Observations finales concernant Cabo Verde en l’absence de rapport *

En l’absence de rapport de l’État partie, le Comité a examiné la situation concernant la mise en œuvre de la Convention à Cabo Verde à sa 292e séance (CMW/C/SR.292), le 31 août 2015. À la lumière des informations reçues, notamment, d’autres organismes et mécanismes des Nations Unies, le Comité a adopté les observations finales ci-après à sa 301e séance, le 7 septembre 2015.

A.Introduction

Cabo Verde a adhéré à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille le 16 septembre 1997. L’État partie était tenu de soumettre son rapport initial, conformément à l’article 73, paragraphe 1 de la Convention, au plus tard le 1er juillet 2004. À sa vingtième session, en avril 2014, le Comité a adopté une liste de points établie avant la soumission du rapport initial (CMW/C/CPV/QPR/1), conformément à l’article 31 bis de son Règlement intérieur provisoire (voir A/67/48, par. 26), qui a été transmise à l’État partie le 2 mai 2014.

Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’a pas apporté de réponses à la liste de points, réponses qui auraient constitué son rapport au titre de l’article 73 de la Convention, malgré les nombreux rappels qui lui ont été adressés en ce sens. Il note également avec préoccupation que l’État partie n’a pas fourni d’informations factuelles au sujet du pays, suivant les directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, englobant le document de base commun et les rapports portant sur l’application de chaque instrument (HRI/MC/2006/3 et Corr.1). Il considère que le non-respect par l’État partie de son obligation d’établir un rapport au titre de la Convention constitue une violation de l’article 73. Il regrette aussi que l’État partie n’ait pas envoyé de délégation, ce qui ne lui a pas permis d’engager un dialogue constructif avec lui. Il tient à rappeler à l’État partie que le non-respect de ses obligations en matière de présentation de rapports entrave sérieusement le bon fonctionnement du mécanisme créé pour contrôler la mise en œuvre de la Convention.

Après que la liste de points établie avant la soumission du rapport lui eut été transmise dans une note verbale datée du 2 mai 2014, suivie de rappels adressés par notes verbales en date du 12 mars et du 5 mai 2015, et de rappels informels, l’État partie a été informé, par une note verbale datée du 1er juin 2015 suivie de rappels, de la procédure du Comité concernant la non-soumission des réponses à la liste de points (art. 31 bis de son Règlement intérieur provisoire) et l’examen de la mise en œuvre de la Convention par un État partie en l’absence de délégation. C’est dans ce contexte que le Comité a entrepris d’examiner l’application de la Convention dans l’État partie en l’absence de rapport et de délégation à la lumière des informations dont il disposait.

Le Comité reconnaît que Cabo Verde est généralement un pays d’origine, mais il note qu’il devient peu à peu un pays de destination et de transit.

Le Comité note que la plupart des pays dans lesquels les travailleurs migrants caboverdiens sont employés ne sont pas encore parties à la Convention, ce qui risque de faire obstacle à la jouissance, par ceux-ci, des droits qui leur sont reconnus par la Convention.

B.Aspects positifs

Le Comité note que l’État partie a conclu des accords bilatéraux et multilatéraux, aux plans régional et international, et l’encourage en ce sens dans la mesure où ces accords promeuvent et protègent les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille. Il relève, en particulier, que l’État partie a ratifié les instruments ci-après ou y a adhéré:

a)La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, le 15 juillet 2004;

b)Le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, le 15 juillet 2004;

c)Le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, le 15 juillet 2004;

d)La Convention de l’Organisation internationale du Travail sur l’âge minimum, 1973 (no138), le 7 février 2011;

e)La Convention de l’Organisation internationale du Travail sur les pires formes de travail des enfants, 1999 (no182), le 7 février 2011;

f)Le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le 10 octobre 2011;

g)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, le 10 octobre 2011;

h)La Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, le 10 octobre 2011.

Le Comité prend également note avec satisfaction des mesures institutionnelles et des mesures de politique générale ci-après :

a)Adoption du Troisième Document stratégique pour la croissance et la lutte contre la pauvreté, concernant la période 2012-2016, en décembre 2012;

b)Adoption de la Stratégie migratoire nationale et du plan d’action correspondant (2013-2016), en 2012;

c)Adoption de la Stratégie nationale de l’émigration pour le développement, en novembre 2013.

Le Comité juge positive la création d’un Service de coordination de l’immigration, en 2011, et de ses six groupes de travail, ainsi que d’une équipe spéciale nationale, chargée de mettre en œuvre la Stratégie migratoire nationale et de veiller à la prise en compte des questions relatives à l’immigration par toutes les institutions, dans le cadre de leurs activités.

C.Principaux sujets de préoccupation, suggestions et recommandations

1.Mesures d’application générale (art. 73 et 84)

Législation et application

Le Comité note avec satisfaction que plusieurs politiques, notamment la Stratégie migratoire nationale et la Stratégie nationale de l’émigration pour le développement, ont été adoptées pour protéger les droits des travailleurs migrants, et qu’un Service de coordination de l’immigration a été créé pour mettre en œuvre ces politiques de manière intégrée. Il relève toutefois avec préoccupation que la Convention n’est pas encore pleinement incorporée dans la législation nationale et que le cadre réglementaire régissant les questions relatives aux migrations reste fragmenté et incomplet.

Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour incorporer pleinement la Convention dans sa législation. Il lui recommande également de veiller à ce que ses lois et politiques nationales soient conformes aux dispositions de la Convention et à ce qu’elles soient rationalisées. Enfin, il lui recommande d’adopter et d’appliquer sans plus tarder la loi relative à l’immigration, le Code de l’investissement des migrants et la loi relative à l’asile.

Le Comité note que l’État partie n’a pas fait les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention, par lesquelles il reconnaîtrait la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications d’États parties et de particuliers.

Le Comité encourage l’État partie à envisager de faire sans tarder les déclarations prévues aux articles 76 et 77 de la Convention.

Le Comité note avec satisfaction que Cabo Verde est partie à plusieurs conventions de l’Organisation internationale du Travail, mais l’État partie n’a pas encore adhéré aux instruments suivants : la Convention sur la fixation des salaires minima, 1970 (no131), la Convention sur la sécurité et la santé dans la construction, 1988 (no167), la Convention sur les agences d’emploi privées, 1997 (no181), la Convention sur les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011 (no189), la Convention sur les travailleurs migrants (dispositions complémentaires), 1975 (no143) et la Convention sur les travailleurs migrants (révisée), 1949 (no97).

Le Comité invite l’État partie à envisager d’adhérer sans délai aux conventions de l’Organisation internationale du Travail auxquelles il n’est pas encore partie.

Le Comité prend note des informations communiquées par l’État partie dans le rapport national qu’il a soumis dans le cadre de l’Examen périodique universel en février 2013 (A/HRC/WG.6/16/CPV/1), selon lesquelles le projet des nouveaux statuts de la Commission nationale des droits de l’homme et de la citoyenneté a été élaboré conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris). Il relève toutefois avec préoccupation que, selon l’État partie, les statuts ne prendront effet qu’après la création du Bureau du Médiateur, prévu à l’article 21 de la Constitution. Il prend également note avec inquiétude de l’absence d’informations précises sur les activités de la Commission, son degré d’indépendance et son mandat global en ce qui concerne les droits des travailleurs migrants.

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter sans plus tarder les nouveaux statuts de la Commission nationale des droits de l’homme et de la citoyenneté, de garantir l’indépendance de la Commission nationale et de la doter de ressources financières et humaines suffisantes pour lui permettre de s’acquitter effectivement de son mandat conformément aux Principes de Paris. Il recommande aussi à l’État partie de doter la Commission d’un large mandat de sorte qu’elle puisse promouvoir et protéger les droits que les travailleurs migrants et les membres de leur famille tiennent de la Convention.

Collecte de données

Le Comité est préoccupé par le manque d’informations et de statistiques détaillées sur de nombreuses questions liées aux migrations, en particulier sur le nombre et la situation des travailleurs migrants étrangers présents dans l’État partie, ainsi que sur le nombre de travailleurs migrants qui sont ressortissants de l’État partie et qui travaillent à l’étranger, tout particulièrement en Angola et en Guinée équatoriale, et leurs conditions d’emploi, le nombre et la situation des rapatriés, des migrants en transit, des femmes et des enfants migrants non accompagnés. Le Comité rappelle que ce type de renseignement est indispensable pour évaluer la situation des travailleurs migrants, évaluer la mise en œuvre de la Convention et élaborer les mesures nécessaires à sa mise en œuvre.

Le Comité recommande à l’État partie de mettre en place un système national d’information sur les migrations aux fins de la compilation de données statistiques et d’informations relatives aux migrations portant sur tous les aspects de la Convention. Cette base de données centralisée devrait comprendre des renseignements détaillés sur le statut de tous les travailleurs migrants dans l’État partie, y compris ceux qui sont en transit et les émigrants ainsi que les travailleurs migrants en situation irrégulière. Le Comité encourage l’État partie à compiler des informations et des statistiques ventilées par sexe, âge, nationalité, motif d’entrée et de sortie et type de travail effectué, afin d’orienter efficacement la politique migratoire et de favoriser l’application de différentes dispositions de la Convention. Lorsqu’il n’est pas possible d’obtenir des renseignements précis, concernant par exemple les travailleurs migrants en situation irrégulière, le Comité demande à l’État partie de lui communiquer des informations fondées sur des études ou des estimations .

Coordination

Le Comité prend note de l’information concernant la création d’un Service de coordination de l’immigration chargé de traiter les questions relatives à l’émigration. Il est toutefois préoccupé par la coordination insuffisante entre les institutions et les services qui traitent les questions liées aux migrations. Il est également préoccupé par le manque d’informations sur les ressources humaines et financières allouées aux organismes publics s’occupant des questions liées aux migrations et sur le renforcement des capacités de ces organismes.

Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour améliorer la coordination entre ministères et organismes au niveau de l’État et à l’échelon local, aux fins de la mise en œuvre effective des droits protégés par la Convention. Il conviendrait notamment d’allouer des ressources humaines et financières suffisantes et de fournir des services de renforcement des capacités aux ministères et organismes chargés des questions liées aux migrations .

Formation à la Convention et diffusion de celle-ci

Le Comité prend note des efforts faits par l’État partie entre 2010 et 2013 pour dispenser une formation sur la Convention, notamment pour : organiser le séminaire sur la gestion des migrations et l’élaboration des politiques migratoires, qui a réuni des représentants de plusieurs organismes gouvernementaux et d’organisations non gouvernementales et des universitaires; mettre sur pied les missions d’évaluation qui en ont découlé; tenir un atelier sur la mise au point d’un plan national d’action relatif à l’immigration. Il note toutefois avec préoccupation que très peu d’informations relatives à la Convention et aux droits qu’elle consacre sont diffusées auprès de toutes les parties intéressées, parmi lesquelles les organismes publics nationaux, régionaux et locaux, les organisations de la société civile, et les travailleurs migrants et les membres de leur famille.

Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre et de renforcer la formation dispensée, au sujet des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille, tels qu’ils sont consacrés par la Convention, à l’ensemble des fonctionnaires travaillant dans le domaine des migrations, en particulier au personnel chargé de l’application des lois et de la surveillance des frontières, aux juges, aux procureurs et aux agents consulaires concernés, ainsi qu’aux agents publics et aux travailleurs sociaux aux échelons national, régional et local. En outre, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’intensifier les campagnes et les programmes d’information à l’intention des travailleurs migrants et des membres de leur famille sur les droits que leur reconnaît la Convention ;

b)De renforcer sa collaboration avec les organisations de la société civile et les médias afin de promouvoir la Convention et de diffuser l’information y relative dans tout le pays.

2.Principes généraux (art. 7 et 83)

Non-discrimination

Le Comité note que le principe de non-discrimination figure dans la législation de l’État partie et parmi ses obligations internationales. Il regrette toutefois que les droits fondamentaux des travailleurs migrants ne soient garantis qu’aux travailleurs migrants en situation régulière et selon le principe de la réciprocité.

Le Comité rappelle à l’État partie que le respect des droits de l’homme n’est pas fondé sur le principe de la réciprocité et lui recommande de modifier sa législation de sorte que tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille résidant dans le pays puissent jouir des droits consacrés par la Convention, sans discrimination aucune, conformément aux articles 1 er et 7 de la Convention et à l’observation générale n o 2 (20 1 3) sur les droits des travailleurs migrants en situation irrégulière et des membres de leur famille.

Le Comité relève avec préoccupation l’absence d’informations sur les mesures prises pour garantir le principe de non-discrimination dans la pratique, en particulier en ce qui concerne les travailleurs migrants en provenance d’Afrique de l’Ouest, qui seraient victimes de préjugés et de stigmatisation sociale.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir qu’aucune politique discriminatoire ne soit mise en œuvre sur son territoire. En outre, il recommande à l’État partie de prendre sans délai des mesures efficaces, notamment de dispenser une formation obligatoire aux fonctionnaires travaillant dans tous les domaines de l’immigration, aux plans national et local, et d’organiser, à l’intention du grand public, des campagnes de sensibilisation aux droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et aux moyens de reconnaître et de combattre les préjugés et la stigmatisation sociale dont ils sont victimes .

Droit à un recours utile

Le Comité est préoccupé par l’absence d’informations sur les recours administratifs, judiciaires et autres qui sont ouverts aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille dans l’État partie. Il regrette également le manque d’informations sur la coopération avec les pays d’origine.

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que, en droit comme en pratique, les travailleurs migrants et les membres de leur famille, même lorsqu’ils sont en situation irrégulière, aient les mêmes possibilités que les ressortissants de l’État partie de porter plainte et d’obtenir une réparation effective devant les tribunaux en cas de violation des droits qu’ils tiennent de la Convention, et à ce qu’ils soient informés des autres recours qui leur sont ouverts .

3.Droits de l’homme de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (art. 8 à 35)

Le Comité regrette l’absence d’informations concernant les garanties d’une procédure régulière dont bénéficient les travailleurs migrants et les membres de leur famille dans le cadre des procédures administratives et pénales, ainsi que l’absence d’informations sur les procédures de détention et d’expulsion visant des travailleurs migrants ou des membres de leur famille à Cabo Verde.

Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les travailleurs migrants et les membres de leur famille puissent bénéficier d’une aide juridictionnelle et des services consulaires et à ce que les garanties minimales énoncées dans la Convention soient respectées dans le cadre des procédures pénales ou administratives, dans le strict respect des articles 16 et 17 de la Convention . Il recommande également à l’État partie de promouvoir le recours à des mesures de substitution à la rétention des travailleurs migrants et des membres de leur famille. Enfin, i l lui recommande de fournir des informations détaillées sur le nombre d’immigrés arrêtés, placés en rétention et expulsés pour des infractions liées à l’immigration, ainsi que sur les motifs de la rétention et de l’expulsion de ces travailleurs migrants.

Le Comité note avec préoccupation qu’entre 2002 et 2005, plusieurs affrontements violents ont opposé les forces de l’ordre caboverdiennes à des migrants d’Afrique de l’Ouest, entraînant la mort de 12 personnes.

Le Comité recommande à l’État partie de mener rapidement des enquêtes sérieuses sur les causes profondes de ces affrontements et de ces décès, et de prendre des mesures pour en sanctionner les responsables. Il recommande également à l’État partie d’adopter les politiques et les programmes voulus pour éviter les affrontements de cette nature, notamment de prévoir une formation continue aux droits de l’homme à l’intention de tous les membres des forces de l’ordre.

Le Comité est préoccupé par le manque d’information sur l’assistance consulaire et diplomatique et l’aide juridictionnelle offertes par l’État partie aux travailleurs migrants caboverdiens, y compris ceux en situation irrégulière, en particulier dans les cas de sévices, d’arrestation, de détention ou d’expulsion.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De veiller à ce que tous les travailleurs migrants et les membres de leur famille puissent bénéficier d’une assistance consulaire aux fins de la protection des droits énoncés dans la Convention ;

b) De veiller à ce que le personnel de ses ambassades et de ses consulats à l’étranger ait une connaissance suffisante de la législation et des procédures des pays d’emploi des travailleurs migrants caboverdiens ;

c) De fournir des informations détaillées et ventilées sur le nombre de ressortissants travaillant à l’étranger qui ont été arrêtés, placés en détention et expulsés .

Le Comité note avec préoccupation que le Code du travail ne contient aucune protection contre la discrimination au motif de l’origine nationale. Il est en outre préoccupé par :

a)La limitation, par le décret-loi no6/97 de mai 1997 relatif à la situation juridique des étrangers sur le territoire national, du droit des migrants en situation régulière à l’éducation, ainsi que de leur droit de se réunir, de manifester, de faire grève et de s’affilier à des syndicats et à des associations professionnelles;

b)Les informations selon lesquelles des travailleurs étrangers originaires de Gambie, de Guinée, de Guinée-Bissau, de Mauritanie et du Sénégal recevraient des salaires bien inférieurs à ceux des travailleurs nationaux effectuant le même travail, ce qui est contraire aux dispositions du paragraphe 1 de l’article 15 du Code du travail;

c)L’absence d’informations sur la réforme de la législation relative à l’indemnisation en cas d’accident du travail, qui permettrait au Gouvernement d’adopter des dispositions spéciales garantissant le paiement des pensions en cas de résidence à l’étranger.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures législatives et pratiques nécessaires pour que les travailleurs soient aussi protégés contre la discrimination au motif de l’origine nationale. En outre, il recommande à l’État partie :

a) D’abroger toutes les dispositions du décret-loi n o 6/97 de mai 1997 qui sont contraires à la Convention ;

b) De redoubler d’efforts pour garantir l’égalité de traitement de tous les travailleurs migrants étrangers, et plus particulièrement l’égalité de rémunération pour un travail égal, et de faire en sorte que les employeurs qui n’offrent pas une rémunération égale aux travailleurs migrants effectuant le même travail que les travailleurs nationaux soient dûment sanctionnés ;

c) D’accélérer la réforme de la législation relative à l’indemnisation en cas d’accident du travail ;

d) De renforcer les campagnes d’information destinées aux travailleurs migrants en vue de prévenir et de combattre la maltraitance et l’exploitation sur le lieu de travail, notamment en mettant en place des permanences téléphoniques à l’intention des travailleurs migrants dont les droits ont été violés .

Le Comité salue la création par l’État partie, dans le cadre du partenariat de mobilité conclu avec l’Union européenne, du Centre d’aide aux migrants dans le pays d’origine, qui organise des séances de préparation au départ à l’intention des ressortissants de l’État partie qui partent s’installer au Portugal ou dans d’autres pays d’Europe et donne des informations sur Cabo Verde aux nationaux de retour. Le Comité relève toutefois avec préoccupation que les mêmes services ne sont pas fournis aux Caboverdiens qui ont l’intention de partir travailler dans d’autres régions. Il note également l’absence d’informations concernant le financement et les capacités de ce projet.

Le Comité recommande à l’État partie d’élargir les sessions d’orientation avant le départ à d’autres pays de destination. Il lui demande également de lui communiquer des renseignements complémentaires sur les activités du Centre, ainsi que sur les services qu’il offre et sur son financement .

Le Comité note que l’État partie a conclu des accords avec plusieurs pays dans le domaine de la sécurité sociale. Il demeure toutefois préoccupé par l’absence de renseignements sur certains de ces accords, par exemple sur l’application de la Convention de sécurité sociale conclue avec le Sénégal.

Le Comité recommande à l’État partie de fournir des informations détaillées sur les accords de sécurité sociale en vigueur, en particulier sur les régimes dont peuvent bénéficier les migrants caboverdiens et sur leur mise en œuvre dans la pratique. Il recommande en outre à l’État partie de conclure un plus grand nombre d’accords bilatéraux et multilatéraux de sécurité sociale avec les pays de destination des travailleurs migrants caboverdiens afin de garantir à ces derniers la pleine protection sociale .

4.Autres droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille qui sont pourvus de documents ou en situation régulière (art. 36 à 56)

Le Comité note qu’en vertu de l’article 282 du Code du travail, dans certaines circonstances, les contrats de travail des travailleurs migrants étrangers n’ont pas besoin d’être établis par écrit. Il trouve préoccupant que cet article laisse la possibilité de recruter illégalement des travailleurs migrants, surtout si ceux-ci sont arrivés récemment dans le pays et connaissent mal la langue et la loi. En outre, il relève avec préoccupation que les inspections des lieux de travail où sont employés de nombreux travailleurs migrants sont souvent insuffisantes et que l’État ne veille pas suffisamment au respect du Code du travail.

Le Comité recommande à l’État partie de modifier l’article 282 du Code du travail et d’exiger des contrats écrits pour tous les travailleurs migrants. Il recommande également à l’État partie de veiller à ce que les conditions d’emploi des travailleurs migrants fassent l’objet de contrôles fréquents et adéquats. Enfin, il lui recommande de redoubler d’efforts pour faire respecter le Code du travail et pour former les agents de la force publique, les inspecteurs du travail, les juges, les procureurs et les prestataires de services sociaux aux dispositions du Code .

Le Comité note que la législation nationale reconnaît le droit des Caboverdiens travaillant et résidant à l’étranger de voter et d’être élus à des fonctions publiques à Cabo Verde et que ce droit est également garanti aux binationaux et aux plurinationaux. Il est toutefois préoccupé par le manque d’informations sur la manière dont il est donné effet à ce droit et par le faible taux de participation électorale des membres de la diaspora, en particulier de ceux qui résident en dehors de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest.

Le Comité invite l’État partie à lui communiquer des informations détaillées sur la mise en œuvre du droit de vote et d’éligibilité des travailleurs migrants caboverdiens. Il lui recommande en outre de redoubler d’efforts pour informer les travailleurs migrants caboverdiens, en particulier ceux qui résident en dehors de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, de leurs droits électoraux, et de faire en sorte que toutes les conditions forme lles et pratiques soient réunies pour permettre et gérer le vote depuis l’étranger .

5.Promotion de conditions sûres, équitables, humaines et légales de migration internationale pour les travailleurs migrants et les membres de leur famille (art. 64 à 71)

Le Comité prend note avec satisfaction du programme « Diaspora au service du développement de Cabo Verde », qui a pour objectif d’associer les migrants qualifiés au développement du pays. Il constate toutefois avec préoccupation :

a)Que la responsabilité de fournir une assistance aux migrants qui rentrent dans leur pays échoit aux autorités municipales et que les modalités de cette assistance varieraient selon la municipalité;

b)Que les migrants de retour dans le pays ne sont peut-être pas conscients qu’il existe des services d’assistance;

c)Que les mesures d’incitation financière à l’intention des migrants qui rentrent chez eux seraient limitées, que le Code de l’investissement pour les émigrants n’a pas encore été adopté et qu’un grand nombre de banques n’offrent pas aux rapatriés des conditions favorables à l’investissement.

Le Comité recommande à l’État partie de mettre au point un programme qui, conformément aux principes de la Convention, facilite la réinsertion durable des travailleurs migrants et des membres de leur famille de retour dans leur pays dans le tissu économique, social et culturel de Cabo Verde , et d’allouer des crédits préaffectés à chaque municipalité en vue de garantir la mise en œuvre uniforme du programme dans l’ensemble du pays. Il recommande également à l’État partie de mettre sur pied des campagnes de sensibilisation à ce programme ainsi qu’à toute autre mesure d’assistance déjà en place. Enfin, il lui recommande de hâter l’adoption du Code de l’investissement des émigrants et de prendre toutes les mesures nécessaires, notamment de modifier sa législation, pour que les émigrants puissent bénéficier de conditions d’investissement avantageuses .

Le Comité constate avec préoccupation qu’un nombre croissant de migrants seraient renvoyés de force dans l’État partie et s’inquiète de l’absence d’informations au sujet de leur réinsertion économique et sociale.

Le Comité recommande à l’État partie de fournir toute l’aide nécessaire pour faciliter l’intégration sociale et économique des personnes contraintes de retourner à Cabo Verde, notamment de leur proposer des cours de portugais, et de veiller à ce que ces personnes ne soient pas stigmatisées dans le pays .

Le Comité note avec inquiétude que l’État partie est un pays d’origine, de destination et de transit de la traite des êtres humains et qu’à ce jour, il n’a pas adopté de loi complète interdisant et érigeant en infraction la traite des personnes. Il constate également avec préoccupation que le Plan national d’action contre la violence sexiste ne vise ni la traite des êtres humains, ni l’exploitation des femmes et des enfants par la prostitution, et s’inquiète :

a)De l’ampleur de la traite des personnes, en particulier à des fins d’exploitation par la prostitution et la servitude domestique;

b)De l’exploitation des femmes et des filles qui sont obligées de recourir à la prostitution comme stratégie de survie, et de l’effet néfaste que l’accroissement du tourisme risque d’avoir sur l’ampleur de la prostitution;

c)De l’absence d’informations sur le nombre d’enquêtes menées, de poursuites intentées et de condamnations prononcées pour traite et exploitation de la prostitution, ainsi que sur les éventuels mécanismes de prévention et de protection, notamment les programmes de réadaptation, qui ont été mis en place à l’intention des victimes.

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter et d’appliquer une loi complète sur la lutte contre la traite qui soit conforme au Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants. Cette loi devrait comporter une définition large de la traite des êtres humains qui repose sur des preuves d’exploitation plutôt que sur des preuves de déplacement. Le Comité recommande aussi à l’État partie :

a) De développer les services de protection, de réadaptation et de réinsertion des victimes de la traite des êtres humains et de veiller à ce que ces services disposent de ressources suffisantes et à ce que les victimes aient accès à des voies de recours ;

b) De dispenser aux policiers, aux gardes-frontières, aux juges, aux avocats et aux autres agents concernés une formation adaptée qui leur permette de repérer les victimes potentielles de la traite et de les orienter immédiatement vers les services d’assistance, et de veiller à ce que les victimes de la traite ne soient jamais considérées comme des criminels ;

c) De veiller à ce que la traite des êtres humains et l’exploitation de la prostitution soient dûment réprimées et d’élaborer et d’adopter un plan national d’action contre la traite, assorti d’indicateurs et d’objectifs mesurables ;

d) De recueillir des données sur l’ampleur et les causes profondes de la traite des personnes, données qui devraient être ventilées par âge, sexe et origine ethnique et ciblées sur les flux de traite en provenance et à destination du territoire de l’État partie, et via celui-ci .

6.Suivi et diffusion

Suivi

Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur les mesures prises pour donner suite aux recommandations formulées dans les présentes observations finales. Il lui recommande aussi de prendre toutes les mesures voulues pour que ces recommandations soient mises en œuvre, notamment de les transmettre, pour examen et suite à donner, aux membres du Gouvernement et de l’Assemblée nationale, ainsi qu’aux autorités locales.

Le Comité demande à l’État partie d’associer les organisations de la société civile à la mise en œuvre des recommandations formulées dans les présentes observations finales.

Diffusion

Le Comité demande également à l’État partie de diffuser largement la Convention et les présentes observations finales, notamment auprès des organismes publics, de l’appareil judiciaire, des organisations non gouvernementales et d’autres membres de la société civile, afin de mieux sensibiliser les pouvoirs judiciaire et législatif et les autorités administratives, ainsi que la société civile et le public dans son ensemble.

Assistance technique

Le Comité recommande à l’État partie d’avoir recours à l’assistance internationale, notamment à l’assistance technique, pour élaborer un programme global visant à mettre en œuvre les présentes recommandations et la Convention dans son ensemble. Il prie également l’État partie de continuer de collaborer avec les institutions spécialisées et les programmes des Nations Unies, notamment de demander à bénéficier des services d’assistance technique et de renforcement des capacités du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme pour pouvoir s’acquitter de ses obligations en matière de présentation de rapports.

Prochain rapport périodique

Le Comité demande à l’État partie de soumettre son rapport initial et son deuxième rapport périodique en un seul document au plus tard le 9  septembre 2016, d’y faire figurer des informations sur la mise en œuvre des présentes observations finales, et de veiller à ce qu’une délégation soit présente au prochain examen de l’État partie pour qu’un dialogue constructif puisse s’engager avec le Comité concernant l’application de la Convention.

Le Comité appelle l’attention de l’État partie sur ses directives harmonisées pour l’établissement de rapports (CMW/C/2008/1) et lui rappelle que les rapports périodiques doivent s’y conformer et ne pas excéder 21 200 mots (résolution 68/268 de l’Assemblée générale). Dans l’éventualité où un rapport dépasserait la limite établie, l’État partie serait invité à le raccourcir conformément aux directives susmentionnées. Si l’État partie n’est pas en mesure de revoir son rapport et de le soumettre à nouveau, la traduction de celui-ci aux fins de son examen par le Comité ne saurait être garantie.

Le Comité prie l’État partie d’assurer une large participation de tous les ministères et des organes publics à l’élaboration du prochain rapport périodique (ou des réponses à la liste de points, dans le cas de la procédure simplifiée d’établissement de rapports) et, parallèlement, de consulter largement toutes les parties intéressées, notamment la société civile, les travailleurs migrants et les organisations de défense des droits de l’homme.

Le Comité invite également l’État partie à lui soumettre un document de base commun n’excédant pas 42 400 mots, conformément aux critères énoncés dans les directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument, approuvées à la cinquième réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, en juin 2006 (HRI/MC/2006/3 et Corr.1).