Trentième session

Compte rendu analytique de la 646e séance

Tenue au Siège, à New York, le lundi 26 janvier 2004, à 15 heures

Président :Mme Açar

Puis :Mme Shin (Vice-Présidente)

Mme Açar

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes

Quatrième et cinquième rapports périodiques combinés de l’Éthiopie (suite)

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Quatrième et cinquième rapports périodiques combinés de l’Éthiopie (suite)(CEDAW/C/ETH/ 4-5, CEDAW/PSWG/2004/I/CRP.1/Add.2 et CEDAW/PSWG/2004/I/CRP.2/Add.2)

Sur invitation de la Présidente, les membres de la délégation éthiopienne prennent place à la table du Comité.

Articles 10 à 14 (suite)

M me Šimonovic dit que bien que le taux de mutilation génitale des filles soit tombée de 92 % à 80 %, ce chiffre est alarmant et donne à penser que les femmes se voient refuser le droit constitutionnel à la protection contre les pratiques nuisibles. Elle se demande si le Gouvernement envisage de prendre dans un proche avenir des mesures additionnelles destinées à prévenir cette pratique; le nouveau Code pénal prévoit seulement des sanctions négligeables contre la mutilation génitale; au surplus, il n’a pas encore été adopté. Le taux élevé de la mortalité maternelle est affecté par le grand nombre d’avortements non médicalisés; l’orateur voudrait savoir si le Gouvernement entend faire face à ce problème, entre autres en révisant le Code pénal de manière à légaliser l’avortement, comme cela est recommandé dans le programme d’action de Beijing.

M me Khan dit que le Comité n’a reçu que peu d’informations sur les services de santé en général, et les services concernant la santé de la procréation en particulier, et, notant le taux élevé de mortalité maternelle, dit que les réformes actuelles n’ont guère d’effet sur les soins de base apportés aux mères et aux enfants. Notant que seulement 8 % des femmes mariées pratiquent la contraception, elle s’interroge sur la disponibilité de services de planification de la famille pour les femmes et les adolescents. Bien que l’avortement soit illégal en théorie, il est pratiqué communément et la plupart des femmes qui se font avorter ont moins de 24 ans. L’orateur voudrait savoir s’il est possible de mettre en place des services de consultations en matière de planification de la famille, y compris pour les femmes rurales. Elle conteste l’affirmation de la délégation selon laquelle l’amélioration du niveau d’éducation ferait baisser le taux de mutilation génitale, car le pourcentage élevé montre que tous les niveaux de la société sont affectés; elle recommande un engagement accru en faveur de la réforme de la législation de manière à interdire la pratique.

M me Gabr se félicite des efforts destinés à améliorer le niveau d’instruction des femmes, par exemple en établissant un quota de 30 % de femmes au niveau de l’enseignement supérieur, et en prioritarisant l’éducation des filles; mais il n’est pas clair ce que l’on fait pour réduire le taux élevé d’abandon scolaire et régler d’autres problèmes, notamment dans les zones rurales. S’agissant de l’emploi, bien que l’Éthiopie soit partie à plusieurs conventions de l’Organisation internationale du Travail, les femmes sont toujours victimes de discrimination. L’orateur se demande s’il existe des efforts destinés à surmonter ce problème et à assurer la démarginalisation économique des femmes, entre autres grâce à la création de petites entreprises et à un meilleur accès au crédit. Il serait également souhaitable d’obtenir des renseignements additionnels sur le secteur non structuré où les femmes jouent un rôle majeur. Dans les zones rurales les femmes ont les mêmes droits en matière de propriété, mais dans la pratique la situation est très différente. L’orateur voudrait savoir si le Gouvernement a des plans ou des programmes destinés à régler ce problème.

M. Flinterman dit qu’il se félicite des efforts destinés à réduire les disparités entre hommes et femmes en matière d’éducation et à rendre le système d’éducation plus attentif aux besoins des femmes, mais il s’interroge sur la répartition des pouvoirs en matière d’éducation entre le Gouvernement fédéral et les régions. Si le Gouvernement fédéral a le droit d’imposer l’éducation primaire universelle, l’a-t-il déjà fait ou existe-t-il un calendrier à cet égard. L’orateur note que dans les réponses aux questions soulevées par le Comité, on a mentionné une étude sur la disparité entre les sexes dans les écoles primaires de cinq régions et il souhaite obtenir des informations sur les résultats sur cette étude et savoir si des mesures ont été envisagées pour y donner suite. S’agissant de l’objectif de 30 % de femmes dans l’éducation supérieure en l’année scolaire 2004-2005, il voudrait connaître les objectifs pour les années futures et savoir quand la proportion de 50 % sera atteinte. Il voudrait également obtenir des informations sur la question de savoir si le Gouvernement à un programme qui vise à assurer l’égalité entre les sexes dans le secteur de l’éducation privée.

M me Shin dit qu’elle se félicite de l’établissement de quotas pour le nombre des femmes étudiantes à l’université, mais selon les statistiques fournies à la suite des questions soulevées par le Comité, l’écart entre garçons et filles aux niveaux primaire et secondaire semble se creuser. Outre les mesures temporaires spéciales prises au niveau universitaire, peut-être le Gouvernement devrait envisager des mesures également pour les niveaux primaire et secondaire, tels que des bourses et des incitations économiques pour encourager les parents à envoyer leurs enfants à l’école. Les taux d’abandon et de redoublement des filles ont également augmenté et l’orateur se demande si l’on s’est efforcé de déterminer les raisons de cette augmentation. Des mesures spéciales temporaires pourraient offrir une solution et l’orateur pose la question de savoir s’il existe des programmes d’éducation pour adultes, y compris les femmes, pour réduire l’analphabétisme. Dans le domaine de la santé, elle voudrait savoir quels sont les types de services de planification de la famille disponibles, notamment en matière de contraception, s’ils sont abordables et si l’on a pris des mesures pour les améliorer.

M me Asfaw (Éthiopie) dit qu’un taux de 80 % pour la mutilation génitale des filles est trop élevé, mais signale qu’il a du moins baissé par rapport au niveau de 92 % observé dix ans plus tôt. La mutilation génitale, qu’elle ait lieu quand la fille à seulement 8 ans ou par la suite est une pratique traditionnelle destinée à protéger les droits de propriété de l’homme chef de ménage et à garantir que les enfants sont vraiment les siens. Certes, l’orateur souhaiterait que cette pratique soit éliminée et bien que la Constitution érige la mutilation génitale des filles en infraction, il faudra du temps et des campagnes de sensibilisation pour éliminer la pratique. Il faut persuader les femmes en particulier que la mutilation génitale est contraire à leurs intérêts.

Elle déplore, elle aussi, le taux élevé de la mortalité maternelle qui, selon les statistiques les plus récentes, est de 871 pour 100 000 naissances vivantes. Les deux facteurs qui influent sur ces chiffres sont les mariages précoces – bien que l’âge du mariage soit de 18 ans en théorie – et les avortements illégaux qui provoquent le décès de nombreuses jeunes femmes. La question de l’avortement est controversée et il est difficile de l’aborder avec les parents et les jeunes gens. Un autre facteur qui se répercute sur le taux de mortalité maternelle, ce sont les famines répétées qui ont un effet durable sur la santé des femmes en général.

Dans les zones rurales, le Gouvernement a établi des dispensaires, mais il est difficile de trouver du personnel étant donné le faible niveau d’instruction de la population. Le Gouvernement cherche à affecter au moins deux agents sanitaires féminins à chaque comté, ce qui non seulement crée des possibilités d’emploi pour des femmes, mais garantit que ces dernières ont accès à des prestataires de soins à qui elles peuvent soumettre leurs problèmes. Ces agents sanitaires peuvent servir de modèle pour les filles et les étudiantes. Le Gouvernement s’emploie également à faire en sorte que 50 % des instituteurs dans les zones rurales soient des femmes, ce qui crée des possibilités d’emploi pour des femmes et des modèle dont les jeunes filles peuvent s’inspirer tout en montrant aux jeunes gens que les femmes peuvent jouer un rôle utile en dehors du foyer.

Les femmes rurales ont le droit d’hériter de la propriété foncière dans des conditions d’égalité avec les hommes. Malheureusement, bien que les femmes accomplissement des tâches comme l’ensemencement et le désherbage, elles n’ont pas le droit de labourer la terre en utilisant des bœufs. La femme est donc obligée de payer un homme pour labourer sa terre et doit également louer les bœufs, ce qui et coûteux et réduit sensiblement son revenu.

Passant au domaine de l’éducation, l’orateur dit que la disparité entre les sexes persiste parce que non seulement les filles, mais aussi les garçons, sont plus nombreux à fréquenter l’école. Il est difficile d’améliorer le taux de scolarisation totale, car dans une économie de subsistance, les enfants sont appelés à travailler, notamment dans les communautés agricoles. Le taux d’abandon des garçons et des filles augmente généralement au moment de la boisson et des semailles. Grâce à l’amélioration du système de statistique, l’orateur espère que l’on disposera de données de plus en plus précises pour toutes les régions du pays. Les faibles taux de scolarisation et les taux élevés d’abandon scolaire ne sont pas vraiment affectés par l’attitude des parents; les parents sont tout à fait conscients de la nécessité de l’éducation, mais on a tout simplement besoin du travail des enfants pour soutenir la famille. Si tous les enfants étaient obligés à fréquenter l’école, l’économie agricole de subsistance pourrait s’effondrer.

Le Gouvernement a commencé à ajouter l’éducation civique aux programmes d’études pour donner aux élèves une éducation dans le domaine des droits de l’homme, y compris la Convention, et l’on s’emploie actuellement à encourager des femmes plus nombreuses à faire des études dans le domaine de la science et de la technologie. Toutefois, il existe toujours un préjugé à l’égard des femmes qui font des études de mathématiques et de sciences, c’est pourquoi le Gouvernement a créé des écoles spéciales pour femmes axées sur la science et la technologie. Au niveau de l’université, les femmes sont toujours sous-représentées dans ces disciplines, mais ce déséquilibre peut être corrigé avec le temps à mesure que les femmes ont plus de confiance et sont mieux formées.

La rémunération est souvent liée au niveau d’instruction et les hommes et les femmes ayant le même niveau d’instruction ont généralement le même salaire. Du moins dans le secteur public, il n’existe guère de différence entre la rémunération des femmes et celle des hommes, alors qu’il y a des abus dans le secteur privé. Dans le cadre de sa stratégie de développement de l’économie rurale, le Gouvernement cherche à encourager une meilleure fréquentation des écoles et est en train de mettre en place l’infrastructure telle que des routes, l’électricité et des moulins pour le broyage des céréales, ce qui devrait améliorer la situation des femmes.

M me Abasiya (Éthiopie) dit que la mutilation génitale des filles a été érigée en infraction, mais que le changement des attitudes et la sensibilisation quant à son impact constituent des moyens plus efficaces d’y mettre fin. Les mères la pratiquent sur leurs filles, et ce sont donc les femmes qui doivent être la cible des campagnes de sensibilisation. La faible prévalence de la contraception peut également être attribuée à la tradition selon laquelle la contraception est considérée comme le meurtre d’un enfant. Néanmoins, les contraceptifs sont distribués gratuitement. Tous les conseils locaux forment deux femmes en tant que vulgarisatrices chargées de diffuser des informations concernant la santé des femmes, et cela devrait commencer à avoir un impact.

Le Gouvernement s’est fixé pour objectif d’inscrire 65 % des filles dans l’enseignement primaire en 2007. Il espère parvenir au même taux de scolarisation pour les garçons et les filles d’ici à 2015. Le taux élevé d’abandon scolaire des filles peut être attribué dans une certaine mesure à la forte prévalence du VIH/sida et aux mariages précoces.

M me Tavares da Silva dit que le rapport n’a pas brossé un tableau complet du marché du travail. Elle voudrait savoir quels sont les secteurs qui emploient le plus de femmes et qu’elles ont été les dispositions prises en matière de maternité et de soins aux enfants, notamment dans le secteur privé. Elle a l’impression que la législation du travail vise à protéger les femmes plutôt qu’à assurer leur égalité.

M me Kwaku pose la question de savoir si les programmes préférentiels concernant l’éducation et l’alphabétisation des filles et des femmes visés au paragraphe 19 et 20 du rapport ont été étendus à d’autre écoles Dans le prochain rapport, elle souhaiterait obtenir des informations additionnelles concernant la situation des femmes âgées et handicapées.

M me Saiga voudrait connaître la durée de la scolarisation obligatoire et savoir si l’enseignement est gratuit. Elle voudrait également obtenir des détails supplémentaires sur l’initiative de développement des femmes.

M me Patten dit que le rapport brosse un sombre tableau de la situation des femmes rurales. Pourtant, il semble que seulement peu d’entre elles bénéficient des différentes initiatives. Elle se demande si le Gouvernement entend adopter une politique globale concernant les femmes rurales. Elle voudrait également en savoir plus long sur leur accès au crédit, à l’assistance technique et à la terre, et s’il existe une politique foncière au niveau fédéral.

M me Manalo trouve difficile d’accepter que l’économie rurale de subsistance s’effondrerait si l’on permettait aux filles de fréquenter l’école. Leur éducation constitue un impératif moral; la présence des filles sans instruction entrave le développement de la société à long terme. L’orateur voudrait savoir si le plan de développement national prévoit l’intégration d’une perspective soucieuse de l’égalité entre les sexes.

M me Morvai dit que les mariages précoces sont un obstacle à l’égalité des femmes. L’enregistrement des naissances est le seul moyen de vérifier que les règles relatives à l’âge du mariage sont respectées, et l’orateur voudrait savoir s’il est prévu d’introduire l’enregistrement des naissances. L’espérance de vie des femmes de 44,9 ans est extrêmement basse. L’orateur voudrait obtenir des renseignements additionnels concernant les principales causes de la mortalité féminine et toute stratégie envisagée pour redresser la situation. Enfin, elle demande des faits et des chiffres sur la prostitution en Éthiopie.

M me Belmihoub-Zerdani dit que d’après son expérience, il est très difficile pour un pays de se développer si son taux de croissance économique est inférieur au taux de natalité; par conséquent il est indispensable de réduire le nombre élevé de 6,9 enfants par femme. Des organismes des Nations Unies, y compris le Fonds des Nations unies pour l’enfance, l’Organisation mondiale de la santé et le Fonds des Nations unies pour la population sont en mesure d’apporter une assistance pour les programmes de planification de la famille. Il faut également des mesures destinées à améliorer la situation des femmes rurales, en particulier en matière d’éducation.

M me Asfaw (Éthiopie) dit que le Gouvernement reconnaît, lui aussi, qu’il est malheureux que les enfants soient obligés à travailler pour aider leurs familles à survivre, mais cela est une réalité à laquelle il faut faire face. Les programmes d’éducation rurale cherchent à régler le problème en offrant des cours à différentes périodes de la journée. L’éducation primaire est gratuite, mais il n’y a pas assez d’écoles pour accueillir tous les enfants du groupe d’âge correspondant. C’est les parents qui décident si les enfants peuvent fréquenter l’école; les pays n’a pas encore atteint un niveau de développement suffisant pour exiger la scolarisation obligatoire.

S’agissant de l’emploi des femmes dans le secteur privé, 85 % de la population est composée de paysans; seulement 15 % vivent dans des zones urbaines. Comme dans bien des pays situés à un niveau de développement analogue, l’État est le plus grand employeur en dehors su secteur agricole. Le secteur privé est très limité et n’est pas un facteur important dans l’emploi des femmes.

L’enregistrement des naissances n’est pas très répandu, mais certaines églises ont commencé à tenir des registres. Dans les zones rurales, le problème réside dans le fait qu’il n’y a que peu de personnes ayant le niveau d’alphabétisation nécessaire à la gestion de dossiers. L’espérance de vie des femmes est la conséquence du niveau généralement faible des soins de santé et des cycles répétés de sécheresse et de famine. Des femmes déjà affaiblies par un manque de nutrition appropriée meurent souvent lors de l’accouchement. La sécheresse, qui par le passé survenait tous les trente ans, arrive désormais tous les trois ans.

Il existe une corrélation directe entre la pauvreté et la prostitution en Éthiopie. Des femmes rurales démunies migrent vers les villes les plus importantes, puis vers des pays voisins comme le Soudan, où la prostitution est leur seul moyen de subsistance. La prostitution n’est pas illégale, car des femmes se livrent à la prostitution uniquement parce qu’elles n’ont pas d’autre choix et elles sont déjà suffisamment punies.

S’agissant du taux élevé de la natalité, la société considère les enfants comme un bienfait et une forme de sécurité pour la vieillesse. Le niveau élevé de la mortalité infantile contribue à cette situation. De meilleurs taux de survie des enfants et l’éducation contribueront en fin de compte à faire baisser la natalité.

M me Abasiya (Éthiopie) dit que depuis sa création en 2001, le Fonds pour le développement des femmes éthiopiennes a lancé un projet pilote quinquennal dans neuf régions. Ce projet, qui encourage l’indépendance économique à la base grâce à des programmes générateurs de revenus a été financé par les gouvernements éthiopien et italien en coopération avec la Banque mondiale pour un montant de 1 623 438 dollars. Il porte sur 479 groupes de femmes et a atteint 8 315 personnes dans 1 663 ménages.

M me Asfaw (Éthiopie), répondant aux questions concernant la situation des personnes âgées, dit que dans la société éthiopienne, les personnes âgées jouent un rôle important dans la famille. La prolifération du VIH/sida a créé une situation où les grands-parents sont obligés d’assumer le rôle de parents pour de jeunes enfants dont les parents sont morts. Des statistiques sur la portée de ce phénomène seront présentées dans la prochain rapport soumis par Éthiopie.

Le Gouvernement et la communauté très active des organisations non gouvernementales apportent un soutien important aux personnes handicapées, y compris aux anciens combattants.

Articles 15 et 16

M me Gaspard dit qu’il est manifeste que le Gouvernement éthiopien a la ferme volonté politique de poursuivre la mise en oeuvre de la Convention. L’échange de vues avec la délégation très qualifiée et engagée a renforcé la conviction du Comité quant à la volonté du Gouvernement de mettre en place les mécanismes administratifs nécessaires à l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. L’orateur est perplexe devant l’absence de toute déclaration nette quant à l’application de l’article 16 de la Convention, et souhaiterait obtenir des renseignements additionnels concernant le Code de la famille. Elle voudrait savoir comment le Code est appliqué, lesquels sont les organes administratifs responsables de sa diffusion et de son application. Comme certaines régions n’ont pas encore adopté le Code de la famille, elle se demande s’il existe une loi centrale qui rend les dispositions du Code de la famille obligatoires pour toutes questions de droit civil. Elle voudrait également savoir quelles sont les mesures prises par les autorités fédérales en vue de promouvoir l’adoption du Code par les autorités régionales, notamment pour les questions aussi cruciales que l’âge du mariage. Tout en reconnaissant l’ampleur des difficultés auxquelles Éthiopie fait face, elle espère que le Gouvernement se rend compte combien il est urgent de mobiliser l’appareil de l’État pour la lutte contre la discrimination.

M me Gabr se réfère à plusieurs pratiques traditionnelles nuisibles qui compromettent gravement les droits et l’intégrité personnelle des femmes et la vie de famille. À moins que le problème posé par ces coutumes soit réglé, les efforts destinés à promouvoir le respect des droits des femmes et à éliminer la discrimination fondée sur le sexe demeureront vains.

M me Coker-Appiah félicite l’Éthiopie d’être un des rares pays africains à avoir adopté des lois relatives à la communauté des biens. Elle signale un manque de clarté dans les réponses concernant les motifs qui peuvent être invoqués pour demander le divorce et les recours à la disposition des parties pour obtenir des pensions alimentaires.

M me Gnacadja dit que bien qu’elle comprenne pleinement le contexte dans lequel le Gouvernement éthiopien cherche à promouvoir les droits des femmes, il a l’obligation de progresser vers l’élimination de la discrimination. La Constitution accorde la pleine souveraineté à sept régions, dont chacune à son propre code de la famille; par conséquent, le pouvoir de l’État fédéral est assez limité dans ce domaine. L’orateur voudrait savoir combien de codes de la famille sont appliqués en Éthiopie au niveau des États et au niveau fédéral.

Elle signale également que de nombreuses pratiques religieuses et coutumières qui sont reconnues par la Constitution perpétuent la discrimination à l’égard des femmes et encouragent l’élaboration de lois qui compromettent les droits des femmes. Il lui paraît donc indispensable de recourir à des principes constitutionnels qui l’emportent sur la loi coutumière des États, et elle se demande s’il n’est pas possible de promulguer des dispositions conformément auxquelles les lois coutumières discriminatoires seraient déclarées nulles comme étant contraires à la Convention. Comment les États justifient-t-ils l’adoption continue de lois discriminatoires, et comment le principe de la primauté de la Constitution par rapport à la législation des États est-il appliqué?

M me Morvai demande à connaître l’état de la législation concernant les violences à l’égard des femmes, en particulier la violence familiale, et voudrait savoir si les lois pertinentes sont compatibles avec la recommandation générale no 19. Elle voudrait également savoir si la mutilation génitale des filles est légale et si le fait de transmettre sciemment le VIH par des rapports sexuels constitue une infraction. À ce propos, elle est curieuse de savoir si la prolifération de l’épidémie est due à la promiscuité des hommes, à la polygamie ou à des infractions d’ordre sexuel.

M me Belmihoub-Zerdani souligne que les États parties à la Convention ont l’obligation d’insister sur l’application de ses dispositions et qu’ils doivent mobiliser les ressources nécessaires à cet effet. Un moyen essentiel de décourager les mariages précoces qui sont préjudiciables à la santé des jeunes filles consiste à établir un système d’enregistrement des naissances et des mariages afin que les autorités puissent vérifier et enregistrer l’âge des personnes qui se marient.

M me Kapalata se référant à l’application du Code de la famille et à la primauté de la Constitution par rapport à la législation fédérale ou régionale, dit que la diversité du système éthiopien ne devrait pas empêcher l’application de la Convention.

M me Patten s’associe à M me Coker-Appiah pour demander des éclaircissements quant aux raisons qui peuvent justifier le divorce. En outre, elle voudrait obtenir des informations sur le rôle des arbitres familiaux, leur nomination et leur formation. Comme la majorité des Éthiopiennes sont mariées selon des rites religieux ou coutumiers, elle se demande si l’on a examiné le droit coutumier des différents groupes ethniques.

L’orateur réitère qu’il est urgent de mettre en place un système d’enregistrement des naissances et des mariages et adopter une loi gouvernant l’état civil.

M me Abasiya (Éthiopie) réitère que le Gouvernement éthiopien a la volonté politique nécessaire à l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, et reconnaît que la transition à l’étape de mise en oeuvre soulève une série de problèmes. Répondant aux questions concernant l’application de la législation fédérale au niveau des régions, elle dit que toutes les lois doivent être conformes à la Constitution. À défaut, le Gouvernement fédéral est habilité à intervenir. Le Code de la famille fédéral s’applique directement dans deux régions administratives séparées et a été ratifié par trois sur les neuf gouvernements régionaux. Les six restants se sont engagés à le ratifier avant la fin de 2004.

L’orateur confirme que l’enlèvement de femmes, les violences commises à leur égard et la confiscation des biens dont héritent les veuves sont contraires à la loi et que le mariage exige le consentement des deux parties. La transmission délibérée du VIH est interdite par le projet de Code pénal que le Parlement est en cours d’achever.

M me  Asfaw (Éthiopie) souligne que les dispositions de la Convention ne sont pas lettre morte en Éthiopie, mais sont consacrées par la Constitution qui a été ratifiée par tous les gouvernements régionaux. Toutefois, elle reconnaît que l’application de la législation dans le domaine des droits des femmes pose souvent des problèmes, car les attitudes stéréotypées et les comportements discriminatoires sont profondément enracinés dans la société éthiopienne et ne peuvent pas être éliminés en un jour. Elle considère que la situation changera seulement lorsque les femmes elles-mêmes se sentiront suffisamment fortes pour exiger le changement.

Passant aux questions concernant le mariage et le divorce, l’orateur reconnaît que l’enlèvement de jeunes femmes aux fins du mariage continue toujours, bien que cet acte ait été érigé en infraction. Il faut des tribunaux efficaces pour mettre fin à cette pratique.

Les raisons motivant le divorce en Éthiopie sont nombreuses et variées. Les hommes se séparent souvent de leurs épouses parce qu’ils souhaitent commencer une nouvelle relation avec une femme plus jeune, et les épouses abandonnées n’ont guère de chance de trouver un autre mari. Toutefois, certains progrès ont été accomplis en la matière : il devient de plus en plus difficile pour des maris de demander le divorce sans raison valable et un système de partenariat légal est en train d’être introduit progressivement conformément auquel un homme qui vit avec une femme pendant plus de deux ans est considéré comme son mari. Traditionnellement, les arbitres familiaux sont intervenus dans les procédures de divorce et de réconciliation, mais leur participation est désormais limitée strictement puisque dans leur grande majorité, ce sont des hommes conservateurs.

M me Shin voudrait savoir si le Gouvernement éthiopien a pris des mesures pour promouvoir l’utilisation de la contraception parmi les femmes.

M me Khan signale que les statistiques sur la mortalité infantile en Éthiopie qu’elle a citées sont tirées d’un rapport de l’Organisation mondiale la santé publié en 2001.

M me Asfaw (Éthiopie) répète que les taux de mortalité infantile cités par Mme Khan sont trop élevés. S’agissant de la planification de la famille, le Gouvernement s’est entretenu avec des femmes et encourage l’utilisation de contraceptifs; en conséquence plus de 4 % de la population utilise désormais une forme de limitation des naissances. Il existe un lien manifeste entre l’utilisation de la contraception et l’éducation sexuelle. À ce propos, on a lancé des campagnes d’éducation au niveau des communautés afin d’encourager l’espacement des naissances et de conseiller aux mères de ne pas avoir plus de quatre enfants. L’introduction d’un programme d’immunisation des enfants a eu un impact considérable en Éthiopie : des enfants plus nombreux survivent jusqu’à l’âge adulte et il n’est pas nécessaire pour les femmes de supporter un si grand nombre de grossesses.

La Présidente dit que le Comité est conscient des très grandes difficultés auxquelles fait face l’Éthiopie. Toutefois, il est manifeste que malgré l’existence d’une législation relative à l’égalité entre les sexes, la situation des femmes ne s’est pas améliorée sensiblement durant la période considérée. L’expérience donne à penser que la reconnaissance du principe de l’égalité entre les sexes est indispensable à l’efficacité des mesures de lutte contre la violation des droits des femmes, mais en l’absence du développement économique et social, les efforts de promotion des droits des femmes en Éthiopie demeureront inefficaces. L’orateur demande donc instamment au Gouvernement d’adopter des stratégies concrètes destinées à mettre en place un cadre économique, social et culturel approprié.

Il faut adopter une démarche plus agressive en matière d’adoption de politiques de promotion des droits des femmes, d’intégration d’une perspective soucieuse de l’égalité entre les sexes et d’adoption de budgets attentifs aux besoins des femmes dans le cadre de l’élaboration des politiques dans tous les secteurs. La féminisation de la pauvreté est particulièrement préoccupante étant donnée son incidence, entre autres, sur l’éducation et la santé des femmes.

Tout en se félicitant de la participation des organismes locaux à la prise des décisions en Éthiopie, l’orateur estime que ce processus manque de dynamisme. À cet égard, il faut prendre des mesures pour accélérer les progrès et parvenir à des résultats plus importants, et elle espère que le prochain rapport inclura des informations sur les programmes et les activités pertinents du Gouvernement. Les décideurs doivent être informés des obligations découlant de la législation fédérale en matière d’égalité entre les sexes et bénéficier d’une formation à cet effet. Il faut également conduire des activités de sensibilisation au niveau local afin de familiariser les habitants avec les principes énoncés dans la Convention.

Tous les Éthiopiens doivent être informés des droits de l’homme. La modification des attitudes des femmes elles-mêmes constitue un premier pas fondamental sur la voie vers l’égalité de facto et de jure entre les sexes, et l’éducation représente un instrument primordial à cet égard. L’orateur invite instamment le Gouvernement à lancer des campagnes dans les médias destinés à éliminer les stéréotypes et les coutumes et de suivre et d’évaluer l’impact de ces campagnes sur la population.

L’orateur félicite le Gouvernement de sa tentative de réviser le Code pénal et l’engage à intensifier ses efforts à cet égard. Toutefois, il faut veiller à assurer la compatibilité avec la Convention.

S’agissant des coutumes et pratiques traditionnelles, l’orateur se réjouit que le Gouvernement ait la volonté politique nécessaire à leur élimination, mais souligné qu’il faut adopter des mesures concrètes et ciblées. De telles mesures sont également nécessaires en ce qui concerne la prévention du VIH/sida, les soins de santé, l’éducation et l’emploi. À ce propos, elle invite le Gouvernement à exécuter des enquêtes et à collecter des données ventilées par sexe.

La séance est levée à 17 h 25.