Quarante-quatrième session

Compte rendu analytique de la 890e séance (Chambre A)

Tenue au Siège, à New York, le jeudi 23 juillet 2009, à 10 heures

Président e  :Mme Gabr (Égypte)

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties en application de l’article 18 de la Convention (suite)

Septième rapport périodique du Bhoutan

La séance est ouverte à 10 heures.

Examen des rapports présentés par les États parties en application de l’article 18 de la Convention (suite)

Septième rapport périodique du Bhoutan (CEDAW/C/BTN/7, CEDAW/C/BTN/Q/7, CEDAW/C/BTN/Q/7/Add.1)

À l’invitation de la Présidente, les membres de la délégation du Bhoutan prennent place à la table du Comité.

M.  Tshering (Bhoutan) dit que le Bhoutan est la plus récente démocratie du monde et que son premier Parlement élu a adopté la première Constitution écrite en 2008. Les articles 7 et 9 de la Constitution traitent des droits des femmes et renforcent la législation existante en faveur des femmes. Le Code pénal adopté en 2004 et d’autres textes de loi ont permis l’harmonisation de la législation interne avec la plupart des dispositions de la Convention. Le projet de loi sur la protection de l’enfance, le projet de loi sur l’adoption et celui sur la violence familiale actuellement à l’étude devraient consolider encore la législation en faveur des droits des femmes. La loi sur les organisations de la société civile a été adoptée en 2007 en vue de promouvoir une plus large participation de la société civile.

Le dixième Plan quinquennal du Bhoutan consacre un chapitre entier à la participation des femmes au développement; il a alloué 64 millions de BTN à cette question, défini pour la première fois l’égalité des sexes comme un thème de développement transversal et mis en œuvre l’intégration d’une démarche soucieuse de l’égalité hommes-femmes et la production de données ventilées par sexe destinées à étayer la formulation des politiques. Les travaux de la Commission du bonheur intérieur brut, appelée auparavant Commission de planification nationale, et la Commission nationale chargée des femmes et des enfants sont appuyés par un réseau de responsables de la coordination pour l’égalité des sexes dans tous les secteurs d’activité. Un premier Plan d’action national pour l’égalité entre les sexes a été élaboré et fait office de document de référence pour tous les secteurs dans le processus d’intégration d’une démarche soucieuse de parité.

Les pouvoirs publics se sont pleinement engagés à améliorer la situation des femmes et à veiller à ce que les entorses à la culture d’égalité des sexes du Bhoutan ne deviennent pas des codes de comportement. Ils ont déployé des efforts sans précédent pour augmenter le taux de scolarisation des filles dans les établissements secondaires et professionnels et réduire les abandons scolaires précoces des filles. Les femmes participent de plus en plus à tous les domaines d’activité, y compris à la vie et au processus politiques, ainsi que l’a démontré le dernier scrutin, qui a conduit à l’élection de 13,88 % de femmes au Parlement, tandis qu’elles ont représenté plus de la moitié du taux de participation électorale, témoignant ainsi de leur disposition à jouer un rôle accru au sein des instances gouvernementales et dans la vie politique de manière générale.

La Commission nationale pour les femmes et les enfants, créée en 2004 et totalement indépendante, est l’organe responsable du bien-être des femmes et des enfants du Bhoutan. La Commission enquête sur les violations des droits des femmes et des enfants; elle coordonne et suit la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant et de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, ainsi que le respect des obligations régionales et internationales contractées par le Bhoutan en matière de droits de l’homme.

Après le passage sans heurt à une monarchie démocratique constitutionnelle en 2008, le Gouvernement élu du Bhoutan s’est employé à poser les fondations d’une démocratie durable et dynamique, fermement enracinée, irréversible et irréprochable, qui profite véritablement à tous les citoyens et leur permette de réaliser pleinement leur potentiel.

Articles 1 à 6

M me  Arocha Dominguez dit qu’elle aimerait une estimation du nombre de plaintes déposées pour violation des droits des femmes et des enfants ainsi que la liste des mesures prises. Faisant remarquer que la Commission nationale pour les femmes et les enfants a été mise en place par les pouvoirs publics, elle se demande dans quelle mesure elle est vraiment autonome. Compte tenu de sa composition multidisciplinaire, elle souhaiterait davantage de détails sur son fonctionnement, ses ressources humaines et ses responsabilités. Elle aimerait également des précisions sur le chapitre relatif à la participation des femmes au développement du 10e Plan quinquennal et savoir, compte tenu de la dissémination de la population sur le territoire du Bhoutan et des nombreuses régions reculées, si le réseau des responsables de la coordination pour l’égalité des sexes intervient dans tout le pays.

M.  Flinterman demande si la nouvelle Constitution stipule la primauté des conventions internationales en faveur des droits des femmes sur les lois internes qui seraient en conflit, faisant remarquer que cette préoccupation a déjà été formulée par le Comité en 2004. Il souhaite savoir de quelle manière la primauté est établie et si un juge peut appliquer les dispositions de la Convention. S’agissant du paragraphe 15 de l’article 7 de la nouvelle Constitution, qui traite plus particulièrement des droits des femmes et des droits fondamentaux, il demande si la garantie de l’égalité devant la loi s’étend à l’égalité des femmes et des hommes devant la loi, et si cette égalité est à la fois formelle et effective. Il demande si la liste des critères de non-discrimination est complète et si les pouvoirs publics envisagent de développer les articles 7 à 9 de la Constitution pour qu’ils tiennent lieu de loi générale sur l’égalité et si la Constitution inclura une définition de la discrimination à l’égard des femmes. Dans son rapport, le Bhoutan a déclaré qu’il n’existait aucun obstacle à la ratification du Protocole facultatif. Dès lors, l’anniversaire de la Convention en 2009 pourrait être l’occasion idéale d’y procéder. Il exprime sa surprise devant l’absence de rapports parallèles d’organisations non gouvernementales (ONG) et demande dans quelle mesure les ONG et les organisations s’occupant des droits de l’homme ont été invitées par le Gouvernement à participer à la préparation du rapport, et de quelle façon elles prendront part à la mise en œuvre de la Convention.

M me  Hayashi dit que le Bhoutan connaît une transition rapide, qui influe inévitablement sur la situation des femmes. Faisant observer que le Parlement a adopté une Constitution qui cherche à éliminer la discrimination à l’égard des femmes, elle se demande si l’égalité des sexes est bien reçue et si la société dans son ensemble est suffisamment informée à cet égard. S’agissant de la Commission nationale pour les femmes et les enfants, elle demande si des priorités ont été définies pour venir en aide à ceux qui sont dans le besoin. Constatant que la Commission joue un double rôle, à la fois mécanisme national de formulation et de mise en œuvre de la politique d’égalité des sexes et prestataire de services en faveur des femmes, elle demande s’il existe d’autres plans pour qu’un organisme distinct propose des services sexospécifiques. Enfin, elle a constaté que les femmes et les enfants étaient souvent associés dans le rapport et craint que ce rapprochement ne soit le résultat de stéréotypes sexistes. Si la culture bhoutanaise ne valorise la femme qu’en tant que mère ou future mère, cela place les femmes sans enfant, par choix ou pour un autre motif, dans une situation très pénible. Toutes les femmes devraient être protégées, indépendamment de leur situation matrimoniale et du fait qu’elles aient ou non des enfants, sans formalisme mais avec efficacité.

M.  Flinterman dit qu’aux termes de l’article 4 de la Convention, les États parties sont tenus d’adopter des mesures temporaires spéciales qui sont levées une fois réalisé l’objectif d’égalité hommes-femmes dans un domaine particulier. Si le Bhoutan a envisagé d’avoir recours aux mesures temporaires spéciales, il a été de fait contraint de les mettre en œuvre. D’autres mesures spéciales existent en dehors des systèmes de quota. Il souhaite savoir ce que le Gouvernement entend faire pour une meilleure compréhension des mesures temporaires spéciales chez les décideurs, les ONG, les organisations de femmes et le public en général.

M me  Ara Begum souhaite connaître l’intérêt de la théorie du bonheur intérieur brut pour résoudre le problème des stéréotypes liés aux femmes, éliminer la violence sexiste et promouvoir l’égalité hommes-femmes. Elle demande dans quelle mesure la prétendue supériorité masculine est enracinée dans les mentalités. Elle aimerait savoir si un programme éducatif a été mis en place dans les établissements scolaires afin d’apprendre aux enfants à tenir compte des sexospécificités dès leur plus jeune âge. Elle s’interroge sur les mesures prises par le Gouvernement s’agissant du travail des enfants, de la violence familiale et du harcèlement sexuel au travail et dans les internats. Les agressions et les voies de fait sont traitées, mais en dehors du contexte de la violence familiale, et elle se demande si le Gouvernement a élaboré un plan et un calendrier pour y remédier. Concernant le règlement des litiges, elle souhaite savoir si les femmes des régions rurales montagneuses ont la possibilité de saisir les tribunaux en cas de violence familiale.

M me  Pimentel demande si les précédentes recommandations du Comité relatives à la violence physique et sexuelle à l’égard des femmes ont donné lieu à de nouvelles politiques et, si tel est le cas, quel en a été l’impact.

M me  Popescu constate que la mentalité patriarcale qui limite le rôle des femmes au sein de la famille, et la culture du silence sur la violence familiale qui en protège les auteurs, sont très répandues. Elle demande si le Plan d’action national pour l’égalité entre les sexes 2008-2013 comporte des objectifs et des cibles propres à mettre en place des politiques visant à éliminer les stéréotypes sexistes et si des efforts sont engagés pour sensibiliser les hommes comme les femmes au partage des responsabilités à la maison. Elle souhaite savoir si le Gouvernement encourage la promotion d’une image positive des femmes dans les médias et s’il coopère avec les ONG afin de davantage sensibiliser les hommes et les femmes aux droits des femmes, aux droits fondamentaux et à l’égalité des sexes.

M me  Chutikul dit que bien que le service de Radiotélévision du Bhoutan (BBS) et Kuzoo FM soient dirigés par des femmes et travaillent en étroite collaboration avec la Commission nationale pour les femmes et les enfants, on note par ailleurs de nombreux exemples de la façon dont les médias peuvent mettre en avant des stéréotypes et faire preuve de pratiques discriminatoires. Elle souhaite savoir si le Gouvernement donne des directives en vue d’éliminer les stéréotypes dans les médias, qu’ils soient privés ou publics.

Elle demande si, dans la culture bhoutanaise, le rôle du père au regard de l’éducation des enfants fait l’objet de discussions dans la famille et si l’éducation parentale existe au Bhoutan. Elle aimerait savoir si l’égalité des sexes est prise en compte dans le processus d’éducation et de socialisation des enfants et connaître le rôle de la Commission nationale pour les femmes et les enfants à cet égard.

Bien que la notion de traite ait été admise dans la Constitution et dans la législation du Bhoutan, elle n’est pas conforme à l’usage international telle qu’elle figure dans le Protocole de Palerme ou même telle qu’elle est utilisée par l’Association sud-asiatique de coopération régionale (ASACR). Elle souhaite savoir s’il est envisagé de réviser la définition de la traite de façon à ce qu’elle soit plus claire et plus globale. Très peu de renseignements ont été fournis sur la prostitution et la traite des mineurs. L’annexe 4 du rapport présente les recommandations de Gedu en 16 points sur les procédures policières et judiciaires favorables aux femmes et aux enfants. Elle se demande si la Commission nationale pour les femmes et les enfants a engagé les études dont il est question à la 13e Recommandation et, si tel est le cas, quels en sont les résultats. La police royale du Bhoutan s’est adjoint une unité de protection des femmes et des enfants, et elle souhaiterait davantage d’informations sur ses fonctions, le nombre de femmes que comptent les forces de police et les formations offertes au personnel pour identifier les victimes de la traite et s’occuper des différents types de sévices. Elle souhaite également savoir si cette unité dispose de ressources financières suffisantes et d’autres systèmes d’appui pour offrir une assistance juridique et protéger les témoins. Enfin, elle demande quelles sont les mesures prises conjointement avec le pays d’origine en cas de traite transfrontière.

M.  Tshering (Bhoutan) dit que si l’harmonisation des lois existantes, de la Constitution et des nombreuses nouvelles lois récemment votées n’a pas été chose facile, cela n’a pas empêché le Bhoutan de formuler de nouveaux règlements, notamment ceux que requiert la Constitution. Le Bhoutan a accordé un statut juridique très élevé à toutes les conventions juridiques internationales auxquelles il est partie. La croissance économique sans précédent, les changements dans les modes de vie et les besoins économiques, et les meilleures perspectives économiques ont laissé émerger de nouveaux stéréotypes, outre la perpétuation des anciens. Son Gouvernement a examiné les approches adoptées par d’autres pays et les conventions internationales pour s’en inspirer.

M.  Wangchuk (Bhoutan) dit que depuis 2004 on a assisté à un changement radical dans la manière dont fonctionne la Commission nationale pour les femmes et les enfants. Précédemment rattachée au Ministère de la santé, la Commission est autonome depuis 2008. Elle a été intégrée dans le 10e Plan quinquennal, bénéficie d’un crédit budgétaire propre dont elle dispose comme elle l’entend. La Commission est en mesure d’assurer la plupart des contrôles et des actions coercitives et a été en outre renforcée par la création d’unités spécialisées, qui ont amélioré sa capacité à répondre à l’avenir aux besoins des femmes et des enfants au Bhoutan.

La Commission est composée de représentants de différents secteurs afin d’assurer que tout individu puisse prendre part à la formulation des politiques relatives aux femmes et aux enfants. La Commission nationale pour les femmes et les enfants n’a pas encore les moyens de disposer de sections locales; toutefois, 24 juristes ont été formés pour exercer la fonction de représentants de la Commission à l’échelon local. Celle-ci s’emploie à consolider ses liens avec les ONG et les organisations locales afin d’éviter les répétitions inutiles et la dilapidation de ses maigres ressources.

Les responsables de la coordination pour l’égalité des sexes ont été institutionnalisés et font office de relais de la Commission nationale pour les femmes et les enfants dans tous les secteurs. Ils l’assistent dans le cadre de l’internalisation de ses préoccupations et priorités.

En tant qu’organisme de suivi et d’enquête, la Commission nationale pour les femmes et les enfants est investie d’une mission très complexe tout en disposant de capacités, de ressources, de structures et de mécanismes limités. En 2006, elle a porté la première affaire de traite devant la justice. Depuis lors, elle a examiné plus de 200 affaires, dont près de 99 % se sont terminées par une condamnation.

L’unité de protection des femmes et des enfants de la police royale du Bhoutan s’est inspirée des approches adoptées par la Thaïlande et le Sri Lanka. L’unité se charge également de la protection et de l’application des droits des femmes et des enfants le long de la frontière avec l’Inde. Le nombre de femmes dans les forces de police a augmenté depuis 2005. Les femmes représentent 16 des 22 responsables travaillant dans l’unité de protection des femmes et des enfants. Des efforts sont actuellement déployés pour améliorer la parité des sexes dans les forces de police.

Depuis 2005, avec l’appui de l’UNICEF, de l’UNIFEM et du PNUD, la Commission nationale pour les femmes et les enfants a mis en place des programmes de formation au niveau national avec des visites d’études dans d’autres pays, destinés aux officiers de police, aux juges et aux représentants d’ONG. Le chef de la police a organisé un cycle de programmes de sensibilisation nationaux à la loi dans les écoles. En octobre 2009, le Président de la cour suprême du Bhoutan lancera une campagne intitulée « connaître la loi » afin que le public comprenne mieux la législation. La consultation nationale sur les procédures policières favorables aux femmes et aux enfants a déjà eu lieu, suivie par la consultation nationale sur les procédures judiciaires favorables aux femmes et aux enfants et par des formations ayant trait à la violence familiale et au harcèlement sexuel sur le lieu de travail.

La traite n’a jamais été considérée comme un problème en raison de la petite taille du pays et de sa faible population très disséminée sur le territoire, et de l’hypothèse selon laquelle tout le monde a connaissance d’une nouvelle arrivée ou d’une disparition de personne. Ces dernières années, cette supposition s’est toutefois avérée fausse. Le Bhoutan partage une frontière longue et poreuse avec l’Inde et est tributaire de l’importante main-d’œuvre venue de ce pays. L’économie se porte bien et le pouvoir d’achat de la population s’est accru de manière substantielle. Il reconnaît la possibilité de la traite, non seulement aux fins d’exploitation sexuelle ou de transplantation d’organes, mais également d’exploitation de personnel domestique et d’autres travailleurs. Le Bhoutan n’a pas pu mener une étude spécifique comme l’avait recommandé le Comité, mais une étude préliminaire sur la violence à l’égard des femmes a été diligentée pour étayer les efforts visant à élaborer un projet de loi sur la violence familiale. Une analyse plus détaillée des personnes disparues, signalées à la police et aux services de l’immigration, a été engagée. Le Bhoutan envisage de mener une vaste consultation transfrontière avec l’Inde en septembre 2009 afin d’étudier le moyen de résoudre le problème de la traite si elle existe et si elle pose effectivement un problème.

Le Bhoutan est partie à la Convention de l’Association sud-asiatique de coopération régionale (ASACR) sur la prévention et l’élimination de la traite des femmes et des enfants aux fins de la prostitution. En mai 2009, des procédures normalisées ont été mises en place pour avoir accès aux informations d’autres pays sur la traite et sur la réintégration et le rapatriement des victimes de cette activité criminelle. Des rapports ultérieurs traiteront cette question d’une façon plus globale et plus explicite. Le Bhoutan a incorporé des dispositions spécifiques sur la traite dans le Code pénal de 2004, et, sur cette base, deux condamnations pour traite ont été prononcées. Le Bhoutan s’emploie à mieux appréhender le problème afin d’élargir le champ de la définition de la traite.

Compte tenu de la petite taille du Bhoutan, la Commission nationale pour les femmes et les enfants a été créée en tant qu’organe unique chargé d’honorer les obligations du Bhoutan en matière d’établissement de rapports en vertu de la présente Convention et de la Convention relative aux droits de l’enfant, et de traduire les recommandations en actes. La Commission nationale pour les femmes et les enfants suit également les violations et poursuit leurs auteurs. La Commission a l’avantage de travailler au sein du système au lieu de lui être extérieure et a accompli davantage de progrès que d’autres dans la région. La Commission nationale pour les femmes et les enfants est placée sous l’autorité des trois organes du Gouvernement : la Cour royale de justice, le législatif et l’exécutif. Elle a examiné de nombreuses lois au cours des quatre années écoulées, s’agissant de leur impact sur les droits des femmes et des enfants, et a élaboré le projet de loi sur la protection de l’enfance, le projet de loi sur l’adoption et le projet de loi sur la violence familiale. Les deux premiers seront examinés par l’Assemblée nationale et le Parlement en 2009. Le projet de loi sur le travail et l’emploi adopté en 2007 contient des dispositions sur le harcèlement sexuel sur le lieu de travail.

M.  Norbu (Bhoutan) dit que la Constitution du Bhoutan dispose explicitement que toutes les conventions internationales ratifiées par le Bhoutan, même avant l’adoption de la nouvelle Constitution, sont réputées faire partie du droit interne. La Haute Cour et la Cour suprême du Bhoutan sont compétentes pour interpréter les dispositions de la Constitution et appliquer celles desdites conventions. S’agissant de la gestion des questions de non-discrimination selon la Constitution, il dit que toutes les questions soulevées par l’article 9 concernant le principe des politiques nationales seront traitées aux termes de l’article 7 relatif aux droits de l’homme. Tout citoyen peut saisir la Haute Cour et la Cour suprême en vertu de l’article 7 et il est possible d’engager des poursuites devant les tribunaux en invoquant la Convention, conformément au paragraphe 18 de l’article 21 de la Constitution.

Toutes les réunions avec les parties prenantes du projet de loi sur la violence familiale se tiendront d’ici à septembre 2009 et le projet de loi devrait être examiné par le Parlement au cours de la session d’été 2010.

S’agissant des médias et des stéréotypes, l’intervenant dit que la loi sur l’autorité chargée de l’information, de la communication et des médias a été adoptée. Au début de l’année 2009, quelque 70 représentants de médias du Bhoutan ont assisté à une conférence sur le rôle des médias dans la démocratie et sur les considérations éthiques dans le traitement de la parité. Il y a été précisé que le droit de savoir du public n’inclut pas le droit de recevoir des informations tendancieuses. Les journalistes ont également reçu des instructions sur la manière de traiter les droits constitutionnels et les droits des femmes.

M.  Tshering (Bhoutan) dit que le secteur des médias s’est développé rapidement et qu’on compte maintenant quatre journaux quotidiens et une revue bihebdomadaire. La presse écrite est aux mains du secteur privé, tandis que le Gouvernement est toujours propriétaire du service de radiotélévision. Les partis politiques ne possèdent pas de journaux. On compte plusieurs stations de radio privées, centrées surtout sur les loisirs, et le Gouvernement du Bhoutan en possède également une. Le Gouvernement ne s’ingère pas dans les contenus éditoriaux, car il est convaincu qu’il est préférable que les journaux fassent leurs propres erreurs. La plupart des organisations de médias sont placées sous l’autorité d’un bureau indépendant ou d’un bureau qui relève directement du premier Ministre. Les journaux ne sont pas économiquement viables et se battent sur le plan financier lorsqu’ils tentent d’éditer dans les deux langues. Les médias sont très actifs, et 47 % des journalistes sont des jeunes femmes occupant leur premier emploi. Les journalistes sont jeunes, curieux, actifs, et estiment que leur Gouvernement a besoin de « chiens de garde » et qu’il faut l’obliger à rester vigilant.

S’agissant des mesures temporaires spéciales et de la participation politique, chaque parti a sa propre approche et le Gouvernement ne donne aucune instruction à cet égard. Son propre parti s’est intéressé à la nécessité de faire participer les femmes et a décidé que des femmes devaient se porter candidates. Comme la condition principale est d’avoir obtenu un diplôme universitaire, il n’y a eu que six candidates volontaires et il s’est agi de leur premier poste après l’obtention de leur diplôme universitaire. Cela peut être considéré comme une mesure spéciale, car on leur a demandé d’adhérer au parti et d’être candidates. Cependant, le parti disposant d’une certaine expérience, il a été décidé que compte tenu de la jeunesse et de l’inexpérience des candidates élues au Parlement, elles ne pouvaient prétendre à un poste ministériel.

Le fort taux de participation aux dernières élections montre que les sections locales de femmes ont créé la différence. Beaucoup de femmes se sont déplacées depuis leur village pour voter, faisant preuve de leur implication et d’un désir d’influencer le processus politique, une évolution importante qui influera sur les femmes et les enfants du Bhoutan.

M me  Lhamu (Bhoutan) expose le principe du bonheur intérieur brut, qui comprend quatre éléments stratégiques globaux : développement socioéconomique durable et équitable, protection de l’environnement, préservation et promotion de la culture et enfin bonne gouvernance.

Le centre d’études du Bhoutan a élaboré l’indice du bonheur intérieur brut pour mesurer les progrès réalisés dans des domaines majeurs : bien-être psychologique, diversité culturelle, éducation, santé, emploi du temps, bonne gouvernance, vitalité des communautés, diversité et résilience écologiques et situation économique. Dix indicateurs ont été intégrés dans cet indice; la parité figure dans la plupart d’entre eux et le processus se poursuit.

Le chapitre du dixième Plan quinquennal relatif à la participation des femmes au développement donne des directives pour tous les secteurs et précise que chacun d’eux est tenu d’intégrer une démarche soucieuse de l’égalité des sexes dans les plans, politiques et programmes, et de tenir à jour, collecter et analyser des données ventilées par sexe. Le chapitre est étroitement lié au Plan d’action national pour l’égalité entre les sexes et contient 10 politiques et stratégies relatives à la bonne gouvernance, à l’éducation et à la formation, au développement économique, à l’emploi, à la santé, à la violence à l’égard des femmes, aux préjugés et stéréotypes, au vieillissement, à la santé mentale et au handicap. On y trouve également deux mesures stratégiques globales en faveur de la parité : sensibilisation aux sexospécificités à tous les niveaux et sur l’ensemble du territoire du Bhoutan, et amélioration de la collecte, de l’analyse et de la diffusion de données ventilées par sexe.

M me  Chophel (Bhoutan) dit que le manque de capacités est la raison pour laquelle aucun rapport d’ONG n’a été présenté en parallèle. Des formations sont dispensées pour améliorer l’établissement des rapports à l’avenir. S’agissant des mesures temporaires spéciales, la plupart des ONG interviennent de façon ciblée pour aider les femmes et les jeunes à travers des formations axées sur les compétences et des programmes d’enseignement extrascolaire réservés uniquement aux femmes. S’agissant de la violence familiale, elle cite l’exemple de RENEW, une ONG intervenant dans ce domaine, qui a organisé des formations et des actions de sensibilisation et s’emploie à modifier les mentalités et le comportement des femmes. On enregistre un mouvement de fond chez les femmes qui travaillent pour améliorer leur condition. Dans le parti gouvernemental, les femmes ont créé des groupes d’entraide dans les régions éloignées du Bhoutan, surtout pour générer des revenus, tandis que d’autres groupes s’occupent de la violence familiale. Les groupes peuvent avoir accès à une aide juridique en contactant les bureaux de la capitale.

M.  Wangchuk (Bhoutan) reconnaît l’existence de la culture du silence au Bhoutan s’agissant de la violence physique et sexuelle à la maison. Un mécanisme de réception des plaintes et de réaction aux dépôts de plainte a été mis en place pour permettre aux victimes de téléphoner sans se présenter en personne. Des postes de police mobiles ont été créés de manière à réagir plus rapidement aux incidents. Compte tenu de la nécessité d’un appui accru, les partenariats entre la police et les communautés se développent de façon à accroître la capacité d’action. L’étude sur le travail des enfants est achevée et il est prévu d’organiser une consultation des parties prenantes à une plus grande échelle afin d’examiner le moyen de fournir une protection adaptée aux enfants qui ont été soustraits à des milieux qui les exploitaient.

Les stéréotypes comptent parmi les sept domaines de préoccupation majeurs du Plan d’action national pour l’égalité entre les sexes. Une étude a été menée qui renforcera l’action engagée pour mettre un terme aux préjugés et aux stéréotypes sexistes.

Comme aucun rapport officieux d’ONG n’a été présenté, ces organisations ont été encouragées à en préparer un. Au cours de l’élaboration du septième rapport périodique, tous les membres du Parlement ainsi que des ONG ont pris une part active à une série de consultations, et leurs points de vue ont été pris en compte.

S’agissant des mesures spéciales temporaires, la Commission nationale pour les femmes et les enfants et la Commission électorale du Bhoutan ont lancé un projet avec le soutien du PNUD intitulé « Faire participer les femmes, les jeunes et les personnes handicapées au processus électoral ». Parallèlement, des programmes de formation utilisant la Convention comme norme ont joué un rôle important dans la mobilisation des électrices.

M.  Tshering (Bhoutan) dit que trois jours auparavant, le Parlement bhoutanais a adopté les deux Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant. Partant, il pense que le Protocole facultatif à la présente Convention pourrait également être présenté pour adoption.

La Présidente, prenant la parole en sa qualité d’experte, dit qu’elle souhaite des informations sur l’intention du Bhoutan de ratifier le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Malgré la situation géographique reculée du Bhoutan, la circulation des personnes peut la concerner, aussi elle recommande au Bhoutan de ratifier également la Convention internationale sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille. Enfin, elle s’interroge sur la position du Bhoutan concernant la modification du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention relatif au nombre de jours de réunion.

M me  Pimentel, faisant observer l’importance pour les victimes de violence physique et spécialement sexuelle d’avoir affaire à des femmes plutôt qu’à des hommes, demande s’il y a des femmes dans les postes de police mobiles. S’agissant de l’indépendance des médias, elle fait remarquer que les médias indépendants le sont souvent insuffisamment et sont susceptibles de renforcer les stéréotypes.

M.  Flinterman dit qu’il croit comprendre que la Constitution prévoit que les instruments internationaux, une fois ratifiés par le Royaume du Bhoutan, font partie intégrante de la législation du pays. En principe, les dispositions de ces conventions peuvent être invoquées devant les tribunaux, mais à ce jour aucune affaire n’a donné lieu à l’invocation de la Convention devant les tribunaux nationaux. Il demande si ce sont les dispositions de la Convention ou celles de la législation interne qui priment en cas de conflit.

Par ailleurs, il souhaite savoir si l’article 7 de la Constitution peut également été interprété comme concernant le principe de l’égalité formelle et effective des femmes et des hommes. Comme l’égalité de la protection devant la loi fait partie du principe global, il se demande si l’article 7 offre une protection plus complète aux femmes.

M.  Norbu (Bhoutan) dit que la formulation du paragraphe 25 de l’article 10 de la Constitution est claire et explicite s’agissant des conventions internationales ratifiées par le Bhoutan. Tous les juges ont participé à l’élaboration de la Constitution, comprennent ses termes et l’intention qui la sous-tend. Comme les juges ont toute latitude d’interpréter la loi, il se peut que la législation interne prime dans certaines affaires, mais les juges seront toujours guidés par les principes de la Convention.

M.  Tshering (Bhoutan) dit que le secteur des médias poursuit son développement et qu’un organe de réglementation a été mis en place. Il souhaite que les médias jouent un rôle positif en véhiculant des messages corrects et en présentant des images honnêtes et sincères. S’agissant des questions juridiques, il fait observer que le Bhoutan a davantage de capacités en matière politique qu’en matière législative. Néanmoins, le principe est de toujours respecter l’esprit de la Convention, même si l’expression formelle n’est pas parfaite.

M.  Wangchuk (Bhoutan) dit qu’en cas de conflit entre le droit interne et la Convention, c’est le droit interne qui prime. Cependant, la législation interne a été harmonisée pour intégrer toutes les dispositions de la présente Convention et de la Convention relative aux droits de l’enfant. L’écrasante majorité des avocats et des juges du Bhoutan a été formée aux conventions et aux questions et problèmes qui y sont associés.

S’agissant de l’indépendance des médias, la Commission nationale pour les femmes et les enfants a élaboré des directives éthiques pour traiter les sujets ayant trait aux femmes et aux enfants, qui sont devenues fondamentales pour l’Autorité chargée de l’information, de la communication et des médias.

Articles 7 à 9

M me  Popescu exprime sa préoccupation quant au fait que les femmes ne sont pas jugées prêtes à jouer un rôle dans la mutation de la société et sont interdites de participation selon leur capacité. En 2004, le Comité a formulé une recommandation concernant les mesures temporaires spéciales visant à accroître la participation des femmes à la vie publique. L’une des mesures envisageables serait de mettre de côté la condition du diplôme universitaire afin d’ouvrir les élections législatives à un plus grand nombre de femmes. À l’échelon local, les charges publiques sont essentiellement occupées par des hommes, seuls deux villages ont des femmes à leur tête. Elle s’interroge sur les obstacles rencontrés par les femmes pour accéder à des responsabilités dans leur propre communauté, car un diplôme universitaire n’est pas nécessaire pour occuper une charge à l’échelon local et leurs capacités sont connues à ce niveau. Elle se demande également comment sont contactées les femmes qui vivent dans des zones reculées. Elle aimerait par ailleurs des informations sur le nombre de femmes aux postes à responsabilités dans la fonction publique, les ministères et les missions diplomatiques du Bhoutan à l’étranger.

M me  Coker-Appiah dit que selon le paragraphe 176 du rapport, un enfant ayant un parent bhoutanais est tenu de choisir la citoyenneté de l’un ou l’autre de ses parents à l’âge de 15 ans. Un enfant n’est cependant pas compétent pour prendre une telle décision à 15 ans, considérant que l’âge de la majorité est de 18 ans. Elle se demande si le non-exercice de ce droit menacerait les droits et l’accès des enfants à l’éducation et à d’autres services sociaux. Elle a appris que les parents doivent fournir une copie de leur certificat de citoyenneté pour inscrire un enfant à l’école, ce qui est problématique pour les enfants qui ont un seul parent bhoutanais ou pour les parents Lhotshampas dont le statut au regard de la citoyenneté n’est pas réglé. Après la dixième classe, les enfants doivent présenter des certificats de citoyenneté et une habilitation de sécurité de la police s’ils veulent poursuivre des études, ce qui représente un obstacle pour beaucoup d’enfants Lhotshampas issus de familles dont les dossiers sont en cours de traitement. Elle se demande ce que fait le Bhoutan pour résoudre cette situation.

Au cours de l’examen du rapport initial et des cinq rapports qui ont suivi, le Comité a exprimé sa préoccupation concernant les femmes d’origine népalaise qui ont perdu leur citoyenneté bhoutanaise après la promulgation de la loi sur la citoyenneté de 1985 et vivent dans des camps de réfugiés népalais. Elle demande instamment que des mesures rapides soient prises pour mettre un terme à leur privation du droit à la citoyenneté, qui génère des formes d’inégalité et de discrimination à l’égard des femmes et de leurs enfants, s’agissant notamment de l’accès à l’éducation et à d’autres services sociaux.

M.  Tshering (Bhoutan) dit que la condition du diplôme universitaire pour se présenter aux élections législatives est dans l’intérêt du Bhoutan et de son avenir, compte tenu de l’expérience passée, à savoir que la présence de représentants peu instruits à l’Assemblée nationale a eu des répercussions sur la résolution des problèmes. La suggestion de suspendre temporairement la condition imposée aux candidates sera examinée.

Le fait que de nombreux Bhoutanais vivent dans des zones reculées n’est pas favorable à l’égalité de manière générale et à l’égalité des sexes en particulier. Le parti gouvernemental a promis de construire des routes dans les 200 unités administratives du Bhoutan.

L’âge de la majorité a été modifié une fois mais il commence à tendre vers les 18 ans ces dernières années. Les établissements scolaires ne demandent plus d’attestation aux enfants qui ont des parents bhoutanais ou ont choisi de vivre au Bhoutan. Le Gouvernement bhoutanais a décidé d’offrir une éducation à tous les résidents, ainsi que des services de santé et d’autres services publics, bien que cela signifie que beaucoup plus d’élèves étrangers viendront s’inscrire dans le système scolaire du pays. Le Bhoutan se heurte à des problèmes dus aux migrations et installations illégales et continue à travailler sur un plan bilatéral avec le Népal pour trouver une solution.

M.  Wangchuk (Bhoutan) dit que bien que le système de filiation patrilinéaire soit majoritaire dans le sud du Bhoutan, alors que le système de filiation matrilinéaire prime dans le reste du pays, on ne note que de légères différences entre les deux systèmes en termes d’accès des femmes aux perspectives ou aux droits économiques et que dans aucun des cas les structures sociétales ne sont excessivement rigides.

M.  Tshering (Bhoutan) dit que les femmes représentent 31 % du corps diplomatique du Bhoutan sans compter les services généraux. Un effort a été engagé pour que chaque mission comprenne au moins une diplomate. Un diplôme universitaire n’est demandé que pour siéger au Parlement et non pour occuper un autre poste électif quel qu’il soit.

La séance est levée à 13 heures.