Vingt et unième session

Compte rendu analytique de la 442e séance

Tenue au Siège, à New York, le mardi 22 juin 1999, à 10 h 15

Présidente :Mme Gonzalez

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Deuxième et troisième rapports périodiques du Chili

La réunion est ouverte à 10 h 50.

Examen des rapports présentés par les États partiesconformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Deuxième et troisième rapports périodiquesdu Chili ( CEDAW/C/CHI/2 et 3, CEDAW/C/1999/II/CRP.1/Add.2 )

À l’invitation de la Présidente, M me  Bilbao (Chili) prend place à la table du Comité.

M me  Bilbao (Chili), présentant le deuxième et troisième rapports périodiques du Chili (CEDAW/C/CH1/2 et 3), dit que le Chili, dès 1949, a montré son intérêt pour la condition féminine en créant le Bureau juridique des affaires féminines avant de mettre en place un Bureau national pour les femmes en 1951. Les organismes publics de promotion de la femme ont continué par la suite de se développer durant les années 60 jusqu’à l’instauration du régime militaire en 1973. La participation populaire a alors brutalement chuté et les politiques à l’égard des femmes sont devenues pour l’essentiel des politiques d’aide sociale. Le Secrétariat national des affaires féminines, composé d’organisations bénévoles, a été conçu principalement pour promouvoir l’idéologie du Gouvernement militaire. Nombreuses sont alors les femmes qui sont retournées dans leurs foyers, mais elles ont commencé lentement mais sûrement à participer à l’action des organisations prodémocratiques. La crise économique des années 80 a également incité de nombreuses femmes à entrer dans la vie active pour aider leurs familles à survivre.

Avec le retour de la démocratie, le Chili a rejoint la communauté internationale en 1990 avec toutefois un gros handicap : l’interruption du débat culturel pendant près de 20 ans. Cette longue période d’isolement a constitué un obstacle non seulement à l’intégration d’une démarche soucieuse de l’égalité des sexes dans l’action des pouvoirs publics mais également à l’introduction d’autres réformes requises pour améliorer la situation des femmes. La mise en place en janvier 1991 du Service national de la femme (SERNAM) a permis à la condition féminine d’enregistrer certains progrès lors de la décennie écoulée. Le SERNAM est un organisme public dont le directeur a rang de ministre en sa qualité de membre du Cabinet présidentiel. Il est doté d’un budget indépendant, financé au départ essentiellement grâce à la coopération internationale; le Gouvernement assure actuellement 90 % de son financement.

Le SERNAM a pour mission de coopérer avec le pouvoir exécutif à la conception et coordination de l’action des pouvoirs publics en vue de mettre un terme à la discrimination à l’égard des femmes au sein de la famille, ainsi que dans la sphère sociale, économique, politique et culturelle. Cette action est ainsi en grande partie de nature intersectorielle. Parallèlement, le SERNAM propose des réformes des réglementations en vigueur. Repris dans le programme du Gouvernement, le Plan pour l’égalité des chances entre hommes et femmes (1994-1999) est le principal outil de mise en œuvre des engagements pris lors de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes. Les progrès accomplis tiennent pour une grande part au processus actuel de modernisation du pays. Parallèlement à la crise économique des années 80, cette évolution a conduit à une hausse sensible du nombre de femmes dans la population active ainsi qu’à l’amélioration des services de soins de santé et de planification familiale. Les organisations internationales ont également influé sur le débat public s’étendant à des thèmes auparavant assimilés à la sphère privée comme, par exemple, la violence familiale.

L’accès aux débouchés économiques et à l’emploi constitue l’un des enjeux à venir pour les femmes chiliennes. L’écart a certes diminué entre la proportion des hommes et des femmes au sein de la population active, mais les femmes continuent de gagner en moyenne 29 % moins que les hommes. L’élimination de l’extrême pauvreté a constitué l’un des engagements majeurs des gouvernements démocratiques, et de nombreuses familles pauvres ont pu améliorer leur niveau de vie grâce à la contribution économique des femmes. Ainsi, le Programme de qualification professionnelle pour les femmes à faibles revenus, en particulier les femmes chefs de famille est devenu un programme social essentiel pour éliminer la pauvreté au Chili. Des programmes ont également été mis en place à l’intention des travailleuses saisonnières, dont la situation est particulièrement précaire. Le Code du travail a été abondamment amendé en vue de promouvoir l’égalité d’accès des femmes à l’emploi, ainsi que des conditions de travail sures, le partage des responsabilités familiales et la protection de la maternité.

L’éducation est essentielle pour parvenir à l’égalité des chances et le développement. Le taux égal de scolarisation des hommes et des femmes à tous les niveaux du système éducatif, de l’école primaire à l’université, est l’un des plus gros atouts du Chili. L’analphabétisme y a été pour ainsi dire éliminé, excepté chez les femmes âgées, en particulier en zones rurales, pour lesquelles des programmes d’éducation des adultes ont été conçus. Le taux de scolarisation des enfants âgés de 6 à 12 ans est pratiquement de 100 %, soit une nette amélioration dans les zones rurales. Environ 80 % des filles âgées de 13 à 19 ans poursuivent leur scolarité. Un nombre à peu près équivalent de filles et de garçons issus de familles à faibles revenus abandonnent leur scolarité tôt afin de contribuer économiquement aux foyers, les garçons généralement en exerçant un emploi rémunéré et les filles en s’acquittant des tâches ménagères.

Du point de vue de l’égalité des chances en matière d’éducation, les pouvoirs publics doivent s’atteler aux questions de la qualité de l’éducation et de la discrimination résultant du contenu de l’enseignement et des méthodes pédagogiques. Les enseignants doivent également continuer de recevoir une formation intégrant une démarche soucieuse de l’égalité des sexes de manière à rompre avec l’habitude d’orienter les femmes vers certaines disciplines.

La prévention des grossesses chez les adolescentes est une autre question à laquelle il convient d’apporter une réponse plus vigoureuse. Le taux de fécondité a baissé au Chili mais le nombre d’enfants nés de mères adolescentes a augmenté, représentant 14,6 % de l’ensemble des naissances en 1996. L’État s’attaque au problème selon une approche globale et prend des mesures préventives spécifiques au sein du système scolaire et des services sanitaires. À cet égard, le Service national de la femme (SERNAM), en collaboration avec les Ministères de l’éducation et de la santé, a lancé les Journées d’échanges sur la vie affective et sexuelle (JOCAS). D’ici la fin de l’année, ce programme, qui apprend surtout aux jeunes à prendre soin d’eux et à adopter une attitude responsable face à la sexualité, s’étendra à 50 % de l’ensemble des établissements éducatifs publics du pays.

S’agissant des soins de santé et de l’assurance maladie, l’oratrice signale que la qualité des soins de santé primaires au Chili atteint presque le niveau des pays développés. Les taux de mortalité maternelle sont actuellement de 0,2 pour 100 000 naissances vivantes. En outre, les améliorations dans ce domaine ont considérablement fait reculer la malnutrition chez les enfants de zéro à 6 ans, même si des problèmes de surcharge pondérale commencent à apparaître pour la période étudiée.

L’interruption volontaire de grossesse est un autre problème majeur de santé publique au Chili, qui constitue la deuxième cause de mortalité maternelle. On estime que 25 % de l’ensemble des grossesses aboutissent à un avortement. La loi interdit et criminalise toutes les formes d’avortement. Les risques médicaux que la clandestinité des avortements entraîne dans la pratique tendent à se manifester surtout au sein des groupes à faibles revenus. La planification familiale et la promotion du concept de paternité responsable, permettant aux couples de décider des grossesses et naissances souhaitées, constituent la stratégie de base du Gouvernement en matière de prévention des avortements et d’atténuation de leurs conséquences.

Le fait que les tâches domestiques constituent toujours la première activité de la majorité des femmes explique l’articulation étroite entre l’assurance maladie et l’accès des femmes au marché du travail. Elles ont ainsi accès au système d’assurance santé comme personnes à charge. En 1996, 26 % des épouses considérées comme « sans emploi » avaient accès au système de santé uniquement parce qu’elles étaient dans l’indigence. En revanche, 13 % seulement des épouses économiquement actives ont bénéficié de soins de santé comme indigentes car elles ont, en tant qu’employées, accès à leur propre système d’assurance santé, qui leur offre des services de meilleure qualité. Ainsi toute politique conçue pour améliorer l’accès des femmes au marché du travail est une politique ayant un impact direct sur les possibilités qu’elles ont de préserver leur santé.

Concernant la participation à la vie publique, l’oratrice signale que les femmes sont plus nombreuses que les hommes à voter mais qu’elles ne sont pas équitablement représentées aux postes de décision. Toutefois, le nombre de femmes élues au Congrès et aux charges municipales a augmenté, de même que le nombre de femmes occupant des postes de technicien et d’administrateur, ainsi qu’au sein de la magistrature, des médias et du monde des affaires. Malgré ces progrès, il est toujours difficile pour les femmes d’avoir accès aux postes de décision dans les sphères économique et politique. Aucune femme n’a jamais assuré la présidence du Sénat ou de la Chambre des députés, ni n’a siégé à la Cour suprême. Peu de femmes interviennent sur des questions comme la sécurité nationale et la politique macroéconomique. Par ailleurs, elles sont surtout présentes dans les domaines d’activité liés à l’éducation, la santé, la famille et la justice.

Il est également difficile aux femmes d’accéder aux postes de direction au sein des partis politiques en dépit du fait qu’elles se présentent aux élections. Les mesures de discrimination à rebours n’ont pas encore été transposées dans la législation chilienne en dépit de leur application au sein des partis politiques. À cet égard, un projet de loi proposé en 1997 visant à instaurer des quotas spécifiques de participation des femmes au Congrès n’a pas bénéficié du soutien requis au Parlement. En outre, la modernisation en cours de la gestion des affaires publiques prévoit notamment l’égalité des chances entre hommes et femmes au sein de la fonction publique.

En ce qui concerne l’institutionnalisation des politiques sexospécifiques, le SERNAM a déployé des efforts considérables pour attirer l’attention sur l’existence de la discrimination et a mis l’accent sur la nécessité d’intégrer une démarche soucieuse de l’égalité des sexes dans l’ensemble de l’action sociale. L’État chilien, par l’intermédiaire du SERNAM, a également aidé à promouvoir l’égalité des droits et des chances entre hommes et femmes. Cette approche se traduit en premier lieu par le nombre d’accords conclus avec différents ministères et municipalités, ainsi que par le nombre de comités interministériels auxquels le SERNAM a participé soit comme coordonnateur soit en qualité de membre actif.

Le SERNAM a également toujours plus contribué à sensibiliser les fonctionnaires et à les former à l’intégration d’une démarche soucieuse de l’égalité des sexes dans la planification, l’exécution et l’évaluation des programmes. En outre, le SERNAM attire l’attention sur les droits des femmes en renforçant l’action des Centres d’information sur les droits des femmes dans toutes les capitales régionales. Parallèlement, le SERNAM fait connaître leurs droits via des programmes radiophoniques diffusés dans tout le pays.

L’oratrice dit que d’importantes avancées ont été accomplies en matière de réformes juridiques et constitutionnelles. Le nombre de réformes promulguées a non seulement eu un impact positif sur la qualité de vie des femmes, mais a également amélioré leur condition et réduit les disparités entre les sexes dans plusieurs domaines. À cet égard, le 16 mai 1999, le Congrès a approuvé un amendement à l’article premier de la Constitution, remplaçant le mot « homme » par le mot « personne », ainsi qu’un amendement à l’article 19 établissant clairement l’égalité des hommes et des femmes devant la loi. D’autres lois rédigées portent sur la violence familiale, la filiation, le partage des biens et les réformes du Code du travail.

L’action législative a été réalisée, pour l’essentiel, durant la période 1995-1999 qui a vu l’adoption de toutes ces lois hormis celle sur le harcèlement sexuel. Dans l’élaboration de son action législative, le SERNAM a dû tenir compte du conservatisme du pays dans certains secteurs, ainsi que de la composition du Sénat où le Gouvernement ne détient pas la majorité, du fait en partie des sénateurs désignés. Fruit de la mondialisation culturelle, la dernière réforme constitutionnelle marque une étape majeure sur la voie de l’amélioration de la condition des femmes chiliennes. Ce signal fort concernant l’usage approprié du langage doit être étendu à d’autres domaines comme les établissements éducatifs et les médias.

La loi sur la violence familiale, laquelle violence y est définie comme une maltraitance affectant la santé physique ou mentale d’un des membres de la famille, marque une percée majeure au plan social et culturel, les femmes étant victimes de violence dans un foyer sur quatre au Chili. Aussi a-t-il été nécessaire d’établir des sanctions juridiques et sociales pour réprimer ce comportement. Cette loi a eu pour autre effet majeur la création du Comité interministériel sur la prévention de la violence au sein de la famille. Réforme la plus importante et la plus radicale du Code familial du siècle, la loi no 19585 de 1998, amendant le Code civil et d’autres lois sur la filiation, constitue une autre avancée majeure.

Cette loi est vitale dans un pays où 40 % des enfants sont illégitimes et exposés à toutes les retombées sociales négatives découlant de cette situation. La nouvelle loi dispose que tous les enfants, filles et garçons, ont les mêmes droits quant aux obligations d’entretien, de succession, et de représentation juridique. Elle consacre le principe de la libre recherche en paternité et la recevabilité de tous les types de preuves, y compris les preuves biologiques. D’autres projets de loi en attente portent sur la question des femmes et le Code de la famille, notamment un projet de loi établissant des tribunaux pour enfants, un autre relatif aux agressions sexuelles, qui en particulier criminalise le viol conjugal, et un projet de loi sur l’adoption.

Le Chili cherche à instaurer un nouveau type de rapports entre hommes et femmes qui rompraient avec l’ordre fondé sur la discrimination, la subordination, l’exclusion politique, la violence et la dépréciation culturelle des femmes. C’est ainsi qu’un nouveau plan pour l’égalité des chances entre hommes et femmes, couvrant une période de 10 ans, est en voie d’élaboration auquel participent tous les secteurs de la société. Relever les défis à venir suppose notamment de répondre à la nécessité de procéder à un changement socioculturel en profondeur nécessaire pour éliminer la discrimination, instaurer une culture d’autonomie et d’égalité économiques pour les femmes, et promouvoir la parité entre les sexes. D’autres défis consistent notamment à réorganiser la vie familiale en vue d’y renforcer la participation des hommes, ainsi qu’à intégrer une approche soucieuse d’égalité entre les sexes dans toutes les actions des pouvoirs publics.

La Présidente félicite le Gouvernement pour le projet de réforme de la Constitution, qu’il a soumis au Congrès, en vue d’y reconnaître expressément l’égalité juridique des hommes et des femmes (troisième rapport, p. 8 et 9). Ce projet de loi a été une entreprise considérable et incitera d’autres pays à en faire autant. Il importe également de saluer le Gouvernement pour sa ratification de la Convention no 156 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) et son adoption du Plan pour l’égalité des chances entre hommes et femmes, 1994-1999 (troisième rapport, p. 12), qui prévoit des programmes de formation susceptibles d’inspirer une approche soucieuse d’égalité entre les sexes aux fonctionnaires.

Le Programme du Gouvernement de qualification professionnelle pour les femmes à faibles revenus, en particulier les femmes chefs de famille (troisième rapport, p. 12) contribuerait grandement à atténuer la pauvreté dans le pays. Le programme en faveur des travailleuses saisonnières (troisième rapport, p. 33) répond également à un besoin dans la mesure où ces travailleuses représentent dans la réalité une grande part de la population active. Les protections accordées aux employées domestiques au Chili constitueraient un modèle à suivre par d’autres pays également dans la mesure où ce groupe de femmes est souvent le plus défavorisé.

S’agissant des services de garderie à l’intention des enfants des mères qui travaillent, de nombreux employeurs, semble-t-il, maintiennent leurs effectifs féminins à un niveau inférieur à 20 de manière à ne pas financer le coût de ces services que les entreprises d’au moins 20 employées sont tenues de financer. La solution pour prévenir une tendance si contreproductive serait peut-être d’accorder ces avantages aussi bien aux hommes qu’aux femmes. L’oratrice se demande si les femmes métisses et autochtones peuvent bénéficier sur un pied d’égalité du programme de répartition des terres à l’intention des femmes rurales, toutes ayant bien sûr pour objectif final d’avoir accès à des terres de même superficie et qualité que celles auxquelles les hommes ont droit.

La réussite du SERNAM dans de si nombreux domaines témoigne de la bonne planification de l’organisme, ainsi que de l’appui politique qu’il a reçu et de la définition claire de ses fonctions. La représentante du Chili a indiqué que le SERNAM ne travaille pas directement avec les femmes dans la mesure où sa mission consiste à collaborer avec le pouvoir exécutif et divers organismes publics en tant que principale organisation intervenant sur les questions féminines. Il pourrait toutefois être utile de réorienter les activités du SERNAM vers l’établissement de relations et d’un dialogue plus directs avec les nombreux groupes de femmes et organisations non gouvernementales œuvrant dans ce domaine, eu égard en particulier à l’accent mis par la Programme d’action de Beijing sur l’articulation avec la société civile. Les rapports du Chili ont été étrangement silencieux sur le rôle des groupes de femmes et des organisations non gouvernementales dans le pays. Les femmes chiliennes sont connues pour avoir toujours joué un rôle dans le développement national, au plan économique, politique, social et culturel, et le Comité serait intéressé d’en connaître davantage sur le rôle qui a été le leur depuis l’instauration de la démocratie.

Le Programme de prévention des grossesses chez les adolescentes (troisième rapport, p. 15 et 16) n’a pas atteint les résultats escomptés dans la mesure où le nombre d’adolescentes enceintes a augmenté. Cet échec ne peut tenir qu’à une éducation sexuelle ou à une information inappropriées dans les écoles, ou bien à un manque d’accès aux moyens contraceptifs. L’âge extrêmement précoce auquel les filles au Chili tombent enceintes exige du SERNAM et des autres organisations agissant dans ce domaine d’intervenir directement et souligne la nécessité d’assurer un accès libre aux contraceptifs, même en tenant compte de l’influence de l’Église catholique en la matière, au Chili comme dans d’autres pays d’Amérique latine. Il convient de signaler également que la loi chilienne n’autorise pas une femme à se faire stériliser – décision extrêmement personnelle de sa part liée à ses droits reproductifs – sans l’autorisation de son mari, ce que le Gouvernement devrait envisager de changer. L’oratrice s’interroge sur les éventuelles actions prises relativement au projet de loi en attente visant à requalifier certains crimes sexuels, à faciliter les poursuites et à redéfinir les sanctions en la matière (troisième rapport, p. 12).

M me  Abaka, rappelant qu’une déléguée chilienne, soucieuse de l’égalité des sexes, a activement participé au Groupe de travail de la Commission de la condition de la femme sur un protocole facultatif se rapportant à la Convention, dit qu’elle espère que le Chili appuiera l’adoption du Protocole par l’Assemblée générale et le ratifiera par la suite. Approuvant les commentaires de la Présidente sur les questions de santé, elle fait observer que la subordination de la stérilisation volontaire au consentement de l’époux a été reprise dans les dispositions réglementaires à la demande des services de santé publique chiliens. N’étant, semble-t-il, pas informés sur les droits reproductifs des femmes, ces prestataires de soins de santé pourraient recevoir une éducation aux droits de l’homme, sous une forme ou une autre. Cette disposition contrevient en effet à l’article 12, paragraphe 1, ainsi qu’à l’article 16 e) de la Convention. Le Gouvernement devrait envisager de l’amender de même que d’autres réglementations relatives aux droits reproductifs et appliquer les recommandations générales nos 21 et 24 du Comité.

La contraception pose problème en raison de la forte influence de l’Église au sein de la société chilienne et du Gouvernement. Le Gouvernement n’en doit pas moins assurer que tout un chacun bénéficie du droit à la santé, notamment reproductive, et agir en État laïque à l’instar de tout pays aussi développé que le Chili. En tout état de cause, il ne devrait pas être difficile de légiférer sur l’offre de moyens de contraception d’urgence accessibles à la suite d’un viol, efficaces généralement dans 90 % des cas.

La discrimination à l’égard des étudiantes enceintes renvoyées de leurs établissements est déplorable et constitue une violation flagrante des droits à l’égalité aussi bien qu’à l’éducation. Un gouvernement aussi progressiste que le Gouvernement chilien a sûrement la volonté politique de réagir à cette situation. En dépit de l’échec d’une tentative précédente, le Gouvernement devrait retenter une action et, dans l’intervalle, sensibiliser la population à la question. En vertu de l’article 12, le rapport devrait fournir des informations sur la toxicomanie et le tabagisme. L’oratrice suppose que le tabagisme est répandu chez les femmes au Chili et espère que le rapport suivant signalera ce qui est fait pour résoudre ce problème.

M me  Acar dit que le rapport n’a pas abordé un aspect important de l’article 5. Elle estime que la présence moindre des femmes dans la magistrature, la vie politique et la fonction publique, ainsi que le traitement juridique des femmes révèlent à l’évidence que les stéréotypes concernant les rôles respectifs des deux sexes constituent un obstacle majeur à la promotion de la femme au Chili. À moins d’être accompagnées d’une évolution culturelle, les réformes institutionnelles tendent à s’affaiblir ou même à susciter des résultats non souhaités. Par exemple, la législation en vigueur contre la discrimination au travail n’empêche pas les comportements et attitudes culturels de faire souvent obstacle à la promotion des femmes.

Les lois interdisant la violence à l’égard des femmes peuvent dans la réalité conduire à une violence accrue dans la mesure où les hommes les perçoivent alors comme une menace aux notions traditionnelles de la masculinité. Il est donc nécessaire de concevoir des programmes à l’intention des hommes, conçus pour transformer les principaux traits de la culture patriarcale. Ces initiatives de sensibilisation sont en particulier essentielles dans les cultures où toute réforme des structures politiques s’est avérée difficile. L’oratrice souhaiterait connaître les mesures ou programmes que le Chili a entrepris pour sensibiliser les dirigeants politiques, les responsables communautaires et les groupes sociaux concernés à la question de l’égalité des sexes.

M me  Aouij félicite le Gouvernement du Chili pour son rapport transparent et sincère. Ses efforts pour éliminer la pauvreté, combattre la violence à l’égard des femmes et intégrer une approche sexospécifique des droits des femmes dans tous les secteurs sont tout aussi louables. L’oratrice se dit néanmoins préoccupée par le problème des grossesses chez les adolescentes et l’interdiction de l’avortement qui entrave l’exercice des droits à l’éducation, à la santé et même à la vie. C’est à l’État seul qu’il incombe de garantir ces droits. Il conviendrait de mettre en place des programmes dispensant aux jeunes filles une éducation en matière de santé reproductive en vue de prévenir les grossesses précoces. Le Gouvernement qui exige des écoles publiques qu’elles se conforment à la politique de réadmission des élèves qui ont accouché devrait envisager de mettre à profit son système d’agréments des écoles privées pour inciter celles-ci à en faire autant. L’avortement est une question d’importance cruciale affectant les droits à la santé et à la vie. La question se pose de savoir pourquoi même l’avortement thérapeutique a été interdit.

D’importants progrès ont été accomplis pour garantir les droits liés à la vie familiale : tous les enfants, issus de parents mariés ou non, sont actuellement considérés comme légitimes. Les époux sont supposés obéir au principe de responsabilité partagée; le concept d’autorité parentale s’est substitué à celui d’autorité paternelle. L’âge du mariage, quoique toujours précoce, est désormais le même pour les deux sexes, et les femmes ne sont plus tenues d’obtenir l’autorisation de leurs maris pour exercer une profession. Toutefois, le projet de loi légalisant le divorce n’a toujours pas été approuvé par le Sénat en dépit de sa ratification par la Chambre des députés en 1997. L’oratrice souhaiterait connaître les raisons de ce retard et savoir si elles sont de nature procédurale, culturelle ou religieuse. Elle exhorte le Gouvernement du Chili à redoubler d’efforts pour légaliser le divorce.

M me  Cartwright se dit profondément préoccupée par la législation et les mesures qui régissent la vie privée des femmes chiliennes. L’interdiction de l’avortement intervenue peu avant la fin du régime autoritaire a eu de graves retombées négatives sur les femmes. Le Chili enregistre le taux le plus élevé d’Amérique latine d’avortements clandestins par habitant. Le quart de la mortalité maternelle est dû à des avortements non médicalisés, ce nombre n’ayant cessé de croître. L’obligation pour les médecins de signaler les avortements portés à leur attention dans les hôpitaux est également préjudiciable à la santé des femmes, celles-ci encourant des peines de prison pour avortement. En outre, le grave problème de la violence à l’égard des femmes au Chili semblerait indiquer qu’elles sont nombreuses à tomber enceintes sans avoir leur mot à dire.

Les efforts du Gouvernement visant à améliorer la législation sur la violence familiale se sont traduits par une saturation des tribunaux et les juges ne sont pas choisis pour leur sensibilité à la problématique hommes-femmes ni formés à ces questions. En outre, il ressort de l’information disponible qu’une campagne de grande ampleur a été conduite par les forces conservatrices, notamment l’Église, en vue d’empêcher l’approbation du projet de loi sur le divorce. Même si la législation sur la répartition des biens entre époux et le droit de disposer de biens durant le mariage n’est pas actuellement une question majeure, elle gagnerait en importance une fois adoptée la loi sur le divorce.

Une attention spéciale devrait être accordée au renforcement des tribunaux pour enfants, à la sélection et formation des juges, à l’élaboration de politiques de qualité sur le divorce, l’avortement et l’administration des biens durant et après le mariage, ainsi qu’à la protection des droits des femmes pour ce qui est de la garde de leurs enfants. Enfin, l’oratrice appuie ardemment l’action du SERNAM et des organisations non gouvernementales chiliennes associées à la mise en œuvre de la Convention.

M me  Corti dit que le Gouvernement chilien a accompli des progrès remarquables vers l’instauration de l’égalité des chances pour les femmes durant les neuf années de démocratie. Elle se dit impressionnée par la participation des femmes à la population active, l’élimination pour ainsi dire complète de l’analphabétisme et la campagne pour l’élimination de la pauvreté. Toutefois, elle croit fermement que le SERNAM, dont le Directeur est ministre, doit être élevé au rang ministériel afin de pouvoir insuffler de réels changements. Cette approche donnerait plus de visibilité aux organisations non gouvernementales collaborant avec le SERNAM. 

À l’instar d’autres membres du Comité, l’oratrice se dit affligée par l’interdiction du divorce et de l’avortement. Le Chili devrait envisager de revoir ses notions du droit à la vie compte tenu du grand nombre de femmes succombant à des avortements clandestins. Le Gouvernement a certes fait siennes les grandes questions publiques soulevées lors des forums internationaux comme la Conférence internationale sur la population et le développement, ainsi que la quatrième Conférence mondiale sur les femmes, mais il devrait à présent accorder son attention à la protection des droits des femmes dans la sphère privée.

La séance est levée à 13 h 5 .