Trentième session

Compte rendu analytique de la 633e séance

Tenue au Siège, à New York, le mercredi 14 janvier 2004, à 15 heures

Présidente:Mme Açar

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties en application de l’article 18 de la Convention (suite)

Deuxième rapport du Kirghizistan (suite)

La séance est ouverte à 15 h 10.

Examen des rapports présentés par les États parties en application de l’article 18 de la Convention (suite)

Deuxième rapport du Kirghizistan (suite) (CEDAW/C/KGZ/2 et Add.1)

1.Sur l'invitation de la Présidente, la délégation du Kirghizistan prend place à la table du Comité.

Articles 10-14 (suite)

2.Mme Popescu Sandru met en relief l'importance de l'égalité d'accès aux services de santé, qui peut être difficile en période transition économique, et souhaiterait avoir de plus amples informations sur les taux élevés de mortalité maternelle et infantile mentionnés dans le dernier rapport ainsi que sur la contraction apparente des crédits budgétaires alloués par l'État au secteur de la santé. Elle est préoccupée aussi par les problèmes d'accès aux services de santé que connaissent les groupes vulnérables en raison de leur pauvreté et du niveau du ticket modérateur. Le rapport mentionne l'incidence relativement élevée de l'insuffisance pondérale chez les filles, laquelle est peut-être due à une discrimination pour ce qui est de l'accès à une nutrition appropriée, ainsi que la propagation continue de la tuberculose et des maladies sexuellement transmissibles parmi les femmes. Le fait que les taux d'alcoolisme et de toxicomanie chez les femmes sont en hausse est préoccupant aussi.

3.Mme Šimonović voudrait avoir des éclaircissements au sujet de la légalité de l'interruption volontaire de grossesse comme moyen de planification de la famille étant donné que l'extrait de la loi relative aux droits génésiques figurant dans le rapport n'est pas clair. Il est difficile de dire, en outre, si ces interruptions de grossesse ne sont autorisées qu'avec le consentement des deux partenaires ou si celui de la femme suffit.

4.Mme Tavares da Silva souhaiterait avoir un complément d'informations au sujet de l'incidence des femmes qui travaillent dans des conditions défavorables. La situation décrite dans le rapport donne l'impression qu'il existe une discrimination à l'égard des femmes à cet égard, et la situation ne paraît pas conforme aux nouvelles lois. Relevant les références figurant dans le rapport à l'écart significatif qui continue d'exister en ce qui concerne le salaire des hommes et des femmes dans divers secteurs, il serait bon de savoir dans lesquels d'entre eux l'écart est le plus marqué. En outre, le rapport fait état d'importantes différences entre les hommes et les femmes en ce qui concerne les heures travaillées au foyer. Comment la nouvelle loi sur l'égalité entre les sexes envisage-t-elle de remédier à de tels problèmes? Pour ce qui est de la question générale de l'égalisation des possibilités économiques qui s'offrent aux femmes, Mme Tavares da Silva demande si la nouvelle loi permet, par exemple, d'annuler les conventions collectives paraissent privilégier les hommes.

5.Mme Kangeldieva (Kirghizistan) précise qu'aux termes de la législation en vigueur, la femme a le droit, avec l'accord des services médicaux, de mettre fin à sa grossesse dans les 12 premières semaines et que les avortements légaux sont réalisés dans les hôpitaux d'État et dans les cliniques privées. Toutefois, ces procédures ne sont pas censées constituer un moyen de planification de la famille et le libellé du rapport peut induire en erreur à cet égard. L'État s'emploie à décourager le recours à l'avortement, dont l'incidence a baissé d'un tiers depuis 1999. Les campagnes nationales de promotion de la santé génésique ont notamment pour but de mieux informer le public des méthodes modernes de planification de la famille et de l'accès à ces services.

6.Mme Kudaiberdieva (Kirghizistan) souhaite revenir sur une question précédemment soulevée au sujet de la réforme des services de santé et des compressions des effectifs du personnel médical. L'ancien système de santé était caractérisé par des effectifs excessifs, des doubles emplois, des manques d'efficacité, des dépenses trop élevées et un manque de matériel. Le nouveau système est conçu de manière à améliorer la coordination, la qualité du matériel et des produits utilisés ainsi que la qualité des services en appliquant plus rigoureusement les règles en matière de qualifications et les normes auxquelles doivent répondre les soins. Beaucoup de spécialistes ont été recyclés pour devenir des médecins de famille et il a été mis en place un réseau de centres de médecins généralistes. Le problème posé par le manque de médecins dans les campagnes, en particulier d'obstétriciens et de gynécologues, demeure difficile à résoudre étant donné que, fréquemment, les médecins qui pratiquent en ville ne veulent pas se réinstaller en milieu rural. Avec le passage à une économie de marché, il est apparu tout un réseau de cliniques privées où travaillent aujourd'hui un certain nombre de médecins de l'ancien service médical d'État. En outre, une partie du personnel médical a cherché un autre métier du fait de la faiblesse des rémunérations versées habituellement dans ce secteur.

7.En réponse à la question posée au sujet de la compilation de données concernant les victimes de la violence au foyer, il y a lieu de signaler que c'est le Ministère de la santé qui est responsable de compiler des statistiques et des informations sur tous les cas ayant exigé un traitement. Ses responsabilités englobent également la communication d'informations de caractère médical lorsque cela est nécessaire comme éléments de preuve. S'agissant de la nutrition, l'insuffisance pondérale des filles et le problème de l'anémie pendant la grossesse ont conduit à instituer divers programmes nationaux, avec une assistance de donateurs de l'extérieur, pour aider les cliniques prénatales et les maternités et pour améliorer les soins médicaux, surtout dans les petites villes et dans les campagnes. Il a également été organisé des séminaires sur la nutrition et sur la lutte contre les épidémies et les maladies. Un petit nombre d'entreprises privées fabriquent aujourd'hui de la farine enrichie en fer et en micronutriments, et il a été organisé avec la participation des médecins de famille et des dispensaires de villages des régions reculées et montagneuses un programme pilote tendant à promouvoir la culture et la consommation de légumes riches en minéraux et en vitamines.

8.M. Shagivaliev (Kirghizistan) déclare que, grâce à l'intervention de la société qui exploite la mine d'or et au gouvernement, c'est seulement une demi tonne environ de cyanure qui s'est déversée en mai 1998 dans le fleuve Barskoon et dans le lac Issyk-kul. Des opérations de surveillance médicale et environnementale ont été mises en route immédiatement et se poursuivent encore aujourd'hui bien que, étant donné la perte rapide de toxicité du cyanure dans les eaux du fleuve et du lac, il y a longtemps que tout danger est passé. L'incident n'a pas causé directement de pertes en vie humaine, bien que le traumatisme psychologique ait été considérable et ait entraîné une perte de confiance de la part de la population locale et des touristes. Une indemnisation a été versée à ceux qui ont pu établir l'existence d'un dommage ou d'un préjudice et des poursuites ont été intentées contre les responsables. Les eaux du fleuve et du lac sont aujourd'hui totalement sûres.

9.Mme Kurbanova (Kirghizistan), se référant à la question posée au sujet des médias et des stratégies de promotion de l'égalité entre les sexes, déclare que le Conseil national pour la promotion de la femme, de la famille et de l'égalité entre les sexes collabore avec les médias afin d'élaborer une stratégie tendant à surmonter les stéréotypes sexuels et de présenter de nouveaux rôles féminins, notamment pour faciliter l'accès des femmes à des postes de responsabilité. Il a été établi un réseau d'information pour tenir les journalistes au courant des questions concernant la problématique hommes-femmes et les politiques de promotion de l'égalité entre les sexes. Des concours ont été organisés à l'intention de journalistes pour les encourager à rendre compte des manifestations liées à la mise en oeuvre de la politique de promotion de l'égalité entre hommes et femmes.

10.De même, le Conseil travaille, dans le contexte du Plan national d'action pour l'égalité entre les sexes, en collaboration avec les établissements d'enseignement supérieur pour encourager et faciliter les études sur la problématique hommes-femmes et en particulier l'application d'une approche sexospécifique de l'éducation fondée sur l'analyse des matériels pédagogiques existants et sur l'élaboration de nouvelles méthodes et de nouveaux programmes et matériels didactiques. La problématique hommes-femmes est également enseignée au niveau universitaire dans le contexte des études sur les droits de l'homme et la démocratie. Il a déjà été entrepris plusieurs thèses de doctorat sur les problèmes de droits de l'homme envisagés sous l'angle de la problématique hommes-femmes et il est actuellement formé des spécialistes en combinant les disciplines des droits de l'homme, de la politique de promotion de l'égalité entre les sexes et du droit constitutionnel.

11.Mme Kudaiberdieva (Kirghizistan), en réponse à la question posée au sujet de l'article 12 de la Convention, fait savoir que le gouvernement de son pays a élaboré un certain nombre de programmes pour combattre la toxicomanie et l'alcoolisme. Un centre de traitement des toxicomanes a été ouvert à Bichkek, et une clinique de 50 lits a été créée dans le sud du pays. Le Programme d'État pour la lutte contre la propagation des toxicomanies et la vente illégale de drogues en République kirghize pour la période 2001‑2003 a comporté des mesures de prévention, des mesures tendant à améliorer le cadre juridique du contrôle des drogues et de la prévention du crime ainsi que des éléments médicaux et sociaux. Ce programme a également comporté des stratégies tendant à freiner la propagation du VIH/sida parmi les groupes vulnérables, à établir des établissements de réadaptation, à poursuivre les programmes de traitement à la méthadone, à améliorer les services d'aide psychologique fournis aux victimes en cas d'urgence, à diffuser des informations sur des modes de vie sains et à faciliter l'accès des mineurs provenant de secteurs à haut risque de la population aux groupes d'action préventive.

12.Pour assurer la coordination des activités entreprises dans ces domaines, le gouvernement a également créé un Conseil intersectoriel pour la prévention de la propagation de l'alcoolisme et de la toxicomanie en République kirghize. Les crédits ouverts au budget de l'État représentent 52 pour cent du financement des centres de traitement des toxicomanes et des alcooliques et, pour une large part, le solde provient d'organisations internationales. Les mesures adoptées par le gouvernement pour combattre la toxicomanie et l'alcoolisme ont d'ores et déjà eu certains résultats positifs: un grand nombre de femmes se sont inscrites aux programmes d'échange de seringues ainsi qu'au programme gratuit de traitement à la méthadone.

13.Pendant la période couverte par le rapport, l'État a lancé le premier Programme pour la prévention du VIH/sida, des maladies sexuellement transmissibles et des maladies transmises par injection pour la période 1997-2000. Le programme a collaboré avec des secteurs vulnérables de la population, comme les prostituées et les migrants, et a débouché sur la promulgation d'une loi concernant la prévention du VIH/sida et la création d'un comité multisectoriel pour la lutte contre les maladies sexuellement transmissibles. Le deuxième Programme d'État, qui porte sur la période 2002-2005, a été approuvé par le gouvernement en 2001. Sa mise en oeuvre est fondée sur neuf stratégies visant notamment à réduire la vulnérabilité des personnes à haut risque, à harmoniser des programmes d'éducation et de sensibilisation sur la prévention du VIH/sida et à fournir un appui médical et social aux personnes affectées par le VIH/sida et aux membres de leurs familles.

14.L'une des tâches les plus importantes, dans la lutte contre la propagation du VIH/sida, est la prévention de la transmission de la mère à l'enfant. Ainsi, dans le cadre du deuxième Programme d'État, il a été introduit des programmes de dépistage pendant la grossesse ainsi que des programmes d'éducation axés sur les femmes en âge de procréer. Le Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM) a joué un rôle significatif à cet égard en éduquant les femmes pour les sensibiliser aux risques liés à l'infection par le VIH/sida. Enfin, pour ce qui est de la loi relative aux droits génésiques des citoyens de la République kirghize, il est exact que le libellé des dispositions concernant le consentement à l'intervention médicale pendant la grossesse n'est pas satisfaisant et devra être modifié. Mme Kudaiberdieva souligne cependant que cette disposition a été rédigée de bonne foi afin de mettre en relief l'importance fondamentale que revêt la participation de la femme à la prise de toutes décisions concernant sa grossesse.

15.Mme Alysheva (Kirghizistan) déclare que les principaux indicateurs utilisés pour déterminer l'existence de conditions de travail défavorables pour les femmes sont des facteurs environnementaux comme la présence de poussières et de gaz dans l'air, et qu'il ressort des indicateurs rassemblés en 2002 que la situation s'est améliorée. Au Kirghizistan, les conventions collectives entre employeurs et employés, dont l'application est suivie par des représentants des confédérations syndicales, constituent le principal moyen utilisé pour garantir des conditions de travail appropriées. Malgré tout, le Ministère du travail et de la protection sociale a, au début de 2000, créé l'Inspectorat d'État du travail, qui a pour tâche d'identifier les cas de conditions de travail défavorables et d'adopter les mesures nécessaires pour y remédier. Au cours des neufs premiers mois de 2003, l'Inspectorat a identifié 55 de ces cas et, dans chacun d'eux, l'employeur a versé une indemnisation satisfaisante aux travailleurs affectés.

16.L'écart entre les salaires des femmes et des hommes est lié à la persistance d'une ségrégation horizontale et verticale. Généralement, les hommes occupent des postes mieux rémunérés tandis que les femmes tendent à être employées dans des secteurs moins lucratifs de l'économie. Dans le cadre de la Stratégie nationale de réduction de la pauvreté, le gouvernement a adopté plusieurs mesures pour remédier à la situation, notamment en améliorant les perspectives d'emploi et de rémunération dans les secteurs de la santé et de l'éducation.

17.Pour ce qui est du travail domestique non rémunéré, les femmes consacrent en moyenne de quatre à cinq heures aux tâches domestiques, mais les hommes une heure seulement. Cette disparité est imputable en partie à la mentalité kirghize, selon laquelle les femmes jouent traditionnellement le rôle de mère et de responsable du ménage. Cependant, bien qu'il reste encore beaucoup à faire au niveau des administrations locales et que les organisations non gouvernementales doivent poursuivre leurs efforts dans ce domaine, certains progrès ont déjà été accomplis: conformément aux articles 19 et 20 de la nouvelle loi relative aux garanties accordées par l'État pour promouvoir l'égalité entre les sexes, les hommes sont tenus de consacrer autant de temps que les femmes aux activités domestiques (par exemple nettoyage, blanchissage et jardinage) et la reconnaissance du temps consacré aux tâches domestiques est garantie par la loi. Enfin, il n'existe aucune restriction constitutionnelle ou légale touchant les bénéficiaires potentiels des prêts et des microcrédits, mais il est souvent difficile pour les femmes d'obtenir des prêts, faute de pouvoir offrir une garantie. L'analyse la plus récente du microcrédit a montré que les villageoises représentent environ 42 pour cent du nombre total de bénéficiaires de ce type de prêts.

18.Mme Kudaiberdieva (Kirghizistan) fait observer que la loi existante concernant la propriété privée de la terre est restrictive dans ce sens qu'elle interdit, entre autres, le morcellement des terres. Lorsque la réforme agraire a été introduite et que le moratoire sur la vente de terre a été levé, la loi en question s'est avérée utile en ce sens qu'elle a empêché la fragmentation des terres agricoles. Les agriculteurs peuvent conserver leurs terres et ont par conséquent une source de revenus garantie mais cette loi a donné lieu à des cas de discrimination, par exemple lorsqu'un couple divorcé ne peut pas diviser également les biens communs du fait qu'ils se composent en partie de biens fonciers. Pour réduire cette discrimination, il a été présenté au Parlement, qui l'étudie actuellement, un projet d'amendements à la loi qui prévoient une dérogation à l'interdiction du morcellement des terres. Enfin, Mme Kudaiberdieva fait savoir au Comité qu'en décembre 2003, le Président de la République kirghize s'est rendu en visite d'État en Norvège, occasion à laquelle il a été conclu un accord aux termes duquel la République kirghize doit recevoir en 2004 un don d'un million d'euros du Gouvernement norvégien qui sera utilisé pour garantir les droits de propriété foncière et de propriété de terres agricoles des femmes.

19.Mme Gnancadja déclare que, s'il est vrai que des progrès considérables ont été accomplis pendant la période couverte par le rapport s'agissant d'éliminer la discrimination à l'égard des femmes, plusieurs aspects de la protection légale des femmes continuent de susciter des préoccupations. La loi relative à la protection sociale et juridique contre la violence au foyer ne contient aucune disposition visant à prévenir les actes de violence dirigés spécifiquement contre les femmes, pas plus qu'elle ne prévoit de sanctions spécifiques pour les auteurs de tels actes. Il serait bon d'avoir des éclaircissements sur ce point. L'on voit mal quelle est la loi applicable dans les cas de violence contre les femmes étant donné qu'aussi bien la loi relative à la protection sociale et légale contre la violence au foyer que la nouvelle loi sur les nouvelles garanties de l'État tendant à promouvoir l'égalité entre les sexes énumèrent un certain nombre d'organes auxquels les incidents peuvent être notifiés. Il serait utile d'avoir un schéma simplifié illustrant les compétences respectives de chacun de ces organes.

20.Se référant à la question du mariage, Mme Gnancadja souhaiterait savoir quel est l'âge minimum du mariage et exprime sa consternation devant la contradiction apparente entre la volonté exprimée par le Gouvernement de la République kirghize de combattre la discrimination et son attitude tolérante à l'égard du rapt de fiancées. Enfin, elle souhaiterait savoir si des mesures ont été adoptées, dans le cadre du Programme national de promotion des droits de l'homme pour la période 2002-2010, afin de garantir aux femmes une protection égale de la loi dans les enquêtes et procédures judiciaires relatives aux actes de violence dirigés à leur endroit.

21.Mme González Martinez fait observer que nombre des problèmes identifiés par le Comité lors de son examen du rapport initial du Kirghizistan subsistent. Les femmes ne jouissent toujours pas de la même protection légale que les hommes, pas plus qu'elles n'ont également accès à cette protection. Les stéréotypes sexuels, selon lesquels les femmes sont subordonnées aux hommes dans tous les domaines de la vie, continuent de prévaloir. En dépit des amendements qu'il est envisagé d'apporter à la loi sur la propriété privée de la terre, une discrimination subsiste dans ce domaine. Il existe également des inégalités dans le secteur de la santé.

22.Mme González Martinez réitère l'avis exprimé par le Comité en 1999, à savoir qu'il est essentiel de voir dans la discrimination à l'égard des femmes un phénomène comportant de multiples aspects qui supposent une discrimination non seulement directe et intentionnelle mais aussi parfois indirecte et involontaire. Si l'on veut éliminer efficacement les politiques discriminatoires, aussi bien de jure que de facto, il faut aller plus loin afin d'appliquer des mesures administratives et législatives de nature à réduire la discrimination à l'égard des femmes, et mener des activités de sensibilisation pour inverser la tendance à la domination exercée par les hommes dans la société kirghize.

23.Mme Belmihoub-Zerdani souhaiterait savoir si la femme doit donner son consentement avant le mariage et si, lors du mariage, celui-ci est enregistré. Elle voudrait également avoir de plus amples informations sur la possibilité de rédiger un contrat de mariage définissant en détail les conditions de l'union conjugale et d'un divorce éventuel. S'agissant des enfants issus d'un couple marié, il conviendrait de savoir si la puissance parentale est confiée au père exclusivement ou si cette responsabilité est partagée par les deux parents. En cas de divorce, les biens conjugaux sont-ils divisés entre les conjoints? Une mère qui conserve la garde de ses enfants a-t-elle le droit de continuer de vivre au domicile conjugal? Enfin, les couples ont-ils le droit d'adopter des enfants au Kirghizistan et, dans l'affirmative, l'enfant adopté acquiert-il la nationalité de la mère adoptive ou celle du père adoptif? Enfin, la citoyenneté originelle des enfants offerts à l'adoption, c'est-à-dire la citoyenneté de leurs parents naturels, est-elle enregistrée, ou bien ces enfants sont-ils essentiellement des non-citoyens?

24.Mme Gaspard déclare que, dans son prochain rapport, le Gouvernement kirghize devrait fournir des statistiques sur l'âge moyen du premier mariage pour les hommes et pour les femmes et sur les tendances dans ce domaine. Comme il subsiste un certain nombre de cas de polygamie, il serait bon de savoir si les mariages polygames peuvent être enregistrés et quelle est, d'une façon générale, l'attitude du gouvernement à l'égard de ces unions.

25.La Présidente, parlant à titre personnel, souhaiterait en savoir davantage sur l'attitude des autorités à l'égard de la pratique coutumière qu'est le "rapt de fiancées". Bien qu'il s'agisse apparemment d'une tradition inoffensive qui constitue principalement un spectacle, il est à craindre qu'elle ne crée une fausse impression en ce qui concerne la tolérance de la violence contre les femmes et les mariages forcés.

26.M. Shagivaliev (Kirghizistan) dit que, comme les autres formes de violence, la violence contre les femmes et la violence au foyer sont réprimées par le Code pénal. La récente loi sur la violence au foyer repose essentiellement sur une approche préventive. Par exemple, elle prévoit des mécanismes en vue du prononcé d'ordonnances d'éloignement et d'ordonnances de protection contre un partenaire violent. L'âge minimum du mariage, aux termes du Code de la famille d'août 2003, a été fixé à 18 ans aussi bien pour les hommes que pour les femmes. Dans des cas exceptionnels, des organismes locaux peuvent ramener cet âge à 16 ans.

27.Pour ce qui est de la tolérance apparente de la coutume du "rapt de fiancées", de l'enlèvement des femmes et du mariage forcé, l'État condamne cette pratique comme constituant une coutume dépassée. L'accord aussi bien de l'homme que de la femme est nécessaire, faute de quoi des poursuites pénales peuvent être entamées, surtout s'il y a eu violence. Le Kirghizistan est un État laïque qui ne reconnaît que les mariages civils enregistrés. Les unions polygames ne peuvent pas être enregistrées et peuvent par conséquent faire l'objet de poursuites pénales. L'on a enregistré ces dernières années une diminution du nombre global des mariages, mais la plupart des premiers mariages sont contractés entre personnes de 20 à 24 ans. Un mariage ne peut être dissout qu'à la suite d'une procédure judiciaire qui peut être entamée par l'un ou l'autre des conjoints. Aux termes du Code de la famille, les deux conjoints jouissent de droits égaux en ce qui concerne la répartition des biens. La garde des enfants est une question tranchée au cas par cas par les tribunaux mais, le plus souvent, elle est confiée à la mère, laquelle continue habituellement aussi de résider au foyer familial.

28.Mme Kurbanova (Kirghizistan), en réponse aux questions posées à propos de la citoyenneté d'un enfant adopté, déclare que, si les deux parents sont inconnus, l'enfant a la citoyenneté kirghize. Si les parents adoptifs ne sont pas ressortissants de la République kirghize, la question est tranchée par les tribunaux dans le cas de mineurs de moins de 16 ans. En vertu du Code pénal, la femme a le droit de demander aux services chargés de l'application de la loi de prononcer une ordonnance temporaire d'éloignement contre son mari, ordonnance qui peut également restreindre l'accès de ce dernier aux enfants et ordonner au mari de payer les dépenses afférentes aux traitements médicaux éventuels. La mère peut également demander au tribunal de prononcer une ordonnance prononçant la déchéance des droits de propriété du mari si le domicile conjugal appartient aux deux conjoints et interdisant au mari d'acheter une arme.

29.Mme Morvai souhaiterait avoir de plus amples éclaircissements sur le droit de la femme de transmettre sa citoyenneté kirghize à ses enfants.

30.Mme Gnancadja souhaiterait savoir si le Code de la famille permet aux femmes de contrôler leur part des biens conjugaux.

31.Mme Šimonović voudrait avoir des éclaircissements sur le point de savoir si le consentement du mari est requis pour qu'une femme puisse se faire avorter.

32.Mme Kurbanova (Kirghizistan) précise que les enfants de mère célibataire, dans les cas où le père est inconnu, sont citoyens. Cependant, lorsque l'enfant est reconnu par son père et que celui-ci n'est pas citoyen kirghize, le processus n'est pas automatique.

33.Mme Kangeldieva (Kirghizistan) fait savoir que toute intervention médicale pendant la grossesse exige l'accord des deux partenaires et qu'une femme ne peut pas être obligée à se faire avorter. Elle convient néanmoins que le libellé de la loi appelle des éclaircissements.

34.La Présidente, résumant le dialogue avec la délégation kirghize, déclare que le Comité félicite le Kirghizistan de la législation qui a été promulguée dans le domaine des droits des femmes. Le Comité souhaiterait que l'on puisse voir dans le prochain rapport que cette législation a été mise en oeuvre. Le Gouvernement kirghize devrait resserrer sa coopération avec les organisations de la société civile et les associer à la préparation du prochain rapport, ce qui constituerait une occasion de susciter parmi le public une prise de conscience accrue des droits fondamentaux des femmes. Le Comité considère également que des efforts louables ont été déployés pour combattre la traite de personnes et se félicite des informations fournies à propos de ses causes profondes. Il attend avec intérêt de prendre connaissance des résultats de ces efforts dans le prochain rapport. Néanmoins, le Comité demeure préoccupé par la réapparition de coutumes et de pratiques discriminatoires ainsi que des traditions patriarcales qui sont contraires à la Convention, par exemple la polygamie et le rapt de femmes. Il est essentiel de combattre les idées stéréotypées pour éliminer la discrimination, et la Présidente demande instamment au Gouvernement kirghize d'avoir recours au cadre juridique existant et à la culture kirghize d'autonomisation des femmes pour combattre cette tendance. Il semblerait opportun de revoir ces traditions et coutumes à la lumière de la problématique hommes-femmes.

35.La sous-représentation des femmes dans la vie politique et l'hésitation manifestée devant l'adoption de mesures spéciales de caractère temporaire sont préoccupantes aussi, et la Présidente appelle l'attention à ce sujet sur le paragraphe 1 de l'article 4 de la Convention et sur la recommandation générale No. 23 du Comité. Le niveau d'instruction atteint par les femmes est un avantage qui devrait faciliter leur participation. Le Comité souhaiterait que le prochain rapport comporte des données ventilées par sexe sur l'accès aux soins de santé et sur l'emploi. Enfin, la Présidente félicite le gouvernement d'avoir ratifié le Protocole facultatif, témoignage de sa volonté politique de mettre en oeuvre la Convention.

La séance est levée à 17 h 5.