Vingt-et-unième session

Compte rendu analytique de la 434e séance

Tenue au Siège, à New York, le mardi 15 juin 1999, à 10 heures.

Présidente :Mme Ouedrango (Vice-Présidente)

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial du Népal

En l’absence de la Présidente, Mme Ouedraogo, Vice-présidente, prend la présidence.

La séance est ouverte à 10 h 20.

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial du Népal (CEDAW/C/NPL/1)

Sur l’invitation de la Présidente, M. Shakya (Népal) prend place à la table du Comité.

M. Shakya (Népal), présentant le rapport initial du Népal (CEDAW/C/NPL/1), dit que le Népal a récemment adhéré à plusieurs instruments internationaux dans le domaine des droits de l’homme, y compris la Déclaration sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW). Il a aussi le plaisir de signaler que, depuis l’adoption de la nouvelle Constitution en 1990, la peine de mort a été complètement abolie. Les libertés fondamentales et les droits fondamentaux sont proclamés dans la Constitution népalaise, qui a été promulguée sur la base de l’égalité entre les hommes et les femmes. Mais la pauvreté est un obstacle majeur à la mise en œuvre de nombreux instruments internationaux : on estime que 50 % de la population népalaise vit dans la misère et d’autre part la pauvreté en zone urbaine a augmenté rapidement pendant la dernière décennie. Le Gouvernement estime que les droits de l’homme devraient faire partie intégrante de toutes les stratégies et programmes visant à réduire la pauvreté.

À la veille du XXIe siècle, les femmes népalaises sont toujours réduites au silence, exploitées, négligées et leur sécurité est peu garantie du fait de l’analphabétisme, de la pauvreté, des coutumes traditionnelles et d’un système juridique discriminatoire. Les femmes représentant un peu plus de la moitié de la population, l’avancement de leur condition contribue à assurer le développement d’ensemble du pays. En conséquence, le gouvernement applique une approche d’« amélioration de la condition de la femme » depuis le sixième plan quinquennal de développement. Dans le huitième plan, plusieurs politiques ont été adoptées pour intégrer les femmes dans l’action de développement national, afin d’assurer leur participation dans tous les secteurs, améliorer leur statut social, économique, politique, juridique et leur niveau d’instruction, accroître leurs capacités par l’acquisition de compétences en vue de la création d’emplois et créer un environnement approprié leur permettant de participer à la prise de décisions au niveau national comme au niveau local. Conformément aux engagements souscrits à la quatrième Conférence mondiale sur les femmes à Beijing, un plan de travail national pour l’égalité entre les sexes et l’autonomisation des femmes a été formulé et il a été créé un Ministère de la condition féminine et de la protection sociale.

Parmi les obstacles à surmonter pour améliorer la situation de la femme figurait un système juridique et social qui les empêchait d’accéder à la propriété, à l’emploi et à d’autres ressources économiques. En raison de leur faible niveau d’instruction, les femmes ne peuvent toujours pas accéder à la prise de décisions politique et administrative. Le taux de mortalité maternelle de 53,9 pour 10 000 naissances vivantes est très élevé et contribue à ce que l’espérance de vie des femmes soit inférieure à celle des hommes. Seulement 30 % des Népalaises sont alphabétisées contre 66 % des Népalais.

Le neuvième plan quinquennal de développement cible particulièrement les femmes pour atteindre son objectif général de réduction de la pauvreté et de développement des ressources humaines. Ses stratégies et politiques de mise en œuvre visent à faire participer les femmes à l’action générale de développement. La contribution des femmes au travail ménager va être évaluée et prise en compte dans le système des comptes nationaux. La structure institutionnelle existante sera renforcée et des indicateurs appropriés ventilés par sexe seront mis au point à des fins de surveillance et d’évaluation. Afin d’éliminer les inégalités entre les sexes, la législation sera examinée en vue d’éliminer les lois discriminatoires et les discriminations actuelles seront progressivement réduites avec l’adoption de politiques et de programmes de discrimination positive. Les organismes nationaux et locaux seront mobilisés pour lutter contre la violence à l’égard des femmes par des mesures de prévention et de réadaptation.

Le plan de travail national pour la parité des sexes et l’émancipation des femmes concerne 11 domaines critiques devant faire l’objet d’une attention particulière : pauvreté, éducation, santé, violence, insurrection armée, économie, élaboration des politiques, structure des institutions, droits de l’homme, environnement et enfants. Plusieurs programmes dans ces secteurs devront être mis en œuvre dans le contexte du neuvième plan de développement. Dans le secteur de l’éducation, l’objectif consiste à porter le taux d’alphabétisation des femmes à 67 % et la proportion d’enseignantes et de femmes intervenant dans la formation professionnelle à 50 %. Dans le secteur de la santé, des programmes mettront l’accent sur la maternité sans risques et les soins aux femmes âgées. Le programme de planification familiale devra aussi être sensiblement renforcé. Pour améliorer la productivité des femmes dans l’agriculture, il est prévu des programmes pour leur permettre d’accéder aux techniques de production et au crédit. Les programmes visant à améliorer la participation des femmes dans l’économie mettront l’accent sur la formation et les dispositifs de microcrédit. Dans le domaine juridique, il sera créé un tribunal de la famille et des dispositions légales seront adoptées pour réduire les disparités économiques entre les hommes et les femmes. L’approche juridique pour prévenir les actes de violence contre les femmes sera examinée et renforcée. Des séminaires de formation et des campagnes de publicité seront organisés pour sensibiliser le public au sujet de l’égalité entre les sexes aux niveaux politique, administratif et local.

Les problèmes de la traite des femmes et jeunes filles et de la prostitution s’aggravent. En vue d’y faire face, il a été créé un foyer pour l’autonomie et la réinsertion assurant sur place la mise en œuvre d’un programme de formation professionnelle de six mois à l’intention des victimes de la traite. Le Ministère de la condition féminine et de la protection sociale a créé un comité national de coordination chargé de coordonner l’exécution de tous les programmes mis en œuvre par des organismes publics en vue d’éviter les doubles emplois et de garantir une surveillance et une évaluation efficaces. Les secrétaires des principaux ministères sont membres de ce comité. Le Ministère de la condition féminine a également formulé un plan d’action national en vue de donner suite au Programme d’action de Beijing.

Le Ministère a constitué une équipe spéciale chargée d’examiner les lois qui établissent une discrimination à l’égard des femmes et a recommandé au Ministère de la loi et de la justice d’y apporter des amendements. Un projet de loi définissant les droits des filles en matière successorale, une loi sur la violence familiale et la création de tribunaux de la famille a été soumis à la Chambre des représentants, mais malheureusement, suite aux élections tenues en mai 1999, le Parlement a été dissous et le projet de loi devra être présenté à nouveau à la prochaine session. Les femmes demeurent sous-représentées dans la fonction publique où elles représentent moins de 8 % de l’effectif total et seulement 3 % des postes supérieurs.

Se référant à la participation des femmes au processus politique, M.Shakya note que lors des élections générales de mai 1999, 13 femmes candidates sur 142 ont été élues à la Chambre des représentants. Ce chiffre représente le double du total des élections précédentes. La Constitution exige aujourd’hui que cinq pour cent des candidats présentés par les partis politiques soient des femmes; lors des récentes élections, 10 % des candidats ont été des femmes. Il n’y a pas encore de femmes au Conseil des ministres, mais le Premier ministre a donné de fermes assurances que lorsque le Conseil sera élargi, il comportera des femmes ministres. La délégation népalaise accueillera favorablement toute suggestion des membres du Comité concernant les moyens d’améliorer ses prochains rapports périodiques et la situation de la femme au Népal en général.

La Présidente félicite le gouvernement népalais d’avoir ratifié la Convention sans aucune réserve ainsi que pour les efforts qu’il déploie en vue de promouvoir l’égalité des chances pour les hommes comme pour les femmes. Elle félicite aussi la délégation népalaise pour avoir établi un rapport franc et objectif. Ce rapport est conforme aux directives du Comité, ce qui devrait non seulement en faciliter l’évaluation, mais aussi favoriser un dialogue constructif.

Observations générales

Mme Taya félicite le Népal de ses efforts visant à renforcer la démocratie depuis 1990, en particulier de ce qu’il fait pour améliorer l’éducation des filles et pour promouvoir la démocratie à un niveau proche de la population.

Mme Abaka dit que les lois sur l’égalité des droits ne sont pas appliquées. Elle se dit particulièrement préoccupée par la traite des enfants à des fins d’exploitation sexuelle commerciale et par le travail des enfants, en dépit de lois qui remontent à 1950. Les dispositions pénales pertinentes devraient être strictement appliquées. Les enfants de quatorze ans, exposés à des risques particulièrement élevés, doivent être convenablement protégés par les pouvoirs publics. Mme Abaka est également préoccupée par le fait que les droits des femmes en matière de santé génésique ne sont pas reconnus en tant que droits de l’homme fondamentaux.

Mme Corti dit qu’elle aurait préféré que le rapport soit présenté par une femme, car les femmes sont plus sensibles quand il s’agit de leurs droits et de leurs problèmes concrets. Notant le nombre considérable de groupes ethniques, langues et religions au Népal, elle se demande quelles difficultés le gouvernement rencontrera pour élaborer une politique qu’une population aussi diverse pourrait appuyer. À son avis, il se pourrait dans certains cas que la préservation des cultures de différents groupes fasse obstacle à l’émancipation des femmes et à l’égalité. Les mécanismes de l’État au Népal paraissent être dans la dépendance de normes, croyances et valeurs patriarcales, ce qui explique la situation très inférieure des femmes. A cet égard, elle demande si le Ministre de la condition féminine et de la protection sociale est une femme ou un homme. Elle se demande aussi qui a établi le rapport du Népal et dans quelle mesure des organisations non gouvernementales ont participé à sa rédaction.

Les valeurs patriarcales l’emportent sur les lois aux Népal. Par exemple une mère seule ne peut enregistrer la naissance de son enfant et les femmes font l’objet d’une discrimination en ce qui concerne la législation de l’adoption. En fait la « préférence pour les fils » est très fortement enracinée au Népal et dans les lois népalaises. Le taux très élevé de prostitution, surtout chez les petites filles et le manque de toute mesure explicite pour éliminer ce comportement criminel, dénotent un manque de volonté politique pour venir à bout de la discrimination à l’égard des femmes. De plus, comme le montrent les chiffres récents des élections parlementaires, la participation politique des femmes est pratiquement inexistante. Les normes et les attitudes patriarcales paraissent être les principaux obstacles à l’émancipation des femmes au Népal et au respect par le Népal de ses engagements en vertu de la Convention. Très peu a été fait pour éliminer les stéréotypes.

Mme Aouij dit que, si le Népal a bien aboli la peine de mort, il continue de criminaliser l’avortement qui tue des femmes chaque jour et leur refuse le droit à la vie, un droit fondamental. En fait, les complications liées à l’avortement sont le principal facteur expliquant un taux de mortalité maternelle de 1 500 pour 100 000 naissances, qui est le plus élevé en Asie du Sud. C’est aussi la raison de la plus faible espérance de vie des femmes. Même dans le projet de loi soumis au Parlement qui vise à réviser les lois existantes, l’avortement ne sera légal que pour les femmes mariées, avec le consentement de leurs maris, ce qui signifie que les femmes n’ont pas la maîtrise de leur propre corps. Le projet de loi doit être révisé et adopté dès que possible par le Parlement, car l’avancement des femmes et leur santé sont liés directement au développement du pays et à son bien être.

Articles 1 et 2

Mme Taya, se référant aux projets de loi soumis au Parlement sur les droits successoraux et la location, se demande s’il faut prévoir des obstacles à leur adoption et souhaiterait recevoir des informations sur la durée requise pour cette adoption. Elle souhaite également savoir quelles mesures ont été prises par le gouvernement, parallèlement à la présentation du projet au Parlement, pour modifier les lois ouvertement discriminatoires, tels que celles sur le mariage et la bigamie.

Mme Cartwright dit que la Convention a été ratifiée sans réserves par le gouvernement népalais et s’en félicite, mais qu’il est beaucoup plus difficile d’en respecter les dispositions. Le Népal est confronté à de graves problèmes en matière de pauvreté et de santé et il existe un écart considérable entre la loi et la pratique. Il importe beaucoup que la loi ne soit pas seulement promulguée, mais qu’elle soit appliquée, ce qui prouverait que le Gouvernement n’entend pas maintenir de discrimination à l’égard d’aucun de ses citoyens.

Il est urgent d’amender la loi pour garantir que les femmes aient les mêmes droits que les hommes en matière de succession. Mme Cartwright est sérieusement préoccupée par le fait que la Chambre des représentants a présenté un projet de loi qu’elle a laissé venir à expiration, alors même que la Cour suprême dispose de pouvoirs étendus pour apporter des amendements à la législation et à la politique. Elle s’inquiète aussi du fait que, si la Cour a bien pris des mesures en matière de législation successorale, elle a néanmoins demandé à la Chambre des représentants de veiller à ce qu’il n’y ait pas de discrimination à l’égard des hommes. Les observations de la Cour suprême et l’inaction de la Chambre des représentants montrent qu’il existe toujours une discrimination profondément enracinée à l’égard des femmes. Le Gouvernement népalais a fermement indiqué qu’il voulait intégrer les femmes au processus de développement à égalité avec les hommes. Si le Gouvernement veut sérieusement garantir la participation des femmes au processus de développement, les femmes doivent pouvoir accéder à la propriété des terrains et d’autres biens à égalité avec les hommes.

Quant aux autres lois restant à amender ou à appliquer, la législation du mariage doit fixer le même âge pour le mariage pour les femmes que pour les hommes. Mme Cartwright appelle l’attention sur la recommandation générale N°21 du Comité indiquant les raisons pour lesquelles les époux doivent atteindre l’âge de 18 ans avant le mariage, notamment la maturité physique et la capacité à assumer les responsabilités de l’adulte. Dans tous les cas, le mariage des enfants de moins de 16 ans – atteinte grave à leur intégrité physique et à leur droit à l’enfance – doit être interdit et sanctionné sévèrement. Les lois sur la nationalité doivent être amendées pour permettre aux enfants de femmes ou d’hommes naturalisés d’obtenir la citoyenneté. De plus, pour remédier à la participation très insuffisante des femmes dans les institutions judiciaires, le Gouvernement doit commencer à rechercher énergiquement des candidates compétentes. Étant donné par ailleurs que le personnel des institutions judiciaires est sélectionné par le Conseil juridictionnel, le Gouvernement pourrait commencer par en modifier la composition en y incluant quelques femmes. Le Gouvernement devrait aussi amender la loi sur le divorce pour garantir un accès égal au divorce et supprimer les paiements de dots, qui favorisent la discrimination.

Le code pénal doit aussi être révisé en grande partie pour garantir l’égalité de traitement. Il n’existe apparemment pas de loi traitant de la violence à l’égard des femmes, question importante. La recommandation générale N°19 du Comité et la Déclaration de l’Assemblée générale sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes contiennent des définitions utiles qui pourraient servir de points de départ pour l’adoption de lois et de politiques. Enfin, il faut féliciter le Gouvernement pour les premières mesures qu’il a prises pour mettre fin à la traite des femmes, autre problème grave au Népal.

Mme Shalev dit que la situation des femmes au Népal est affligeante. Confronté à des problèmes très difficiles, le Gouvernement népalais pourrait facilement adopter dans un premier temps des mesures législatives. La pauvreté et les stéréotypes culturels et sociaux sont certainement redoutables, mais le Gouvernement a les moyens de légiférer en matière familiale. Ainsi, il devrait amender le plus tôt possible les dispositions discriminatoires des lois sur le divorce qui refusent la garde des enfants à la mère après le divorce. Il faut aussi prévoir immédiatement un régime légal de l’avortement car, comme l’indique la recommandation N°24 du Comité sur les femmes et la santé, le refus par un État partie d’assurer le fonctionnement de certains services de santé génésique à l’intention des femmes est une mesure discriminatoire.

Mme Ferrer, faisant siennes les préoccupations exprimées par Mme Cartwright concernant l’application de l’article 2, demande quelles sont les mesures précises adoptées par le Gouvernement pour concrétiser son intention d’instituer un traitement égal et d’abroger les lois discriminatoires et quelles priorités il s’est fixé. Le rapport (par.45 et 50) indique que la Cour suprême a le droit – qu’il a exercé dans certaines occasions – d’abroger, en vertu de ses pouvoirs extraordinaires de révision judiciaire, toute loi qui restreint de façon déraisonnable l’exercice des droits fondamentaux. Mme Ferrer se demande si le Gouvernement entend avoir recours à la procédure existante.

Mme Khan félicite le Népal d’être l’un des rares pays d’Asie du Sud à avoir ratifié tous les instruments les plus importants concernant les droits de l’homme et d’avoir intégré la Convention dans sa législation interne. Il est évident que le Gouvernement est conscient de ses obligations, compte tenu des dispositions constitutionnelles énoncées dans le rapport (par.34 et suivants). Mais, comme Mme Cartwright l’a souligné, il est très décevant de constater que tant de lois discriminatoires en vigueur restreignent les droits des femmes dans autant de secteurs. En ce qui concerne les lois sur les successions, de mécanismes sociaux et légaux complexes se renforcent mutuellement pour priver les femmes de leurs droits. La pauvreté, une sensibilisation insuffisante aux problèmes sociaux et des préjugés fortement enracinés sont au cœur du problème. Cependant comme le Gouvernement pourrait-il faire prendre conscience des problèmes sociaux s’il accepte la discrimination en n’adoptant pas des lois antidiscrimination ? Les pouvoirs publics doivent être les premiers à agir s’ils veulent que les conceptions sociales et les comportements évoluent. Par conséquent, Mme Khan aimerait savoir quelles mesures le Gouvernement a prises pour abolir les lois qui représentent des violations de la Convention et aussi de l’article 11 de la Constitution du Népal et s’il y a des chances que le projet de loi définissant les droits successoraux des filles (additif au rapport, p.18) soit présenté à nouveau et adopté à bref délai.

Mme Acar dit que l’égalité en droit, insuffisante par elle-même, est indispensable pour tout progrès ultérieur. Le Gouvernement doit donc agir immédiatement pour annuler les lois contraires à la Convention et à la Constitution. Mme Acar se déclare troublée par l’attitude résignée du Gouvernement que trahit la déclaration formulée dans l’additif au rapport (p.4 par.2) selon laquelle, à long terme, on pourrait envisager que le Népal soit un des pays qui apprécient plus les fils que les filles, à moins que des mesures politiques, administratives, socioéconomiques et juridiques d’action positive soient formulées et mises en œuvre. En particulier dans les sociétés patriarcales et autoritaires, où l’action positive est un instrument efficace, des mesures audacieuses et radicales doivent être prises. Les politiques juridiques égalitaires doivent précéder l’action positive. Une directive récente de la Cour suprême en faveur de l’adoption immédiate de lois correctives a été mise en échec au Parlement et il serait intéressant de savoir ce que le Gouvernement entend faire pour remédier à cette situation et en général prendre plus rapidement les mesures nécessaires.

Article 3

Mme Goonesekere dit qu’elle estime, comme Mme Cartwright, que le Gouvernement doit entreprendre une action d’ensemble pour garantir l’égalité des femmes. Le Népal se distingue en Asie du Sud en tant que pays où le soutien du peuple a permis la création d’un gouvernement démocratique, ce qui suscite des espoirs correspondants dans la population népalaise. Mais le pays se trouve dans une situation en conflit avec la législation et avec une constitution proclamant l’égalité et les normes internationales des droits de l’homme. Les promesses de démocratisation ne concernent pas encore les femmes au Népal. Le Gouvernement devrait fixer des objectifs et des délais limites pour la promotion des femmes et définir les indicateurs de progrès correspondants.

Mme Goonesekere aimerait savoir si le Gouvernement a agi en ce sens et aussi s’il a défini un plan à long terme et des délais pour réformer la législation, ce qui doit être fait régulièrement et dans tous les domaines. Comment, par exemple, le Gouvernement prévoit-il d’appliquer la directive de la Cour suprême concernant l’adoption des lois non discriminatoires en matière d’héritage que le Parlement n’a pas adoptées. Il faut s’attaquer à ce problème, parce qu’un gouvernement est sérieusement décrédibilisé quand les décisions judiciaires ne sont pas suivies de mesures exécutives et législatives. Mme Goonesekere voudrait aussi savoir pourquoi la loi de 1997 portant création de la Commission des droits de l’homme n’a pas été appliquée, si le Gouvernement a élaboré un plan de participation des femmes et, dans l’affirmative, comment les diverses institutions vont coordonner leur action en vertu de ce plan. Elle souhaiterait aussi avoir une ventilation des crédits budgétaires consacrés aux questions relatives aux femmes.

La réduction de la pauvreté doit être l’objectif prioritaire mais si les femmes ne sont pas intégrées à ce processus, il n’y aura aucun progrès. Bien qu’aucune Népalaise ne l’ait encore fait, il serait tout à fait possible d’introduire une demande internationale en réparation d’un préjudice en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, après épuisement des voies de recours internes – et bientôt en vertu d’un Protocole facultatif se rapportant à la Convention, à moins que le Gouvernement n’agisse rapidement pour améliorer la situation des femmes dans le pays.

Article 5

Mme Hazelle, se référant aux pratiques habituelles, fait observer que le Népal a des lois interdisant les mariages d’enfants et la polygamie, violations graves examinées dans la recommandation générale N° 21 du Comité, mais que ces lois restent inefficaces parce que les sanctions sont beaucoup trop légères, ce qui revient indirectement à approuver ces pratiques. Mme Hazelle demande comment le Gouvernement entend faire passer un message important en vue de faire appliquer les interdictions.

Quant aux motifs de dissolution du mariage et à la déclaration figurant dans le rapport (par.62 ii)) selon laquelle une femme ne peut obtenir le divorce si elle estime seulement que le mariage lui est dommageable du point de vue mental, physique ou émotionnel, il faut souligner que la violence fondée sur l’appartenance au sexe féminin n’est nullement inoffensive. Ces mauvais traitements menacent la vie même de la femme. Enfin, il serait utile de savoir si le Gouvernement a pris des mesures concernant les décisions de la Cour suprême mentionnées aux paragraphes 142, 143 et 144 du rapport, qui concernent toutes des demandes introduites par des femmes contre des dispositions législatives discriminatoires à leur égard.

Mme Ferrer dit que le Gouvernement devra faire preuve d’une forte volonté politique pour modifier des traditions fortement enracinées qui asservissent les femmes, notamment des pratiques aberrantes consistant à marier des enfants avant la puberté, marier des fillettes à des hommes âgés ainsi que la tradition des « prostituées des temples ». Il serait utile de savoir si le Ministère de l’éducation organise des cours de formation et de sensibilisation dans ces domaines à l’intention des enseignants, des professionnels et du public en général, et s’il diffuse des informations éducatives pertinentes par l’intermédiaire des médias.

Dans plusieurs cas, le rapport cite des modifications mineures apportées à des lois manifestement discriminatoires. Une loi autorisant la femme à divorcer si le mari entretient une autre femme ou refuse de subvenir aux besoins de la famille y est décrite comme une disposition libérant les femmes de l’assujettissement à leurs maris. Mais une femme devrait être libre de divorcer simplement du fait qu’elle n’aime plus son mari. Est-ce que le Gouvernement envisage une révision radicale de la législation pour garantir aux femmes l’exercice de leurs droits en vertu du Pacte? Enfin, il serait intéressant de savoir quelle est l’incidence de la violence contre les femmes au Népal, quelles mesures sont prises en vertu de la loi pour y faire face et quel régime est applicable aux femmes battues.

Mme Goonesekere dit que malheureusement le rapport ne mentionne pas le problème de la violence contre les femmes. Elle note que la loi interdisant l’avortement punit de longues peines d’emprisonnement les femmes qui recourent à cette pratique et que l’on s’est inquiété des actes de violence commis contre les femmes en prison. Le Gouvernement envisage-t-il de prendre des mesures pour protéger les femmes contre les actes de violence perpétrés par le personnel pénitencier ? Le rapport n’examine pas non plus la question des actes de violence commis pour des questions de dot, ce problème étant couramment rencontré dans les pays de l’Asie du Sud-Est.

Mme Khan demande si le Gouvernement a examiné la question de la révision des dispositions du Muluki Ain qui, d’après le rapport, sont fondées sur le système des castes et une tradition de domination masculine. Elle regrette aussi que le rapport ne mentionne pas les cas de violence familiale qui d’après plusieurs organisations non gouvernementales sont très répandus. Le Muluki Ain approuve la polygamie bien que celle-ci soit interdite par la Constitution et la législation. La polygamie, cause importante de violence contre les femmes, étant pratiquée à une échelle inquiétante au Népal, Mme Khan aimerait savoir si des études ont été entreprises pour évaluer cette pratique. La prostitution des femmes et des filles est également alarmante : les jeunes femmes de la caste Badi qui travaillaient traditionnellement comme professionnelles du spectacle dans la partie occidentale du Népal se livrent à la prostitution et pas moins de 200 000 Népalaises âgées de 16 à 20 ans travaillent comme prostituées dans les pays voisins.

Bien que l’industrie népalaise du tourisme soit en plein essor, le rapport ne mentionne pas le tourisme, qui expose les femmes et les filles à l’exploitation sexuelle. Le prochain rapport devrait évoquer cette question. Il serait utile de savoir si le Gouvernement a établi un plan d’action complet pour s’attaquer à la traite des êtres humains, quelles mesures ont été prises pour appliquer les dispositions pertinentes du Muluki Ain, et si les responsables de l’application des lois reçoivent une formation pour traiter de ce problème. Mme Khan aimerait savoir si le Népal a entrepris des efforts de coopération régionale en vue de mettre en œuvre la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui et s’il a l’intention de ratifier immédiatement la convention pour la répression de la prostitution récemment adoptée par l’Association sud-asiatique pour la coopération régionale (SAARC). Il serait aussi utile de connaître les principales caractéristiques du plan d’action visant à lutter contre la traite des femmes et des enfants, les recommandations présentées par l’équipe spéciale nationale et aussi de savoir si des mécanismes ont été créés pour éliminer ce fléau.

De même le rapport mentionne la grande diversité des groupes ethniques vivant au Népal. Certains de ces groupes habitent des régions montagneuses isolées et l’isolement a une forte incidence sur la situation et le statut des femmes. Les femmes Terai du Népal septentrional ne sont pas seulement des travailleuses réduites en esclavage, mais elles sont aussi considérées comme la propriété sexuelle des propriétaires. Leurs enfants sont aussi réduits en esclavage dès la naissance et le système d’exploitation est ainsi transmis de génération en génération. Les femmes Dalit, qui appartiennent à la plus basse caste, ne sont pas seulement extrêmement pauvres, mais elles sont aussi sous la coupe des castes supérieures. Alors que le taux national d’alphabétisme pour les femmes est de 25 %, chez les Dalit il est seulement de 4 %. Le taux national de prévalence de la contraception atteint 30 %, chez les Dalit il est de 7 %.

La mortalité maternelle est beaucoup plus élevée chez les Dalit que chez les autres Népalaises. En outre, de plus en plus de Dalit sont impliquées dans des affaires de traite et de petite délinquance; d’après le rapport la grande majorité des femmes emprisonnées sont des Dalit. Leur extrême isolement social et économique exclut toute possibilité d’ascension sociale. Il serait utile de savoir si le Gouvernement prévoit de prendre des mesures pour remédier à cette situation, si des lois ont été adoptées pour interdire la discrimination fondée sur le système des castes, et si les fonctionnaires de l’Etat sont sanctionnés lorsqu’ils refusent de fournir des services obligatoires à des personnes d’une caste inférieure.

Mme Khan appelle l’attention sur les recommandations résultant des consultations sur la culture et les coutumes, récemment organisées par l’International Women’s Rights Action Watch (IWRAW). Il en ressort qu’avant de prendre des mesures pour améliorer le statut des femmes et modifier des pratiques et des préjugés fortement enracinés on devra étudier de façon approfondie les moyens utilisés par les hommes pour dominer l’ordre social, définir la culture et justifier leurs pratiques de domination. En tant que personne de culture traditionnelle, Mme Khan est profondément convaincue que le seul moyen d’obtenir des changements consiste à mettre en cause ces justifications. Mais c’est au Gouvernement qu’il incombe d’instaurer le changement. Il doit modifier la législation et mener des campagnes d’éducation intensives. Mais il doit, avant tout, respecter l’engagement qu’il a pris de faire respecter les droits des femmes.

Article 6

Mme Taya fait observer que le Ministère de la condition féminine et de la protection sociale a élaboré des politiques et des projets nationaux de lutte contre la traite des filles, qui englobent notamment des mesures visant à réduire la pauvreté, assurer l’autonomie des femmes et développer la coopération internationale pour mettre un terme à cette traite. Quelles mesures ont été prises pour mettre en œuvre immédiatement ces projets ?

Mme Regazzoli dit que bien que le Népal ait fait siennes toutes les principales initiatives internationales visant à lutter contre la traite des enfants, très peu de trafiquants ont été signalés. Il est donc difficile de savoir si des mesures pratiques ont été prises pour éliminer ce problème. Mme Regazzoli demande si le Gouvernement a pris des dispositions pour rendre compte de ces incidents à l’Organisation internationale de police criminelle (Interpol) et s’il a pris des mesures pour faciliter la rééducation et réinsertion des enfants qui ont été sauvés et ramené chez eux. En outre, il serait utile de savoir le montant annuel des recettes du tourisme et si des programmes ont été mis sur pied pour apprendre aux femmes à tirer parti du tourisme et de la foresterie. À son avis, des cours de formation pour permettre aux femmes d’entreprendre un travail productif pourrait s’avérer efficaces pour combattre l’exploitation sexuelle des femmes et des enfants.

Mme Corti demande quels plans ont été adoptés pour s’attaquer immédiatement au problème inquiétant de la prostitution des femmes Népalaises. Elle aimerait savoir si le Gouvernement a entamé des entretiens avec l’Inde et d’autres pays concernant la traite des femmes et des enfants, s’il a entrepris le processus d’examen et d’amendement de la législation pertinente, s’il envisage la création de centres de rééducation et réinsertion des filles traumatisées par la prostitution et le versement d’indemnités aux victimes, et si des conseils juridiques gratuits sont dispensés aux victimes de violence. Le Népal a évoqué la tenue de séminaires et la distribution de publications; il serait peut être préférable de commencer par améliorer le taux d’alphabétisme des femmes.

La séance est levée à 13 heures.