Quarante - quatrième session

Résumé analytique de la 903e séance

Tenue au Siège, à New York, le lundi 3 août 2009, à 10 heures

Présidente : Mme Gabr

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties en vertu de l'article 18 de la Convention ( suite)

R apport unique valant rapport initial et deuxième à sixième rapports périodiques de la Guinée - Bissau

La séance est ouverte à 10 heures.

Examen des rapports soumis par les États partiesen vertu de l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport unique valant rapport initial et deuxièmeà sixième rapports périodiques de la Guinée-Bissau (CEDAW/C/GNB/6; CEDAW/C/GNB/Q/6 et Rev.1)

À l’invitation de la Présidente , les membres de la délégation de la Guinée ‑ Bissau prennent place à la table du Comité.

Mme do Ros á rio (Guinée‑Bissau) dit que son pays abrite plus de vingt groupes ethniques parlant portugais et créole et d’autres langues locales. Les femmes représentent 52% de la population. Cette population est à 61% rurale et à 39% urbaine avec des poches de misère autour de la capitale en raison de l’émigration vers les zones urbaines. La population est jeune avec 42% âgés de moins de 15 ans. Le taux de fécondité, plus élevé dans les zones rurales, est de 6,8 en général. Le taux de mortalité maternelle est de 405 pour 100 000 naissances vivantes, les principales causes étant le mariage précoce et la mutilation génitale féminine. La pandémie du VIH/sida pose un obstacle majeur au développement, les femmes étant particulièrement touchées. La population est peu sensibilisée et, à titre d’exemple, seulement 53% des femmes mesurent l’importance de la fidélité sexuelle et seulement 17% savent qu’il y a des centres de dépistage du VIH/sida.

La Guinée‑Bissau fait partie du groupe des pays les moins avancés. Au cours des dernières années, l’instabilité politique et institutionnelle a empêché le Gouvernement d’améliorer le niveau de vie, le produit intérieur brut n’ayant augmenté que de 1% par an entre 2000 et 2004 et la pauvreté étant très répandue. La dette extérieure constitue aussi un énorme fardeau.

Le pays dispose pourtant de ressources agricoles, minérales et piscicoles abondantes et d’un bon potentiel touristique et depuis la fin du conflit, le regain d’intérêt de la part des partenaires de développement laisse une place à l’espoir.

En Guinée‑Bissau, la première ancienne colonie portugaise d’Afrique à avoir obtenu son indépendance, il y a une liberté totale d’organiser des partis politiques pour exprimer la volonté du peuple dans un contexte de pluralisme politique. Au cours de la dernière décennie, les femmes sont devenues de plus en plus conscientes de la nécessité de s’organiser et de défendre leurs droits, ce qui s’est concrétisé par la création d’un certain nombre d’organisations non gouvernementales (ONG) menant des activités dans les domaines économique, social et politique.

Notant que la Guinée‑Bissau vit sous un régime semi‑présidentiel, Mme do Rosário dit que les élections locales sont actuellement en suspens. Lorsque ces élections auront lieu, la démocratisation sera complète, car le contrepoids vis‑à‑vis de l’autorité centrale sera assuré.

La Guinée‑Bissau a ratifié la Convention en 1985 et le Protocole facultatif en 2008, ayant reconnu l’importance de ces instruments pour la défense des droits des femmes. La Convention est en effet un programme d’action permettant d’assurer le respect de ces droits.

S’il est vrai que le rapport unique de la Guinée‑Bissau vient tout juste d’être présenté, il est vrai aussi que les droits des femmes ont été protégés dans le pays grâce à un certain nombre de mesures législatives, administratives et pratiques destinées à promouvoir l’égalité. En particulier, le Ministère des affaires sociales et de la promotion de la femme a été chargé de la mise en œuvre de politiques consacrées à la protection et à la promotion de la femme. Comme suite au Programme d’action de Beijing, des mesures ont été adoptées pour améliorer la condition sociale et politique des femmes et favoriser leur promotion.

Le retard dans la soumission des rapports a été causé par l’instabilité institutionnelle, le manque de personnel compétent et de ressources financières et l’absence d’une politique nationale en matière d’égalité entre les sexes. Le rapport unique, qui donne un aperçu des mesures prises par le Gouvernement pour mettre en œuvre la Convention, a été élaboré en association avec l’Institut de la femme et de l’enfant et avec l’appui du programme des Nations Unies en Guinée‑Bissau.

Bien que la Constitution permette l’incorporation des dispositions des accords internationaux dans l’ordre juridique interne, aucune loi spécifique n’est consacrée à cette incorporation. Un examen de la législation est en cours, compte tenu de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et de la Convention relative aux droits de l’enfant. En attendant, l’État encourage les autorités, publiques, privées et judiciaires, à protéger les femmes contre la discrimination et il n’y a aucune disposition constitutionnelle ou législative discriminatoire à l’égard de la femme. La contribution de l’Institut de la femme et de l’enfant est très importante à cet égard.

Les femmes bénéficient de bourses pour étudier dans le pays ou à l’étranger et la législation du travail assure la protection concernant la maternité et l’accouchement. Le Gouvernement a entrepris des mesures, y compris des activités de sensibilisation, pour promouvoir l’égalité entre les sexes et éliminer les stéréotypes. Les organisations non gouvernementales ont joué un rôle important dans la lutte contre la mutilation génitale féminine et d’autres formes de violence à l’égard des femmes. Il es à présent envisagé de créer un comité national chargé de la protection des droits des femmes.

En ce qui concerne la prostitution, l’accent a été mis sur ceux qui utilisent ou encouragent l’utilisation de ce type de services. Des projets de loi sur la traite et sur la violence sexiste sont également en train d’être examinés par l’Assemblée populaire nationale.

Des progrès considérables ont été accomplis sur les deux plans législatif et administratif pour encourager la participation des femmes dans les sphères professionnelle, sociale, économique et politique. Les femmes se portent candidates à la vie politique au même titre que les hommes, y compris dans le service diplomatique et dans les organisations internationales. Il n’y a aucune discrimination à l’égard des femmes en matière de citoyenneté.

Le Gouvernement a adopté de nombreuses mesures concernant l’éducation, la santé, la sécurité sociale, l’emploi, l’alphabétisme et la réduction de la pauvreté afin d’améliorer la condition de la femme et le principe de l’égalité des chances est totalement respecté dans la législation interne, mais les facteurs qui empêchent la pleine promotion des femmes persistent. À cet égard, les femmes rurales reçoivent l’assistance des organisations non gouvernementales travaillant dans le domaine de la réduction de la pauvreté et de la promotion des droits de la femme.

Tous les citoyens jouissent sur un pied d’égalité de leur statut civil, sans aucune discrimination. L’assistance juridique, si elle est nécessaire, est fournie par l’État et par l’association des avocats. Les programmes de radio émettent aussi des informations sur les droits fondamentaux. Le Gouvernement poursuit actuellement l’objectif de mettre fin aux mariages précoces et d’éliminer la mutilation génitale féminine.

Malgré la très faible participation des femmes à la vie publique, la Guinée‑Bissau compte appliquer véritablement les dispositions de la Convention et assurer ainsi la promotion des femmes dans les domaines politique, économique et culturel.

Articles 1 à 6

Mme  Šimonović se déclare satisfaite de l’explication concernant les 24 ans de retard dans la soumission de rapports en comptant recevoir des rapports réguliers dans les années à venir. L’élaboration du rapport a donné l’occasion au Gouvernement d’évaluer la mesure dans laquelle les dispositions de la Convention sont respectées. Notant que la rapport a été établi par un consultant, elle demande si le Gouvernement et le Parlement l’ont approuvé et s’il a fait l’objet de consultations avec les organisations non gouvernementales. Elle espère que le rapport suivant sera établi sur la base des observations finales du Comité en coordination avec les ministères et les institutions compétents et sans la participation de consultants.

Constatant que dans ses conclusions, le rapport reconnaît que la Convention doit être largement diffusée, elle se demande comment le Gouvernement envisage d’y parvenir, compte tenu du haut taux d’analphabétisme dans le pays. Y a‑t‑il des plans concrets pour la traduction et la publication de la Convention ?

Relevant que la place de la Convention dans le système juridique national n’est pas précisée dans le rapport ou dans les réponses à la liste de questions suscitées par les rapports périodiques, elle demande si la Constitution contient une disposition spécifique qui définit la valeur juridique des traités internationaux, y compris la Convention, dans le droit interne.

Selon le rapport, les articles 24 et 25 de la Constitution disposent que tous les citoyens sont égaux devant la loi, sans distinction fondée sur la race, le statut social, le niveau intellectuel ou culturel, la croyance religieuse ou la conviction idéologique. Mais aucune mention n’est faite de la discrimination fondée sur le sexe. Mme Šimonović se demande s’il y a un autre article de la Constitution ou peut‑être une loi spécifique, qui interdit la discrimination fondée sur le sexe. Le Comité a appris que certaines dispositions discriminatoires n’avaient pas été annulées, même lorsqu’elles n’étaient pas compatibles avec la Constitution. Elle voudrait connaître la manière dont l’État envisage de s’occuper de ces lois discriminatoires et le calendrier prévu à cet égard.

M.  Flinterman, notant que la Constitution stipule que ses dispositions doivent être interprétées en harmonie avec la Déclaration universelle des droits de l’homme, demande si tous les organes gouvernementaux et l’appareil judiciaire voient clairement que les articles 24 et 25 de la Constitution doivent également être interprétés à la lumière du principe de l’égalité contenu dans la Convention et que ce principe a une très vaste portée et couvre à la fois l’égalité formelle et l’égalité matérielle.

Au paragraphe 40 des réponses à la liste de questions suscitées par les rapports périodiques, il est indiqué que le Gouvernement encourage les autorités judiciaires à appliquer les dispositions pertinentes des conventions internationales afin de décourager les pratiques ou actes discriminatoires à l’égard des femmes. M. Flinterman demande comment a eu lieu cet encouragement et s’il ne vaudrait pas mieux postuler expressément, dans la Constitution par exemple, que les autorités judiciaires sont tenues d’appliquer les dispositions des conventions internationales relatives aux droits de l’homme.

Se référant au paragraphe 78 du rapport selon lequel tout citoyen dont les droits ont été violés peut s’adresser aux tribunaux, il voudrait savoir ce qui se produit dans la pratique lorsque, par exemple, une femme veut défendre les droits dont elle jouit au titre de la Convention et de la Constitution. Dans ce cas, dispose‑t‑elle d’une assistance juridique, peu coûteuse ou gratuite, tels les services d’un médiateur ?

Mme  Popescu pense que si la Guinée‑Bissau, État partie depuis 24 ans, avait présenté un rapport plus rapidement, elle aurait pu réaliser de meilleurs progrès dans la promotion de la femme. Parfaitement consciente de la complexité de la situation dans le pays, de son histoire coloniale suivie de longues années d’instabilité politique, elle souligne qu’il est extrêmement important de respecter les droits humains des femmes et de les faire participer à la réforme et à la reconstruction de la société, sur tous les plans.

Selon le rapport et les réponses à la liste de questions, des lois discriminatoires à l’égard des femmes sont toujours en vigueur, comme celles qui régissent l’héritage ou la participation de la femme au secteur commercial. Comment le Gouvernement compte‑t‑il procéder pour éliminer toutes ces discriminations ?

Mme  do Rosário (Guinée‑Bissau) dit qu’en élaborant le rapport, le Gouvernement a collaboré étroitement avec des organisations non gouvernementales travaillant dans le domaine des droits des femmes et avec tous les ministères pertinents.

Conscient du fait que le faible taux d’alphabétisation fait obstacle à la diffusion de la Convention, le Gouvernement est en train de prendre des mesures pour promouvoir la Convention dans les langues locales et dans la langue créole du pays. Les articles 24 et 25 de la Constitution reconnaissent les droits égaux des hommes et des femmes et le Gouvernement est conscient de son devoir d’assurer cette égalité sur tout le territoire national. Quelques mesures ont été déjà prises à cette fin. À titre d’exemple, plusieurs organisations non gouvernementales ont été créées pour protéger les droits des femmes avec lesquelles le Gouvernement est en train de coopérer afin de garantir aux femmes leurs droits dans les domaines de l’éducation, de la santé et dans les sphères économiques et politiques.

M.  Ferreira (Guinée‑Bissau) affirme que le rapport a été rédigé à la suite d’un processus de consultation nationale auquel tous les segments de la société ont participé. En tant que partie aux conventions internationales, la Guinée‑Bissau est déterminée à remplir les obligations qui lui incombent en vertu de ces conventions. L’appareil judiciaire accepte tacitement l’incorporation dans le droit interne des principes énoncés dans les divers instruments internationaux.

Il semble que l’inquiétude exprimée par les membres du Comité est due en partie à l’absence d’expressions telles qu’égalité des sexes et non discrimination dans la Constitution de la Guinée‑Bissau, qui date de 1996, et dans beaucoup de lois du pays. Le Gouvernement est bien conscient de la nécessité de mettre à jour sa législation en y incorporant la terminologie utilisée dans les divers instruments internationaux. Il l’a déjà fait pour les lois relatives au travail, mais il est encore en retard dans les autres domaines.

Le Code pénal prévoit la possibilité pour tout citoyen, homme ou femme, qui pense que ses droits ont été violés, de déposer une plainte au bureau du procureur général.

À l’instar de la Constitution, le Code civil est un héritage de l’époque coloniale. Le Gouvernement est en train d’essayer d’adapter les lois dépassées à la situation actuelle du pays en y incorporant une sensibilisation aux comportements discriminatoires fondés sur le sexe qui n’était pas courante au moment où ces lois ont été adoptées. En attendant, les femmes sont encouragées à défendre leurs droits par tous les moyens dont elles disposent. Dans le rapport, le Gouvernement a tenté de bien mettre en évidence que les lois qui violent ces droits sont en soi une violation de la Constitution.

Article 3

Mme  Neubauer s’inquiète du fait que le rapport et les réponses à la liste de questions ne donnent pas une image claire qui permette au Comité de juger de l’efficacité des mécanismes institutionnels qui existent actuellement dans le pays. Il y a le Ministère de la solidarité sociale, de la famille et de la réduction de la pauvreté d’une part, et l’Institut de la femme et de l’enfant d’autre part. Mais aucune information précise n’est fournie quant au mandat de chacun de ces organes dans le cadre de la mise en œuvre de la Convention. Selon le rapport, les ressources destinées au fonctionnement régulier de l’Institut proviennent du budget de l’État, alors que la plupart des activités sont financées par les organismes et programmes des Nations Unies. Elle voudrait obtenir des informations plus détaillées sur les ressources humaines et financières de cet institut et sur les activités de sensibilisation et de formation qu’il organise, en particulier en ce qui concerne les bénéficiaires. Elle demande aussi s’il y a des agents de coordination pour les questions de la femme au sein des autres ministères et des administrations régionales et s’il existe un organe de coordination interministérielle autre que le réseau national des femmes ministres et parlementaires pour assurer la prise en compte effective du principe de l’égalité entre les sexes. Enfin, elle voudrait savoir s’il y a déjà des plans ou des programmes d’action qui serviront de cadre de programmation et d’orientation pour la mise en œuvre de la Convention.

Mme  do Rosário (Guinée‑Bissau) répond que le Ministère de la solidarité sociale, de la famille et de la réduction de la pauvreté a été créé pour défendre et protéger les femmes. L’Institut de la femme et de l’enfant est une administration publique supervisée par le Ministère dont l’objectif consiste à assurer un meilleur équilibre entre les sexes dans les domaines de la justice, de la santé, de l’éducation, de la politique, de l’économie, de l’accès au crédit, du travail, de l’environnement et de la culture. L’Institut cherche à atteindre cet objectif par le biais de la formation, de la sensibilisation, de la coordination et du suivi. Il s’emploie à établir des partenariats avec les organisations de la société civile et à collaborer avec des entités gouvernementales et des organisations internationales dans les domaines intéressant les femmes et les enfants. Il contribue en outre à faire progresser la démocratisation et la décentralisation dans le pays et à promouvoir l’échange d’expériences aux échelons national et international. Son objectif stratégique est d’influencer les organismes pertinents de manière à garantir l’application de la Convention et les autres instruments des droits de l’homme.

Il y a actuellement des agents de coordination au sein de tous les ministères. Ces agents organisent régulièrement des rencontres, des séances de formation et des réunions d’échange d’informations afin de promouvoir la sensibilisation aux politiques suivies dans les divers ministères et de contribuer ainsi à l’incorporation de ces politiques dans le plan d’action national sur l’égalité entre les sexes qui va être bientôt élaboré.

M.  Ramalho (Guinée‑Bissau) ajoute que le Ministère est chargé de la mise en œuvre des politiques de protection sociale, alors que l’Institut applique les politiques sectorielles concernant particulièrement les femmes et les enfants. En ce qui concerne les ressources financières, le Gouvernement passe par une période très difficile et peut tout juste payer les salaires des employés de l’Institut qui, au moins, sont à jour. L’appui financier que l’Institut reçoit des organismes des Nations Unies est directement attribué aux programmes et aux projets. L’Institut compte au total 22 employés, y compris deux cadres supérieurs.

M.  Fernandes (Guinée‑Bissau) souligne que le Gouvernement est pleinement déterminé à améliorer la condition des femmes et a déjà entamé l’élaboration d’une politique qui portera les questions des femmes à l’attention de tous les ministères et suivra l’application des politiques d’égalité entre les sexes dans chacun d’eux.

Les ressources humaines de l’Institut étant limitées, une approche visant à former des formateurs y est actuellement adoptée. Les organisations non gouvernementales comptent parmi les bénéficiaires de la formation offerte par l’Institut. Le personnel, une fois formé, peut couvrir tout le pays, y compris les régions les plus reculées.

M.  Sanhá (Guinée‑Bissau) ajoute que le Ministère cherche en particulier à améliorer la situation des femmes dans les zones rurales où le système judiciaire joue un rôle très restreint. Il assure une formation dans divers domaines, y compris l’alphabétisation, l’aide aux petites entreprises, les microcrédits, les droits en matière de procréation, l’égalité entre les sexes et la sensibilisation de toutes les femmes rurales à leurs propres droits humains.

Mme  Hayashi, tout en se félicitant du fait que le rapport reconnaît sincèrement les difficultés auxquelles le pays est confronté, se voit obligée de constater l’insuffisance des données et des statistiques dans le rapport et le fait que parfois, ces informations sont contradictoires. Elle espère que les rapports suivants seront meilleurs à cet égard.

Elle s’interroge sur la manière dont le Gouvernement interprète la définition des mesures temporaires spéciales indiquée dans la Convention, compte tenu en particulier de la déclaration mentionnée dans le rapport selon laquelle le Gouvernement a lancé des mécanismes pour accélérer la réalisation de l’égalité entre les hommes et les femmes. La décision prise en 2006 par le Conseil des Ministres pour consacrer aux filles 50% des bourses peut apparaître à première vue comme une mesure temporaire spéciale. À ce propos, la recommandation générale no 25 du Comité donne de bons conseils aux États parties sur la manière d’interpréter cette notion. Mme Hayashi demande en outre si l’objectif de 50% a été atteint.

Se référant au programme d’alphabétisation destiné aux femmes et aux filles mentionné au paragraphe 155 du rapport, elle se félicite de l’objectif clair fixé pour ce programme, mais elle voudrait savoir si cet objectif a été atteint et, sinon, quelles ont été les principaux obstacles rencontrés.

Elle s’enquiert au sujet de l’état de la loi prévoyant un quota de 40% pour les femmes dans toutes les structures de la prise de décision.

Mme  Neubauer dit qu’il ne suffit pas d’assurer la prise en compte des sexospécifités et l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Pour remplir les obligations prévues dans la Convention, il faut aussi adopter des politiques spécifiques, y compris des mesures temporaires spéciales. Elle se demande si des mesures de ce type ont été incluses dans les plans d’action élaborés dans le cadre de l’atelier qui a été organisé en décembre 2007 par le Bureau d'appui des Nations Unies pour la consolidation de la paix en Guinée‑Bissau (BANUGBIS) afin d’accroître la participation des femmes aux efforts de réconciliation et quel est le rôle qui a été envisagé pour le Ministère de la solidarité sociale, de la famille et de la réduction de la pauvreté et pour l’Institut de la femme et de l’enfant dans l’exécution des plans d’action.

M.  Ferreira (Guinée‑Bissau) dit que le Gouvernement n’a pas adopté de mesures temporaires spéciales dans le sens de la Convention car, malgré la volonté politique d’appliquer les dispositions de la Convention, ces dispositions n’ont pas encore été incorporées dans le droit interne. Toutefois, des mesures visant à accélérer la réalisation de l’égalité entre les hommes et les femmes sont en train d’être progressivement élaborées.

Le rapport contient un certain nombre de statistiques contradictoires, car une grande quantité de données a été perdue pendant la dernière période de guerre civile et de crise et beaucoup de sources ne sont pas fiables. La délégation n’avait pas l’intention de tromper le Comité. En ce qui concerne le programme d’alphabétisation lancé en 1997, destiné au départ à un groupe cible de 5 000 femmes, les activités se sont en fait poursuivies jusqu’à la fin, même si le rapport ne contient aucun détail à ce sujet en raison du manque de données. Les données fiables compilées par l’Institut national des statistiques et des recensements et la dernière enquête en grappes à indicateurs multiples devraient permettre d’inclure des informations exactes sur le taux d’alphabétisation et sur les résultats du programme d’alphabétisation dans le rapport suivant. S’agissant de la loi prévoyant un quota de 40% pour la représentation des femmes dans toutes les structures, l’Institut de la femme et de l’enfant et le Ministère de la solidarité sociale, de la famille et de la réduction de la pauvreté travaillent avec les législateurs en vue d’atteindre cet objectif. En outre, dans un exercice de recrutement effectué récemment, sur les 20 juges désignés, 10 étaient des femmes, ce qui témoigne de la volonté de la Guinée‑Bissau de respecter l’égalité des sexes, conformément à la Convention. Mais il reste encore à faire pour surmonter certains problèmes.

Mme  Patten demande des éclaircissements sur la question de savoir si les dispositions de la Convention peuvent être invoquées directement devant les tribunaux et si les membres de l’appareil judiciaire reçoivent une formation concernant la Convention, le Protocole facultatif et les recommandations du Comité. En ce qui concerne l’article 32 de la Constitution, elle souhaiterait obtenir des informations supplémentaires au sujet de l’accès des femmes à la justice, y compris l’influence de l’éloignement des tribunaux sur cet accès. L’État partie devrait également indiquer si un système d’assistance juridique est en place, surtout qu’en vertu de la Constitution, la justice ne peut pas être refusée pour des motifs financiers. Enfin, selon la réponse de la Guinée‑Bissau à la question 6 de la liste de questions, la législation nationale n’impose ni sanctions ni réparation en cas de discrimination à l’égard des femmes. Il faut remédier à cette situation conformément à l’article 2 b) de la Convention.

M.  Flinterman demande des éclaircissements au sujet de la ratification du Protocole facultatif par l’État partie. Bien que, selon le rapport et la déclaration liminaire, cette ratification ait eu lieu le 28 février 2008, elle n’a pas encore été enregistrée par le Secrétaire général, en sa qualité de dépositaire. Il serait également utile de savoir si la réforme constitutionnelle qui est en cours déterminera au juste le statut juridique des accords internationaux, y compris leur applicabilité.

Mme  Hayashi voudrait connaître les mesures que la Guinée‑Bissau a prises pour déposer son instrument de ratification du Protocole facultatif auprès du Secrétaire général, conformément au paragraphe 2 de l’article 15 du Protocole, et les progrès qu’elle a réalisés quant à l’acceptation de l’amendement au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention. Elle se demande en outre si l’État partie a mal compris la notion de mesures temporaires spéciales telle que décrite au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention, étant donné que les mesures visant à assurer 50% de représentation aux femmes dans l’appareil judiciaire correspondent à cette description et que le Gouvernement a la ferme volonté de les prendre.

Mme  Popescu demande des informations supplémentaires au sujet du mécanisme national d’examen des lois internes qui, pour certaines d’entre elles, datent de la période coloniale. Gardant présent à l’esprit que l’une des priorités du cadre stratégique pour la consolidation de la paix en Guinée‑Bissau est de renforcer l’état de droit, elle voudrait également savoir si les lois discriminatoires sont en train d’être réexaminées dans cette perspective, avec l’assistance du Bureau d'appui des Nations Unies pour la consolidation de la paix en Guinée‑Bissau (BANUGBIS). Elle souhaiterait enfin en savoir davantage sur la situation actuelle relative aux femmes dans les programmes de consolidation de la paix exécutés par le Bureau et sur les mesures prises à cet égard pour appliquer la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité.

Mme  Šimonović demande si la Constitution interdit la discrimination fondée sur le sexe. Il serait également utile de savoir quel est le calendrier envisagé pour le processus de réforme constitutionnelle.

M.  Ferreira (Guinée‑Bissau) affirme que l’instrument de ratification du Protocole facultatif sera déposé auprès du Secrétaire général sans retard. En ce qui concerne l’accès des femmes à la justice, les tribunaux sont conçus de manière à assurer l’accès au système judiciaire de tous les citoyens ; il y a des tribunaux de première instance dans tout le pays et ils sont facilement accessibles à la majorité de la population, exception faite de ceux qui vivent dans l’archipel et doivent verser des frais de transport supplémentaires. L’accès des femmes à la justice est toutefois souvent empêché en raison du manque d’éducation. De plus, traditionnellement, les procès en justice ne sont pas toujours considérés comme un bon moyen de régler les différends. Pour cela, le Gouvernement et les organisations non gouvernementales sont en train de s’employer à modifier les perceptions culturelles et à montrer aux femmes que les tribunaux sont là pour défendre leurs droits. Un service d’appui a été créé pour conseiller les femmes victimes de violence familiale et leur faciliter l’accès à la justice. En ce qui concerne l’assistance juridique, l’association des avocats offre une aide aux citoyens qui n’ont pas les moyens de s’assurer une représentation juridique.

La Guinée‑Bissau croit que le principe de non discrimination à l’égard des femmes doit être consacré dans la législation nationale. Il faudrait toutefois que les dispositions pertinentes soient appliquées. L’Institut de la femme et de l’enfant a, par exemple, fait campagne auprès de la commission de la réforme du code de travail pour inclure des dispositions interdisant expressément la discrimination à l’égard des femmes dans les domaines de l’emploi et de l’accès aux services, car la loi générale relative au travail, qui interdit clairement la discrimination fondée sur le sexe, n’est pas toujours appliquée. En ce qui concerne l’application de sanctions, les droits de la femme seront mieux protégés dans les tribunaux à l’avenir, étant donné que les femmes travaillant actuellement dans le secteur judiciaire sont beaucoup plus nombreuses.

M.  Cabral (Guinée‑Bissau) dit qu’en raison d’un malentendu, l’instrument de ratification du Protocole facultatif a été envoyé dans le mauvais bureau. Il sera déposé le jour même auprès du Secrétaire général.

Les questions d’égalité entre les sexes sont une composante importante du travail de la Commission pour la consolidation de la paix en Guinée‑Bissau, comme elles font partie intégrante du cadre stratégique pour la consolidation de la paix. Tel qu’indiqué dans le rapport, des informations au sujet de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité ont été largement diffusées dans le cadre de plusieurs ateliers organisés dans le pays pour faire en sorte que les femmes soient sensibilisées aux obligations du Gouvernement à l’égard de la résolution et qu’elles puissent participer à sa mise en œuvre.

La Présidente, parlant en sa qualité d’experte, s’inquiète du fait que la Guinée‑Bissau n’a pas encore ratifié un certain nombre de traités internationaux importants relatifs aux droits de l’homme et considère que des mesures doivent être prises le plus rapidement possible pour remédier à cette situation. Elle insiste sur la nécessité de combattre les pratiques traditionnelles néfastes telles que le mariage précoce, les interdits alimentaires et la mutilation génitale féminine. En particulier, elle aimerait savoir quelles sont les mesures prises pour interdire la mutilation génitale féminine. En gardant présent à l’esprit qu’un projet de loi a été déjà soumis au Parlement mais qu’il n’a pas été examiné en raison de l’opposition d’un groupe de députés musulmans, elle tient à souligner que la mutilation génitale n’est liée à aucune religion. Le Gouvernement a la responsabilité de lutter contre une pratique qui porte préjudice à la santé et à la dignité de la femme et constitue une forme de violence à l’égard des femmes.

Mme  Coker ‑ Appiah dit que même si dans une société patriarcale comme celle de la Guinée‑Bissau la culture et la tradition sont souvent utilisées pour justifier la violence à l’égard des femmes, il faut comprendre que ces concepts sont dynamiques et qu’on peut les modifier. Ainsi, l’État partie doit donner des précisions sur les mesures qu’il est en train de prendre, y compris en matière de sensibilisation, pour lutter contre la discrimination et contre toutes les formes de violence à l’égard des femmes. En particulier, il serait utile de savoir si le centre de secours Women against Violence mentionné dans la réponse à la question 13 du Comité a été déjà mis en place et, dans l’affirmative, quels sont les services qu’il propose. Si, par contre, le centre n’a pas encore été créé, l’État partie devrait indiquer les obstacles qui l’ont empêché de réaliser le projet. Il serait également souhaitable d’obtenir un complément d’information sur les campagnes de sensibilisation mentionnées au paragraphe 52 des réponses à la liste de questions ainsi que sur les mesures éducatives, les systèmes d’alphabétisation des adultes et les systèmes d’accès à l’éducation que le Gouvernement a adoptés pour réduire au minimum la division sexiste du travail et les autres pratiques fondées sur l’idée de l’infériorité des femmes. En particulier, l’État partie devrait préciser si les mesures adoptées comprennent l’examen des manuels scolaires en vue de l’élimination des stéréotypes et, dans l’affirmative, indiquer les résultats obtenus.

Mme  Begum constate que si l’État partie reconnaît l’incidence de divers types de violence sexiste, y compris la mutilation génitale féminine, le mariage précoce forcé et la prostitution, il ne fournit que très peu de données à ce sujet. Elle voudrait en savoir davantage sur les services fournis aux victimes, comme par exemple sur l’existence de centres d’accueils pour les victimes de violence familiale. Elle souhaiterait enfin obtenir des informations supplémentaires sur le calendrier prévu pour l’adoption d’une loi concernant la violence à l’égard des femmes.

Mme  Popescu dit qu’il serait utile de savoir quel est le rôle des médias en ce qui concerne les mentalités patriarcales et quelles sont les mesures déjà adoptées par l’État partie pour persuader ces médias à présenter des images positives de la femme au lieu de faire perpétuer les stéréotypes.

Notant que beaucoup de violence à l’égard des femmes est la conséquence directe des pratiques néfastes, elle voudrait obtenir des informations détaillées au sujet du comité national chargé de lutter contre ces pratiques. Elle voudrait connaître la manière dont le Code pénal aborde la violence familiale, le viol conjugal et le viol en général.

Des précisions devraient être fournies au sujet du calendrier relatif à l’examen et à l’adoption du projet de loi sur la traite des enfants et la violence familiale qui a été soumis à l’Assemblée nationale et sur la question de savoir si une définition officielle de la violence familiale a déjà été adoptée. Enfin, compte tenue de la longue période d’instabilité et de conflit que la Guinée‑Bissau a vécue, il serait utile de savoir s’il existe des dispositions juridiques ou des tribunaux pour examiner le problème des viols qui ont été infligés aux femmes durant le conflit.

Mme  do Rosário (Guinée‑Bissau) dit que le ministère chargé de la lutte contre la pauvreté s’occupe directement de la protection des personnes handicapées, en leur assurant des médicaments subventionnés, des vêtements et des fournitures scolaires, entre autres services. Mais il est vrai qu’il faut faire davantage en matière de physiothérapie et d’ergothérapie. La législation relative aux personnes handicapées est en cours d’examen.

Il est important de signaler que la Guinée‑Bissau a enduré plusieurs années d’instabilité totale et d’extrême pauvreté dans le cadre d’un conflit meurtrier qui, évidemment, a produit énormément de violence. Des mesures sont en train d’être prises pour adopter les lois pertinentes, le plus rapidement possible, y compris sur la traite des êtres humains et les pratiques néfastes visant les femmes. De plus, le Gouvernement est en train de mener des campagnes de sensibilisation dans les zones rurales à propos des pratiques néfastes, de la violence à l’égard des femmes et du mariage précoce et forcé. En ce qui concerne ce dernier, des dispositions constitutionnelles assurent une protection contre le mariage avant l’âge de 18 ans ; et lorsqu’un tel mariage a lieu, les parents de la personne mineure sont appelés à en assumer la responsabilité juridique.

Le Gouvernement a récemment proposé la création d’un centre d’urgence pour les victimes de viol. Le centre n’a pas encore été créé, mais une assistance est apportée aux victimes de viol dans les postes de police et dans les tribunaux familiaux, ainsi que par l’intermédiaire de plusieurs organisations non gouvernementales s’occupant de la défense des droits des femmes et des enfants. Par ailleurs, le Gouvernement utilise les stations de radio locale comme moyen supplémentaire pour éduquer le public au sujet de la nécessité de lutter contre la violence à l’égard des femmes.

La séance est levée à 12 h 50.