à l’égard des femmes

Quarante-troisième session

Compte rendu analytique de la 877e séance

Tenue au Palais des Nations, à Genève, le mercredi 28 janvier 2009 à 15 heures.

Présidente :Mme Gabr

Puis :Mme Neubauer

Puis :Mme Gabr

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention ( suite)

Deuxième et troisième rapports périodiques combinés du Cameroun (suite)

La séance est ouverte à 15 heures.

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Deuxième et troisième rapports périodiques combinés du Cameroun (suite) (CEDAW/C/CMR/3, CEDAW/C/CMR/Q/3, CEDAW/C/CMR/Q/3/Add.1)

Sur l’invitation de la Présidente, les membres de la délégation du Cameroun prennent place à la table du Comité.

Articles 10-14

M me Zou Xiaoqiao rend hommage, au nom du Comité, aux efforts déployés par le Gouvernement pour fournir des données statistiques ventilées selon le sexe. Elle demande si les nouvelles mesures, notamment la gratuité de l’enseignement primaire et l’octroi de bourses aux filles, sont également mises en œuvre dans les zones rurales. Elle souhaite aussi des informations sur les résultats obtenus. Il serait aussi intéressant d’avoir davantage de détails sur le contenu et la mise en œuvre des politiques visant à éliminer les inégalités dans le secteur de l’éducation. Selon des sources officieuses, les filles sont parfois en butte en milieu scolaire au harcèlement sexuel des enseignants du sexe opposé, en particulier dans les zones rurales, rendant de ce fait les parents peu enclins à envoyer leurs filles à l’école. Elle aimerait savoir si ce problème existe toujours et le cas échéant, en connaître l’ampleur.

Elle est consciente que la législation camerounaise pénalise le harcèlement sexuel. Elle demande si des efforts particuliers ont été faits pour y sensibiliser le corps enseignant, en particulier les enseignants de sexe masculin, et s’il existe un mécanisme permettant aux étudiantes de porter plainte. Elle aimerait savoir si le Comité chargé de la révision des manuels scolaires se penchera sur les manuels tant de l’enseignement public que de l’enseignement privé. Il serait également intéressant de savoir s’il existe un organe spécifique chargé de veiller à ce que le contenu de ces manuels prône l’égalité entre les sexes.

Elle a entendu dire qu’en dépit de la législation qui garantit aux réfugiés les mêmes droits à l’éducation, que de nombreux enfants réfugiés ne sont pas scolarisés, notamment les filles. Elle demande si le Gouvernement a pris des mesures spécifiques ou s’il entend en prendre pour permettre aux jeunes filles réfugiées d’aller à l’école.

M me Patten note que le rapport contient très peu d’informations sur l’emploi des femmes, que ce soit dans le secteur privé ou dans le secteur public. Elle se demande s’il existe des statistiques ventilées selon le sexe concernant la participation des femmes au marché du travail tout en suggérant que ces données soient présentées dans le prochain rapport périodique. Quelques renseignements sont fournis à propos des employées dans l’administration, mais la Convention s’applique également au secteur privé et l’alinéa e) de l’article 2 établit l’obligation légale d’éliminer la discrimination dans les entreprises. Elle se demande de quelle façon le Cameroun contrôle l’application du Code du travail et s’assure de l’absence de discrimination en matière de recrutement et de rémunération.

Le rapport se réfère à des pratiques discriminatoires dans le secteur privé, notamment de ne recruter les femmes qu’à la condition qu’elles ne deviennent pas enceintes. Elle aimerait savoir comment l’Inspection du travail aborde cette question et obtenir des données sur les cas examinés. Il serait intéressant de connaître les procédures existantes pour porter plainte dans le cadre du travail et le nombre d’employeurs ayant fait l’objet de poursuites.

Les contrats de travail sont librement négociés. Cette politique ignore les discriminations profondément ancrées à l’égard des femmes ainsi que leur position de faiblesse dans la négociation, ce qui les contraint souvent à accepter de bas salaires et de mauvaises conditions de travail. Elle se demande si le Gouvernement entend remédier à cette situation. Le Comité sur les droits économiques, sociaux et culturels a exprimé déjà en 1999 sa vive préoccupation à ce sujet en rappelant au Gouvernement son obligation de veiller aux bonnes conditions de travail. Le même Comité a également invité le Cameroun à mettre en place des politiques visant à interdire le harcèlement sexuel sur les lieux de travail et à promulguer une législation spécifique à cet effet. Elle souhaiterait savoir si le Code du travail sera modifié dans ce sens, et si des dispositions sont prévues afin de répondre aux besoins des femmes qui travaillent en matière de garde des enfants à un prix abordable.

Au Cameroun comme ailleurs, les femmes doivent souvent travailler dans le secteur informel faute d’avoir accès au secteur formel. Compte tenu des conditions de travail précaire caractérisant le secteur informel, elle aimerait être informée des efforts entrepris visant à promouvoir et à renforcer les microentreprises et autres possibilités d’emploi et savoir si des mesures ont été adoptées pour faciliter le passage du secteur informel au secteur formel. Comme le rapport fait état de la volonté politique du Gouvernement d’étendre la couverture de la sécurité sociale au secteur informel, il serait intéressant d’avoir davantage de détails sur le Comité chargé de réformer la sécurité sociale, notamment sur son mandat, le travail accompli à ce jour et le nombre de femmes siégeant à ce Comité. Elle s’interroge sur les chances de succès d’étendre la sécurité sociale au secteur informel.

M me Bailey aimerait savoir si les très nombreuses femmes travaillant dans l’agriculture informelle sont majoritairement salariées au sein d’exploitations appartenant à des hommes ou si elles contribuent sans être rémunérées à l’agriculture familiale de subsistance et le cas échéant, si elles ont la possibilité de vendre le surplus au marché pour bénéficier d’un revenu indépendant. Le rapport signale la tendance croissante des hommes à se porter sur les cultures vivrières, compte tenu de la baisse des prix des cultures de rente, alors que les premières incombent principalement aux femmes. Il importe de connaître l’impact de ce changement sur les moyens d’existence des femmes.

Les données qui ont été fournies indiquent que le secteur formel est relativement limité et ne dépasse pas 17,4 % de la force de travail des secteurs privé et public. La discrimination sexuelle est verticale, les postes de direction étant majoritairement occupés par des hommes. De même, il existe sans doute une discrimination horizontale en termes de secteurs d’activité professionnelle. Elle demande si des mesures sont envisagées pour réduire les obstacles qui freinent l’accès des femmes aux professions traditionnellement masculines ainsi qu’aux postes de direction dans le secteur formel et quelles sont les mesures adoptées dans le système éducatif pour lutter contre les stéréotypes en matière de professions. Il serait intéressant de connaître les domaines choisis par le pourcentage élevé de filles inscrites dans l’enseignement technique et de savoir dans quelle mesure celui-ci perpétue la ségrégation professionnelle actuelle. Elle se déclare également préoccupée par le fait que le Code du travail renforce la discrimination en matière de recrutement et se demande comment cette question est prise en compte, notamment en ce qui concerne l’écart des salaires entre hommes et femmes.

M me Rasekh rend hommage à l’action gouvernementale consistant à faire participer les hommes et les femmes à la santé en matière de procréation ainsi qu’à promouvoir des mesures préventives et curatives. Le document Réponses aux problèmes et aux questions à traiter (CEDAW/C/CMR/Q/3/Add.1) contient une déclaration gouvernementale sur l’avortement, qu’elle respecte, mais qui ne répond pas à la question posée par le Comité à propos de la révision de la législation relative à l’interruption de grossesse, outre un meilleur accès aux moyens contraceptifs et l’information à l’école. Le rapport contient quelques données sur l’éducation sexuelle, mais pour un pays de la taille du Cameroun, un programme expérimental dans une quinzaine d’écoles n’est pas suffisant pour lutter contre les avortements clandestins et les grossesses non désirées. Elle aimerait davantage de renseignements sur les mesures adoptées pour prévenir les grossesses non désirées parmi les jeunes femmes et les écolières. Elle souhaite des précisions sur les mécanismes mis en place pour lutter contre l’augmentation du nombre de cas de VIH/sida dans la population féminine. Le rapport ne fournit pas d’information sur les autres problèmes de santé, tels que l’incidence, la prévalence et la prévention du cancer du sein, du cancer de l’utérus et des maladies hydriques, toutes répandues au Cameroun, et ne mentionne aucune mesure législative, activité, politique ou programme visant à les prévenir.

Selon les données de 1993 contenues dans un rapport des Nations Unies, le nombre de médecins, d’agents de santé et d’infirmiers est très faible au Cameroun. Elle demande si la situation a évolué depuis cette date et si des mesures ont été prises, notamment en zones rurales où les femmes ont généralement un accès limité aux soins de santé. Finalement, elle souhaite obtenir des détails sur les programmes éducatifs et de sensibilisation visant les communautés, les familles et les parents, en vue de prévenir les pratiques néfastes qui entraînent des conséquences graves à long terme sur la santé des femmes et des filles.

M me Murillo de la Vega comprend que le Gouvernement est déterminé à combattre les inégalités en dépit de l’influence persistante des pratiques traditionnelles. La Constitution consacre l’égalité entre les sexes, mais il subsiste des lois qui renforcent les privilèges masculins. Par exemple, l’article 113 du Code civil en se référant au chef de famille, contredit le principe d’égalité, parce qu’il dispose que l’homme peut prendre des décisions affectant son épouse. Les femmes ont rarement accès aux prêts bancaires faute de disposer d’un bien comme garantie, de sorte qu’elles ont été contraintes de créer des coopératives de femmes pour avoir accès au crédit. Il est tout aussi important d’examiner l’origine de ces comportements sociaux. Une fille a peu de valeur au sein de la famille parce qu’à un moment donné elle quittera la maison pour s’installer chez son époux. Elle se demande si le processus de réforme en cours permettra d’éliminer ces dispositions discriminatoires. Dans un autre contexte, le Comité se félicite de l’accueil offert aux femmes réfugiées en les autorisant à occuper des terres, toutefois il semble que cette mesure ne s’applique qu’aux femmes célibataires, séparées ou veuves.

M me Zou Xiaqiao relève que le Gouvernement du Cameroun a fait des efforts considérables pour éliminer les inégalités dans les zones rurales. Il serait utile de disposer de statistiques montrant les changements intervenus depuis 2000 suite aux nouveaux programmes et mesures adoptés par le Gouvernement. Des informations sur la participation des femmes à la vie publique ainsi que sur l’enseignement en zones rurales devraient également être fournies, notamment le nombre d’hommes et de femmes bénéficiant de l’enseignement. Quant aux services de santé en milieu rural, elle s’interroge sur la nature des mesures adoptées au bénéfice des femmes en termes de prévention du VIH/sida, de planification familiale et de réduction de la mortalité maternelle et infantile.

Il serait utile de savoir pourquoi le pourcentage de femmes au bénéfice d’une formation dans les zones rurales est tellement faible. Elle demande si des mesures spécifiques sont adoptées en vue d’assurer leur participation, par exemple en établissant des quotas. Finalement, elle aimerait connaître les mécanismes mis en place dans les zones rurales pour prévenir et protéger les femmes contre la violence, leurs possibilités d’accès à des refuges, la nature des mesures de réadaptation et d’appui et autres prestations, notamment de la part des services de santé.

Manifestement, les femmes exercent un rôle important dans l’économie rurale, néanmoins elles éprouvent de grandes difficultés d’accès au crédit et aux prêts. Elle demande quelles mesures ont été envisagées pour améliorer les conditions d’activité économique des femmes rurales. Il serait intéressant d’avoir des précisions sur l’impact des divers programmes de coopératives de crédit et de microfinancement sur la situation des femmes rurales.

M. Nkou (Cameroun) rappelle que le Cameroun a une superficie de 475 000 km² et une population de 18 millions d’habitants, aussi ne souffre-t-il pas d’une pénurie de terres arables et les problèmes au sein des zones surpeuplées se règlent généralement par le dialogue. Dans la majeure partie du pays, quiconque souhaite cultiver la terre est libre de le faire et par conséquent les femmes ont toujours accès à la terre.

Le Cameroun dispose d’un système bancaire moderne, avec une banque centrale, des banques commerciales et une Bourse ainsi qu’un système de coopératives traditionnelles. Nombre de personnes recourent au système traditionnel. Il ne s’agit pas uniquement de femmes qui ont des difficultés à satisfaire les exigences de garantie du système bancaire moderne. Dans une coopérative, chacun contribue selon ses moyens et l’honneur constitue la seule garantie.

En ce qui concerne la formation, les hommes et les femmes ont les mêmes droits et les mêmes obligations. L’école est obligatoire jusqu’à l’âge de 14 ans tant pour les garçons que pour les filles et tous les parents souhaitent que leurs enfants soient scolarisés. La discrimination n’est ni possible ni acceptable, mais malheureusement les ressources disponibles sont insuffisantes pour offrir un enseignement et des soins de santé adéquats, bien que l’éducation et en second lieu la santé, reçoivent les allocations budgétaires les plus importantes de l’État. De même, deux systèmes de sécurité sociale coexistent. Le secteur moderne, de modestes dimensions, dispose d’un système de sécurité sociale privé, inaccessible aux pauvres. Le second système est ancré dans les associations féminines. Les femmes y contribuent et des fonds sont mis à disposition pour aider celles qui tombent malades. Il existe également diverses initiatives appuyées par les pays occidentaux en vue d’étendre la couverture de la sécurité sociale.

La discrimination est inexistante dans la fonction publique car le recrutement s’opère uniquement par concours. En outre, les femmes sont présentes dans les forces armées, la police et la gendarmerie. On compte de nombreuses femmes dans le corps enseignant et dans les services de santé, souvent même plus nombreuses que les hommes. La participation des femmes doit être encouragée sans pour autant désavantager les hommes. Finalement, il déclare que des efforts sont menés pour lutter contre le harcèlement sexuel sur les lieux de travail. Les sanctions sont sévères et un fonctionnaire peut perdre son emploi pour ce motif.

M me Epoh Adyang (Cameroun) dit que l’éducation des filles est garantie et encouragée à tous les niveaux. Trois départements ministériels sont responsables de l’éducation : le Ministère de l’enseignement technique, le Ministère de l’enseignement secondaire et le Ministère de l’enseignement supérieur. Leur budget combiné dépasse largement celui du Ministère de la promotion de la femme et de la famille. Il n’est pas aisé de recueillir les données statistiques, mais l’accès des filles à l’école s’est considérablement amélioré, notamment dans les régions les plus reculées de l’Ouest et du Nord du Cameroun. De nombreux partenaires du développement, notamment le Fonds des Nations Unies pour l’enfance ainsi que Plan Cameroun contribuent à l’éducation des filles par le biais de programmes dans les zones les plus reculées.

M me Tchatchoua (Cameroun) signale que tous les centres pour la promotion des femmes possèdent une section sanitaire qui offre des services de planification familiale. Le Ministère fournit du matériel de sensibilisation aux responsables communautaires ainsi qu’aux réseaux d’associations féminines. Ces réseaux élaborent leurs propres programmes d’action comprenant notamment des objectifs sanitaires. Il existe également des réseaux de radios communautaires avec des programmes en langues vernaculaires ainsi que des animatrices féminines dans les zones rurales en vue d’assurer que les services soient prestés à l’échelon local. Certaines femmes rurales organisent des crèches traditionnelles : quelques-unes d’entre elles assurent la garde des enfants durant la journée pendant que les autres travaillent aux champs. Une rubrique en faveur des crèches figure dans le budget de 2009.

M me Epoh Adyang (Cameroun) déclare que des consultations étendues ont été organisées avec de nombreux départements ministériels en vue de réaliser un accord sur le contenu des manuels scolaires qui doivent refléter l’importance des zones rurales et urbaines et montrer que l’emploi dans les forces armées, la police et la gendarmerie n’est pas réservé uniquement aux hommes. Les programmes d’éducation sexuelle existent déjà sous forme de cours sur le respect de la vie et sur l’amour. Ces cours fournissent des informations spécifiques pour les garçons et pour les filles, notamment sur le harcèlement sexuel et la façon de le reconnaître. La sensibilisation à ces sujets s’avère très importante. Dans les zones reculées, les animatrices rurales transmettent ces messages en langues vernaculaires.

Des campagnes de dépistage et de prévention sont organisées notamment pour les infections sexuellement transmissibles et pour le VIH/sida, outre une information générale sur les grossesses non désirées. Aucun sujet n’est tabou et les campagnes d’information s’adressent à tout le monde. Les centres pour la promotion des femmes contribuent à ce processus.

M me Adebada (Cameroun) dit que le harcèlement sexuel n’est pas punissable en tant que tel au Cameroun, mais qu’il sera inclus dans la nouvelle version du Code pénal. À l’heure actuelle, bien qu’une jeune fille mineure ne puisse pas déposer plainte pour harcèlement sexuel, ses parents peuvent le faire à sa place en se référant aux articles du Code pénal sur la corruption de la jeunesse ou l’attentat à la pudeur. Si la jeune fille a moins de 16 ans, il s’agit de voies de fait graves. Les dispositions ne se réfèrent pas spécifiquement aux filles, mais elles sont généralement les victimes tandis que les auteurs de ces actes sont habituellement des hommes. Il ne s’agit pas d’un problème spécifiquement rural, car il se produit partout.

Tous les Camerounais ont accès à l’emploi dans la fonction publique sans discrimination, s’ils possèdent les aptitudes et l’intégrité morale requises. S’agissant des femmes enceintes, elles sont au bénéfice d’une discrimination positive. Des dispositions spéciales du Code du travail interdisent le travail de nuit et accordent un congé de maternité de 14 semaines, qui peut être prolongé en cas de maladie. Le Code du travail protège les femmes, assure qu’elles reçoivent le même salaire que les hommes et interdit le licenciement pour cause de grossesse. Si ces dispositions ne sont pas respectées, les femmes peuvent saisir la justice.

Des informations sur le Comité chargé de la réforme de la sécurité sociale, ses fonctions et le nombre de femmes qui y siègent seront incluses dans le prochain rapport. Il n’existe pas actuellement de mesures spéciales en faveur des garderies d’enfants, mais une mère qui nourrit son enfant est autorisée à arriver une heure plus tard au travail et à le quitter une heure plus tôt. En ce qui concerne les femmes travaillant dans des exploitations agricoles, elles sont généralement payées en espèces plutôt qu’en nature.

Les dispositions du Code civil qui ont trait au chef de famille seront amendées pour être en conformité avec la Convention. À l’heure actuelle, bien que le mari soit le chef de la famille et qu’il ait le droit de déterminer le lieu de la résidence familiale, la loi autorise l’épouse à saisir la justice pour demander la permission de changer de lieu de résidence si elle estime que sa famille est en danger. Les femmes font rarement cette démarche, mais elles en ont le droit.

les banques au Cameroun se révèlent peu enclines à financer les activités agricoles, tant des femmes que des hommes, en raison de l’incertitude des résultats. Du fait que les banques sont des entreprises privées, l’État ne peut pas les contraindre à accorder des prêts sans garantie et dès lors les femmes sont souvent contraintes de s’adresser à des coopératives.

S’agissant de la propriété foncière, les femmes camerounaises sont libres d’acheter une terre en leur nom. Si un homme marié ou une femme mariée achète une terre, celle-ci est considérée comme un bien commun. Les femmes ont les mêmes droits que les hommes d’hériter une terre de leurs parents, ce qui est confirmé par la jurisprudence de la Cour suprême. Toutefois, les femmes doivent parfois aller en justice pour faire valoir leurs droits.

En ce qui concerne la ségrégation dans les postes de direction, il n’y a certainement aucun obstacle à la nomination de femmes et les coordinatrices pour l’égalité entre les sexes sont responsables des activités de sensibilisation. Les tableaux statistiques indiquant les postes occupés par les femmes dans la fonction publique constituent un instrument utile.

L’avortement est pénalisé. Une vaste campagne de sensibilisation en matière de planification familiale a été lancée et des pilules contraceptives sont aisément accessibles. Même les mineures peuvent obtenir une ordonnance moyennant une autorisation parentale. Les médias contribuent à la sensibilisation concernant les grossesses non désirées et les infections sexuellement transmissibles tandis que les jeunes participent à ces campagnes pour diffuser ces messages au sein de leurs groupes d’âge. Le théâtre est quelquefois utilisé pour illustrer les effets des grossesses non désirées.

M me Epoh Adyang (Cameroun) signale qu’en mars 2009, 3500 agents de santé supplémentaires ont été recrutés afin d’étendre la couverture sanitaire sur tout le territoire, notamment dans les zones rurales.

M me Ameline dit que le défi pour toute politique visant à instaurer l’égalité entre les sexes est d’assurer non seulement que les femmes bénéficient des programmes, mais qu’elles deviennent elles-mêmes des actrices du développement. Dans le cas des femmes rurales, des efforts sont nécessaires pour leur fournir une formation et l’accès au crédit. Elle aimerait savoir si le statut professionnel d’une femme ayant son propre commerce, si petit soit-il, est reconnu.

M me Neubauer (Rapporteur) prend la présidence.

M me Pimentel reconnaît que l’avortement constitue une question très délicate dans de nombreux pays. Elle souscrit entièrement aux vues exprimées par l’État partie dans ses réponses à la Liste de questions, à propos de l’importance des générations futures et des enfants dans la vie familiale. Néanmoins, d’autres aspects sont également à prendre en considération, notamment les femmes et les jeunes filles enceintes à la suite d’un viol. Il va de soi que le respect de la vie est important, mais la mère a également droit à la vie et à la dignité. Il importe également de tenir compte des conséquences des avortements clandestins et de la mortalité maternelle ainsi que de la recommandation générale numéro 24 du Comité.

M me Gabr reprend la présidence.

M me Bailey aimerait davantage d’informations sur les femmes travaillant dans le secteur privé et dans le secteur informel vu que seulement 3,8 % des femmes actives sont employées dans la fonction publique. Apparemment, les organisations féminines offrent une certaine forme de sécurité sociale en zones rurales, mais cette responsabilité incombe au Gouvernement. Par ailleurs, elle se déclare surprise par l’absence de mention dans le rapport du rôle de l’éducation dans la reproduction des normes sociales et culturelles qui affectent les relations entre hommes et femmes dans tous les domaines de la vie.

M me Patten demande s’il existe un Ministère responsable des relations de travail et, le cas échéant, dans quelle mesure le Ministère de la promotion de la femme et de la famille coopère avec ce dernier. Selon la Convention, le Gouvernement a l’obligation légale d’éliminer par tous les moyens la discrimination à l’égard des femmes en matière d’emploi, néanmoins, en dépit des années écoulées depuis la ratification sans réserve de la Convention, des dispositions discriminatoires continuent d’être en vigueur, par exemple l’indispensable autorisation du mari pour exercer une profession à l’extérieur du domicile. Elle souhaite savoir si ces dispositions ont déjà été abrogées dans le cadre de la réforme de la législation.

Le rapport fait état de la volonté politique d’étendre la couverture de la sécurité sociale au secteur informel, tâche incombant au Comité chargé de la réforme de la sécurité sociale. Elle souhaiterait obtenir davantage d’informations à ce sujet tout en soulevant la question de la protection légale des gens de maison qui sont en majorité des femmes. Selon des informations provenant de sources indépendantes, leurs conditions de travail confinent à l’exploitation et elle aimerait être informée des mesures adoptées par le Gouvernement à cet égard.

M. Nkou (Cameroun) assure le Comité qu’il est de plus en plus fréquent que les deux époux travaillent et qu’il est fort peu probable qu’un mari s’oppose au travail de sa femme. S’agissant de la sécurité sociale, le Comité chargé de sa réforme examine diverses pistes. Prendre pour base les associations féminines déjà actives dans l’organisation des microcrédits pour étendre la couverture de la sécurité sociale représente une possibilité.

la législation est claire : il ne peut y avoir de discrimination en matière d’emploi ni de rémunération pour un travail identique. Dans le secteur privé, les salaires se négocient entre employeur et employé, en revanche, dans les grandes exploitations agricoles, tout est réglementé, y compris les salaires. La plupart des travailleurs sont des femmes qui gagnent environ 100 euros par mois. Dans les exploitations agricoles plus petites, la majorité des travailleurs sont des hommes, mais leurs salaires sont identiques à ceux des femmes.

M me Adebada (Cameroun) dit que seuls les enfants du mari peuvent hériter de ses biens, mais non sa veuve. En cas de décès ou de divorce, le Code civil dispose que les biens communs du couple doivent être réalisés et que la part de l’épouse doit lui être restituée. Les héritiers reçoivent pour héritage les biens du mari. Quelquefois, les femmes hésitent à faire valoir leurs droits et s’abstiennent de toute action, soit en raison de pressions familiales, soit pour cause de remariage. Dans le cas d’un divorce, même lorsque le juge a désigné un notaire pour effectuer la liquidation, cette dernière ne se réalise pas toujours.

Le statut d’une femme comme chef d’entreprise est reconnu. Il existe nombre de femmes chefs d’entreprise au Cameroun. Elles se sont organisées elles-mêmes en fondant l’Association camerounaise des femmes d’affaires. Dans les zones rurales, les femmes travaillent en général dans une association ou des réseaux d’associations. Elles n’ont pas encore intériorisé le concept même d’une entreprise et ne sont pas conscientes qu’elles pourraient créer elles-mêmes des exploitations agricoles.

Bien que l’article 337 du Code pénal interdise l’avortement, il existe des exceptions qui s’appliquent aux cas précédemment mentionnés. L’avortement est autorisé en cas de viol ou lorsque la santé de la mère est en danger.

Les statistiques sur les travailleuses dans le secteur privé et dans le secteur informel seront disponibles dans un avenir proche. Deux ministères au Cameroun sont chargés des questions relevant du travail : le Ministère du travail et de l’enseignement technique d’une part, et le Ministère du travail et de la sécurité sociale d’autre part.

M me Tchatchoua (Cameroun) déclare que la promotion des droits des femmes et de l’égalité entre les sexes constitue une question transversale, c’est pourquoi le Ministère collabore avec l’ensemble des départements ainsi qu’avec les coordonnatrices. Peu de statistiques sont disponibles, mais le Ministère travaille à cet effet avec les coordinatrices et des données plus complètes seront fournies dans les prochains rapports.

L’éducation joue un rôle important dans l’élimination des stéréotypes. Une approche axée sur l’égalité entre les sexes est appliquée non seulement dans l’administration, mais également dans des programmes de collaboration avec les familles. Les organisations d’enfants s’efforcent d’inculquer le concept d’égalité entre les sexes. Un manuel sur l’égalité entre les sexes, le développement communautaire et autres questions, destiné aux responsables de ces organisations, a été publié avec l’appui du Fonds des Nations Unies pour la population.

M me Epoh Adyang (Cameroun) dit que le Comité chargé de la réforme de la sécurité sociale compte des femmes parmi ses membres. Il a déjà tenu sa première séance qui a été présidée par le Ministre du travail et de la sécurité sociale.

M me Patten demande qu’il soit précisé si le décret de 1981 donnant au mari le pouvoir de s’opposer à l’emploi de sa femme, a été abrogé.

M me Adebada (Cameroun) répond que le décret en question n’a pas encore été abrogé, mais que ses dispositions discriminatoires seront examinées dans le cadre de la réforme de la législation. Toutefois, si une femme estime que ses dispositions enfreignent ses droits, elle peut invoquer les dispositions de la Convention devant un tribunal. Le cas échéant, si cette femme ne saisit pas la justice, les autorités ne peuvent rien faire. Cependant, très peu d’hommes iront en justice pour empêcher leur femme de travailler. Ils n’ignorent pas que les tribunaux ne leur seront pas favorables et ils chercheront d’autres moyens.

M me Murillo de la Vega fait remarquer que les États devraient réviser leurs lois sans attendre les plaintes des justiciables et que l’absence de plaintes suggère un manque de confiance dans les institutions.

Articles 15 et 16

M me Coker-Appiah tient à préciser que le Comité n’a pas à se préoccuper de la question de la disponibilité des terres. Il entend par compte être informé sur les possibilités des femmes d’accéder à la propriété foncière de plein droit et d’en disposer à leur guise et si elles peuvent la léguer exactement de la même façon que les hommes. Dans les sociétés où un homme doit payer une dot pour se marier, l’homme considère souvent que la femme est sa propriété. Pour de nombreuses femmes en zones rurales, la réalité est que le droit coutumier réglemente leur vie et qu’elles sont soumises à l’autorité de l’homme. Elle est consciente que le paiement de la dot n’est pas une obligation légale au Cameroun pour se marier, mais que la coutume reste bien vivace. Elle aimerait savoir quand le nouveau Code des personnes et de la famille sera promulgué, qui rendra caduques les dispositions discriminatoires du Code civil. Ce nouveau Code devrait entrer en vigueur dans les meilleurs délais.

M me Belmihoud-Zerdani dit qu’elle croit comprendre que dans l’avant-projet du Code des personnes et de la famille, l’âge du mariage est fixé à 18 ans pour les filles et demande à quel moment son élaboration a commencé et quel est l’état d’avancement de ce projet de loi. Le Cameroun a ratifié sans réserve la Convention relative aux droits de l’enfant qui fixe également la majorité à 18 ans, pour les garçons comme pour les filles. Avant que ce projet de loi ne soit approuvé, il importe d’harmoniser la législation du Cameroun avec ses obligations internationales.

Le Cameroun n’a pas encore interdit la polygamie, bien que le droit islamique ne l’autorise pas. Les hommes ont interprété un seul verset du Coran pour justifier qu’un homme peut avoir jusqu’à quatre femmes, alors que le même verset dispose que l’homme devrait éviter la polygamie s’il n’est pas en mesure de traiter chacune de ses femmes exactement de la même façon. Les femmes peuvent également interpréter le Coran et il est manifestement impossible pour un homme de traiter chacune de ses épouses avec une égalité absolument parfaite. De nombreux pays musulmans ont déjà aboli la polygamie ou l’ont rendue si difficile que le résultat en est le même. Il importe de continuer de former les magistrats et les avocats et d’encourager le recours aux tribunaux.

Il a été fait mention de la liquidation des biens communs du couple. Elle souhaite savoir si une femme peut hériter de son mari s’ils se sont mariés sous le régime de la séparation des biens et si un mari peut hériter de sa femme dans le même cas de figure.

M. Nkou (Cameroun) dit que le Cameroun est fier de prodiguer une éducation à la fois aux hommes et aux femmes. Les femmes savent aujourd’hui lorsqu’une loi est contraire à la Constitution et elles sont en mesure de se défendre elles-mêmes. Il est persuadé qu’aucun Camerounais n’empêchera jamais sa femme de travailler vu que deux salaires sont toujours préférables à un seul. Quant à la question de la propriété foncière, le Cameroun dispose de terres arables en abondance et n’importe quelle femme ou jeune fille peut y accéder et a toute latitude à cet égard. Les femmes ont les mêmes droits que les hommes en matière d’héritage.

M me Adebada (Cameroun) répond que les époux ne peuvent pas hériter l’un de l’autre, indépendamment du régime de propriété. Seuls les enfants peuvent hériter de leur père ou de leur mère. En cas de décès ou de divorce, la femme récupère ses propres biens, mais elle devra peut-être recourir au tribunal à cette fin et un liquidateur sera peut-être nécessaire. Dans le cas du décès d’une femme, la procédure est identique et les enfants héritent ses biens. La loi ne fait pas mention de l’homme ou de la femme, mais uniquement des époux. En l’absence d’enfants, le Code civil est très clair en ce qui concerne les successions et il n’y a pas de discrimination.

La dot est purement symbolique dans les régions où elle est encore pratiquée. Dans le droit coutumier, la cérémonie de la dot valide le mariage comme une union entre deux familles. Les familles se réunissent et procèdent à un échange pour montrer que la femme a été donnée à l’autre famille. Si une dot démesurée est réclamée, la possibilité existe de saisir le tribunal civil mais habituellement les familles parviennent à un accord. Le Gouvernement pourrait envisager d’interdire la pratique de la dot, mais il s’agit là d’une pratique qui unit deux familles.

L’avant-projet du Code des personnes et de la famille fixe l’âge du mariage à 18 ans pour les garçons comme pour les filles. Quant à la polygamie, les épouses sont libres de choisir la forme de leur mariage. La femme peut refuser d’accepter la polygamie et parfois le fait le jour du mariage.

M. Nkou (Cameroun) remercie les membres du Comité tant pour leurs questions que leur compréhension et fait part de sa gratitude pour leurs observations constructives et pour leurs recommandations. Le Cameroun a pris l’engagement d’œuvrer pour la protection et la promotion des droits des femmes; aucun effort ne sera épargné pour assurer que le prochain rapport périodique contienne toutes les informations demandées.

La Présidente dit que les débats ont été à la fois amicaux et animés. Elle espère que les membres de la délégation encourageront l’Assemblée nationale à adopter dans les meilleurs délais le projet de loi portant prévention des violences faites aux femmes ainsi que le projet de Code des personnes et de la famille. Elle se félicite de la ratification par le Cameroun de la Convention et de son protocole facultatif tout en espérant qu’il acceptera bientôt l’amendement au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention relatif à la fréquence des séances et des sessions. Les difficultés économiques actuelles ne doivent pas avoir une incidence négative sur les femmes. Des efforts accrus sont nécessaires pour combattre les stéréotypes et pour encourager un plus grand nombre de femmes à entrer dans la vie politique et dans la diplomatie. Davantage de programmes et de campagnes de sensibilisation, outre une poursuite des travaux sur le secteur formel et le secteur rural, seraient souhaitables. Il serait indiqué d’examiner les exemples de programmes de microcrédit qui ont été couronnés de succès dans d’autres pays, susceptibles de s’avérer appropriés pour le Cameroun. Les prochains rapports devraient fournir davantage de statistiques.

La séance est levée à 17 h 15.