à l’égard des femmes

Quarante-troisième session

Compte rendu analytique de la 874e séance

Tenue au Palais des Nations, à Genève, le mardi 27 janvier 2009, à 10 heures

Présidente  :Mme Gabr

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport unique de Haïti valant rapport initial et deuxième à septième rapports périodiques

La séance est ouverte à 10 heures.

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport unique de Haïti valant rapport initial et deuxième à septième rapports périodiques (CEDAW/C/HTI/7, CEDAW/C/HTI/Q/7 et Add .1)

À l’invitation de la Présidente, les membres de l a délégation de Haïti pren nent place à la table du Comité.

M me Lassegue (Haïti) rappelle que Haïti a ratifié la Convention, sans réserve, en 1981. Au cours des 25 dernières années, le contexte politique a été marqué par la lutte que le peuple haïtien a menée pour la démocratie et l’établissement de l’état de droit. Le Gouvernement est, pour la première fois, en mesure de présenter un rapport sur l’application de la Convention.

Le Ministère à la condition de la femme et aux droits des femmes, créé en 1994, est, au niveau national, le mécanisme chargé d’élaborer des politiques visant à l’égalité entre les sexes et à la promotion des femmes. Le présent rapport est le fruit d’un travail auquel ont participé les institutions de l’État et la société civile, notamment les organisations de femmes et les organismes de défense des droits de l’homme. Par ailleurs, des bulletins intérimaires sur le processus de rédaction du rapport ont fréquemment paru dans la presse haïtienne.

La Constitution de 1987 consacre le principe de l’égalité entre les sexes. De plus, Haïti est partie à de nombreux instruments internationaux portant sur les droits de la femme. Aux termes de la Constitution, les traités et conventions font partie intégrante du cadre juridique du pays et l’emportent sur le droit interne. Néanmoins, un certain nombre de lois, décrets et règlements contiennent toujours des clauses discriminatoires. Les remaniements du Code civil et du Code pénal effectués en 1982 puis en 2005 visaient à éliminer ces dispositions. De nouveaux amendements au Code civil et au Code du travail ont été récemment soumis au Parlement. L’étape suivante consiste à adopter une politique nationale d’égalité faisant expressément état de la notion de discrimination fondée sur le sexe et exigeant la non-discrimination dans tous les secteurs de la société.

Le Ministère à la condition féminine et aux droits des femmes a été doté d’une structure qui lui permet de mener à bien sa mission au travers d’une unité de l’intégration d’une démarche sexospécifique et d’une unité de coordination, ce qui assure la décentralisation de la politique gouvernementale touchant la promotion de la femme. Le Ministère a conclu des protocoles avec les Ministères de la justice, de la santé et de l’éducation, et élabore actuellement des accords avec les Ministères des affaires sociales et de la culture.

Les stéréotypes sexistes sont omniprésents et sont perpétués par la famille, les écoles, les églises, les médias et par les femmes elles-mêmes, qui souvent les font siens. De telles attitudes sous-tendent fréquemment les pratiques discriminatoires et la violence à l’égard des femmes, si bien que le Ministère a entrepris une vaste campagne visant à éliminer les images stéréotypées des femmes. Les études, recherches et réformes législatives menées sur la violence sexiste, notamment la violence sexuelle, ont débouché sur l’élaboration du Plan national de lutte contre la violence à l’égard des femmes. La Concertation nationale, mécanisme de débat et d’action qui regroupe l’État et la société civile et qui bénéficie du concours des organismes des Nations Unies et de la coopération de la communauté internationale, contrôle la mise en œuvre du Plan depuis 2005. Une attention particulière est accordée à la situation des femmes migrantes à la frontière qu sépare Haïti de la République dominicaine, zone dans laquelle les sévices sexuels semblent être systématiques. On compte qu’une loi-cadre sur toutes les formes de violence à l’égard des femmes, y compris la violence familiale, sera adoptée en 2009.

S’il est vrai que quelques-unes ont accédé aux plus hauts niveaux de l’appareil gouvernemental, les femmes restent d’une manière générale très peu nombreuses à occuper des postes de décision. Dans le service diplomatique, 7 % seulement des effectifs sont des femmes. Les stimulants économiques offerts aux partis politiques pour encourager la participation des femmes en application de la loi sur les élections de juillet 2008 ne suffiront pas à corriger ce déséquilibre. En vertu de la politique sur l’égalité entre les sexes, des mesures temporaires spéciales sont prévues sous forme de quotas de représentation des femmes aux postes électifs et politiques, ainsi que dans la police nationale.

En ce qui concerne l’éducation, il ressort des statistiques les plus récentes que la parité a progressé pour ce qui est de l’enseignement de base, mais que l’écart entre les garçons et les filles s’élargit aux niveaux supérieurs. Le protocole que le Ministère a conclu avec le Ministère de l’éducation et de la formation professionnelle concerne la poursuite de la scolarisation des filles et l’élimination des stéréotypes sexistes dans les manuels scolaires. À la suite de cet accord, la moitié des bourses sont réservées aux filles.

Les Haïtiennes participent activement à l’économie du pays, encore que leur contribution ne soit pas reconnue à sa juste valeur. La politique économique actuelle vise à redresser le secteur de production et ce dans la mesure où un financement et des crédits suffisants pourront être assurés. Les membres de la fonction publique bénéficient d’un régime d’assurance sociale, mais ne représentent que 3 % de la population. Les travailleurs du secteur agricole et du secteur informel, qui constituent 90 % des effectifs de la main-d’œuvre, ne participent en rien à ce plan. Il n’existe aucune mesure de protection sociale qui ciblerait les ménages ayant une femme à leur tête, lesquels représentent 42 % du chiffre total. Une réforme du système de sécurité sociale est actuellement à l’étude. Les questions qui devront être examinées au sujet du système de soins de santé sont liées à l’insuffisance des services offerts, situation aggravée du fait de la croissance démographique rapide et de la répartition inégale des ressources entre les zones urbaines et rurales. L’augmentation des taux de mortalité maternels et la féminisation du VIH/sida sont également préoccupantes. Pour faire face à cette situation, le Ministère de la santé et de la population a mis en place une unité consacrée à la santé familiale et lance un programme visant à abaisser la mortalité maternelle. Le Ministère à la condition féminine et aux droits des femmes et le Ministère de la santé publique mettent actuellement au point une proposition de ligne d’action touchant la santé des femmes.

S’agissant du droit de la famille, et jusqu’à l’adoption en 1982 d’un décret consécutif à la ratification de la Convention, les femmes perdaient la capacité juridique lors du mariage et devenaient mineures au regard de la loi. Actuellement, le Code civil et le Code pénal ne s’appliquent qu’aux femmes mariées, les mariages en bonne et due forme étant la minorité en Haïti. Les unions libres, dites plaçages, représentent 53 p. 100 de toutes les unions en zone rurale, sans toutefois être reconnues en droit, car le mariage officiel est le seul type de relation bénéficiant d’un statut juridique. Le Ministère propose actuellement des projets de loi sur les unions informelles, les relations familiales et la paternité responsable pour redresser la situation.

Depuis la rédaction du rapport, des avancées ont été notées dans un certain nombre de domaines. La proposition de politique nationale en faveur de l’égalité entre les sexes a été présentée au Gouvernement, et des ateliers sur une budgétisation tenant compte des sexospécificités ont été organisés. Entre autres initiatives législatives, un projet de loi sur les conditions de travail des travailleuses en service domestique est devant la Sénat, et on compte que l’Assemblée nationale agira rapidement.

L’exécution du Plan national de lutte contre la violence à l’égard des femmes 2005-2011, a elle aussi commencé. Un système de rassemblement des données sur les violations signalées a été mis en place, tandis que des soins d’ordre médical et psychosocial sont désormais offerts aux victimes. Les statistiques les plus récentes montrent qu’entre 2002 et 2008, les cas de violence signalés ont diminué, en partie du fait de l’amélioration d’ensemble de la sécurité, de la disponibilité de nouveaux services rendus, de surcroît plus accessibles, et de vastes campagnes de sensibilisation. Les victimes de viols se rendent plus tôt dans des centres de santé pour y être traitées, et le nombre total des viols signalés a fléchi; en revanche, les taux de violence familiale sont demeurés au même niveau. La formation offerte aux prestataires de soins a été évaluée et les services dispensés aux victimes ont été améliorés en conséquence. Le Ministère a de plus conclu un protocole avec le Ministère de la justice et de la sécurité publique sur les procédures appliquées par la police touchant la violence sexiste et la formation des fonctionnaires de la police ayant à s’occuper des victimes. Les autorités judiciaires sont de plus en plus conscientes des droits des femmes et de l’égalité entre les sexes. Le Gouvernement a décidé de veiller particulièrement à la situation des femmes migrantes et de lutter contre la violence, les agressions et les meurtres à caractère sexuel des femmes vulnérables à la frontière entre Haïti et la République dominicaine. Il a organisé une réunion entre les organisations de la société civile, la police et les membres de l’appareil judiciaire dans le département frontalier en vue de porter remède à la situation.

Les mesures qui seront prises à l’avenir s’efforceront de mobiliser les niveaux de pouvoir les plus élevés afin que soient mises en place des structures qui garantissent l’égalité entre les hommes et les femmes selon une approche à la fois spécifique et transversale. Le renforcement du cadre institutionnel et juridique de l’égalité se poursuivra. Le Parlement sera mobilisé en vue de l’adoption du Protocole facultatif. Les autorités judiciaires joueront elles aussi un rôle essentiel en ce qu’elles devront veiller à ce que la législation interne soit alignée sur la Convention. On s’emploiera également à accroître la participation des femmes à la vie politique et leur représentation dans la fonction publique ainsi qu’à promouvoir leur indépendance économique. Enfin, on s’attachera à faire valoir une politique qui, en matière de santé, s’adresse à leurs besoins spécifiques.

L’examen du rapport de Haïti n’est que le premier pas en direction d’une égalité véritable entre les femmes et les femmes, aux niveaux national et mondial. Il s’agit là d’un long processus, mais son Gouvernement est déterminé à le mener à bonne fin, pour le bien du monde entier.

Articles 1 et 2

Mme Patten souhaiterait avoir des renseignements sur le mécanisme d’élaboration et de présentation du rapport au Comité, dans l’espoir d’éviter des retards à l’avenir. Elle note que la Constitution de Haïti ne donne pas de définition de la discrimination à l’égard des femmes et demande si au moins l’une des lois touchant l’égalité entre les hommes et les femmes la définit d’une manière conforme à l’article premier de la Convention. Elle aimerait savoir si des plans visant à la diffusion des observations finales du Comité touchant le rapport auprès du Sénat et de la Chambre des députés ont été mis sur pied. S’agissant des lois discriminatoires toujours en vigueur, elle se demande s’il existe des procédures prévoyant l’adoption d’urgence de lois qui, en contournant les longueurs du processus actuellement appliqué au Parlement, modifieraient la législation existante – en admettant que la volonté politique de le faire soit véritablement présente.

Relevant que la Convention l’emporte sur le droit interne, M.  Flinterman demande si, en Haïti, le pouvoir judiciaire a jamais déclaré qu’une loi était incompatible avec la Convention. Se référant au paragraphe c) de l’article 2 de la Convention relative aux recours, il demande de quelle manière le Gouvernement procède pour faire mieux connaître les garanties des droits de l’homme prévues au titre d’accords internationaux et s’il existe des programmes de vulgarisation juridique et d’assistance judiciaire gratuite. Le fait qu’il n’existe actuellement pas de Président de la Cour suprême a nécessairement des conséquences fâcheuses sur le pouvoir judiciaire et il souhaite savoir comment le Gouvernement envisage de faire face à cette situation. L’adoption prochaine du Protocole facultatif à la Convention renforce encore l’importance pour les juristes de garder à l’esprit les obligations qui incombent à Haïti au plan international à l’égard des droits de l’homme, les recours internes devant être épuisés avant qu’il ne soit fait appel à la procédure d’examen des plaintes au titre du Protocole facultatif. Enfin, il aimerait en savoir davantage sur le rôle que joue actuellement le Bureau de l’Ombudsman et se demande s’il sera reconnu comme une institution nationale des droits de l'homme.

Mme  Lassegue (Haïti) indique que le Groupe chargé de la rédaction du rapport a rencontré le Président et d’autres membres du Gouvernement avant la présentation, tandis qu’un comité de rédaction chargé d’établir un rapport sur le suivi des observations finales du Comité a déjà été créé.

S’il est vrai que la Constitution ne définit pas la discrimination, ses articles 16 et 17 en revanche contiennent des dispositions qui régissent l’égalité entre les sexes. Une assistance judiciaire gratuite est offerte par les organisations non gouvernementales féminines et par son Ministère. Elle-même a par ailleurs entamé des discussions avec le Ministère de la justice en vue de la fourniture d’une telle assistance. La Convention ainsi que des brochures sur le viol, les violences dirigées contre les femmes et les droits des femmes, ont été traduites en langue créole de manière à toucher de plus larges segments de la population. Les programmes locaux radiodiffusés en créole, qui sont dans la ligne de la forte tradition orale du pays, représentent un autre moyen important d’informer les femmes.

L’oratrice a le plaisir de faire savoir que la signature du Protocole facultatif suivra de peu le retour de la délégation haïtienne en Haïti après l’examen du rapport.

M. Jean (Haïti) dit que le Ministère de la justice n’a pas eu à connaître de conflits entre le droit international et le droit interne, tout simplement parce que les accords internationaux l’emportant sur le droit interne, l’État peut se voir imposer les dispositions d’une convention. Des difficultés peuvent surgir toutefois lorsque l’État est tenu d’imposer une sanction aux motifs de violation du droit international. Le Ministère de la justice et de la sécurité publique est déterminé à faire œuvre de sensibilisation aux droits protégés par les instruments internationaux; au cours de 2008, quatre réunions ont été organisées entre membres de haut niveau du Gouvernement sur le sujet des traités et conventions et de leur application.

Le directeur général de l’École de Magistrats a été nommé et un budget a été soumis au Parlement. Le mécanisme qui veille à l’indépendance du pouvoir judiciaire est le Conseil suprême de l’appareil judiciaire. Le projet de réforme vise en partie à confier au Bureau de l’Ombudsman la responsabilité de protéger les citoyens dont les droits, y compris les droits des femmes, seraient violés par l’État.

Mme  Merlet (Haïti) ajoute que, à l’époque où la Convention a été adoptée, le Gouvernement haïtien était aux mains de dictateurs; l’attention accordée par l’État à la promotion des femmes a pris un nouvel essor en 1994, année de l’établissement du Ministère à la condition féminine et aux droits des femmes à la suite de la Quatrième Conférence mondiale sur les femmes, qui a été chargé de coordonner l’action de l’État dans ce domaine. Malheureusement, tous les secteurs d’activité semblent nécessiter une action d’urgence, et les intérêts des femmes sont souvent mis de côté tandis que l’égalité entre les sexes figure au bas de la liste des questions économiques et sociales auxquelles il est fait face. Le Gouvernement et le Ministère travaillent depuis 2004 à la Politique nationale pour l’égalité entre les hommes et les femmes; ladite politique et les lois connexes seront sous peu soumises au Parlement. La refonte des textes de lois discriminatoires sera entreprise dès que la politique en question sera en place.

M. Bastien (Haïti) précise que l’adoption du Protocole facultatif avant mai 2009 est l’une des priorités de l’Assemblée nationale. Les nouvelles lois sur le concubinage (unions informelles) lui ont également été soumises. Les modifications proposées se sont toutefois heurtées à quelque résistance, et il est fait appel aux organisations de femmes pour promouvoir l’adoption de cette loi. Quant au poste de président de la Cour suprême, le Sénat a soumis le nom de trois candidats, qui sont à l’examen.

Mme  Chancy (Haïti) fait remarquer que les célébrations qui marquent la Journée internationale de la femme, le 8 mars, offrent l’occasion de faire connaître la Convention. Les services départementaux du Ministère contribuent par ailleurs à diffuser aux populations rurales des informations sur la Convention. Celle-ci fait partie du programme de l’École normale de l’État, de l’Académie de police et des facultés de droit; de la sorte, ce savoir est quelque peu institutionnalisé.

Article 3

Mme  Chutikul souhaiterait savoir si les protocoles bilatéraux conclus entre le Ministère de la condition féminine aux droits des femmes et d’autres ministères et organisations non gouvernementales sont d’une portée suffisante, car, selon elle, la mise en œuvre de la Convention appelle une coopération multilatérale. Ainsi, la lutte contre la violence sexiste nécessite la participation des fonctionnaires de la santé publique et du travail, de la police, des travailleurs sociaux, du cabinet du Procureur général et des autorités judiciaires. Elle aimerait également avoir des précisions sur les ressources humaines et financières allouées aux bureaux départementaux. Elle ne comprend pas très bien non plus si le plan d’action 2005-2011 est un plan d’ensemble ou s’il cible les femmes et comment sa mise en œuvre est contrôlée. Elle demande également s’il existe une unité des droits de la femme au sein du Bureau de l’Ombudsman et si les fonctionnaires de la police reçoivent une formation en matière de sexospécificité, qui les prépare à recevoir les plaintes des victimes de la violence sexiste.

Mme  Neubauer demande où en est la mise en place des directoires dans les départements, conformément à l’approche décentralisée. Elle partage les préoccupations exprimées au sujet de l’efficacité des protocoles bilatéraux en tant que structure de coordination et souhaite savoir s’il est envisagé de créer une autre structure interministérielle et des organismes intersectoriaux de coordination. Les priorités d’action du Ministère sont sans ambiguïté, et elle se pose la question de savoir si celui-ci dispose de l’appui politique, de l’autorité et de la visibilité voulus pour les mener à bien.

Mme  Lassegue (Haïti) dit que la Concertation nationale a fait la preuve de son efficacité dans la lutte contre la violence. Elle regroupe le Gouvernement, les organisations de femmes et les organisations internationales dans une action entreprise pour trouver une solution commune et dégager un consensus face à ce problème; elle sert également de modèle à l’occasion de la recherche de réponses à d’autres situations. Les protocoles bilatéraux conclus avec les autres ministères sont efficaces eux aussi; ils ont récemment été évalués quant à leur visibilité, utilité et application en zones rurales. L’action des bureaux décentralisés de chaque département a fait également l’objet d’un examen, certains ayant été estimés moins efficaces que d’autres. Le budget prévoit à l’heure actuelle un facilitateur pour chacun des 10 bureaux départementaux.

La réalisation d’analyses distinguant entre les sexes est l’une des missions du Ministère et, depuis quatre ans, l’UNIFEM fournit une assistance en matière de budgétisation sexospécifique et d’intégration d’une démarche sexospécifique en coopération avec le Ministère des finances.

M.  Timothe (Haïti) précise que les protocoles conclus avec le Ministère de la santé publique et le Ministère de la justice ont permis d’améliorer les soins fournis aux victimes de viol et cela grâce à une triple approche. Les victimes peuvent bénéficier d’un examen médical gratuit dans tous les centres de santé du pays, qui disposent du matériel voulu pour le dépistage de maladies sexuellement transmissibles et du VIH, et recevoir aussi un soutien psychosocial.

Mme  Sincimat (Haïti) dit que les analyses ventilées par sexe au macroniveau sont liées aux lignes d’action de l’État. Au microniveau, les agents de coordination chargés des questions touchant les femmes en place au sein de chaque ministère participent directement à l’exécution des projets à l’aide de personnel opérant dans les ministères et sur le terrain. Des travaux sont menés actuellement avec des unités de recherche et de programmation sur la mise au point de la Politique nationale pour l’égalité entre les sexes au macroniveau. En même temps, les points de coordination affectés à la formulation des programmes sont renforcés de manière à ce que les politiques sectorielles tiennent systématiquement compte des spécificités.

Mme  Merlet (Haïti) précise que le Bureau de l’Ombudsman œuvre avec les organisations de femmes dans le but d’appuyer la Politique nationale pour l’égalité entre les sexes. Le Gouvernement a établi un Conseil national de la parité des sexes et mis au point des feuilles de route en vue de son application immédiate. Le Bureau de l’Ombudsman est en mesure de donner directement suite aux violations signalées des droits des femmes. Le Ministère à la condition féminine et aux droits des femmes est chargé de la mise en œuvre du plan national de coordination des diverses structures portant sur l’égalité et d’assurer la liaison avec la société civile. Il est également aidé dans ses travaux par un conseil consultatif créé à cet effet.

Article 4

Mme Patten se déclare préoccupée par la faible représentation des femmes aux niveaux de la prise de décisions et dans la vie politique, et demande s’il est envisagé de prendre des mesures temporaires spéciales, par exemple la mise sur pied de programmes de formation visant à élever le nombre de femmes occupées dans la fonction publique. Les mesures prises pour accroître la participation des femmes à la vie politique n’ont guère donné de résultats, et elle se demande si d’autres mesures sont prévues. Elle aimerait en savoir davantage sur la stratégie nationale proposée pour promouvoir la participation des femmes à la vie politique. En dernier lieu, elle demande si les normes applicables à la représentation des femmes aux niveaux de la prise de décisions font l’objet d’un dialogue avec le secteur privé, puisque la Convention s’applique aussi bien à ce secteur qu’au secteur public.

Mme  Lassegue (Haïti) ajoute qu’en Haïti, les femmes sont encore, et le plus souvent, chefs de famille; nombreuses sont celles qui élèvent les enfants seules, absentes de la vie publique, l’action menée pour éliminer les obstacles qui les empêchent d’occuper la place leur revenant dans la vie politique n’ayant jusqu’à présent donné que très peu de résultats. Des propositions de quotas de participation des femmes ont été présentées au Parlement; elles se fondent sur l’expérience acquise dans d’autres pays. Les examens d’entrée dans la fonction publique sont ouverts aux hommes et aux femmes sur un pied d’égalité. S’agissant des quotas de recrutement, une norme selon laquelle 10 % des effectifs de la police nationale doivent être réservés aux femmes, appliquée à titre de mesure temporaire spéciale, a donné d’excellents résultats; un quota de 30 % est également institué dans le secteur des travaux publics, qui offre des emplois à forte intensité de main-d’œuvre et contribue ainsi à abaisser la féminisation du chômage. Au cours de la période de relèvement consécutive aux trois cyclones qui ont frappé Haïti ces dernières années, des mesures et projets appropriés ont été mis en route à l’intention des femmes pour leur ménager un accès aux crédits de reconstruction. Le dialogue avec le secteur privé concernant les quotas a été entamé; elle-même organisera bientôt une réunion avec la Chambre de commerce à ce sujet.

Mme  Merlet (Haïti), faisant allusion au sentiment d’un « plafond de verre » ressentie par les femmes employées dans la fonction publique, dit que l’analyse des données montre que les femmes occupant des postes de soutien sont certes nombreuses mais qu’elles sont surtout présentes aux niveaux moyens. La dispensation d’une formation visant à les préparer à s’élever dans la hiérarchie est l’une des mesures de discrimination positive actuellement à l’étude. Dans le secteur privé, les activités des organisations féminines visant à améliorer la situation des femmes dans le secteur bancaire sont suivies de près. C’est dans le secteur industriel que l’on note les salaires les plus bas; on étudie par ailleurs l’adoption de mesures pour enrayer le harcèlement sexuel dans ce secteur.

Mme Garçon (Haïti) indique que le Ministère des affaires sociales et l’UNICEF considèrent qu’une assistance aux femmes et aux enfants au titre de l’action de reconstruction entreprise au lendemain des récentes catastrophes naturelles est une tâche prioritaire. Dans la Cité Soleil, zone étendue de taudis de Port-au Prince, la capitale, les femmes ont accès au microcrédit tandis que des bourses sont offertes pour que les enfants n’abandonnent pas l’école et ne soient pas enrôlés dans des bandes de voyous.

Article 5

Mme Pimenteldit que les stéréotypes sexistes contribuent à la création d’une culture qui accepte la discrimination et la violence, y compris la violence dirigée contre les femmes, comme allant de soi. Elle demande si des stratégies spécifiques ont été mises au point et si les efforts déployés pour faire évoluer les mentalités des hommes comme celles des femmes ont été probants.

Mme  Arocha Dominguez demande où en sont l’examen des manuels scolaires entrepris par le Ministère de l’éducation dans le but d’éliminer les stéréotypes sexistes et la dispensation d’une formation qui devait être offerte d’ores et déjà aux enseignants pour les aider à reconnaître les stéréotypes et en venir à bout. Elle aimerait recevoir des précisions sur la suite donnée aux préoccupations exprimées au Comité pour l’élimination de la discrimination raciale concernant le manque de reconnaissance de la diversité de la société haïtienne et la double discrimination fondée sur la couleur de peau. Le Comité pour les droits de l’enfant s’est lui aussi déclaré préoccupé par la violence faite aux enfants, les « restavèk », qui sont placés dans des familles dans lesquelles, en échange de travaux domestiques, ils sont censés recevoir le vivre et le couvert, et une éducation, et demande s’il existe un système d’inspection qui s’assure que les enfants sont traités comme il convient.

Mme  Coker - Appiah s’enquiert du stade auquel est parvenu le projet de loi sur l’éducation qui sera soumis au Parlement et quand la formation prévue des enseignants en matière de stéréotypes évoquée dans le rapport doit être entreprise. Elle se demande si la production de nouveaux manuels scolaires bénéficiera des ressources voulues une fois l’examen achevé. Il serait également intéressant de disposer d’une évaluation de l’impact des initiatives prises en vue d’éliminer les stéréotypes dans les médias. Enfin, elle demande si des plans ont été mis sur pied pour atteindre le groupe que représentent les femmes des zones rurales, chez lesquelles l’on note un taux élevé d’analphabétisme.

Mme  Améline dit que la violence est omniprésente dans la société haïtienne; des liens doivent être établis entre les lois sur la violence à l’égard des femmes et les lois sur la parité des sexes. Tous les aspects des violences infligées aux femmes, qu’il s’agisse du viol, de la violence familiale ou des sévices commis sur la personne des filles employées de maison, doivent être abordés; les lois sur le viol, en particulier, ne vont pas assez loin et doivent être renforcées. Il ressort des statistiques que le nombre de viols perpétrés sur des jeunes filles va en augmentant; les graves répercussions de telles actions sur les victimes et la société dans son ensemble ne peuvent que retarder l’émancipation. La pauvreté et la marginalisation sont les grandes causes de la vulnérabilité des jeunes femmes à la violence sexuelle; cette situation ne saurait être tolérée plus longtemps.

Mme Lassegue (Haïti) indique que ce sont les travaux de la Concertation nationale qui permettront de venir à bout de la violence qui sévit dans la société. De toute manière, la loi du silence n’est plus respectée, et les femmes osent parler de la violence, thème d’une récente campagne de sensibilisation. Le nombre des cas de violence sexuelle et familiale signalés augmente, de même que le nombre des condamnations, ce qui donne à penser que ces plaintes ne suscitent plus de sentiments de honte. La question de la violence est une priorité du Ministère; les coordonnateurs en place dans chaque département du pays joueront un rôle essentiel pour les femmes au niveau communautaire, et cela dans tout le pays. Elle rend hommage à la coopération Sud-Sud offerte par le Brésil pour préparer les policiers et les juges à recevoir les plaintes se rapportant à des cas de violence sexuelle, et à y donner suite en justice.

S’agissant des stéréotypes, elle dit que la coopération de la France a permis de procéder, en partenariat avec le Ministère de la culture, à l’examen des manuels scolaires. Le Secrétariat à l’alphabétisation se sert des textes élaborés par le Ministère lors de ses travaux en zone rurale de telle sorte que les femmes qui apprennent à lire reçoivent en même temps une formation touchant la politique de l’égalité entre les sexes et les stéréotypes. Les fêtes du Carnaval sont elles aussi l’occasion de faire prendre conscience des images et comportement stéréotypés.

La diversité raciale et la double discrimination fondée sur la couleur de peau, l’exclusion sociale et économique qu’elles entraînent, posent un problème plus sérieux. De nombreux enfants vivent sans père et en paient le prix économique et social. Il est actuellement procédé à l’élaboration d’une loi sur la paternité responsable pour redresser cette situation.

Mme  Merlet indique que les statistiques montrent une diminution du niveau général de la violence dans le pays. Quoi qu’il en soit, une chose est certaine : les femmes sont disposées à s’exprimer et prêtes à mettre un terme à la violence sexiste.

M.  Timothe (Haïti) ajoute que des services spéciaux sont fournis aux victimes de viols; tous les centres de santé sont équipés de nécessaires standards de traitement et de dépistage. Une équipe composée de travailleurs sociaux, d’infirmiers, de médecins, de techniciens de laboratoire et d’un psychologue, est à la disposition des victimes, les travailleurs de laboratoire rassemblant la documentation médicale requise. De plus, les victimes d’agressions sexuelles sont traitées dans une zone séparée des autres patients de manière à ce que leur intimité soit respectée. Les cas de violence familiale sont également traités selon une approche globale.

Mme Garçon (Haïti) indique que les lois relatives à la protection de l’enfant ont été renforcées; entre septembre et décembre 2008, 52 enfants employés de maison – les « restavèk » – qui avaient été maltraités par leur employeur, ont été rendus à leur famille.

Article 6

Mme  Chutikuldemande quand le projet de loi sur la traite des personnes sera soumis au Parlement et s’il contient une définition de la traite conforme à celle du Protocole de Palerme à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée. Le rapport a évoqué l’ampleur du problème mais ne fournit guère d’informations spécifiques sur les itinéraires, les modalités ou les responsables de la traite et si celle-ci est confinée à l’intérieur du pays ou si elle traverse les frontières. Elle aimerait donc recevoir des précisions sur les mécanismes ou plans d’action éventuellement mis en place pour traiter de ce problème et sur l’existence d’une coopération quelconque avec les pays de destination. Le prochain rapport devra contenir des informations sur l’application des dispositions relatives à la traite qui figurent dans la résolution 1840 (2008) du Conseil de sécurité.

M.  Flinterman s’enquiert des raisons pour lesquelles le Code pénal ne traite pas de l’exploitation de la prostitution, car, selon lui, il est temps de l’interdire. Il semble que la prostitution soit tolérée mais sanctionnée dans la société, qui stigmatise les prostituées. Celles-ci représentent l’un des groupes les plus vulnérables de la société et ne bénéficient d’aucune protection juridique; il se demande si des mesures de protection sont envisagées.

M. Jean (Haïti) dit que si, pour certains, la prostitution est une profession comme une autre, aux yeux de la plupart des Haïtiens, elle ressort d’un comportement déviant. Les personnes qui débauchent les mineurs sont sévèrement punies par la loi.

Dans l’ensemble, la traite transnationale a lieu entre Haïti et la République dominicaine; le Ministère de la justice et de la sécurité publique œuvre avec les autorités dominicaines pour sécuriser la frontière.

Mme Garçon (Haïti) précise qu’un recensement des prostituées a eu lieu en 2008 et que le Ministère des affaires sociales a pris des mesures pour qu’elles bénéficient d’une protection médicale, qu’elles reçoivent des préservatifs et qu’on leur fournisse des soins médicaux.

La traite est surtout la conséquence de la pauvreté. Il est actuellement procédé à l’élaboration d’un plan national visant à protéger les enfants vulnérables et à empêcher les familles de les placer comme domestiques en Haïti et en République dominicaine. Les conditions de l’adoption internationale ont également été resserrées.

Mme  Lassegue (Haïti) dit qu’un service de téléassistance fonctionne sans arrêt à l’intention des victimes de la traite; par ailleurs, il existe une brochure qui explique les droits des victimes et indique la procédure à suivre pour rapporter les violations. Les victimes ont également accès à une évaluation et des services médicaux et psychologiques. La police et les tribunaux ont amélioré leur capacité de recevoir des plaintes et de les traiter. Le premier pays de destination de la traite est la République dominicaine; des réunions sont fréquemment tenues avec les homologues de ce gouvernement pour débattre de questions s’y rapportant.

Mme  Chutikul souhaiterait savoir si les victimes de la violence familiale reçoivent le même ensemble de services que les autres victimes d’agressions sexuelles et de violences sexistes, et, par ailleurs, si les filles de moins de 18 ans qui se livrent à la prostitution sont traitées différemment des adultes par les autorités. Elle fait également remarquer que la définition acceptée de la traite de personnes comprend un élément de transport forcé ou d’exploitation par le travail; c’est pourquoi les enfants en service domestique (restavèk) ne peuvent être considérés comme faisant l’objet d’une traite au regard de cette définition puisque ce sont leurs parents qui les ont placés de leur propre gré.

Mme  Šimonović estime que Haïti pourrait ratifier l’amendement au paragraphe premier de l’article 20 de la Convention concernant le temps de réunion en même temps que le Protocole facultatif. Elle demande davantage de précisions sur la loi prévue concernant l’égalité, y compris son titre et sa portée. Idéalement, l’interdiction de la discrimination et l’égalité des hommes et des femmes doivent être consacrées dans la Constitution. Il serait intéressant par ailleurs d’en savoir davantage sur l’application de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité ainsi que sur les vues de la délégation touchant les contributions de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti.

Mme Patten revient sur les questions touchant la portée de la loi sur la violence à l’égard des femmes pour demander si le texte porte sur toutes les formes de violence, s’il prévoit des recours au civil comme au pénal et s’il envisage la rééducation des victimes et des agresseurs. Enfin, elle s’enquiert du calendrier de son adoption.

Mme  Neubauer demande s’il existe des obstacles à l’efficacité du Ministère et quelles sont les principales difficultés auxquelles il se heurte.

Mme  Awori indique que, même si la parité des sexes est au bas de l’échelle des priorités du Gouvernement, l’application de la Convention changerait la situation des femmes de Haïti marginalisées; pour que cette évolution se produise, il faut que soient adoptées et appliquées des lois en matière d’égalité. Elle voudrait en savoir davantage sur le processus par lequel un projet de loi est inclus dans l’ordre du jour d’une session du Parlement.

La séance est levée à 13 h eures .