Vingt-sixième session

Compte rendu analytique de la 537e séance

Tenue au Siège, à New York, le lundi 21 janvier 2002, à 15 heures

Présidente :Mme Abaka

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial combiné avec le deuxième et le troisième rapports périodiques de la Trinité-et-Tobago (suite)

La séance est ouverte à 15 h 10.

Examen des rapports présentés par les États partiesconformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial combiné avec le deuxièmeet le troisième rapports de la Trinité-et-Tobago(suite) (CEDAW/C/TTO/1 à 3)

À l’invitation de la Présidente, la délégation de la Trinité-et-Tobago prend place à la table du Comité.

Article 6

M me  Manalo demande pourquoi le rapport ne mentionne pas la traite des femmes et pourquoi le Gouvernement n’a pas adopté de législation interdisant le harcèlement sur le lieu de travail.

Article 7

M me  Regazzoli se déclare préoccupée par le fait que les efforts déployés par le Gouvernement pour accroître le nombre de femmes élues à la fonction publique, particulièrement au niveau national, n’aient pas rencontré beaucoup de succès. À elle seule, la formation ne peut pas résoudre ce problème; le public doit réaliser que la société dans son ensemble bénéficierait de la participation des femmes à la vie politique. Elle se demande si le Gouvernement a examiné la possibilité d’adopter une loi prévoyant qu’au moins 30 % de femmes doivent être élues aux postes politiques. La Commission pour l’égalité des chances et des organisations non gouvernementales pourraient également prendre des mesures pour promouvoir la nomination de femmes aux postes de ministre et d’ambassadeur.

M me  Tavares da Silva demande quelles mesures le Gouvernement prévoit de prendre pour accroître le nombre de femmes occupant des postes de haut niveau dans la magistrature, le corps diplomatique, la hiérarchie gouvernementale et politique et le secteur privé; des mesures temporaires spéciales seraient appropriées. Le fait que les femmes parlementaires n’ont pas droit aux congés de maternité contribue à renforcer le mythe que la politique est l’affaire des hommes et il pourrait aisément y être remédié.

M me  Gaspard note que le poste de sénateur étant pourvu par nomination, le Sénat a un plus grand pourcentage de femmes que la Chambre des représentants; toutefois la pleine parité entre les sexes n’a pas été atteinte. Elle demande si le Gouvernement a examiné la possibilité d’adopter une loi ou de s’engager à assurer la nomination d’un nombre égal de femmes et d’hommes sénateurs.

Article 9

La Présidente se déclare préoccupée par la déclaration selon laquelle, dans les cas d’adoption conjointe, la nationalité n’est accordée que si l’homme est un citoyen de la Trinité-et-Tobago (par. 204); une telle politique constitue une grave violation du droit de la femme de transmettre sa nationalité à ses enfants.

M me  Goonesekere félicite la délégation de la Trinité-et-Tobago de l’élimination de la discrimination inhérente à la loi britannique sur la nationalité. Toutefois, le paragraphe 203 du rapport dit qu’un enfant né à l’étranger ne peut être enregistré en tant que citoyen que si le « parent responsable », tel que défini dans la loi sur la citoyenneté, est le père. Les femmes doivent pouvoir enregistrer leurs enfants lorsqu’elles rentrent dans le pays.

Article 10

M me  Manalo aimerait recevoir de plus amples informations sur l’étendue de l’analphabétisme et sur le pourcentage d’étudiants et d’étudiantes dans les programmes d’alphabétisation pour adultes. Elle se demande si des groupes spécifiques, tels que les femmes autochtones ou migrantes, sont exclus de ces programmes. Il serait utile de savoir combien d’étudiants et d’étudiantes ont bénéficié de la décision du Gouvernement de fournir un enseignement secondaire gratuit depuis 2000.

M me  Ferrer Gomez demande pourquoi les écoles recevant une aide du Gouvernement sont principalement non mixtes et quel pourcentage des écoles primaires et secondaires sont mixtes (par. 208). Il est également préoccupant de constater que les sujets « non académiques » ne sont pas offerts aux deux sexes; elle n’est pas convaincue par l’argument selon lequel le manque d’enseignants en est la cause. L’orientation des étudiantes vers des sujets traditionnels perpétue le fléau de la discrimination et aura un impact sur leurs futures possibilités d’emploi. Il serait intéressant de connaître les conclusions de l’équipe gouvernementale d’examen du programme d’enseignement des écoles primaires et de savoir si les 200 femmes diplômées du projet pilote de formation de 1998 ont trouvé du travail dans des domaines non traditionnels. Elle se demande également quels sont les résultats du programme de formation parrainé par la Banque interaméricaine de développement (BID) et le Gouvernement et si le programme « Deuxièmes chances pour les femmes » a été poursuivi au-delà de 1999.

M me  Corti se déclare alarmée par le fait que le droit à l’éducation, qui est un droit de l’homme fondamental, n’est pas consacré dans la Constitution mais n’a été incorporé que dans la loi sur l’éducation. En outre, il n’est pas clair si la déclaration selon laquelle l’âge obligatoire de scolarisation est défini comme tout âge entre 6 et 12 ans veut dire que la scolarisation est obligatoire entre 6 et 12 ans ou si l’âge auquel les enfants commencent leur éducation est souple. Elle aimerait également avoir des éclaircissements sur la référence à la décentralisation continue du Ministère de l’éducation et aimerait savoir si le Gouvernement ou les municipalités sont responsables du programme scolaire. Il serait utile d’avoir des statistiques sur les taux d’inscription dans les écoles recevant une aide du Gouvernement et dans les écoles n’en recevant pas et de savoir s’il existe des écoles privées et, le cas échéant, de quelle manière elles sont financées et si elles sont gérées par des Églises. Enfin, vu le taux élevé de chômage, il est surprenant qu’il y ait un manque d’enseignants; elle se demande s’il y a des enseignants parmi les chômeurs.

M me  Achmad dit que, tout en appréciant les efforts déployés par le Gouvernement pour lutter contre la discrimination fondée sur le sexe dans les domaines juridiques et institutionnels, le concept de l’égalité des sexes ne semble pas être compris dans son ensemble. En particulier, elle est préoccupée par le fait que, malgré la politique déclarée de non-discrimination du Ministère de l’éducation, les directeurs des écoles empêchent parfois les élèves d’étudier des sujets non traditionnels. Elle se demande si le Learning Centre créé par la Federation of Women’s Institutes dispense une instruction aussi bien aux garçons qu’aux filles et elle se félicite des efforts déployés par la Fédération pour aider les mères célibataires qui travaillent à s’acquitter de leurs obligations parentales.

À cet égard, elle demande ce que le Gouvernement a fait pour combattre la résistance des conseils d’administration des écoles, des Églises et des associations de parents et d’enseignants au programme scolaire sur l’éducation à la vie familiale du fait que ces cours donnent aux écoles la possibilité d’introduire le concept de l’égalité des sexes. Elle est heureuse de constater que l’éducation à la vie familiale fait partie du tronc commun de tous les collèges d’enseignants; il est important que les enseignants reçoivent une formation à l’élimination des stéréotypes sexuels au sein de la famille. Toutefois, il serait bon d’incorporer une démarche soucieuse de l’équité entre les sexes dans la formation des avocats, des économistes et autres professionnels.

Article 11

M me  Kapalata, notant avec inquiétude qu’il n’existe pas de programmes ou de politiques visant à protéger les droits des femmes dans de nombreux domaines, exprime l’espoir que, grâce à l’adoption du projet de loi sur les conditions de travail de 2000, les questions touchant les femmes seront examinées en profondeur.

M me  Livingstone Raday demande quels dédommagements peuvent obtenir les victimes de discrimination sur le lieu de travail, combien de plaintes de discrimination ont été portées devant les tribunaux et quels ont été leurs résultats. Elle aimerait savoir quand le Gouvernement de la Trinité-et-Tobago pense adopter le projet de loi relatif à un traitement égal pour un travail de valeur égale, et quelles sont les dispositions traitant de sa mise en œuvre, telles que des études d’évaluation des emplois et le recours à une action collective en justice. Elle demande quels sont les recours contre les employeurs qui violent la loi sur le salaire minimum, combien ont été poursuivis et si les travailleurs peuvent porter plainte rétrospectivement à ce sujet après leur licenciement ou la résiliation de leur contrat d’emploi.

En ce qui concerne la loi sur l’emploi des femmes (travail de nuit), régissant l’emploi des femmes la nuit dans les entreprises industrielles, elle demande si le Gouvernement examine la possibilité de changer cette interdiction afin de donner aux femmes la possibilité d’accepter un travail de nuit.

M me  Schöpp-Schilling demande dans combien de temps le projet de loi sur les conditions élémentaires de travail est-il supposé être adopté et si ledit projet a pour but de faciliter l’application des instruments de l’Organisation internationale du Travail et de l’article 11 de la Convention. Elle aimerait savoir si le projet contiendra une définition de la « discrimination », conformément à l’article premier de la Convention, et de quelle manière est défini le « harcèlement sexuel ». Contiendra-t-il des réglementations concernant le traitement préférentiel des femmes dans l’emploi, par exemple, dans des postes de gestion de haut niveau et des emplois traditionnellement occupés par des hommes et quel sera le rôle de la Commission chargée des conditions élémentaires de travail?

Elle aimerait également savoir si les employés de maison sont également inclus dans le secteur structuré de l’emploi, quel pourcentage ils représentent, si les employeurs ont l’obligation de verser des contributions de sécurité sociale en leur nom, et quel organe supervise leurs conditions d’emploi. Elle pense qu’il faudrait entreprendre un examen des lois existantes pour résoudre un certain nombre de contradictions concernant la couverture des employés de maison.

La délégation de la Trinité-et-Tobago a fait observer que les femmes travaillant dans les exploitations agricoles dont le Gouvernement est propriétaire reçoivent un salaire moins élevé que les hommes. À la lumière d’une discrimination aussi flagrante, elle se demande quelle branche du Gouvernement enquêtera sur ce fait et résoudra le problème. Bien que de donner une valeur au travail non rémunéré soit louable, elle aimerait savoir comment le Gouvernement a l’intention d’utiliser ces calculs. Elle suggère que, plutôt que d’élaborer une nouvelle méthodologie pour de telles mesures, le Gouvernement se réfère aux résultats obtenus par les recherches en cours dans ce domaine.

Elle prie la délégation de fournir des statistiques additionnelles sur les femmes vivant dans la pauvreté et dit qu’elle aimerait savoir si le projet de loi sur la sécurité et la santé du travail (No 2), de 1999, comprendra également des dispositions sur la protection de la santé en matière de procréation des hommes.

Article 12

La Présidente félicite la Trinité-et-Tobago des résultats obtenus dans l’application de l’article 12, particulièrement l’importante disposition concernant les installations sanitaires du secteur public et sa définition de la maladie mentale. Elle attire toutefois l’attention sur les questions préoccupantes, notamment les taux d’homicides et de grossesses chez les adolescentes, les efforts nationaux de planification de la famille, l’abus des drogues et de l’alcool, l’infection par le VIH/sida et la situation critique des prostituées.

Article 14

M me  Tavares da Silva, se référant à l’absence de programmes gouvernementaux orientés vers les besoins des femmes des régions rurales (par. 421), souligne l’importance que revêt la formulation d’une telle politique.

M me  Regazzoli, avec l’assentiment de la Présidente, dit qu’elle abordera les questions connexes touchant les articles 13 et 14.

Pour ce qui est de l’article 13, elle demande combien de femmes bénéficient de l’assistance publique (par. 394) et quelles conditions doivent-elles remplir afin d’obtenir une allocation. Elle est étonnée par la restriction apparente de l’aide aux handicapés (par. 397) accordée aux personnes entre 40 et 65 ans. Pourquoi ne pas accorder l’allocation aux individus à partir du moment de leur handicap physique ou mental afin qu’ils puissent obtenir une bonne éducation?

En ce qui concerne l’article 14, elle aimerait avoir plus de détails sur les raisons de l’augmentation progressive de la participation des femmes rurales au développement. Existe-t-il un lien avec la formation ou autres politiques du bureau de la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes de Port-of-Spain? De quelle manière les femmes bénéficient-elles des efforts déployés par l’Interamerican Institute for Cooperation on Agriculture (HCA)? Les femmes rurales âgées reçoivent une formation inadéquate et sont analphabètes. Le Forum des épouses des chefs d’État et des chefs de gouvernement des Caraïbes, qui concentre ses efforts sur les femmes rurales en tant qu’entrepreneurs agricoles, prévoit-il de leur offrir une éducation et une formation réelles?

M me  Kwaku dit qu’il est alarmant que la Trinité-et-Tobago n’ait apparemment pas encore de politique concernant les femmes rurales, bien qu’elles représentent un quart de la population. A-t-il été donné une suite concrète aux initiatives mentionnées dans le rapport (par. 434), telles que le Network of Rural Women Producers ou le Forum des épouses des chefs d’État?

Article 16

M me  Goonesekere note que, du fait de la pluralité du système juridique de la Trinité-et-Tobago, l’âge minimum du mariage dans les communautés musulmanes, hindous et orisha est moins élevé pour les femmes que pour les hommes. Elle est particulièrement préoccupée par la disposition figurant dans la loi sur le mariage et le divorce musulmans qui autorise les filles à se marier dès l’âge de 12 ans. Le mariage des enfants est néfaste à la santé et est interdit aussi bien par la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes que par la Convention internationale sur les droits de l’enfant.

Elle aimerait savoir ce que le Gouvernement fait pour remédier à cette contradiction. Une approche pourrait consister à tirer profit du fait que la Trinité-et-Tobago reconnaît le procès d’intérêt public. Une organisation féminine pourrait, par exemple, entamer un tel procès aux termes de la clause de l’égalité de la Constitution. Une autre option qui existe dans de nombreux pays est de demander une annulation du droit fondamental à la vie privée, y compris le caractère privé du mariage, dans l’intérêt du bien-être public; après tout, le mariage des enfants est une question de santé.

En ce qui concerne la violence au foyer, elle se félicite du changement des anciennes dispositions par la loi (amendement) sur les délits sexuels, loi No 31 de 2000, qui permet d’accuser un mari de viol. Elle demande s’il existe une « politique de non-renonciation aux poursuites » aux termes de laquelle l’État peut agir même si la femme décide de ne pas y donner suite.

M me  Aouij félicite la Trinité-et-Tobago des efforts qu’elle a déployés en matière de développement au cours des 40 dernières années, notamment ceux visant à promouvoir les droits des femmes et à leur permettre de participer au renforcement du pays. Cependant, les lois ne sont importantes que dans la mesure où elles sont appliquées et respectées dans la pratique.

Elle partage les préoccupations de l’oratrice précédente en ce qui concerne les conséquences sanitaires, éducationnelles et sociales, que pourrait avoir le mariage des filles à un très jeune âge, comme le prévoient les lois hindoues et musulmanes de la famille – 14 et 12 ans respectivement. Elle souligne que l’âge minimum du mariage n’est pas une question de religion mais une question d’interprétation humaine, aucune religion ne fixant un âge spécifique.

Elle demande si l’âge du mariage est la seule question dans la loi sur la famille, sur laquelle les diverses communautés diffèrent de jure ou de facto ou si le Gouvernement se contente de fermer les yeux sur les interprétations très différentes des lois coutumières. Que ce passe-t-il pour la polygamie, par exemple? Le rapport spécifie qu’un mariage polygame ne peut pas être enregistré officiellement (par. 446 et 447) mais elle se demande si cela représente une dissuasion suffisante. Seules des études pourront prouver si d’autres pratiques discriminatoires, telles que la répudiation de la femme, l’achat de l’épouse et l’excision ont été éliminées; de simples consultations n’étant pas suffisantes.

Si la loi sur la succession, telle qu’elle est décrite dans le rapport (par. 450) s’applique en pratique aux communautés musulmanes, hindous et orisha, il convient de s’en féliciter vu les difficultés que rencontrent de nombreuses femmes musulmanes en ce qui concerne l’héritage.

En bref, la législation du pays revêt de nombreux aspects égalitaires – sur la cession de la propriété, la répartition des biens en cas de dissolution du mariage, le paiement d’une allocation de subsistance, la garde des enfants, l’adoption et la planification de la famille – qui diffèrent tout à fait de la législation musulmane traditionnelle. Certains pays musulmans, de la Turquie à la Tunisie ont opté pour une modernisation et ont modifié la plupart de leurs lois, mais à un coût élevé. Elle est convaincue que si la Trinité-et-Tobago a atteint l’égalité dans tous ces importants domaines, il lui serait relativement facile de modifier la disposition discriminatoire concernant l’âge du mariage.

M me  Kwaku partage les préoccupations des deux oratrices précédentes. Pour ce qui est des incidences du mariage des enfants sur la santé, elle demande si les jeunes filles mariées à la Trinité-et-Tobago souffrent de fistule vésico-vaginale, complication rencontrée dans son propre pays. Quelle est la proportion des filles mariées avant l’âge de 16 ou 18 ans?

Elle se demande si le mariage musulman des filles à l’âge de 12 ans est influencé par le fait que c’est l’âge auquel elles quittent l’école. Dans ce cas, cela ouvrirait la porte à une réforme. Le Gouvernement ayant une nouvelle politique d’enseignement secondaire gratuit, il pourrait examiner la possibilité de faire passer à 18 ans l’âge auquel les enfants quittent l’école dans l’espoir que cela aurait une influence sur l’âge minimum du mariage.

Elle note que la polygamie, bien qu’elle ne soit pas reconnue, existe et elle demande si son existence de facto encourage de tels mariages. Elle la compare à la bigamie qui est spécifiquement interdite par la loi (par. 449). Existe-t-il des statistiques sur les cas de bigamie et sur les procès et les condamnations?

M me  Schöpp-Schilling note une contradiction juridique entre le mariage musulman à l’âge de 12 ans et l’âge minimum de consentement sexuel pour les filles. Cela pourrait être exploité pour encourager la modification de la loi sur le mariage.

M me  Aouij dit que les jeunes filles avaient probablement consenti à être mariées.

En réponse à la Présidente, M me  Sirjusingh (Trinité-et-Tobago) dit que sa délégation préférerait fournir des réponses écrites aux commentaires perspicaces et aux conseils offerts par les experts.

La séance est levée à 15 h 30.