Trentième session

Compte rendu analytique de la 638e séance

Tenue au Siège, à New York, le mardi 20 janvier 2004, à 15 heures

Président :Mme Açar

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties au titre de l’article 18 de la Convention (suite)

Quatrième et cinquième rapports périodiques combinés du Nigéria (suite)

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports présentés par les États parties au titre de l’article 18 de la Convention (suite)

Quatrième et cinquième rapports périodiques combinés du Nigéria (suite) (CEDAW/C/NGA/4-5, CEDAW/PSWG/2004/I/CRP.1/Add.6 et CEDAW/PSWG/2004/I/CRP.2/Add.4)

1.Sur l’invitation de la Présidente, la délégation du Nigéria prend place à la table du Comité.

Articles 10 à 14

2.M. Flinterman note les raisons évoquées par l’État partie dans ses réponses à la liste des questions du Comité concernant son manquement à mettre en œuvre sa politique d’accès égal et gratuit à l’éducation pour les femmes et les filles. Il s’informe des mesures prises par le Gouvernement pour remédier à la situation, pour éclairer le public sur la nécessité d’une éducation pour les femmes et sur le droit des femmes à l’éducation, et pour éliminer les pratiques culturelles qui entravent le progrès dans ce sens. Il se demande quelles ressources financières sont allouées à l’éducation, en particulier pour les femmes et les filles, dans les budgets du gouvernement fédéral et des États.

3.M me Manalo se demande quelles mesures ont été prises pour répondre aux besoins des fillettes en matière d’éducation et si des ressources adéquates étaient allouées à cette fin. Elle demande si d’autres mesures étaient prises, outre l’interprétation des lois ou la jurisprudence, afin de lutter contre des pratiques traditionnelles négatives, mettre en œuvre des programmes de sensibilisation et de promotion du droit des femmes à l’éducation et créer des mécanismes visant à répondre aux besoins des fillettes en matière d’éducation à tous les niveaux. Bien qu’on ait encouragé les femmes à obtenir une formation scientifique et technologique au niveau universitaire, la discrimination persiste et la situation doit être examinée.

4.Elle demande s’il existe des programmes permettant aux filles qui abandonnent l’école à cause d’une grossesse de reprendre leurs études. Elle souhaiterait également obtenir plus de précisions sur les collèges fédéraux établis dans certains États. Le Comité se demande de quelle façon ces écoles contribuent à protéger les droits des filles en matière d’éducation. Enfin, elle s’inquiète du faible nombre d’enseignantes au niveau primaire et demande des précisions sur le nombre des enseignantes en général et sur la représentation des femmes dans la prise de décision dans les secteurs de l’enseignement public et privé.

5.M me Schöpp-Schilling, tout en notant les efforts déployés par l’État partie en ce qui concerne la situation des femmes rurales, tel qu’indiqué dans ses interventions, souhaite obtenir des renseignements sur les résultats concrets de ces programmes, et se demande si des objectifs ont été établis et si ces mesures ont bénéficié d’une priorité budgétaire adéquate. Des données supplémentaires devraient être fournies oralement ou dans le prochain rapport sur la situation des femmes rurales dans les domaines de l’éducation, de la santé et des activités génératrices de revenus.

6.M me Ferrer Gómez dit que l’État partie doit faire preuve d’une plus grande détermination en veillant à ce que les autorités en matière d’éducation à tous les niveaux, ainsi que les parents, soient conscients de la nécessité de garantir aux filles un accès égal et gratuit à l’éducation et de surmonter les attitudes négatives qui affectent l’égalité des chances pour les filles. Elle se demande si la perception parentale selon laquelle l’éducation n’apportait que très peu d’avantages était vraie tant pour l’éducation des filles que des garçons ou seulement pour celle des filles. Elle demande également plus de précisions sur les programmes de réduction de la pauvreté mis en œuvre ou prévus par le Gouvernement.

7.M me Kapalata se demande si l’enquête initiale sur les femmes et les filles souffrant de fistule vésico-vaginale (FVV) dans les États où cette affection est courante mesurera l’incidence de l’éducation sur les mesures destinées aux jeunes filles, car l’accouchement précoce est l’une des principales causes de cette affection. Des stratégies devraient donc également être adoptées pour éliminer la pratique du mariage précoce des filles. En ce qui concerne la transmission du VIH/sida de la mère à l’enfant, elle déplore le fait qu’aucune statistique exacte ne soit disponible et demande des renseignements sur les mesures visant à corriger cette situation, notamment la disponibilité de médicaments antirétroviraux, ainsi que les programmes de dépistage et de consultation.

8.M me Khan se dit préoccupée par le taux élevé de mortalité maternelle, lequel semble être en augmentation, et le faible taux de contraception, alors que le taux d’avortement est très élevé. Cela laisse entendre que l’avortement est en fait utilisé comme moyen de planification familiale. Il est alarmant de constater que quelque 20 000 femmes, principalement des adolescentes, meurent à la suite d’un avortement et que 50 % des décès maternels résultent d’avortements non médicalisés. Elle demande donc si les services de planification familiale sont disponibles gratuitement pour toutes les femmes, y compris celles des zones rurales.

9.Bien que le Nigéria soit un pays riche en ressources, les taux de malnutrition, de pauvreté et d’accès limité à l’eau potable étaient élevés. À cet égard, elle souligne l’obligation de l’État partie d’allouer des ressources budgétaires adéquates à la protection de la santé de sa population, y compris la santé génésique, et d’assurer un accès aux services de planification familiale. L’avortement devrait être retiré du Code pénal et les politiques nationales de santé devraient réaffirmer le droit d’accès de la femme à des services d’avortement légaux pour mettre fin en toute sécurité à une grossesse non désirée, y compris dans les zones rurales.

10.L’État partie doit prendre des mesures visant à protéger la santé des femmes et résoudre les problèmes existants, par exemple ceux qui découlent de pratiques coutumières, en coopération avec la société civile, notamment par une collaboration plus étroite avec les organisations non gouvernementales pour faire mieux connaître les droits des femmes en matière de santé dans la société en général et dans les zones rurales en particulier. Le Comité se dit préoccupé par l’incidence du VIH/sida et d’autres maladies, l’absence d’assurance maladie et le fait que seuls les médicaments destinés aux pauvres soient partiellement subventionnés. Mme Khan se demande si l’État partie profite des initiatives internationales d’aide aux pays en développement pour se procurer les médicaments essentiels contre les maladies endémiques courantes à un prix très avantageux en recourant à ce qu’on appelle les licences obligatoires pour l’accès aux médicaments génériques.

11.M me Patten se demande s’il existe des plans d’examen du système de sécurité social, en particulier en ce qui concerne le secteur privé, afin de s’assurer que les travailleuses bénéficient de tous les droits en matière de sécurité sociale. Le Comité est préoccupé par le fait que la couverture de sécurité sociale dans le secteur privé soit souvent volontaire ou arbitraire. Par exemple, la Première Banque du Nigéria n’emploiera qu’un seul membre d’un couple marié. Des mesures doivent également être prises pour protéger les droits des femmes enceintes dans les secteurs public et privé. Elle demande s’il existe des organes autres que les tribunaux auprès desquels les femmes victimes de discrimination peuvent déposer une plainte afin de demander réparation.

12.Le Comité se dit également préoccupé par l’information selon laquelle, sous les gouvernements militaires précédents, le financement insuffisant et la mauvaise gestion ont entraîné une détérioration importante de l’infrastructure sanitaire. Les patients doivent, par exemple, acheter les médicaments et les fournitures médicales, voire même payer pour un lit d’hôpital, et un grand nombre de professionnels de la santé choisissent de s’expatrier. Elle se demande si le nouveau gouvernement démocratiquement élu a pris des mesures pour augmenter le budget destiné aux services sanitaires et sociaux afin de remédier à cette situation.

13.M me Morvai demande des précisions sur l’état d’avancement des mesures prises par l’État partie en vue de porter à 18 ans l’âge minimum du mariage, ainsi que de codifier la loi coutumière pour la rendre conforme aux dispositions de la Convention. En vertu du paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention, il ne suffit pas d’éliminer les obstacles à l’égalité des chances pour les femmes. L’État partie a également l’obligation de promulguer une loi comprenant des mesures temporaires et spéciales pour promouvoir activement les droits des femmes. Le Comité doit publier sous peu une recommandation générale sur des mesures temporaires et spéciales, expliquant en détail ses attentes à cet égard.

14.Les plans de réforme du programme d’enseignement secondaire devraient comprendre des mesures visant à prévenir la prostitution des filles en les sensibilisant aux effets de la prostitution sur les femmes et en enseignant aux garçons un comportement sexuel responsable. Bien que l’État partie soit bien intentionné en qualifiant les prostituées de travailleuses de l’industrie du sexe, cela tend malheureusement à accorder une certaine dignité à la prostitution qui n’est pas en soi un véritable travail, mais plutôt une forme d’abus et une situation traumatisante pour les femmes. La prostitution n’est pas juste une autre profession, et tenter de lui conférer quelque dignité que ce soit pourrait avoir un effet très négatif et trompeur sur la société et les jeunes.

15.M me Šimonović se déclare inquiète du taux élevé de mortalité maternelle due, dans de nombreux cas, à un avortement non médicalisé, et souligne l’obligation de l’État partie, comme recommandé dans le Programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement et le Programme d’action de Beijing, de s’attaquer aux conséquences dommageables qu’entraînent des services d’avortement inadéquats sur la santé des femmes. En outre, bien qu’elle se félicite des efforts de l’État partie en vue de réduire le taux de mutilations génitales féminines qui ont affecté 50 % des femmes en 1998, elle se demande si, dans les faits, la situation s’est améliorée en 2004 et souhaiterait connaître les mesures qui sont prises pour interdire une telle pratique.

16.M me Achmad accueille avec satisfaction les informations fournies par l’État partie dans ses interventions au sujet des mesures visant à améliorer la situation des femmes en matière d’éducation, mais elle souligne l’importance d’obtenir des chiffres à jour concernant la fréquentation scolaire. Un système de suivi devrait être mis en place afin de veiller à ce que les objectifs de la politique sur l’éducation de base universelle, y compris en ce qui concerne les écoles privées, soient atteints. Des précisions sur les écoles privées sont également nécessaires. Mme Achmad est préoccupée par la perception parentale selon laquelle l’éducation n’apporte pas beaucoup d’avantages. Elle se demande quelles mesures l’État partie prenait pour remédier à la situation, par exemple, en élaborant des programmes scolaires plus pertinents, en veillant à ce que la formation technique et professionnelle réponde mieux aux besoins du marché du travail et en éliminant les emplois stéréotypés.

17.Bien que des mesures aient été prises pour encourager les filles à étudier dansles domaines des sciences et de la technologie, il faut faire davantage pour leur garantir réellement des chances d’accès égal aux études et à l’emploi dans ces domaines. De plus, les problèmes tels que les taux élevés de mortalité maternelle, souvent par suite d’avortements non médicalisés, indiquent que les Nigérianes ne bénéficient pas véritablement des progrès en sciences et technologie. À cet égard, elle souligne le rôle important que pourraient jouer les technologies de l’information et de la communication dans la protection des droits des femmes et la garantie d’un accès à l’égalité des chances et à l’information, en particulier dans les zones rurales. Enfin, elle aimerait obtenir des renseignements complémentaires sur ce que l’on appelle les collèges fédéraux pour filles dans certains États, et se demande si de telles écoles de sexe unique ne prédisposent pas à perpétuer les stéréotypes en fonction du sexe.

18.M. Ladan (Nigéria), répondant aux questions soulevées concernant l’éducation des filles et le mariage infantile, dit que, depuis la préparation des rapports périodiques, la loi de 2003 sur les droits de l’enfant est entrée en vigueur. Conformément au paragraphe 5 de l’article 15 de la loi, les filles qui tombent enceintes auraient la possibilité de poursuivre leurs études après l’accouchement sur la base de leur capacité individuelle, et ne feraient pas l’objet d’une discrimination fondée sur le sexe. Les articles 21, 22 et 23 de la loi contiennent également des dispositions interdisant le mariage et les fiançailles des fillettes et stipulent que ces pratiques sont passibles d’une peine. Il mentionne également les initiatives et les mesures prises par le Gouvernement en vue d’améliorer l’éducation des filles aux niveaux primaire et secondaire, tel que décrit à l’article 10.4 des réponses à la liste des questions posées dans le cadre de l’examen des quatrième et cinquième rapports périodiques combinés (CEDAW/PSWG/2004/1/CRP.2/Add.4).

19.M me Akpan (Nigéria) dit que le Gouvernement a adopté un budget de 1,3 milliard de naira, dont 75 % ont été affectés aux questions touchant les femmes dans les secteurs de l’éducation, de la santé et de l’agriculture, l’accent étant mis sur les droits des fillettes en matière d’éducation et de reproduction.

20.M me Yakubu (Nigéria) explique que les collèges fédéraux sont des écoles secondaires dans lesquelles les élèves de divers États peuvent être admis et que les écoles secondaires fédérales fournissent une capacité additionnelle d’accroître l’ensemble du nombre d’inscriptions des filles. Les parents dont les enfants vont à l’école ont perdu toute confiance dans le système d’éducation parce que les chances d’emploi diminuent pour ceux qui quittent l’école. Toutefois, le Gouvernement espère surmonter ce problème grâce à l’introduction de la politique sur l’éducation de base universelle. Après avoir complété l’école primaire, les élèves auront le choix de poursuivre un enseignement secondaire du deuxième cycle ou une formation professionnelle, ce qui dans les deux cas améliorera leurs perspectives de carrières.

21.M me Sako John dit que le comité d’action sur l’éducation des fillettes, animé par le Ministère fédéral de la femme et du développement des jeunes, a entrepris une grande campagne de sensibilisation afin d’informer les conseils locaux et les chefs traditionnels sur les questions d’éducation se rapportant aux fillettes.

22.M me Oladiji (Nigéria) dit, en se référant à la protection des femmes enceintes dans les secteurs public et privé, que la loi sur le travail contient des dispositions visant à protéger les femmes enceintes contre la discrimination. L’article 54 de la loi régit expressément le licenciement abusif, une rémunération garantie pour les travailleuses enceintes et prévoit un recours judiciaire pour les victimes. Outre cette législation, l’assistance juridique gouvernementale et les diverses organisations non gouvernementales apportent leur appui aux victimes de pratiques discriminatoires. Bien que le Nigéria n’ait rien de comparable aux régimes de sécurité sociale qui existent dans d’autres pays, excepté les dispositions de la politique constitutionnelle et nationale sur les femmes de 2003, la politique économique nationale et les divers programmes d’éradication de la pauvreté ont été mis en œuvre pour offrir une sécurité économique et sociale aux femmes.

23.M me Sako John (Nigéria) dit que, grâce à un réseau étendu d’organismes d’État et d’organes d’administration locale, le Comité d’action nationale sur le sida a lancé un certain nombre d’activités visant à sensibiliser et à fournir des services de référence par l’intermédiaire de diverses campagnes de sensibilisation, de dépistage et de distribution de médicaments.

24.M. Azimazi (Nigéria) dit que, comme ailleurs dans de nombreux pays, la question de l’avortement est contestée. L’avortement n’est pas utilisé comme moyen de planification familiale au Nigéria. Les avortements légaux peuvent être exécutés dans les 12 premières semaines de la grossesse s’il est déterminé que la vie de l’enfant ou de la mère est en danger. Des conseils de planification familiale sont offerts gratuitement aux populations urbaines et rurales dans tous les États et le territoire de la capitale fédérale par l’intermédiaire d’unités de planification familiale dans les hôpitaux généraux et les centres médicaux fédéraux. De même, des centres de soins de santé primaires, pourvus en personnel médical qualifié, offrent des services d’assistance sur la santé de base et des questions de planification familiale aux populations locales, en particulier dans les zones éloignées. En outre, les organes de la société civile s’occupant de planification familiale sont à l’œuvre dans tous les États.

25.M me Shehu (Nigéria) dit que son gouvernement attache une grande importance au droit à la santé et qu’il a pris des mesures destinées à améliorer les services de prestations sanitaires. Il a lancé un projet visant à construire 200 centres de soins de santé primaires et les femmes ont été invitées à participer à la gestion de ces centres. Le Comité national sur le sida fait tout son possible pour fournir des médicaments rétroviraux aux patients qui sont généralement forcés d’attendre de six mois à deux ans avant d’obtenir un traitement. Bien que le taux de dépistage du VIH/sida et de consultation soit bas, ces services sont fournis gratuitement dans tous les hôpitaux d’enseignement du Nigéria.

26.M. Ladan (Nigéria) renvoie les membres du Comité aux articles 26.3 et 27.1 des réponses à la liste des questions concernant les précisions sur la mortalité maternelle due aux complications à la suite d’avortements, ainsi que sur l’impact et les résultats du plan d’action d’urgence.

27.M me Akpan (Nigéria) saisit cette occasion pour réitérer le ferme engagement de son gouvernement, à tous les niveaux, dans la lutte contre le VIH/sida. Le Président du Nigéria s’est récemment engagé à financer à hauteur d’un demi-milliard de naira l’importation de médicaments rétroviraux.

28.M me Toyo (Nigéria) dit que sa délégation a pris note de l’importance de mieux présenter les statistiques et de surveiller de manière concertée les politiques et programmes gouvernementaux. Elle tentera de tenir compte des incidences budgétaires des questions posées, en particulier en ce qui concerne les femmes rurales, l’éducation et la santé. Néanmoins, l’implantation de tels changements représente un défi énorme, compte tenu de la situation unique du pays. En plus de sa population diversifiée, le Nigéria est administré à trois niveaux : 744 conseils locaux et aux niveaux de l’État et fédéral, ce qui complique davantage la compilation des données ventilées par sexe.

29.M. Ladan (Nigéria) dit que, bien que la délégation n’ait pas les données demandées sur le trafic et la prostitution, les réponses à la question 35 (CEDAW/PSWG/2004/1/CRP.2/Add.4) fournissent une mise à jour de la nouvelle législation sur le trafic, qui a été adoptée depuis la préparation du rapport périodique combiné.

30.M. Azimazi (Nigéria) indique que la législation sur le trafic et le travail des enfants criminalise les personnes qui se livrent à la traite de personnes plutôt que les victimes elles-mêmes.

Articles 15 et 16

31.M me Gnancadja dit comprendre que les droits des femmes ont été confrontés à de nombreux défis sous le régime militaire et que la réforme légale est un long processus. Bien que cette réforme progresse, elle aimerait obtenir quelques exemples pratiques de la manière dont les lois existantes et adoptées depuis 2000 ont été appliquées. Si la Convention faisait partie de la législation nationale avant l’adoption de la nouvelle Constitution, elle aimerait savoir de quelle manière le Gouvernement entend procéder s’il y a conflit entre la Convention et la Constitution.

32.M me Gonzalez Martinez se dit découragée devant le manque de suivi concernant les préoccupations que le Comité a soulevées durant l’examen du rapport précédent, notamment au sujet des pratiques traditionnelles nuisibles aux femmes. Comme il ressort de la discussion sur les régimes matrimoniaux dans le rapport, il y a eu très peu de changements dans le domaine des relations familiales depuis. La réponse à la question 30 de la liste revêt un intérêt particulier. Elle invite le Gouvernement à poursuivre son travail de mise en oeuvre de la Convention.

33.M me Gaspard dit que l’existence de trois types de loi s’appliquant au mariage – civile, musulmane et coutumière – porte à confusion. Bien que les États décident généralement des questions de statut personnel, elle aimerait savoir s’il existe des plans pour inclure les dispositions de l’article 16 de la Convention dans la Constitution, afin d’assurer une véritable égalité entre les conjoints.

34.Mme Belmihoub-Zerdani dit qu’elle ne sait pas très bien si une femme peut choisir ou changer son régime matrimonial. Elle se demande, par exemple, si une femme musulmane qui épouse un homme qui pratique la loi coutumière peut choisir le régime en vertu duquel elle a contracté le mariage, qu’il soit islamique, civil ou coutumier. Elle aimerait également savoir s’il est possible d’adopter des enfants en vertu de la loi islamique, et dans le cas d’un divorce, si le consentement de la femme est requis et si elle a des droits égaux aux biens matrimoniaux. La délégation devrait indiquer si une exception est possible en vertu de la loi islamique sur l’interdiction de l’avortement, même dans les cas de viol ou d’inceste. Enfin, elle demande s’il existe un registre central des mariages et des naissances, ce qui serait utile pour le suivi sur la manière dont la règle de l’âge minimum du mariage est observée.

35.M me Morvai souhaite obtenir un rapport sur la situation concernant le projet de loi visant à faire de la Convention une partie intégrante de la législation nationale, et elle aimerait savoir si le Gouvernement envisage de ratifier le Protocole facultatif. Un examen systématique de la législation du point de vue de la Convention sera nécessaire pour éliminer plusieurs dispositions discriminatoires. Par exemple, le code pénal légitimise le recours des époux aux châtiments corporels sur leurs épouses, ce qui est en contradiction avec la nouvelle loi sur la violence contre les femmes. Elle aimerait en savoir davantage sur les cas de discrimination portés devant le tribunal, qui ont été mentionnés dans le rapport, et sur le mécanisme de suivi pour l’exécution des décisions du tribunal. Enfin, la délégation devrait fournir les chiffres relatifs au budget du Ministère de la condition féminine.

36.M me Šimonović demande des éclaircissements concernant le rapport entre la Constitution et la loi sur les droits de l’enfant, car ils semblent se contredire dans certains domaines.

37.M me Shehu (Nigéria), en réponse aux questions concernant l’assimilation de la Convention, dit que le Président a lui-même présenté le projet de loi à l’Assemblée nationale. Le Gouvernement s’efforce de régler les points litigieux restants entre la Constitution, la législation et les obligations internationales du Nigéria. En attendant l’achèvement de ce processus d’examen, la violence domestique est traitée comme une agression en vertu du code pénal. Le statut légal d’une femme mariée dépend du régime matrimonial qu’elle a choisi, qu’il soit islamique, coutumier ou civil. Si elle est mariée en vertu d’un régime islamique, elle sera également soumise à ce régime en cas de divorce. En ce qui concerne les droits de propriété dans le divorce, le concept de propriété conjointe n’existe pas dans la loi islamique. Les modifications à la loi concernant l’avortement en cas d’inceste ou de viol sont à l’examen.

38.L’adoption est possible en vertu de la loi islamique et est, en fait, un processus moins lourd qu’en vertu de la loi civile. La polygamie est régie par la loi sur le statut personnel, et bien que ses effets négatifs sur les femmes soient indéniables, aucun effort n’a été fait jusqu’à maintenant pour corriger la situation. Tout comme pour la liberté de mouvement concernant le choix d’un domicile, il est prévu qu’une femme mariée vive dans le domicile légal de son mari. Bien que la discrimination donnant aux femmes l’impression qu’elles sont des citoyennes de seconde zone existe encore, elles ont obtenu le droit de contester cette discrimination et de demander réparation légale. Les suggestions du Comité sur les moyens d’éliminer la discrimination dans les relations familiales seront prises en compte.

39.M. Jipreze (Nigéria) dit que l’article 42 de la Constitution garantit le droit à un traitement égal en vertu de la loi, mais les aspects pratiques de sa mise en œuvre posent problème. En ce qui concerne les droits de propriété lors d’un divorce, il existe un certain nombre de dispositions qui accordent une protection aux femmes afin qu’elles ne soient pas laissées sans ressources par la suite.

40.M. Ladan (Nigéria) dit qu’à son avis il n’y a pas de conflit entre la Constitution et la loi sur les droits de l’enfant, qui fixe à 18 ans l’âge minimum du mariage. Le débat en cours met l’accent sur la question de savoir si cette législation fédérale engage les gouvernements des États et les gouvernements locaux.

41.M me Schöpp-Schilling dit que la manière dont le gouvernement fédéral pourrait uniformiser les dispositions légales malgré le caractère fédéral de l’État n’est toujours pas claire, et se demande si des garanties d’une telle uniformité devraient être incluses dans la Constitution.

42.M me Gnancadja dit qu’elle aimerait tout de même obtenir davantage de précisions au sujet de l’application pratique des lois fédérales par rapport aux lois coutumières et islamiques sur le statut personnel. Par exemple, dans les États où la loi islamique prévaut, les filles âgées entre 9 et 15 ans sont souvent données en mariage, en dépit du fait que la loi fédérale fixe l’âge minimum à 18 ans. Elle y voit encore un conflit qui nécessite un règlement.

43.M me Coker-Appiah est heureuse d’apprendre qu’en fin de compte les ministères collaboraient avec les organisations non gouvernementales dans la communauté et estime que le processus d’examen législatif devrait être ouvert à la participation. Des ressources adéquates devraient être allouées pour la mise en œuvre et l’application de la politique nationale sur les femmes.

44.M me Manalo demande comment le Gouvernement nigérian entend traiter le problème du nombre limité d’enseignantes dans les écoles primaires. Le Comité aimerait également avoir des précisions sur le rapport enseignants-enseignantes dans les écoles de l’ensemble du système d’éducation. Il se demande en outre dans quelle mesure les éducatrices professionnelles sont impliquées au niveau de la prise de décisions dans les établissements d’enseignement publics et privés.

45.M. Ladan (Nigéria) dit qu’à sa connaissance, aucune loi existante de la charia ne permet aux enfants de moins de 9 ans de se marier, mais reconnaît que la pratique puisse encore exister en vertu du droit coutumier, notamment dans le nord-est du pays. Toutefois, il ne voit aucun conflit entre les lois de l’État et la nouvelle loi sur les droits de l’enfant dans ce domaine.

46.M me Toyo (Nigéria) dit que la question de l’âge du mariage a été soulevée au moment de l’adoption de la loi sur les droits de l’enfant en 2003. Toutefois, la question de savoir si les mineurs mariés devraient être considérés comme des adultes était un problème de nature différente, portant sur le conflit entre la disposition constitutionnelle sur la citoyenneté, qui stipule que les mineurs ne sont pas des citoyens, et le fait qu’aux fins du mariage, les enfants étaient considérés comme des adultes. En ce qui concerne l’application pratique des lois pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes, elle dit qu’en l’absence de données statistiques il est impossible de dresser un tableau précis de leur incidence. De même, elle n’est pas en mesure de répondre aux questions portant sur le secteur de l’éducation posées par Mme Manalo, compte tenu de l’absence de données spécifiques. Elle se dit surprise de l’affirmation selon laquelle il y avait moins d’enseignantes que d’enseignants au niveau primaire, car elle était persuadée que les enseignantes étaient plus nombreuses que les enseignants au Nigéria.

47.M me Akpan (Nigéria), s’agissant de la question des conflits présumés entre la nouvelle loi sur les droits de l’enfant et la Constitution, dit qu’avant sa promulgation, le projet de loi avait été examiné en profondeur par le Ministère fédéral de la Justice et l’Assemblée générale. S’il y avait eu conflit avec la Constitution, il aurait été relevé et corrigé à cette étape. Abordant la question du financement du Ministère fédéral de la condition féminine et du développement de la jeunesse, elle dit qu’elle n’est pas en mesure de citer les sommes exactes impliquées, mais elle affirme qu’il a toujours été difficile d’obtenir des fonds. Toutefois, le Ministère, en collaboration avec des organisations non gouvernementales, exerce des pressions intenses pour obtenir plus de ressources financières.

48.M. Ladan (Nigéria), en réponse aux préoccupations relatives au manque de législation uniforme sur le mariage et le divorce au Nigéria, reconnaît que les gouvernements des États et le gouvernement fédéral doivent trouver une façon d’harmoniser les lois existantes dans ce domaine. Le processus de collationnement des lois existantes en vue de les unifier a commencé, mais les résultats ne seront connus que plus tard.

49.M. Azimazi (Nigéria), répondant à la question concernant les conflits potentiels entre les dispositions de la Convention et la Constitution, dit que les tribunaux nigérians ont déclaré que les dispositions des instruments internationaux appliqués dans le pays prévalaient sur le droit interne. Toutefois, comme cette déclaration a été faite avant la promulgation de la Constitution de 1999, il ignore la situation actuelle.

50.La Présidente dit que bien que le Comité soit d’accord avec le fait que la diversité religieuse, culturelle et ethnique du peuple nigérian soit célébrée, cette diversité ne doit cependant pas faire obstacle à la réalisation pleine et entière des droits humains des femmes. À cet égard, elle prie instamment le gouvernement fédéral de prendre des mesures pratiques, effectives et créatives pour corriger la situation.

51.Elle salue la volonté du Gouvernement nigérian de coopérer avec les organisations non gouvernementales de femmes et les institutions de la société civile afin d’intensifier les efforts visant à construire une société démocratique. Néanmoins, il faudrait de toute urgence accélérer la mise en œuvre de la Convention afin d’éliminer la discrimination de jure et de facto à l’égard des femmes. À cet égard, il importe de dresser un calendrier de mise en œuvre, et le Gouvernement doit faire preuve de la volonté politique pour implanter la Convention au pays dans son intégralité et aligner sa législation nationale avec les dispositions de celle-ci.

52.Compte tenu du fait que les principes consacrés dans la Convention pourraient déjà être invoqués dans le cadre de poursuites judiciaires, il est essentiel de mettre sur pied un programme de formation judiciaire de façon à ce qu’une culture juridique du respect des droits des femmes et de non-discrimination puisse prendre racine dans la société nigériane. Le manquement à une procédure régulière ne doit pas être toléré, car il contribue également à perpétuer les violations des droits des femmes. Elle estime que la législation a une fonction pédagogique puisqu’elle fait comprendre au grand public la différence entre une conduite appropriée et une conduite inconvenante, et, à cet égard, la persistance des dispositions discriminatoires dans le droit pénal et le droit des personnes au Nigéria est une tendance inquiétante, car elle envoie un message potentiellement subversif à la société.

53.S’agissant des difficultés associées à l’harmonisation des lois coutumières, religieuses et d’État avec les dispositions des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, elle espère que des progrès seront faits dans ce sens avant la présentation du prochain rapport périodique du Nigéria. Elle se félicite du rapport actuel du Gouvernement sur la persistance des stéréotypes fondés sur le sexe et les pratiques discriminatoires et exprime l’espoir que le prochain rapport contiendra des informations sur les résultats de cette étude et les mesures prises pour inverser les tendances négatives. Elle demande également au Gouvernement nigérian d’inclure dans son prochain rapport les données ventilées par sexe, en particulier dans les domaines de l’éducation, de la santé et de l’emploi et en ce qui concerne la situation des femmes rurales.

54.Elle demande au Gouvernement d’intensifier ses efforts en vue de promouvoir la participation des femmes à la vie politique et publique et, à cet égard, de prendre note des prochaines recommandations générales du Comité sur des mesures spéciales temporaires. Enfin, elle prie intamment le Gouvernement d’accélérer le processus de ratification du Protocole additionnel à la Convention et de diffuser largement les conclusions du Comité.

55.M me Akpan (Nigéria) remercie le Comité de ses questions, dont un certain nombre ont véritablement démontré qu’il fallait faire encore plus afin de libérer les Nigérianes des chaînes de la discrimination. Elle est convaincue que la volonté politique du Gouvernement, combinée aux efforts des organisations non gouvernementales et des institutions de la société civile, aboutira à des progrès considérables à cet égard dans les années à venir. En conclusion, elle tient à ce qu’il soit pris acte de la reconnaissance de son gouvernement à l’égard d’un certain nombre d’organisations internationales, notamment le Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM) et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), pour leur contribution à la cause visant à mettre fin aux violations des droits des femmes au Nigéria.

La séance est levée à 17 h 20.