Trentième session
Compte rendu analytique de la 634e séance
Tenue au Siège, à New York, le jeudi 15 janvier 2004, à 10 heures
Présidente:Mme Açar
Sommaire
Examen des rapports présentés par les États parties en application de l’article 18 de la Convention (suite)
Rapport initial et deuxième rapport périodique combinés du Koweït
La séance est ouverte à 10 h 45.
Examen des rapports présentés par les États parties en application de l’article 18 de la Convention (suite)
Rapport initial et deuxième rapport périodique combinés du Koweït (CEDAW/C/KWT/1-2)
1. Sur l'invitation de la Présidente, les membres de la délégation du Koweït prennent place à la table du Comité.
2.Mme Al-Mulla (Koweït), présentant le rapport initial et le deuxième rapport périodique combinés de son pays, reconnaît qu'un certain nombre de difficultés subsistent en ce qui concerne la pleine application de la Convention au Koweït. Bien que le Parlement n'ait rejeté en 1999 qu'à une très faible majorité un projet de loi visant à garantir aux femmes le droit de vote et le droit d'être élues à l'Assemblée nationale, un nouveau projet doit être déposé devant le Parlement pendant la session en cours. En ce qui concerne le mécanisme national établi au Koweït en vue de la mise en oeuvre de la Convention, il y a lieu de noter qu'indépendamment des institutions gouvernementales mentionnées dans le rapport, il existe plusieurs organisations de la société civile qui s'occupent de la promotion des droits des femmes. Le Koweït est généralement classé aux échelons supérieurs dans les rapports sur le développement humain: les taux de mortalité infantile et de mortalité maternelle sont faibles, les femmes représentent 67,66 pour cent des étudiants dans l'enseignement supérieur et la participation des femmes à l'économie est de 36 pour cent. Le Koweït est résolu à continuer d'aller de l'avant et à améliorer la situation. Cela suppose néanmoins un processus évolutif qui devra tenir compte des nuances culturelles et des processus constitutionnels. S'agissant de la question des prisonniers de guerre koweïtiens, qui préoccupe beaucoup le gouvernement, le Koweït a essayé, sans succès, de faire adopter par l'Assemblée générale à sa cinquante-huitième session un projet de texte concernant la protection des prisonnières de guerre et essaiera à nouveau à la cinquante-neuvième session de l'Assemblée. En conclusion, Mme Al-Mulla appelle l'attention du Comité sur le fait que la législation nationale du Koweït accorde une attention particulière à la situation des femmes se trouvant dans des circonstances spécifiques, comme celles qui s'occupent d'enfants malades ou les épouses de prisonniers de guerre.
3.La Présidente, notant que le Koweït a formulé plusieurs réserves importantes à la Convention, demande instamment au Gouvernement koweïtien d'envisager de les retirer, en particulier sa réserve à l'alinéa a) de l'article 7 de la Convention, aux termes duquel les États parties sont tenus d'accorder aux femmes le droit de vote dans les mêmes conditions qu'aux hommes.
Article premier
4.Mme Schöpp-Schilling considère qu'alors même que le rapport du Koweït contient une bonne description de la situation du point de vue juridique, beaucoup de questions subsistent. Elle souhaiterait savoir si le rapport a été discuté en public et si les organisations non gouvernementales ont pu formuler leurs observations. S'agissant des réserves du Koweït, le paragraphe 2 de l'article 28 de la Convention stipule que les réserves incompatibles avec l'objet et le but de celle-ci ne sont pas autorisées. Or, la réserve formulée à propos de l'alinéa a) de l'article 7 va à l'encontre de l'objet et du but de la Convention. Le Comité souhaiterait en savoir plus sur l'impact des réserves formulées et voudrait qu'il soit donné un calendrier clair concernant le retrait.
5.Mme Šimonovič relève que le rapport ne mentionne pas qui l'a établi ni quelle a été la méthode suivie pour son élaboration, et elle souhaiterait savoir si les organisations non gouvernementales ont été associées au processus. Elle se demande si la Convention prévaudrait sur la législation nationale en cas de conflit entre les deux et si de tels cas se sont déjà produits.
6.Mme Gaspard souhaiterait savoir à quel point la société koweïtienne est familiarisée avec la Convention. Elle a été surprise par le fait que les organisations non gouvernementales ne sont aucunement mentionnées dans le rapport, étant donné que chacun sait que les femmes koweïtiennes se sont mobilisées pour défendre leurs droits. Il serait bon de savoir par ailleurs si la Convention est enseignée dans les universités du pays et si elle est discutée en public.
7.Mme Saiga voudrait avoir des informations sur les non-Koweïtiens qui vivent au Koweït et savoir en particulier s'ils sont compris dans les données figurant dans le rapport, car cela aiderait le Comité à mieux comprendre le contenu du rapport et la situation dans le pays.
8.Mme Morvai fait observer que nombreux sont ceux, surtout dans les pays occidentaux, qui continuent de croire que, dans le monde islamique, les femmes passent leur vie "derrière le voile" – pour l'essentiel sans pouvoir sortir du foyer et confinées dans un rôle domestique – et qu'elle-même a été surprise d'apprendre dans le rapport les importantes réalisations enregistrées dans divers domaines. L'on pense parfois qu'une société reposant sur la spiritualité ne peut que restreindre les droits des femmes, et il importe de bien comprendre que la spiritualité et les droits des femmes ne s'excluent pas mutuellement. Mme Morvai engage instamment la délégation koweïtienne à faire mieux voir qu'il n'y a pas nécessairement de contradiction entre les deux.
9.M. Flinterman relève que les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, comme la Convention, prennent pour postulat que toutes les personnes qui vivent sous la juridiction du gouvernement doivent jouir des droits consacrés par les instruments, et il souhaiterait savoir si tel est effectivement le cas au Koweït.
10.Mme Kwaku relève que le Koweït a adopté des mesures constitutionnelles et autres pour garantir les droits des femmes et leur ménager des recours au cas où leurs droits seraient violés. Il est dit dans le rapport que les femmes peuvent saisir les tribunaux administratifs et les tribunaux de première instance du pays, et elle souhaiterait savoir si des femmes l'ont fait dans la pratique. Il est également dit dans le rapport que la Convention a force exécutoire conformément à l'article 70 de la Constitution, et il serait bon de savoir si les tribunaux ont été saisis d'affaires dans lesquelles les dispositions de la Convention ont été invoquées.
11.M. Melander demande si les médias koweïtiens s'intéressent véritablement aux droits des femmes. Il serait intéressé de savoir, par exemple, quelle a été la réaction des médias lorsque le Parlement a, en 1999, abrogé le décret régissant les droits politiques des femmes.
Article 2
12.Mme Manalo déclare que les dispositions de la Constitution et de toutes les autres lois koweïtiennes concernant l'égalité sont rédigées en termes généraux et qu'à l'exception des dispositions du Code de procédure pénale applicables aux femmes enceintes, ne contiennent pas de libellé applicable spécifiquement à la situation des femmes. Bien qu'il n'y ait rien à redire à une réglementation de l'égalité de caractère général, il est préférable soit que la législation en vigueur mentionne spécifiquement la situation des femmes, soit qu'il soit promulgué des lois spécifiques tenant compte des besoins des femmes. L'on a tendance, dans le domaine social et dans le domaine économique, à associer les femmes aux affaires familiales, la priorité étant accordée à la famille plutôt qu'aux femmes; or, les questions familiales devraient être dissociées des questions concernant la situation des femmes. Mme Manalo se demande pourquoi, par exemple, il existe un Fonds pour la protection de la famille, mais pas pour la protection de la condition féminine ou la satisfaction des besoins des femmes.
13.Mme Shin demande si la commission parlementaire permanente chargée des droits de l'homme a formulé des propositions spécifiques concernant la modification des lois intéressant les femmes et avec quels résultats. Elle voudrait savoir aussi s'il y a eu un suivi quelconque des activités menées par le gouvernement en matière de protection des droits fondamentaux des femmes et s'il y a eu des femmes qui se sont plaintes de la violation de leurs droits.
14.Mme Patten dit qu'étant donné que le Koweït a adhéré à un grand nombre de conventions internationales – y compris le Pacte international relatif aux droits civils et politiques – elle souhaiterait savoir quelles sont les infractions passibles de la peine capitale, si des infractions en rapport direct avec les femmes sont sujettes à cette peine et combien de femmes ont été condamnées à mort. En outre, elle souhaiterait savoir quelles sont les mesures que le pouvoir judiciaire a adoptées pour garantir que les femmes aient accès à la protection de la loi et dans quelle mesure les femmes sont conscientes des droits que leur reconnaît la loi. Elle se demande par exemple si les autorités organisent des campagnes de sensibilisation dans le domaine juridique. En outre, Mme Patten souhaiterait avoir des renseignements sur le point de savoir s'il existe un système d'aide juridique, quels sont les crédits budgétaires qui sont alloués à ce système et si les femmes y ont accès. Elle saurait gré à la délégation du Koweït de bien vouloir communiquer des données sur le nombre de femmes – aussi bien Koweïtiennes que non-Koweïtiennes – qui ont eu recours à la justice et ont bénéficié d'une aide juridique. Elle souhaiterait savoir enfin si les mêmes critères en ce qui concerne l'accès à l'aide juridique s'appliquent aux Koweïtiens et aux non-Koweïtiens.
15.Mme Schöpp-Schilling souhaiterait savoir quand le Koweït a l'intention de ratifier le Protocole facultatif à la Convention et l'amendement au paragraphe 1 de l'article 20, qui doit être ratifié par les deux tiers des États parties pour pouvoir entrer en vigueur. Elle souhaiterait savoir s'il a été entrepris une révision de la législation koweïtienne depuis que le pays a ratifié la Convention afin de déterminer s'il subsiste des lois discriminatoires, par exemple les lois imposant des restrictions en ce qui concerne l'emploi des femmes dans la police et dans l'armée et les campagnes d'alphabétisation auxquelles les hommes peuvent avoir accès jusqu'à l'âge de 40 ans mais les femmes jusqu'à l'âge de 35 ans seulement. Si, en principe, les femmes et les hommes jouissent de l'égalité de droits dans la vie publique, la loi électorale ne reconnaît pas aux femmes le droit de vote. Du fait de telles contradictions, une révision de la législation s'impose d'urgence.
16.Il est dit dans le rapport que le chapitre 3 de la Constitution vise exclusivement les droits et obligations liés à la vie publique et que le statut personnel et la vie familiale sont régis par le droit islamique. Cela étant, Mme Schöpp-Schilling voudrait savoir si la loi établit une discrimination quelconque à l'endroit des femmes au sens de l'article premier de la Convention. Tout en félicitant le Gouvernement koweïtien de ce que son pays vienne au premier rang pour ce qui est de l'indicateur de développement humain selon le Rapport sur le développement humain dans les pays arabes de 2002, elle aimerait savoir quelle place occupe le Koweït pour ce qui est de l'indicateur d'égalité entre les sexes reflété dans ledit rapport.
Article 3
17.Mme Ferrer Gómez, faisant observer que le rapport traite des femmes exclusivement en tant que mères et que piliers de la famille, souhaiterait savoir à quelle date le plan intégré pour la promotion des femmes koweïtiennes deviendra opérationnel. Les références qui figurent dans le plan aux "obligations familiales" des femmes impliquent que de telles responsabilités ne sont pas partagées par les hommes. Il importe que le plan contienne des objectifs spécifiques pour la promotion de la femme. Selon le plan, la tâche consiste à étudier le moyen de faire connaître aux femmes quels sont leurs droits, mais le fait que cette tâche incombe à la société dans son ensemble n'est aucunement mentionné. En outre, le plan ne mentionne pas non plus la nécessité de ne négliger aucun effort pour garantir le respect des droits politiques des femmes. L'accent considérable qui est mis sur la réconciliation des couples afin de réduire l'incidence du divorce est déplacé étant donné qu'il se peut fort bien que la cause de l'échec du mariage reflète la nécessité de le dissoudre.
18.Mme Gabr, tout en étant certaine que les mécanismes établis pour promouvoir la condition de la femme fonctionneront comme il convient, fait observer qu'il est important d'associer aussi à cet effort la société civile. Elle est vivement préoccupée par le fait qu'il n'existe dans le pays que cinq organisations non gouvernementales qui s'occupent spécifiquement des femmes. La nécessité évidente d'adopter des mesures législatives appropriées n'écarte aucunement celle d'agir et d'encourager ces actions grâce aux pressions exercées par les organisations non gouvernementales.
19.Mme Tavares da Silva fait observer que le lien qui est établi entre les femmes, d'une part, et les enfants et la famille, de l'autre, dans le cadre des mécanismes établis au sein des divers ministères reflète la réalité que les femmes sont considérées davantage en leur qualité de mères et d'épouses qu'en tant que personnes investies de tous les attributs du citoyen. Il importe que les exigences liées à la vie privée et à la vie familiale soient identiques pour les femmes et pour les hommes, d'où la nécessité de revoir les rôles stéréotypés traditionnellement assignés aux femmes et aux hommes dans les stratégies, les politiques et les programmes.
20.Mme González Martínez, relevant que le Koweït a formulé beaucoup de réserves à la Convention, fait observer que les nombreux mécanismes établis dans le contexte de l'article 3 tendent essentiellement à améliorer la situation des femmes dans le cadre de la famille mais non en tant qu'individu. Comme la majorité de la population n'est pas ressortissante du pays, elle souhaiterait également savoir comment les femmes non koweïtiennes peuvent bénéficier des divers programmes et mesures adoptés et si les non-Koweïtiens sont considérés comme résidant officiellement dans le pays ou comme y séjournant seulement à titre temporaire.
21.Mme Shin demande si l'organe principalement responsable de la promotion de la femme est effectivement le Comité supérieur pour les enfants et la famille, dont le titre, chose intéressante, ne contient même pas le mot "femmes". Dans l'affirmative, le Comité est-il investi d'un rôle de coordination ou travaille-t-il indépendamment des mécanismes des autres ministères? En outre, Mme Shin souhaiterait savoir si les propositions présentées par le Comité portent notamment sur la révision des lois discriminatoires, quelle est la fréquence des réunions du Comité, quels sont les effectifs de son secrétariat et s'il englobe des organisations non gouvernementales.
22.Mme Manalo demande comment le mécanisme impressionnant qui a été mis en place pour garantir les droits des femmes est coordonné et intégré et s'il existe à cette fin un point focal central s'occupant principalement des besoins des femmes à titre prioritaire au sein de l'ensemble du système.
Article 4
23.Mme Schöpp-Schilling demande s'il est envisagé de revoir les nombreuses mesures spéciales adoptées dans le pays pour protéger la maternité, dont l'existence porte à conclure que les femmes sont exclusivement prises en considération dans le contexte de leur rôle maternel. En outre, grâce aux progrès de la technologie, il se peut que de telles mesures ne soient pas nécessaires dans une société moderne. Elle souhaiterait savoir s'il existe dans la Constitution koweïtienne des dispositions stipulant clairement que les mesures spéciales temporaires prévues au paragraphe 2 de l'article 4 – qui ont pour but d'accélérer l'égalité de facto des femmes – ne doivent pas être considérées comme discriminatoires. Enfin, il serait bon de savoir si la question de ces mesures spéciales temporaires a jamais été discutée dans le contexte de l'emploi dans les secteurs privé ou public.
Article 5
24.Mme Ferrer Gómez, notant qu'il est reconnu dans le rapport que l'éducation et une sensibilité accrue aux questions féminines sont essentielles si l'on veut transformer les traditions et les coutumes discriminatoires, dit qu'elle ne peut pas discerner de mesures ou de plans spécifiques visant à éliminer les idées stéréotypées concernant les femmes au Koweït. Au contraire, il semble ressortir du rapport que certaines conceptions traditionnelles du rôle qui incomberait à la femme au sein de la famille ont été renforcées. Mme Ferrer Gómez souhaiterait savoir quelles sont les mesures que le Gouvernement koweïtien a décidé d'adopter pour susciter une prise de conscience accrue des questions féminines dans les secteurs publics de l'éducation et de la santé. Il faudrait également disposer d'informations plus détaillées sur le point de savoir si la législation koweïtienne contient des dispositions spécifiques touchant la protection des femmes contre la violence au foyer ainsi qu'au sein de la société en général et si le fait que les actes de violence dont les femmes ont été victimes ont été commis par le mari constituent pour celui-ci une circonstance atténuante lors de poursuites éventuelles.
25.Mme Gabr souligne à quel point la sensibilisation peut contribuer à transformer les comportements sociaux. Elle souhaiterait savoir si la délégation koweïtienne a l'intention d'étudier les difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre de la Convention et déclare que le processus d'élaboration des rapports périodiques constitue en soi une activité qui peut contribuer à susciter une prise de conscience accrue des questions féminines. Elle voudrait savoir aussi si le texte de la Convention a été publié en arabe au Koweït et s'il est envisagé d'incorporer certains de ses aspects aux programmes d'études. Étant donné le niveau élevé d'instruction des femmes koweïtiennes, cela constituerait un moyen à la fois simple et efficace de susciter une prise de conscience accrue des droits des femmes. Il serait bon de disposer d'informations plus détaillées sur les lois qui écartent l'emploi des femmes à certains postes, notamment dans le corps diplomatique. Enfin, Mme Gabr relève que les nominations aux postes diplomatiques sont décidées par le Ministère des affaires étrangères et n'ont pas à être approuvées par le législateur.
26.Mme Tavares da Silva voudrait avoir de plus amples détails au sujet des mesures adoptées pour susciter une prise de conscience accrue des droits des femmes dans le système d'éducation et dans les médias. Le rapport périodique ne contient aucune information concernant les lois visant à combattre la violence au foyer ou la violence contre les femmes en général. En outre, elle ne comprend pas pourquoi la question du divorce et de la séparation est incluse sous la rubrique "violence au foyer". Il serait bon d'avoir une explication de ce malentendu apparent quant à la nature de la violence au foyer.
27.Mme Saiga, notant qu'il y a en fait des femmes dans la carrière diplomatique du Koweït, ce qui contredit l'interdiction mentionnée dans le rapport périodique, voudrait avoir des éclaircissements au sujet des restrictions qui s'appliquent aux femmes en ce qui concerne le travail dans des missions à l'étranger, dans l'armée et dans la police.
Article 6
28.Mme Morvai se félicite de ce qu'il n'existe pas de prostitution parmi les jeunes au Koweït. Il y a lieu de se féliciter, à ce propos, de la franchise avec laquelle la prostitution est condamnée dans le rapport, qui y voit à juste titre un fléau social, et du fait que le Gouvernement koweïtien a ratifié la Convention pour la répression de la traite de personnes et de l'exploitation de la prostitution d'autrui. Mme Morvai demande instamment au Gouvernement koweïtien de jouer dans la région un rôle de premier plan dans la campagne visant à éliminer la traite de personnes et sa cause profonde, à savoir la prostitution. Trop rares sont les gouvernements qui condamnent sans équivoque la prostitution, qui réduit les femmes au rang d'objet et qui va à l'encontre des convictions et des valeurs religieuses. Il importe de bien comprendre le côté demande de la prostitution et de convaincre les hommes qui la perpétuent que ce qu'ils font est mal.
29.Mme Manalo souhaiterait savoir si l'assassinat d'une femme au nom de l'honneur familial est réprimé par la loi et quelles sont les mesures qui ont été adoptées pour combattre cette pratique au Koweït. Selon ce qu'elle a entendu dire, les travailleuses domestiques de son pays, les Philippines, font fréquemment l'objet de mauvais traitements et d'injures, et il serait bon de savoir ce qui a été fait pour mettre les intéressées à l'abri de l'esclavage. Il serait utile de savoir si la loi relative au statut personnel, qui stipule que l'épouse ne peut pas être forcée à obéir, s'applique au viol conjugal. Enfin, bien que la loi relative à l'emploi dans le secteur privé et le Code pénal du Koweït contiennent des dispositions visant à garantir la protection des femmes qui travaillent, lesdites dispositions ne couvrent pas tous les cas de harcèlement, notamment au travail. Mme Manalo demande donc instamment au Gouvernement koweïtien de promulguer des mesures législatives visant à combattre spécifiquement toutes les formes de harcèlement.
Article 7
30.Mme Khan relève que le Koweït est le seul pays du monde où seuls les hommes ont le droit de vote et elle ne comprend pas comment le Gouvernement koweïtien peut concilier son déni de la participation des femmes à la vie politique et sa ratification du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, indépendamment des divers articles de la Constitution koweïtienne mentionnés dans le rapport périodique qui garantissent expressément l'égalité de tous devant la loi en ce qui concerne les droits et les obligations liés à la vie publique. Il faudrait savoir si le texte en arabe de la Convention a été publié et largement diffusé au Koweït et s'il a été organisé des campagnes de sensibilisation du public.
31.Mme Khan souhaiterait connaître les mesures que le Gouvernement koweïtien a adoptées pour faire en sorte que l'Assemblée nationale ne rejette pas à nouveau les efforts entrepris pour accorder aux femmes l'égalité de droits politiques. Elle cite, entre autres exemples de certains des obstacles à surmonter, les déclarations stéréotypées faites par certains membres de l'Assemblée nationale. Il serait bon aussi d'avoir des explications sur le rejet de plusieurs actions en justice entamées contre le gouvernement par des femmes qui se sont vu refuser le droit de s'inscrire sur les listes électorales en février 2000 et si les tribunaux ont été appelés à se prononcer sur les décisions prises à ce sujet. En conclusion, relevant que le mouvement en faveur de l'octroi du droit de vote aux femmes au Koweït a commencé il y a plus de 25 ans, Mme Khan souhaite aux femmes koweïtiennes un plein succès dans leur lutte pour l'égalité de droits.
32.Mme Popescu Sardru espère, dans le souci d'avoir un dialogue constructif, que lorsque la délégation koweïtienne répondra aux questions posées par le Comité, elle comprendra un plus grand nombre de représentants nationaux s'occupant directement de la promotion de la femme. Bien que l'article 26 de la Constitution garantisse l'égalité d'accès des hommes et des femmes aux fonctions politiques, il est dit dans le rapport que les obligations familiales entravent la participation des femmes à la vie publique et que les femmes célibataires représentent une plus grande proportion de la population active que les femmes mariées dans le groupe d'âge de plus de 35 ans. Il se peut cependant que les employeurs privilégient les femmes célibataires par rapport aux femmes mariées et que, par conséquent, contrairement à ce que donne à penser le rapport, la faible proportion de femmes mariées dans la population active ne soit pas le résultat d'une décision personnelle de ne pas travailler. En outre, il existe de l'avis de Mme Popescu Sardru une contradiction entre la nomination de femmes à des postes de responsabilité, comme Ministre d'État, et le déni du droit d'occuper des fonctions électives ou d'appartenir à des partis politiques, et elle souhaiterait savoir si le poste gouvernemental en question a une quelconque affiliation politique. Elle voudrait savoir aussi quelles sont les procédures suivies pour la désignation de femmes à de tels postes au gouvernement. Enfin, elle souhaiterait avoir de plus amples informations sur la situation des femmes non-Koweïtiennes ainsi que des données spécifiques sur l'emploi des femmes, par nationalité et par niveau du poste, dans des fonctions publiques.
33.M. Flinterman voudrait avoir des chiffres récents concernant le nombre de femmes occupant de hautes fonctions administratives, étant donné que le rapport ne contient d'informations que pour l'année 1997. Il serait utile aussi d'avoir des informations plus précises au sujet de la composition par sexe de la magistrature. Enfin, M. Flinterman voudrait savoir s'il existe des partis politiques au Koweït et si lesdits partis suivent la Recommandation générale No. 23 du Comité en ne négligeant aucun effort pour garantir une participation égale des hommes et des femmes à la vie politique et à la vie publique.
34.Mme Gaspard, relevant que les membres du Comité sont, comme cela est compréhensible, profondément préoccupés par le fait que le Koweït est le dernier pays qui soit au monde à refuser aux femmes le droit de vote, déclare que l'histoire offre d'innombrables exemples d'hommes qui se sont opposés à la reconnaissance du droit de vote des femmes. Dans son propre pays, la France, le Parlement a rejeté à 21 occasions, entre 1919 et 1939, les projets de loi tendant à garantir le droit de vote des femmes. Au Koweït, les objections proviennent d'hommes qui ne veulent pas que leurs épouses ou leurs filles se voient adresser la parole par des candidats à des fonctions électives hors de la présence d'un parent de sexe masculin. En France, un politicien de haut rang a dit, avant la guerre, qu'un bulletin de vote ne serait pas élégant entre les mains d'une femme, qui sont faites pour des bijoux et des gants. Dans l'un et l'autre cas, la résistance à l'octroi de la plénitude des droits politiques attachés à la qualité de citoyen provient d'hommes et de partis politiques. Le Koweït contemporain, cependant, se distingue de la France d'avant-guerre en ce sens que les femmes koweïtiennes sont très instruites et, à certains égards, mieux que leurs homologues masculins.
35.Mme Gaspard espère que le Gouvernement koweïtien retirera la réserve qu'il a formulée à propos de l'alinéa a) de l'article 7 et considère que les conclusions du Comité devraient être largement diffusées parmi les organisations non gouvernementales et les parlementaires koweïtiens pour que ces derniers puissent se rendre compte de la préoccupation manifestée par la communauté internationale devant la situation des droits politiques des femmes au Koweït.
36.Mme Šimonovič appuie la demande tendant à obtenir les chiffres récents sur le nombre de postes de haut rang occupés par des femmes et souhaiterait également avoir des informations plus précises sur le nouveau plan quinquennal de développement économique et social mentionné dans le rapport périodique. Par ailleurs, il serait bon de savoir quelles sont les dispositions qui ont été prévues dans la législation koweïtienne pour concilier le rôle des femmes en tant que mères et la contribution tout aussi importante qu'elles apportent à la population active et aux efforts de développement.
37.Mme Tavares da Silva, relevant qu'il est dit dans le rapport que les femmes ont atteint des fonctions de haut rang dans différents domaines et que les promotions sont décidées sur la base du mérite sans aucun parti pris, quel que soit le sexe, fait observer que les statistiques concernant la représentation des femmes aux postes de haut rang dans la vie publique sont rares. En revanche, les statistiques concernant les résultats obtenus par les femmes dans le domaine de l'enseignement supérieur se passent de commentaires. C'est pourquoi, indépendamment des contraintes culturelles inévitables qu'il faudra sans doute du temps pour surmonter, Mme Tavares da Silva ne peut pas s'empêcher de se demander s'il n'existe pas, sous une forme ou sous une autre, une discrimination cachée qui empêche un nombre correspondant de femmes d'avoir accès à des postes de haut rang dans d'autres domaines.
38.Mme Morvai déclare qu'il est clair que si, au Koweït, l'exécutif est fermement résolu à reconnaître aux femmes le droit de vote, il paraît être très difficile de convaincre le législateur. À ce propos, les membres du Comité, conjointement avec la délégation du Koweït, pourraient essayer de trouver des idées novatrices pour persuader le législateur. L'exécutif pourrait entreprendre des recherches comparées sur le processus par lequel les femmes ont acquis le droit de vote dans des pays aussi bien musulmans que non musulmans. L'une des préoccupations majeures des hommes qui siègent au Parlement tient sans doute au Coran et à la tradition islamique. Il faudrait qu'il y ait des encouragements, et des subventions pourraient même être accordées à des chercheurs de sexe féminin pour qu'elles entreprennent des analyses sur l'évolution des interprétations du Coran, le but ultime étant de convaincre les parlementaires que la participation des femmes à la vie politique n'est pas incompatible avec les enseignements du Coran. Certaines démarches informelles de coulisse pourraient également être organisées.
39.Mme Belmihoub-Zerdani déclare que la réserve formulée par le Koweït au sujet de l'article 7 de la Convention est contraire à cette dernière et au Coran car par le passé, lors de la naissance même de l'Islam, comme en témoignent la première et la dernière épouses du Prophète Mahomet, les femmes ont toujours joué des rôles clés dans la vie politique. L'on peut par conséquent se demander comment un homme peut aujourd'hui, dans un pays musulman, refuser à une Musulmane le droit de participer à la vie politique. La Représentante permanente du Koweït auprès de l'Organisation des Nations Unies et le chef de la délégation koweïtienne sont la meilleure preuve que, pour peu que la volonté nécessaire existe, il est possible d'aller au-delà de ce que prévoit la loi ou la Constitution. Relevant que la lutte visant à obtenir pour les femmes la reconnaissance du droit de vote au Koweït remonte à 1999, Mme Belmihoub-Zerdani déclare que les femmes, qui sont conçues de la même façon que les hommes, devraient avoir les mêmes droits que ces derniers. En fait, les femmes koweïtiennes, dont les réalisations dans les domaines éducatif et culturel sont bien supérieures à celles des hommes, devraient également siéger au Parlement. L'oratrice souligne qu'elle vient d'un pays arabe et musulman où le Chef d'État a, conformément au système des quotas, la prérogative de nommer des femmes à l'Assemblée nationale. Un tel système a récemment été introduit au Maroc. Grâce à la volonté politique manifestée et à un message très clair, 35 femmes siègent aujourd'hui au Parlement marocain, et 8 au Conseil d'État algérien. Cela est un moyen de faire éclater le tabou créé par les hommes, qui n'a absolument aucun fondement religieux.
40.Mme Kapalata est d'avis qu'il existe apparemment une disjonction entre la vision conceptuelle des droits fondamentaux des femmes et l'accès de ces dernières à ces droits. Les hommes font preuve d'une attitude paternaliste à l'égard des femmes. L'article 8 de la Convention n'a pas été appliqué comme il convient par le Gouvernement koweïtien et les orateurs précédents ont souligné les contradictions que l'on trouve dans le rapport, où il est dit, d'une part, que la Constitution koweïtienne et la législation en vigueur garantissent les droits et les libertés publiques des femmes, y compris le droit d'occuper des fonctions publiques, alors que, d'autre part, certaines lois interdisent l'emploi des femmes dans divers domaines, dont l'armée, la police et la carrière diplomatique, pour différentes raisons. Mme Kapalata se demande pourquoi l'emploi des femmes dans ces secteurs est interdit et pourquoi l'Ambassadeur qui représente le Koweït auprès de l'Organisation des Nations Unies est une femme. Mme Kapalata souhaiterait savoir quelles sont les mesures que le gouvernement envisage d'adopter pour permettre aux femmes d'avoir accès à la carrière diplomatique. Singulariser une poignée de femmes seulement pour de telles nominations constitue une double discrimination étant donné que toutes les femmes devraient avoir accès à la carrière diplomatique.
41.Mme Gaspard relève la contradiction qui existe entre l'article 26 de la Convention et les lois qui interdisent aux femmes d'avoir accès à certains postes, spécialement dans la carrière diplomatique. Depuis la fin du XIXe siècle, les organisations féminines internationales auxquelles ont participé les femmes ont fait campagne pour que les femmes soient autorisées à entrer dans la carrière diplomatique. En 1919, le Pacte de la Société des Nations a confirmé le droit des femmes à être nommées à n'importe quel poste de la carrière diplomatique, et il a également été adopté sous l'égide de l'Organisation des Nations Unies différentes résolutions concernant le rôle des femmes dans le règlement des conflits. En fait, la participation des femmes à la diplomatie sert les intérêts de l'humanité dans son ensemble, et pas seulement ceux des femmes.
42.Mme Šimonovič demande s'il est vrai que l'emploi dans la carrière diplomatique et consulaire est limité exclusivement aux hommes. Si tel n'est pas le cas, elle souhaiterait savoir quand et pourquoi cette règle a été modifiée et quelles sont les raisons qui motivent les exceptions faites dans des cas spécifiques.
Article 9
43.Mme Coker-Appiah déclare que le Gouvernement koweïtien devrait retirer la réserve qu'il a formulée au sujet du paragraphe 2 de l'article 9 de la Convention. Il est dit dans le rapport que les femmes koweïtiennes ont le droit d'obtenir leurs propres passeports et que les femmes mariées ne peuvent obtenir un passeport qu'avec le consentement préalable de leurs maris. Cela constitue clairement une discrimination à l'égard des femmes koweïtiennes mariées. Mme Coker-Appiah souhaiterait savoir si les femmes célibataires ont le droit d'obtenir un passeport.
44.Mme Khan déclare que la Loi de 1959 relative à la nationalité semble être flexible jusqu'à un certain point. Il apparaît que les hommes et les femmes ne jouissent pas de l'égalité de droits au regard de la loi. Il y a lieu de se demander si les hommes et les femmes ont les mêmes droits d'acquérir, de conserver et de transférer leur nationalité à leurs conjoints et à leurs enfants. Pour ce qui est de la question des passeports, la règle selon laquelle la femme doit obtenir le consentement de son mari porte atteinte à sa capacité juridique. Mme Khan se demande si les femmes mariées ont besoin du consentement de leurs maris pour prendre un emploi, administrer leurs biens ou ester en justice. À ce propos, il conviendra de savoir si les femmes célibataires ont besoin du consentement de leurs pères et de leurs frères.
45.M. Melander demande si les non-Koweïtiens qui ont longtemps résidé dans le pays peuvent devenir citoyens koweïtiens.
46.Mme Schöpp-Schilling, se référant la Loi relative à la nationalité, déclare que si des progrès considérables ont été accomplis grâce aux amendements qui ont été introduits, le dernier pas n'est pas encore franchi. Comme la nationalité s'acquiert par la naissance, l'on peut se demander ce qui empêche le gouvernement d'accorder à une Koweïtienne mariée à un étranger le droit de transmettre sa nationalité à ses enfants, d'autant que, selon la Loi No. 22 de 1987 relative à l'assistance publique, elle peut le faire après son divorce. Il se peut néanmoins qu'en vertu de cette loi, elle n'ait pas droit à un soutien pour ses enfants. Il faudrait entreprendre une étude de la législation pour élucider les contradictions et le manque de cohérence que l'on trouve dans les lois du Koweït et y remédier.
47.Mme Saiga voudrait savoir quelle est la procédure applicable en matière de recouvrement de la nationalité.
48.Mme Gaspard, notant qu'une femme ne peut pas transmettre automatiquement la nationalité koweïtienne de naissance à son enfant, souhaiterait avoir des statistiques sur les mariages entre Koweïtiennes et étrangers ainsi que sur le statut de leurs enfants.
49.Mme Al-Mulla (Koweït) se déclare surprise par la nature et la teneur des questions posées par les membres du Comité. Nul n'ignore l'existence de la Convention, encore que son application puisse varier dans la pratique, certains pays étant bien en avance ou d'autres bien en retard par rapport aux stipulations de cet instrument. Toutefois, Mme Al-Mulla n'a pas lu le rapport et connaît mal les questions qui sont traitées, ses obligations en tant qu'Ambassadeur du Koweït à Vienne ayant concerné d'autres questions. Elle est aussi surprise que les membres du Comité par les contradictions relevées.
50.Toutes les sociétés, même les plus avancées, connaissent des domaines dans lesquels elles sont plus avancées que d'autres ou au contraire en retard. Par exemple, Mme Al-Mulla ne voit pas qu'il y ait tant de femmes ambassadeurs des régions qui militent si énergiquement en faveur de l'égalité entre les sexes. Parmi les membres permanents du Conseil de sécurité, par exemple, Mme Al-Mulla n'a rencontré que deux femmes ambassadeurs, et ces dernières avaient été nommées pour des raisons politiques et n'étaient pas des diplomates de carrière. Mme Al-Mulla n'essaie pas d'éluder la responsabilité qui incombe au Koweït de mettre en oeuvre des articles spécifiques de la Convention, mais il faut être réaliste dans la façon dont des pressions sont exercées sur les États pour les amener à mettre en oeuvre la Convention.
51.En ce qui concerne la carrière diplomatique au Koweït, Mme Al-Mulla note qu'aucune loi n'interdit aux femmes d'entrer dans la carrière. À Vienne, son assistante personnelle a été une jeune femme et, à Genève, le Conseiller juridique de la Mission koweïtienne est également une femme. Pour ce qui est de l'emploi des femmes dans l'armée ou la police, le Koweït a recruté et entraîné des femmes pour les intégrer aux forces de police. Reconnaissant que les femmes koweïtiennes n'ont pas eu une très haute visibilité, Mme Al-Mulla exprime l'espoir que les organisations non gouvernementales et la société civile seront associées plus étroitement à la préparation du prochain rapport.
La séance est levée à 13 heures.