises conformément aux constatations ci-dessus, y inclus une indemnisation adéquate et équitable, qui comprenne les moyens nécessaires à la réadaptation la plus complète possible de la victime.