Trente-troisième session

Compte rendu analytique de la 687e séance

Tenue au Siège, à New York, le jeudi 7 juillet 2005, à 10 heures

Présidente :Mme Manalo

Sommaire

Examen des rapports présentés par les État parties, conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Examen du document contenant le rapport initial et les deuxième et troisième rapports périodiques combinés du Bénin

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports présentés par les État parties, conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial et deuxième et troisième rapports périodiques combinés du Bénin (CEDAW/C/BEN/1 à 3; CEDAW/PSWG/ 2005/II/CRP.1/Add.1)

À l’invitation de la Présidente, la délégation béninoise prend place à la table du Comité.

Mme Hounkpe-Ahougbenou (Bénin), présentant le rapport initial et les deuxième et troisième rapports périodiques combinés du Bénin (CEDAW/C/BEN/1 à 3), rappelle que le Bénin est un pays d’Afrique de l’Ouest comptant environ 6,7 millions d’habitants. Depuis 1990 le régime en place est démocratique et respecte l’état de droit. L’adoption, en décembre de cette même année, de la Constitution a marqué l’avènement d’une culture de respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.

La Constitution dispose la création de plusieurs organes chargés de protéger les droits de l’homme, nommément l’Assemblée nationale, le Conseil économique et social, la Haute Autorité de l’audiovisuel et de la communication, la Cour constitutionnelle, le Tribunal de grande instance, la Cour suprême, ainsi que différents tribunaux et cours de justice. En outre, plusieurs commissions, comités et départements techniques sont chargés de prendre les mesures requises pour protéger et promouvoir les droits de la femme. Ils relèvent soit du Ministère de la justice, de la législation et des droits de l’homme, soit du Ministère des affaires étrangères et de l’intégration africaine, soit du Ministère de la famille, de la protection sociale et de la solidarité. Une Commission nationale des droits de l’homme a également été mise en place. Plusieurs ONG contribuent activement à la promotion des Béninoises qui sont habilitées à participer à la vie politique, économique et sociale du pays à tous les niveaux.

L’article 26 de la Convention pose le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes. D’autres instruments législatifs ont également été adoptés dans le cadre de l’application de la Convention, dont le Code du travail en 1998 qui assure une protection particulière aux femmes dans certaines situations, le décret No 2001-019 qui régit les conditions d’accès à la pension de veuvage, la loi relative à la suppression des mutilations génitales. En outre, la Politique nationale pour la promotion de la femme a été adoptée en janvier 2001.

Les progrès ont été lents car certains élus, pour des raisons socioculturelles, n’ont pas encore complètement accepté le principe de l’égalité entre les sexes. Cependant, après huit ans de préparation, le nouveau Code de la personne et de la famille est finalement entré en vigueur le 1er décembre 2004. Il fixe l’âge légal du mariage à 18 ans pour les deux sexes et autorise les femmes mariées à conserver leur nom de jeune fille. Le Code proscrit également la pratique du lévirat, prévoit le partage des tâches domestiques entre époux et stipule que les femmes, à tout âge, peuvent hériter. Des activités de vulgarisation ont été organisées dans l’ensemble du pays pour faire connaître le nouveau Code à la population.

L’égalité entre les sexes est une priorité pour le Gouvernement et la promotion de la femme est l’un des principaux objectifs de son programme d’action 2001-2006. Un groupe thématique sur la population, la condition de la femme et le développement rassemblant des représentants des partenaires du développement du système des Nations Unies, des ministères pertinents et de différentes ONG intéressées a été créé. Il est chargé de suivre les progrès réalisés dans la promotion de la femme. Il a déjà mis en place un observatoire de la famille, des femmes et des enfants.

Malheureusement, les violations des droits de la femme, en particulier les mutilations génitales et la violence familiale, n’ont toujours pas disparu. Le Gouvernement a, en conséquence, redoublé d’efforts pour assurer l’application pleine et entière de la Convention. Le texte de la Convention est désormais diffusé dans les écoles et les universités. Les fonds destinés à l’application des mesures visant à protéger et promouvoir les droits de la femme ont été augmentés. La principale difficulté est de créer une véritable culture de respect des droits de la personne, et en particulier des droits de la femme. L’intervenante est néanmoins convaincue que ces difficultés seront résolues dans un avenir proche.

Articles 1 et 2

Mme Shin se félicite que l’État partie ait présenté, bien qu’avec un grand retard, ses rapports combinés. Elle accueille avec satisfaction l’adoption du nouveau Code de la personne et de la famille. La complexité de la situation sur le terrain est clairement dépeinte dans le document dont est saisi le Comité. La population se partage en 42 groupes ethniques distincts parlant 18 langues différentes. En outre, le Bénin est un pays jeune et en développement confronté à de graves problèmes – pauvreté, proportion élevée de cas de VIH/sida et manque d’infrastructures de base. Dans ce contexte, le Gouvernement doit faire preuve d’une volonté politique réelle d’instaurer l’égalité entre les sexes, notamment en supprimant les coutumes et pratiques discriminatoires à l’égard des femmes. Il doit également s’efforcer d’assurer l’éducation systématique des filles et travailler en collaboration avec la société civile et les ONG œuvrant pour la promotion de la femme.

M. Flinterman accueille avec satisfaction la ratification du Protocole facultatif à la Convention mais rappelle que des communications ne doivent être adressées au Comité que lorsque tous les recours internes ont été épuisés. À ce propos, il demande des précisions sur les recours internes disponibles et sur les rôles respectifs du Conseil des droits de l’homme, des tribunaux administratifs, des tribunaux de droit commun et de la Cour constitutionnelle. Il voudrait en particulier savoir si les femmes peuvent aller devant la Cour constitutionnelle lorsqu’elles estiment que l’application des lois visant à mettre en œuvre la Convention, et non les lois elles-mêmes, est anticonstitutionnelle.

Il souhaiterait un complément d’information sur la composition des différents organes nationaux chargés des droits de l’homme car il lui semble que leurs mandats se recoupent. Il souhaiterait également savoir jusqu’à quel point ces organes sont indépendants du Gouvernement et s’ils comptent parmi leur équipe un agent de liaison pour les questions féminines.

Mme Tavares da Silva a l’impression, à la lecture du rapport, que l’État partie considère que l’adoption de la législation pertinente suffit pour assurer l’égalité entre les sexes. Malheureusement ce n’est pas le cas comme le prouve la persistance généralisée des stéréotypes culturels discriminatoires à l’égard des femmes. La Convention demande aux États parties de prendre toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination pratiquée à l’égard des femmes. La législation constitue une première étape mais elle ne permet pas, à elle seule, d’instaurer une égalité de fait. L’intervenante suggère à l’État partie d’adopter une nouvelle approche pour pouvoir réellement remplir ses obligations au titre de la Convention.

Mme Gaspard rappelle que la rédaction du rapport initial est l’occasion, pour les État parties, de faire le bilan des mesures appliquées pour assurer l’égalité entre les sexes et sensibiliser les parties intéressées à la question, en particulier les départements gouvernementaux concernés. Elle note que le rapport présenté au Comité a été rédigé par le Ministère de la justice, de la législation et des droits de l’homme et le Ministère de la famille, de la protection sociale et de la solidarité. À ce propos, elle rappelle que l’intégration du principe d’égalité entre les sexes dans tous les domaines de la société est la responsabilité du Gouvernement dans son ensemble. Elle souhaiterait savoir si d’autres départements gouvernementaux ou groupes parlementaires ont participé à la rédaction dudit rapport. Elle souligne l’importance de la diffusion élargie des observations finales et des recommandations générales du Comité et souhaiterait savoir comment le Gouvernement entend leur donner suite.

Mme Šimonović se félicite que le Bénin ait ratifié le Protocole facultatif. Cependant, elle estime que la place de la Convention dans le système juridique national n’est pas clairement définie. En effet, le rapport indique que la Convention prévaut sur la législation nationale mais il mentionne également qu’il n’existe pas de texte spécifique réglant l’incorporation des dispositions de la Convention dans la législation nationale, ce qui remet son application en cause. Cela est encore aggravé par l’absence de recours interne en cas de violation de ses dispositions. Elle engage le Gouvernement à prendre des mesures pour régler ce problème et à assurer la compatibilité de la législation nationale avec la Convention. Elle demande si le Gouvernement envisage d’incorporer une définition détaillée de la discrimination, directe et indirecte, dans la législation nationale et si les plaintes relatives aux violations de la Convention peuvent être déposées devant la Cour constitutionnelle.

Mme Gabr loue les mesures prises par l’État partie pour modifier la législation nationale après son adhésion à la Convention. Cependant le rapport indique clairement que l’application des dispositions de la Convention reste difficile. Les femmes représentent 51 % de la population béninoise. Il est extrêmement important d’améliorer leur situation, car dans des conditions propices elles peuvent contribuer très efficacement à la vie économique et sociale du pays et aider à façonner l’avenir national.

Elle souhaiterait un complément d’information sur le nouveau Code de la personne et de la famille. Elle demande en particulier si les nouveaux textes législatifs sont largement diffusés dans le pays et quel rôle jouent les médias à ce niveau. Elle souligne que les femmes doivent connaître leurs droits pour pouvoir en faire usage.

Mme Dairiam souhaiterait des précisions sur le cadre conceptuel et juridique mis en place pour aligner la législation nationale sur la Convention. Elle demande si l’égalité entre les sexes est clairement définie dans la législation nationale et si les lois condamnant les pratiques discriminatoires couvrent les acteurs privés et publics. Des exceptions sont-elles faites au principe d’égalité sur la base de considérations culturelles et le Gouvernement applique-t-il des mesures spéciales temporaires? Elle voudrait savoir si une étude détaillée a été faite pour harmoniser la législation nationale et la Convention, si la révision de la législation nationale a commencé et selon quel calendrier. Le Comité souhaiterait également savoir ce qui a été fait pour supprimer les pratiques culturelles s’opposant à l’égalité entre les sexes et quelles mesures ont été prises pour éduquer les femmes afin qu’elles puissent lutter elles-mêmes contre la discrimination.

Mme Schöpp-Schilling note que, d’après les tableaux fournis dans le rapport, la population féminine a pratiquement doublé entre 1994 et 1996. Elle souhaiterait connaître la raison d’une telle explosion. Elle demande également si des programmes éducatifs ont été mis en place pour diffuser la définition de la discrimination, et dans l’affirmative si un calendrier et des ressources budgétaires ont été prévus pour leur application et si ces programmes ont été évalués. Elle voudrait tout particulièrement savoir, étant donné le grand nombre de groupes ethniques, comment le Gouvernement a procédé pour informer la population sur le nouveau Code de la personne et de la famille.

Mme Zou Xiaoqiao regrette que les réponses à la liste des points à traiter soient disponibles seulement en français. Elle aurait souhaité connaître les principales dispositions du Code de la personne et de la famille, en particulier l’âge légal du mariage et les peines prévues par la loi pour les auteurs de viol et de mutilation des organes génitaux féminins.

Mme Maiolo demande quelles sont les mesures prises pour supprimer les dispositions discriminatoires à l’égard des femmes dans la loi condamnant l’adultère.

M. Sossa (Bénin) s’excuse de la présentation tardive des réponses à la liste des points à traiter et regrette que pour cette raison elles n’aient pu être traduites.

Mme Boko Nadjo (Bénin) assure le Comité que ses recommandations seront prises en compte par son gouvernement. Répondant aux questions relatives à l’article premier, elle explique que tous les ministères ont contribué au rapport et désigné leur agent de liaison respectif pour assurer la communication avec les rédacteurs du rapport. Les tribunaux garantissent, sur la base du Code pénal, les droits de la femme. Les femmes peuvent aussi poser des recours en Cour d’appel ou devant la Cour suprême. En outre, toutes les femmes peuvent avoir recours à la Cour constitutionnelle qui veille au respect des principes de la Constitution. Le Code de la personne et de la famille a été adopté en 2002, promulgué par le Président en 2004 et publié au journal officiel en 2005. Il s’applique à tous les Béninois et Béninoises.

Lorsqu’une Béninoise se marie, elle prend le nom de son époux tout en gardant son nom de jeune fille. L’âge officiel du mariage est 18 ans pour les deux sexes. Le mariage est désormais monogame. Toute autre forme de mariage est condamnée par la loi. Le mariage entre parents proches est également interdit. Le partage des tâches ménagères se fait selon les capacités de chaque conjoint. Le mari n’est plus désormais le chef de famille. Les droits de succession du conjoint survivant sont les mêmes pour les hommes et les femmes, chaque personne mariée héritant du conjoint décédé. Les enfants, garçons et filles, ont les mêmes droits de succession.

Le Code de la personne et de la famille a été diffusé dans l’ensemble du pays grâce à des activités de formation et de sensibilisation auxquelles a participé en particulier la société civile. Un résumé a été publié sous forme de brochure dans les quatre langues principales. Bien que le Code soit le principal instrument de lutte contre la discrimination à l’égard des femmes, il existe également d’autres lois qui viennent le renforcer : la loi relative à la répression de la mutilation des organes génitaux féminins, la loi sur la santé génésique et la loi sur la répression de la violence sexuelle contre les femmes. En outre, le Code pénal a également été révisé et maintenant sanctionne plus sévèrement les auteurs de viol. Le Code de la personne et de la famille ne fait plus de l’adultère une cause péremptoire de divorce. Par ailleurs, toute personne mariée, homme ou femme, peut invoquer l’adultère comme raison de divorce.

M. Alia (Bénin) précise que depuis 1992 le Bénin a ratifié plusieurs instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Le Conseil des droits de l’homme qui relève du Ministère de la justice, de la législation et des droits de l’homme est chargé, entre autres, des rapports sur la mise en œuvre de ces instruments, dont la Constitution. Le Conseil collabore avec le Comité national de suivi de l’application des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Ce dernier regroupe les agents de liaison des différents ministères ainsi que les représentants des ONG concernées et des experts. Il se réunit deux fois par an en session ordinaire pour discuter de toutes les questions relatives à la violation des droits de l’homme. Chaque expert chargé de produire un rapport, organise, lorsqu’il en a fini l’élaboration, une réunion d’évaluation. Les observations des participants sont ensuite intégrées dans le rapport avant sa présentation à l’Union africaine ou à l’Organisation des Nations Unies, selon le cas.

Le rapport initial du Bénin aurait dû être présenté au Comité en 1993. La tâche avait été confiée à une ONG qui n’a jamais produit le rapport. En 1997, le Conseil des droits de l’homme, nouvellement créé, a été chargé par le Gouvernement de préparer tous les rapports devant être présentés au Comité. C’est ainsi qu’il a été possible de présenter le rapport initial ainsi que les deuxième et troisième rapports.

Mme Boko Nadjo (Bénin) précise que la législation nationale ne contient pas de définition précise de la discrimination. Toutefois, la Cour constitutionnelle a réaffirmé que la non-discrimination était un élément inaliénable de la démocratie et de l’État de droit. Le Bénin est un pays pauvre et en développement et ses traditions et coutumes ne peuvent pas changer du jour au lendemain. Cependant, la volonté politique de supprimer la discrimination est bien présente et par conséquent celle-ci disparaîtra progressivement. De nombreuses réunions ont été organisées pour former et sensibiliser tous ceux qui sont appelés à intervenir en cas de violation des droits de la femme – juges, policiers, médecins, autorités religieuses et élites traditionnelles.

M. Sossa (Bénin) précise que les instruments internationaux prévalant sur la législation nationale, la définition de la discrimination contenue dans la Convention est celle qui est appliquée dans la législation nationale. Par conséquent, la définition de la discrimination ne doit pas être considérée comme posant problème. La législation doit, naturellement, être modifiée pour assurer l’application réelle des droits de la femme. Le Bénin connaît des difficultés économiques et est confronté à des épidémies, mais cela ne l’empêchera pas de s’acquitter des obligations qu’il a librement contractées. Le pays a récemment ratifié le Protocole facultatif parce que le Gouvernement voulait que les victimes aient la possibilité de porter plainte devant le Comité. Il y a encore des difficultés mais le pays est prêt à faire tous les efforts pour les surmonter.

Outre le Conseil des droits de l’homme, il existe également une Commission des droits de l’homme qui est un organe indépendant mais n’est pas suffisamment active. Le Ministère de la famille, de la protection sociale et de la solidarité est l’organe principalement responsable des affaires féminines. Le Ministère de la justice, de la législation et des droits de l’homme auquel appartient l’intervenant a fourni une assistance technique aux autres ministères chargés de compiler les rapports. Les ONG ont également participé activement à la production des rapports. Dans les litiges concernant les questions d’héritage et de mariage portés devant les tribunaux, les juges tranchent en respectant les droits de la femme. Cependant toutes les femmes ne savent pas comment défendre leurs droits. Plusieurs ONG cherchent à résoudre ce problème. Il faut également souligner qu’il y a de plus en plus de femmes juges au Bénin, y compris une femme juge siégeant à la Haute Cour de justice.

Mme Hounkpe-Ahougbenou (Bénin) dit que la multiplicité des groupes ethniques au Bénin n’a jamais posé de problèmes et qu’ils ont toujours vécu ensemble dans la fraternité. Il y a quatre principales langues locales et tous les Béninois comprennent le français. Le Gouvernement fait tout son possible pour assurer l’égalité des hommes et des femmes. Il s’efforce en particulier de donner aux femmes, grâce à des programmes de microcrédit et à la création d’activités rémunératrices, une autonomie financière qui leur permette de participer à la vie politique et sociale nationale et de contribuer à l’avancement du pays. Les ressources disponibles ne suffisent cependant pas pour répondre aux besoins. La Direction du développement social et de la solidarité et le Ministère de la santé ne peuvent financer que les cas les plus pressants.

La vulgarisation du Code de la personne et de la famille s’est faite par le biais d’émissions de radio dans tous les dialectes locaux. Des femmes ont également été formées pour informer la population féminine de l’existence d’une législation interdisant les mutilations génitales. Des grands progrès ont été faits dans la lutte contre cette coutume. Jadis pratiquée au grand jour, elle est devenue une activité clandestine dont les auteurs sont arrêtés et poursuivis.

Article 3

Mme Saiga souhaiterait un complément d’information sur la structure institutionnelle chargée de l’application des dispositions de la Convention. Elle demande de quel département gouvernemental dépend le Comité national de suivi de l’application des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et si le mandat du Comité ne recoupe pas celui du Conseil des droits de l’homme. Elle s’enquiert du travail déjà accompli par le Comité et des rapports qu’il a produits. Elle s’enquiert aussi de la taille et de la place du mécanisme national chargé de la mise en œuvre et des modalités de sa coopération avec les ministères pertinents.

Mme Tavares da Silva, se référant à la réponse à la question No 5 de la liste des points à traiter (CEDAW/PSWG/2005/II/CRP.1/Add.1), souhaiterait des informations plus précises sur le suivi de l’application de la Convention. Notant qu’un consultant externe a été recruté pour rédiger le projet de rapport, elle rappelle à l’État partie que la rédaction du rapport n’est que le côté technique de l’opération. Le réel intérêt de l’établissement du rapport est de permettre à l’État partie d’évaluer la situation de la femme, d’y réfléchir et de planifier les mesures à prendre.

Article 5

Mme Arocha Dominguez dit qu’une action concertée du Gouvernement, de la société civile et des particuliers est nécessaire pour éliminer les stéréotypes sexistes dans un pays où existent encore des pratiques coutumières. Elle se félicite de la révision des manuels scolaires (CEDAW/C/BEN/1 à 3, par. 5.4) et demande si des mesures complémentaires ont été prises, au niveau des médias, pour changer les mentalités et pour que les modifications apportées aux programmes scolaires soient fidèlement respectées. Elle voudrait également savoir si le Gouvernement appuie les activités menées par les ONG pour supprimer les stéréotypes sexistes dans les zones rurales où de nombreuses femmes ne sont jamais allées à l’école.

Mme Coker-Appiah souligne également la nécessité de prendre des dispositions pour assurer l’application réelle du Code de la personne et de la famille, ainsi que de la législation condamnant la mutilation des organes génitaux. En particulier, elle souhaiterait savoir si le Gouvernement offre des solutions de rechange crédibles aux dirigeants des sanctuaires où vivent les trokosi – les petites filles données en expiation aux sanctuaires pour servir les prêtres par les familles ayant commis des crimes au regard du droit coutumier – ou aux personnes pratiquant les mutilations génitales pour gagner leur vie. Comme les frontières poreuses de la sous-région permettent à ceux qui pratiquent les mutilations génitales ou dirigent les lieux d’esclavage trokosi de passer facilement dans un pays voisin pour poursuivre leurs activités lorsqu’elles sont interdites dans leur propre pays, elle demande si l’État partie coopère avec les autres États de la région pour mettre un terme à ces pratiques.

Article 6

Mme Morvai, constatant que l’État partie reconnaît être à la fois un point de départ et un point d’aboutissement de la traite d’enfants (CEDAW/C/BEN/1 à 3, p. 24), l’engage à mettre en place un plan de lutte détaillé et de grande ampleur pour venir à bout de ce problème. Elle rappelle que le Bénin peut légitimement attendre des pays riches du monde développé qu’ils investissent des ressources financières et autres pour éliminer sur leur territoire la prostitution et la pornographie mettant en cause des enfants qui sont à l’origine de la traite des enfants dans le monde en développement.

Mme Simms se félicite que l’État partie ait décidé de former le personnel de la police et de l’appareil judiciaire pour qu’il puisse régler efficacement les cas de traite des femmes et de violence sexiste à leur égard et sensibiliser les communautés en diffusant l’information dans les langues locales. Elle souhaiterait savoir si l’État subventionne les activités entreprises sur le terrain par les ONG et s’il existe des refuges et des centres de réinsertion publics pour les victimes. Elle demande également si des services d’information sont disponibles pour aider les hommes à renoncer à une partie des pouvoirs que leur accordent les pratiques coutumières et si l’État a construit de nouvelles prisons dans le cadre des mesures prises pour assurer l’application de la nouvelle législation condamnant la traite des femmes et les mutilations génitales.

Mme Hounkpe-Ahougbenou (Bénin), répondant aux questions des membres du Comité, explique que le Bénin prend à cœur les recommandations du Comité, en particulier celles concernant l’ouverture de nouvelles prisons dans le cadre des mesures prises pour assurer l’application de la législation en faveur des femmes. La traite des enfants s’est développée à partir d’une pratique traditionnelle de longue date qui consistait, pour les familles pauvres, à confier leurs enfants à des familles plus riches pour leur assurer une vie meilleure. C’était là un acte de solidarité et non d’exploitation. Cependant, avec la détérioration de la situation économique, les enfants ont commencé à être envoyés à l’étranger pour travailler et procurer des revenus à leur famille. Elle reconnaît que le Bénin doit collaborer étroitement avec les pays développés pour lutter contre la traite à des fins d’exploitation sexuelle. Les victimes ayant échappé aux trafiquants sont accueillies dans des centres mis en place par les organisations religieuses ou les organisations offrant une assistance juridique ou assurant la défense des droits de la femme.

Mme Kpongnonhou (Bénin) explique que le Gouvernement, pour encourager l’éducation des filles, a ouvert plusieurs internats. Les écoles religieuses de filles ont été remises en état et les frais d’inscription scolaire supprimés dans les zones rurales. D’autres mesures ont été prises, comme l’adoption de programmes de formation d’enseignants et la révision des manuels scolaires pour supprimer tous les stéréotypes sexistes. Les filles sont encouragées à choisir une formation technique ou professionnelle et à investir les domaines jusqu’alors réservés traditionnellement aux garçons. Une académie militaire a ouvert ses portes et un programme de bourses a été lancé pour les filles fréquentant la nouvelle école technique de Ouidah. Malheureusement, le Bénin manque d’enseignants qualifiés et n’a pas les infrastructures nécessaires pour assurer le plein succès de ces initiatives. Toutefois, le Gouvernement fait tout son possible pour vaincre ces obstacles.

Mme Ogoussan (Bénin) indique que le Ministère de la famille, de la protection sociale et de la solidarité est chargé de coordonner et d’évaluer la mise en place du plan d’action multisectoriel 2001-2006 pour lequel des agents de liaison ont été nommés dans chaque ministère. D’après une étude à moyen terme en cours, tous les objectifs fixés n’ont pas pu être atteints à cause du manque de ressources.

Dans le cadre de l’effort fait par le Gouvernement pour améliorer le statut juridique des femmes et pour promouvoir les droits de l’enfant, une loi condamnant les mutilations génitales a été adoptée et des programmes de vulgarisation spécifique mis en place pour la faire connaître dans les zones où cette pratique est la plus courante. Le Bénin coopère également avec ses voisins, dont le Togo et le Nigéria, pour lutter contre la traite des enfants à des fins d’exploitation comme main-d’œuvre. Des comités ont été créés dans les villages pour rechercher les enfants disparus avec l’aide du Gouvernement, du Fonds des Nations Unies pour l’enfance et du Fonds des Nations Unies pour la population. Des réunions de sensibilisation ont été organisées aux niveaux communal et départemental pour faire connaître le Code de la personne et de la famille, tout particulièrement aux femmes rurales. En outre, le Ministère de la famille, de la protection sociale et de la solidarité collabore étroitement avec le Conseil des droits de l’homme pour promouvoir et appliquer les dispositions de la Convention au niveau local.

Mme Babadoudou (Bénin) dit que les efforts déployés par le Gouvernement pour faire reconnaître le droit des femmes à travailler sont bloqués par la situation économique, et le taux de chômage est extrêmement élevé. La coopération internationale permettra d’atteindre certains des objectifs fixés dans le plan quinquennal national. Le Gouvernement participe à l’action menée au niveau sous-régional et en collaboration avec les pays d’Afrique centrale pour lutter contre la traite des enfants.

M. Sossa (Bénin) explique que les fonctions du Comité national de suivi de l’application des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et du Conseil consultatif national pour les droits de l’homme ne se recoupent pas. Le Conseil recueille les vues de la société civile et des ONG et les transmet ensuite au Comité national. Il souligne que le secrétariat du Comité national, bien que logé dans les locaux du Conseil des droits de l’homme du Ministère de la justice, est composé de représentants de tous les ministères pertinents.

L’esclavage trokosi, les mariages forcés, la mutilation des organes génitaux, la traite des femmes et des enfants, les mauvais traitements infligés dans le cadre du vidomegon (les filles des familles pauvres envoyées travailler dans les familles riches) sont des pratiques interdites par la loi. Par conséquent, l’accent est mis sur la poursuite des auteurs de ces crimes. Des mandats de dépôt ont été émis dans un certain nombre de cas et les accusés attendent d’être jugés.

Mme Hounkpe-Ahougbenou (Bénin) rappelle que son pays collabore avec les autres États de la sous-région pour régler différentes questions, dont la traite des enfants. Il a signé un accord avec le Nigéria et s’est engagé dans une action commune avec l’ensemble de ses voisins et des pays d’Afrique centrale. Une réunion sous-régionale sur la traite des enfants aura prochainement lieu à Abidjan. Le Bénin a fait une grande avancée dans la lutte contre la mutilation des organes génitaux féminins et est prêt à partager l’expérience acquise dans ce domaine avec les autres pays de la sous-région. Une campagne est menée pour sensibiliser les mères de famille aux horreurs du mariage forcé et de la pratique trokosi qui réduit les petites filles en esclavage rituel dans des lieux de culte traditionnel. Des comités ont été organisés dans les villages pour lutter contre la traite des enfants et la mutilation des organes génitaux. Bien que la lutte contre ces pratiques exige une vigilance sans faille, le Gouvernement a bien progressé dans ce domaine.

Mme Belmihoub-Zerdani, note que le régime de quotas qui avait été mis en place par un gouvernement précédent avait permis d’élargir la proportion de femmes dans les organes politiques, engage le Gouvernement actuel à y revenir. Les partis politiques étant financés en partie par le Gouvernement, celui-ci pourrait leur imposer des quotas pour augmenter le nombre de femmes inscrites sur les listes de candidats. Elle souhaiterait également savoir quels sont les pays riches qui aident le Bénin dans le cadre de l’obligation qu’ils ont contractée de consacrer 0,7 % de leur produit national brut à l’aide publique au développement.

Mme Gaspard rappelle que la participation des femmes aux organes politiques n’est pas seulement une question de justice mais également une nécessité pour assurer l’efficacité du Gouvernement et la modernisation de la société. Elle s’étonne du faible taux de participation des femmes à la vie politique et doute que cela soit dû, comme l’affirme le rapport, à un manque de conscience politique de la part des intéressées. Elle renvoie le Gouvernement à la recommandation générale No 25 où est indiqué comment appliquer des mesures spéciales temporaires dont des quotas.

Mme Popescu Sandru insiste sur la nécessité de renforcer la participation des femmes aux organes politiques. Elle note que des progrès ont déjà été faits. Elle souhaiterait connaître le nombre exact de femmes qui siègent au Parlement. Elle se félicite des activités du Réseau des femmes élues conseillères et souhaiterait un complément d’information sur ses activités et leurs résultats. Tout comme les intervenants qui l’ont précédée, elle engage le Gouvernement à recourir à des quotas.

M. Flinterman note que la loi nationale sur la nationalisation est en cours de révision pour, entre autres, supprimer toute discrimination à l’égard des femmes. Il souhaiterait connaître les principaux éléments du nouveau projet de loi. Il demande notamment si la disposition discriminatoire à l’égard des femmes consistant à refuser aux femmes étrangères mariées à des Béninois la nationalité béninoise sera maintenue et si les hommes et les femmes auront les mêmes droits pour la naturalisation de leurs enfants.

M. Sossa (Bénin) dit qu’un comité national révise actuellement la loi sur la naturalisation et qu’un projet a été soumis à la Cour suprême. Ce projet de loi a été préparé en s’appuyant sur les conventions internationales, y compris la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Toutes les parties concernées estiment que la disposition susmentionnée refusant la naturalisation aux épouses étrangères est inacceptable car les hommes et les femmes ont le même droit à la naturalisation. La nouvelle loi ne contiendra aucune discrimination sexiste de ce type ni ne fera preuve de partialité en ce qui concerne la naturalisation des enfants.

Mme Hounkpe-Ahougbenou (Bénin) va examiner les possibilités de mise en place d’un régime de quotas. Beaucoup a déjà été fait pour remédier à la faible participation des femmes dans les organes politiques. Elle accueille avec satisfaction l’observation concernant l’obligation qu’ont les pays riches de consacrer 0,7 % de leur produit national brut à l’aide publique au développement et prend note de la recommandation de lier le financement des partis politiques à l’instauration de quotas pour l’inscription des femmes sur les listes de candidats.

Mme Boko Nadjo (Bénin) informe le Comité que le Réseau des femmes élues conseillères récemment créé est chargé de placer des femmes aux postes de décision dans les communautés et que c’est là une étape essentielle pour parvenir à instaurer l’égalité entre les sexes. Elle est favorable à l’adoption d’un régime de quotas car c’est la seule façon de permettre aux femmes d’occuper des postes de décision. Le régime de quotas est toutefois controversé. Ses détracteurs le considèrent comme étant une discrimination à l’égard des hommes et par conséquent comme contrevenant à l’égalité entre les sexes posée par la Constitution. Au fil de l’histoire les femmes ont occupé des postes décisionnels importants et aujourd’hui ce sont des femmes, ayant bien réussi économiquement, qui dirigent les marchés du Togo et du Bénin. Il y a aussi pratiquement autant de femmes diplômées dans les matières scientifiques que d’hommes. Le domaine politique est le seul dans lequel les femmes sont encore à la traîne. En 2002 et 2003, les femmes siégeant au Parlement ont proposé, sans succès, l’introduction de quotas pour assurer la participation des femmes dans les organes politiques. Cette proposition sera présentée de nouveau.

Mme Hounkpe-Ahougbenou (Bénin) dit que le Gouvernement poursuivra sa lutte pour assurer l’égalité entre les sexes et espère que le Comité et l’Organisation des Nations Unies l’aideront à la gagner. Elle souligne que la reconnaissance du travail au foyer effectué par les femmes constituera une étape importante.

Mme Patten souligne que le Bénin fait partie des rares pays dont la Constitution garantit l’éducation universelle et loue l’efficacité du Gouvernement à ce niveau. Éduquer et former la population féminine étant l’un des meilleurs moyens d’assurer le développement durable, elle demande si l’État partie bénéficie de l’aide au développement pour ce faire. Elle souhaiterait également des informations sur l’action menée par les pouvoirs publics pour améliorer l’accès des femmes à la formation professionnelle, à l’enseignement scientifique et technologique ainsi qu’à l’éducation permanente. Elle demande si des dispositions sont prises pour encourager les adolescentes mères de famille à poursuivre leur scolarité, comme la mise en place de garderies de jour. Elle s’enquiert enfin des mesures adoptées pour encourager les parents à envoyer leurs filles à l’école.

Mme Popescu Sandru note les efforts faits pour lutter contre l’analphabétisme et encourager l’éducation des filles. Elle souhaiterait connaître les résultats de la stratégie nationale pour l’éducation et l’alphabétisation de 2001 qui incluait l’utilisation des langues locales. Elle demande quelles sont, outre le français, les langues locales utilisées dans l’enseignement et si l’enseignement multilingue pose des problèmes au niveau de l’apprentissage et de l’alphabétisation. Enfin, elle voudrait des précisions sur la façon dont s’est déroulée la campagne d’alphabétisation et sur la part qu’y ont pris la société civile et les organisations non gouvernementales.

La Présidente, s’exprimant à titre personnel en sa qualité d’expert, demande si les fonds libérés par la radiation de la dette pour les pays les moins développés ont été utilisés pour améliorer l’instruction des femmes et des filles.

La séance est levée à 13 h 5.