Vingt-cinquième session

Compte rendu analytique de la 512e séance

Tenue au Siège, à New York, le vendredi 6 juillet 2001, à 10 heures

Présidente :Mme Abaka

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties en vertu de l’article 18 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (suite)

Deuxième et troisième rapports périodiques des Pays-Bas

La séance est ouverte 10 h 15.

Examen des rapports présentés par les États partiesen vertu de l’article 18 de la Conventionsur l’élimination de toutes les formesde discrimination à l’égard des femmes (suite)

Deuxième et troisième rapports périodiquesdes Pays-Bas (CEDAW/C/NET/2 et Add.1 et 2; CEDAW/C/NET/3 et Add.1 et 2; CEDAW/PSWG/2001/II/CRP.1/Add. 2 et CRP.2/Add.2)

Sur l’invitation de la Présidente, les membres de la délégation des Pays-Bas prennent place à la table du Comité.

M me  Verstand-Bogaert (Pays-Bas), dans sa présentation des deuxième et troisième rapports périodiques des Pays-Bas, signale que des progrès dans l’émancipation des femmes ont été réalisés dans de nombreux domaines. Fait particulièrement notable, leur participation au marché du travail est passée d’environ 30 % à 52 %. Autrefois, une division stricte régissait les rôles masculin et féminin en matière de travail et de soins, et le modèle de l’homme « soutien de famille » reste prégnant. Son gouvernement, tout en étant fier de ses efforts dans de nombreux secteurs, reconnaît qu’il n’est pas encore parvenu à réaliser l’ensemble de ses objectifs.

Depuis l’achèvement en août 2000 de son troisième rapport périodique, le Gouvernement a publié un plan pluriannuel d’émancipation des femmes qui fait appel à différents ministères dans cinq domaines : trois domaines traditionnels (pouvoir et prise de décision; travail, obligations familiales et revenu; droits de l’homme) et deux nouveaux domaines (technologies de l’information et de la communication, et le projet sur les activités quotidiennes ordinaires).

Un emploi rémunéré représente une condition nécessaire pour l’indépendance économique des femmes. Leur participation sur le marché du travail figure au premier plan de la politique d’émancipation du Gouvernement. Ce dernier considère qu’il est important de fixer des objectifs. Ses objectifs de participation des femmes au marché du travail sont les suivants : 65 % des femmes devraient avoir un emploi rémunéré et 60 % un emploi leur assurant une indépendance économique d’ici à 2010. Pareille indépendance contribue à une répartition plus égalitaire du pouvoir au sein du foyer, ce qui constitue l’instrument le plus efficace de prévention et de lutte contre la violence à l’égard des femmes.

La participation accrue des femmes sur le marché du travail requiert une nouvelle division des tâches entre homme et femmes. Le Sénat vient de passer une loi sur le travail et les obligations familiales, qui dispose que les deux parents ont droit à un congé pour prendre soin d’un enfant malade, d’un compagnon ou d’un parent. Un congé parental est également accordé lors d’une adoption. Cette loi vise à combattre l’idée que les femmes sont les personnes tout indiquées pour prodiguer les soins; dans ce sens, la politique d’émancipation s’adresse aussi aux hommes.

Le projet sur les activités quotidiennes ordinaires représente une autre voie novatrice pour faciliter le cumul des activités familiales et professionnelles, et ce tant pour les hommes que pour les femmes. Ainsi que mentionné précédemment, le modèle de l’homme comme soutien de famille reste encore très répandu. Par exemple, les heures d’ouverture des commerces, des bureaux et des services publics et des écoles continuent de refléter l’idée de la mère en permanence au foyer, alors que les écoles, les terrains de sport, les crèches, les transports publics et les commerces sont souvent éloignés de plusieurs kilomètres. Le projet a eu pour effet d’établir des « intersections de services », c’est-à-dire des bâtiments abritant plusieurs services différents autour desquels se développent des réseaux informels. Le projet sur les activités quotidiennes ordinaires constitue également un bon exemple sur la façon dont le Gouvernement peut concrètement contribuer à l’intégration des femmes. Son bureau coopère étroitement avec le Ministère de l’aménagement du territoire pour mieux tenir compte des activités et de l’emploi du temps des parents qui travaillent. Il collabore également avec le Ministère de l’agriculture pour trouver des solutions aux problèmes du cumul des activités professionnelles et familiales dans les zones rurales.

Le Gouvernement s’emploie activement à l’intégration des femmes et a invité chaque département ministériel à établir au moins trois mesures spécifiques pour promouvoir leur émancipation qui doivent être achevées durant la législature. Les Pays-Bas ont été également le premier pays de l’Union à nommer un rapporteur national chargé de la question de la traite des êtres humains, dont le rapport sera bientôt publié. Le Gouvernement invite les autres États membres à faire de même, car une coopération internationale s’avère indispensable pour lutter efficacement contre la traite.

Le Gouvernement a adopté une double politique pour faciliter la mise en œuvre du Plan pluriannuel d’émancipation des femmes. Le premier volet vise à promouvoir le changement, à introduire les nouveaux problèmes dans les priorités politiques et à développer des méthodes de suivi tout en forgeant des alliances stratégiques avec les organisations sociales autour d’une perspective globale commune. L’élaboration d’un instrument d’évaluation de l’égalité entre les sexes afin de mesurer les progrès accomplis pour réaliser l’émancipation des femmes et les effets de la Convention sur la formulation des politiques, de même que l’établissement d’un centre d’information, relèvent de la responsabilité de la Commission pour l’égalité de traitement. Le second volet de la politique d’émancipation des femmes porte sur leur intégration. Le Conseil des ministres a arrêté une stratégie et une structure reliant l’ensemble des départements ministériels, comprenant notamment un comité chargé de l’évaluation et du suivi, afin d’assurer que les questions d’émancipation ne soient pas limitées aux seules organisations féminines.

L’émancipation ne saurait être réalisée au moyen d’une approche directive, car elle se fonde sur une prise de conscience. Les solutions habituelles ne sont plus appropriées, et une politique novatrice s’avère indispensable pour tenir compte des différents modèles et styles de vie ainsi que des différentes étapes de la vie. Sa délégation attend avec intérêt le dialogue avec le Comité comme moyen de poursuivre ses efforts pour améliorer la condition des femmes pour le bénéfice de la société tout entière.

M. van den Berg (Pays-Bas) prenant la parole au nom du Gouvernement des Antilles néerlandaises et d’Aruba, dit que le Gouvernement déploie ses efforts en vue d’appliquer pleinement la Convention et que d’importants progrès ont déjà été réalisés pour renforcer la position des femmes sur le plan juridique. Il fait état de l’importante restructuration des finances publiques actuellement en cours dans le cadre du programme d’ajustement structurel mis en œuvre avec la coopération du Fonds monétaire international et du Gouvernement des Pays-Bas. En conséquence, toute question ne nécessitant pas l’élaboration d’une politique ou d’une nouvelle loi au niveau fédéral relève de la responsabilité du Gouvernement local et tant que faire se peut, des institutions privées.

En ce qui concerne les faits les plus récents dans le domaine de l’égalité entre les sexes, il signale que le nouveau Code civil des Antilles néerlandaises et d’Aruba accorde aux femmes les mêmes droits dans toutes les questions relatives au mariage et à la famille. Par exemple, le seul motif de divorce valable devant les tribunaux est la rupture irrémédiable du lien conjugal, et l’un ou l’autre des époux peut introduire une action en divorce. Il n’existe plus aucune discrimination à l’égard des enfants nés hors mariage. L’âge de la majorité a été ramené à 18 ans et les dispositions qui discriminent les femmes dans le mariage, telles que le choix de la résidence, ont été abrogées. En outre, en 2000, la loi sur la réglementation 2000 du travail a été promulguée pour protéger les gens de maison, majoritairement des femmes, contre l’exploitation en limitant le nombre d’heures de travail et en fournissant des directives sur les temps de repos et les heures supplémentaires. Le Gouvernement a également abrogé les lois interdisant aux femmes de travailler la nuit pour certains emplois. Il a aussi renforcé la protection des travailleuses en interdisant aux employeurs de mettre fin à un contrat pour cause de mariage ou de grossesse.

La violence sexuelle à l’encontre des femmes a augmenté ces dernières années et le Code pénal a été amendé pour aggraver les peines maximales pour viol et harcèlement sexuel, respectivement de 20 et 16 ans de réclusion. Une formation aux sexospécificités a été donnée aux officiers de police chargés de venir en aide aux victimes de violence conjugale. À l’échelon local, à Curaçao et à Saint-Martin, les Bureaux des affaires féminines ont accru la sensibilisation à la violence conjugale et à la violence sexuelle à l’encontre des femmes; les gouvernements des petits États insulaires, en coopération avec les organisations non gouvernementales locales, ont été à la tête de campagnes de sensibilisation pour condamner la violence à l’encontre des femmes.

Les Gouvernements d’Aruba, du Suriname et des Antilles néerlandaises poursuivront la coopération régionale commencée en 1996 en vue de renforcer les efforts nationaux menés par ces trois pays en vue de réaliser l’égalité entre les sexes dans tous les domaines, en s’inspirant du Programme national d’action de Beijing. Les principaux domaines de préoccupation dans le futur immédiat sont l’éducation, la participation aux décisions et les médias.

S’agissant d’Aruba, il mentionne le fait que le Bureau des affaires féminines a été créé en 1996 et a joué un rôle important dans la sensibilisation croissante aux droits des femmes et à la discrimination, notamment les attitudes et comportements traditionnels qui renforcent les stéréotypes de la subordination des femmes. La plupart de ces projets ont été menés dans le cadre d’un processus de collaboration régionale qui a permis de profiter des connaissances et de l’expertise de chacun des pays participants tout en facilitant le financement grâce aux projets conjoints. Lors de la réunion ministérielle tenue en avril 2001, il a été décidé de renforcer les projets de sensibilisation destinés aux médias, d’éducation sexuelle et de santé en matière de reproduction des mères adolescentes ainsi que de lutte contre la violence à l’encontre des femmes. En outre, une réunion régionale se tiendra sur le thème de la participation des femmes au pouvoir et à la prise de décision. Le Bureau collaborera avec les instances gouvernementales, les organisations non gouvernementales et les groupes communautaires de manière à promouvoir ces priorités à l’échelle nationale.

Le Gouvernement d’Aruba envisage également de créer un comité chargé des questions de population afin de suivre les tendances démographiques et sociales, mener des enquêtes et fournir des avis consultatifs à propos des politiques démographiques en général et des problèmes sociaux en particulier, en accordant une attention spéciale à la question des femmes dans le développement. Depuis janvier 2001, tous les citoyens ont droit à l’assurance maladie et à des soins de santé de qualité. Les mesures visant à réduire la violence à l’encontre des femmes comprennent notamment l’ouverture d’un refuge pour femmes battues par la fondation Femmes en détresse et des amendements au Code pénal, notamment en érigeant le viol marital au rang de délit pénal. La création au mois de mai 1999 du groupe thématique de l’ONUSIDA a entraîné une plus grande participation de l’ensemble des acteurs pour élaborer les plans stratégiques globaux de prévention et de contrôle du VIH/sida à Aruba.

Bien que le niveau d’éducation des femmes soit en général au moins l’équivalent de celui des hommes et que leur participation s’est accrue sur le marché du travail, elles se retrouvent dans les métiers les moins qualifiés et les moins bien payés. La législation actuelle doit être amendée pour permettre aux familles d’associer le travail et les soins aux enfants. Une politique portant sur la flexibilité des heures de travail, sur le travail à temps partiel et les soins aux enfants est actuellement à l’étude. Un autre domaine de préoccupation réside dans la faible augmentation de la participation des femmes à la vie politique et aux décisions, qui ne reflète nullement la taille de la population féminine ni la contribution de cette dernière à l’économie.

Le Gouvernement d’Aruba estime qu’une conscientisation accrue à l’égard des stéréotypes permettra d’éliminer à la longue la violence à l’encontre des femmes et la ségrégation fondée sur le sexe dans le secteur de l’éducation et sur le marché du travail. Le Gouvernement est conscient de son obligation de mettre en œuvre des mesures globales pour appuyer les familles dans leur tâche d’élever les enfants tout en permettant simultanément aux femmes d’accéder à des postes de direction afin de réaliser une société plus juste, fondée sur l’égalité entre les sexes.

M me  Açar, après avoir noté que la délégation néerlandaise elle-même a reconnu que les Pays-Bas étaient quelque peu à la traîne en matière de promotion des droits des femmes, rend hommage aux efforts actuels pour corriger cette situation tout en soulignant l’importance de l’existence d’une volonté politique déterminée pour accélérer l’émancipation des femmes. Il peut s’avérer utile de recourir aux mesures temporaires pour éliminer la discrimination indirecte, notamment les stéréotypes dans l’éducation, qui entraînent inévitablement des conséquences économiques dans le domaine de l’emploi, notamment dans les nouveaux domaines en expansion de la science, de la technologie et de l’information. Elle demande si le Gouvernement examine la possibilité de recourir à des mesures temporaires de discrimination positive. Elle se déclare également préoccupée par le fait que les femmes semblent sous-représentées parmi les postes élevés au sein de la communauté académique et demande s’il existe des statistiques à ce sujet.

Elle aimerait de surcroît savoir si des mesures proactives ont été prises pour mettre un terme à la discrimination dont souffrent les femmes appartenant à des minorités ethniques ainsi que pour assurer leur droit à l’éducation. Ces femmes sont souvent victimes d’une double discrimination, de la part de la société ainsi que de leur propre communauté dont les traditions, la culture ou la religion assignent des rôles stéréotypés aux femmes. Tout en reconnaissant le besoin de tenir compte de la culture des communautés ethniques minoritaires, elle rappelle que l’article 5 de la Convention dispose que les pratiques coutumières ne peuvent servir à justifier la discrimination à l’égard des femmes et elle se demande si le Gouvernement a adopté des mesures pour accroître la sensibilisation à l’égalité des sexes dans ces communautés. Dans ce contexte, elle note l’existence d’un parti politique interdit aux femmes. Des mesures novatrices s’imposent dans ces cas. Elle aimerait obtenir davantage de statistiques sur la représentation actuelle des groupes ethniques minoritaires, notamment les femmes de ces groupes, dans tous les secteurs de la société.

La Présidente, prenant la parole à titre personnel, demande si les membres de communautés ethniques minoritaires et les travailleurs migrants doivent vivre dans des zones spéciales, ce qui, le cas échéant, encourage la perpétuation des pratiques et attitudes traditionnelles et rend plus difficile le suivi par les autorités nationales du pays hôte. Elle recommande également que la formation prodiguée pour aider les victimes de la violence familiale ne soit pas uniquement réservée à la police, mais offerte à tous les niveaux du système judiciaire ainsi qu’aux prestataires de soins.

M me  Schöpp-Schilling déclare que la Convention aux Pays-Bas semble être véritablement un document évolutif. Elle a noté avec intérêt la procédure pour saisir le Parlement des questions féminines, qui pourrait servir de modèle à d’autres pays ainsi que la création du Centre d’information pour l’égalité de traitement entre hommes et femmes. Elle demande néanmoins s’il est possible d’obtenir quelques éclaircissements sur la controverse à propos de l’interprétation de la Convention, par exemple à propos de la maternité, de la paternité et du travail. Tout en se félicitant des mesures gouvernementales en faveur des droits des femmes prises à trois niveaux : législation, mise en œuvre et changement culturel, elle rappelle la nécessité de fixer des objectifs précis pour la mise en œuvre ainsi que l’utilité de recourir aux mesures spéciales figurant au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention afin de promouvoir l’égalité de fait dans tous les domaines. Tout en rendant hommage aux approches différentes du Gouvernement en fonction des générations, des cultures et des étapes de la vie, elle se demande néanmoins s’il est encore possible dans une société multiculturelle et individualiste de concilier les intérêts de tous les groupes et de continuer à promouvoir l’égalité entre hommes et femmes.

L’instrument d’évaluation d’impact pourrait jouer un rôle décisif mais doit être encore amélioré, par exemple, en y incorporant les questions religieuses, et son emploi devrait être rendu obligatoire. En dépit de son existence, elle note que les travailleurs à temps partiel continuent de ne pas bénéficier d’un traitement spécial lorsqu’ils prestent des heures supplémentaires. Des disparités subsistent en matière de droit à la pension entre hommes et femmes. Les veuves tombent souvent dans la précarité et les modes de calcul de la pension ne sont pas identiques pour les deux sexes. Elle aimerait obtenir davantage de précisions sur le Comité de suivi du Conseil des ministres et demande si procéder aux évaluations d’impact constitue une obligation pour tous les ministères, lois et programmes et si des sanctions sont prévues en cas de non-application des règles, ce qui paraît essentiel si l’on veut réellement éliminer la discrimination à l’égard des femmes.

Dans le domaine de l’emploi, elle attend avec intérêt des propositions spécifiques pour promouvoir les droits des femmes et augmenter leur présence au sein du monde académique ainsi qu’aux niveaux supérieurs dans le secteur public et le secteur privé. L’équité en matière de rémunération doit être vigoureusement poursuivie. Il importe de convaincre aussi bien les employeurs que les syndicats de la nécessité d’une échelle de salaire neutre, non différenciée selon le sexe. L’égalité des chances et l’égalité des salaires contribueront beaucoup à l’élimination des stéréotypes culturels relatifs aux rôles des femmes.

Relevant l’obligation de travailler de parents isolés au bénéfice d’une aide sociale, habituellement des femmes, elle aimerait savoir si ces dernières bénéficient de possibilités de recyclage ou si elles sont simplement orientées vers des emplois traditionnels. Elle s’interroge sur cette nécessité et demande si un système de crèches leur est accessible. Elle est également préoccupée par la loi relative à l’ajustement de la durée du travail qui permet aux employeurs de déroger à ses dispositions en cas de nécessité impérieuse, ce qui risque de la vider de son contenu. Finalement, en ce qui concerne les impôts, elle souhaite davantage de précisions sur le nouveau système fiscal et plus spécifiquement si toutes les personnes font l’objet d’une imposition individuelle. Elle souhaiterait également savoir comment sera traité l’argent traditionnellement remis dans le mariage par la personne qui a un emploi à celle qui n’en a pas, de même que dans le cas d’un couple non marié.

M me  Corti rend hommage à l’État partie pour sa présentation orale très claire, pour ses rapports très détaillés, et par-dessus tout, pour avoir demandé à la fois au Parlement et à une commission indépendante de les examiner avant de les soumettre au Comité. Bien que les Pays-Bas dépassent la plupart des pays en termes de législation progressiste des droits de l’homme et des droits civils à la fois pour les hommes et pour les femmes, ils n’ont pas encore réussi à réaliser l’égalité absolue ni la pleine application de la Convention. Dans de nombreux cas, le rapport omet de donner les résultats obtenus par les instances mises en place pour assurer l’égalité entre les sexes, notamment l’instrument d’évaluation d’impact, de même qu’il ne fait pas mention des objectifs fixés pour accélérer la politique de l’émancipation des femmes.

Il serait intéressant de connaître la position du Gouvernement à l’égard de la discrimination positive, vu qu’il n’en est pas fait état et qu’il ne semble pas avoir eu recours aux mesures spéciales temporaires figurant au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention; la délégation elle-même semble peu satisfaite du nombre actuel de femmes dans les postes de décision politique et économique. Elle se demande si des mesures de discrimination positive ne contribueraient pas à améliorer la situation et aimerait aussi savoir si le programme « Nouvelles opportunités pour les femmes » est destiné à remplacer la discrimination positive.

Elle se félicite de l’adoption de la loi relative au travail et aux obligations familiales par la Chambre des représentants ainsi que de la création prochaine du projet sur les activités quotidiennes ordinaires. Ce dernier représente un point de départ très important des efforts de l’État partie de combiner le travail rémunéré et les soins non rémunérés. La loi relative au travail et aux obligations familiales sera particulièrement bénéfique aux femmes mais doit être complétée par la présence de crèches de qualité, plus nombreuses, la délégation ayant déjà fait savoir que le nombre insuffisant de structures d’accueil pour les enfants contraint la majorité des femmes au temps partiel. Elle serait heureuse de recevoir davantage de détails à cet égard. Vu le vieillissement de la population aux Pays-Bas, il serait utile de savoir comment les besoins des femmes plus âgées, notamment dans le domaine de la santé et des autres besoins, sont intégrés dans le projet des activités quotidiennes ordinaires. Elle aimerait obtenir davantage d’informations sur les régimes de pension pour les femmes âgées ainsi que sur les soins de jour offerts au titre de la loi relative aux dépenses de santé exceptionnelles.

Elle se félicite de la nomination d’un rapporteur national sur la traite des êtres humains et des mesures de protection destinées aux travailleuses du sexe dans le cadre du Code civil et de la législation nationale sur le travail. Il semble toutefois contradictoire qu’un important groupe vulnérable, à savoir le nombre considérable de travailleuses du sexe en provenance de l’Europe de l’Est, soit exclu de cette protection.

Se référant à l’article 7, elle se demande comment l’État partie justifie l’exclusion des femmes d’un parti politique.

Ne pas s’attaquer à la discrimination indirecte de façon plus vigoureuse affaiblit l’efficacité de la politique d’émancipation. Le Groupe de travail présession a été surpris de constater, par exemple, qu’un État partie doté d’une politique d’émancipation aussi progressiste, conserve la politique patriarcale en matière de noms de famille, contrairement aux dispositions de l’article 16 de la Convention.

Elle aimerait obtenir des informations spécifiques sur la relation entre les instances nationales et les organisations non gouvernementales, notamment sur la façon dont le Gouvernement envisage de mettre à profit l’expertise très riche des organisations non gouvernementales dans le domaine des évaluations d’impact et si le Gouvernement envisage d’accorder une aide financière aux petites organisations non gouvernementales.

Elle souhaiterait également savoir si les projets en faveur de la protection des droits des femmes dans les Antilles néerlandaises et à Aruba sont prioritaires dans les programmes gouvernementaux d’aide au développement. Il semblerait, à première vue, que les institutions mises en place pour aider les femmes de ces îles ne jouissent pas d’un appui financier suffisant.

En dernier lieu, elle se félicite de l’intention de l’État partie de ratifier le Protocole facultatif, qu’elle souhaite voir se faire dans les plus brefs délais, vu l’importance de son rôle dans l’élaboration du Protocole.

La Présidente demande si les Antilles néerlandaises et Aruba ont elles-mêmes établi leurs rapports et, si ce n’est pas le cas, si leurs gouvernements ont été consultés au stade des projets de rapports.

M me  Verstand-Bogaert (Pays-Bas) répondant aux questions posées par les membres du Comité, annonce que si tout procède normalement, son gouvernement ratifiera le Protocole facultatif à la fin de l’année ou au début de 2002.

En réponse à Mme Açar, elle dit que l’écart des salaires est en effet de l’ordre de 25 % entre hommes et femmes aux Pays-Bas, c’est-à-dire un salaire inégal pour un travail de même valeur. Dans une certaine mesure, cet écart se justifie juridiquement, car il reflète une certaine réalité, à savoir que les femmes sont moins bien formées et ont une expérience professionnelle moindre, outre leur départ temporaire du marché du travail pour s’occuper de leurs jeunes enfants. Les 7 % restants de disparité sont principalement l’effet de la discrimination. Cette question est entre les mains de la Commission pour l’égalité de traitement, qui a été saisie de plaintes émanant aussi bien d’hommes que de femmes concernant la discrimination. Sur 101 cas examinés par la Commission en 2000, 40 plaintes ont été déposées par des femmes au motif de discrimination salariale. L’année précédente, elle a soumis au Parlement un Programme d’action pour réaliser l’égalité salariale, qui comprenait une liste récapitulative à l’intention des sociétés, des employeurs ainsi que des associations d’employés, accompagnée d’une méthodologie pour assurer une évaluation neutre des résultats obtenus par les hommes et les femmes.

Les recherches sur la ségrégation horizontale ont révélé que l’écart des salaires était moins important qu’on ne l’avait cru, mais que la rémunération dans certains secteurs employant principalement des femmes, tels que la santé ou l’éducation, se trouve néanmoins être inférieure en comparaison du secteur des communications et des technologies. Les Pays-Bas s’efforcent actuellement, dans le cadre de l’Union européenne, d’élaborer des indicateurs de base à cet égard et prendront des dispositions législatives supplémentaires si ces derniers s’avèrent inefficaces.

Répondant à Mme Açar, elle dit que seulement 5 % des professeurs d’université sont des femmes et que la majeure partie des professeurs de sexe féminin se retrouve dans les postes de rang intermédiaire, mais que le Gouvernement et les universités elles-mêmes cherchent à redresser la situation. L’Université d’Amsterdam, par exemple, a trouvé une solution créative en recrutant sept professeurs de sexe féminin un jour par semaine en vue de gonfler sans attendre les statistiques.

En ce qui concerne les groupes ethniques, il existe des différences considérables entre ces groupes aux Pays-Bas ainsi qu’entre générations au sein de chacun de ces groupes. La Commission pour l’égalité de traitement étudie ces différences et remettra au Gouvernement un avis consultatif à la fin de cette année. Des cours de langue sont offerts aux enfants de ces minorités ethniques et les adultes bénéficient d’une formation spécialisée, notamment l’éducation aux droits de l’homme et, selon que de besoin, une assistance pour la garde des enfants.

Avant la mise en place de la Commission sur la participation des femmes appartenant à des minorités ethniques sur le marché du travail, des recherches statistiques ont été conduites pour réunir les données de base en vue de mesurer par la suite les progrès accomplis ainsi que pour présenter des recommandations.

En ce qui concerne la ségrégation dans le domaine du logement, les minorités ethniques ne rencontrent pas d’obstacles quant au choix de leur lieu de résidence, mais elles ont souvent tendance à se concentrer dans les mêmes quartiers. Leur désir naturel de préserver leur identité culturelle crée certains problèmes pour les intégrer pleinement dans la société. Le Ministre de la politique urbaine et de l’intégration des minorités ethniques collabore avec les municipalités en vue d’élaborer des politiques susceptibles de contribuer à résoudre ces difficultés. D’autres ministères interviennent également pour améliorer la situation des femmes appartenant à des minorités ethniques, notamment le Ministère de la santé, des affaires sociales et du sport, ainsi que le Ministère de l’intérieur et des relations au sein du Royaume.

Un membre du Comité a conclu que la Convention était un document évolutif aux Pays-Bas, mais que le Gouvernement néerlandais n’était pas satisfait pour autant des connaissances qu’en avait la population – d’où la création d’un Centre d’information sur la Convention. Un double rôle est assigné à ce dernier : d’une part, accroître la sensibilisation et d’autre part, faire rapport au Gouvernement sur son application. Des fonds sont également octroyés à des organisations non gouvernementales pour les aider à mieux faire connaître la Convention.

La triple approche que le rapport reflète – établir l’égalité devant la loi, améliorer la condition des femmes et lutter contre l’idéologie dominante fondée sur le sexe – a été adoptée suite aux recommandations de la Commission Groenman. Quelques membres ont souligné la nécessité de fixer des objectifs. Le plan pluriannuel d’émancipation, publié depuis la diffusion du troisième rapport périodique, a fixé des pourcentages sur l’accroissement des femmes dans les catégories spécifiques du système politique, des postes de haut niveau dans l’administration publique ainsi que dans la gestion des entreprises du secteur privé. De manière générale, aux postes de direction de la fonction publique, où la participation féminine se situe en dessous de 10 %, l’objectif est de doubler en l’espace de quatre ans le pourcentage actuel pour ensuite rechercher une croissance annuelle de 2 %. S’agissant des postes dans la politique, l’objectif est d’augmenter la représentation des femmes de 5 % par élection jusqu’à l’aboutissement d’une représentation proportionnelle.

La question a été soulevée de savoir si des sanctions étaient prévues à l’encontre des départements ministériels qui ne rempliraient pas leur tâche en matière d’émancipation. Les conséquences sont purement politiques mais elles sont néanmoins des incitants. La Chambre des représentants s’intéresse de plus en plus à l’intégration des femmes et a récemment prié les principaux ministères de faire rapport sur leurs réalisations en matière d’émancipation des femmes. La stratégie consiste à responsabiliser les ministres eux-mêmes. Chaque ministère est invité à créer sa propre structure d’intégration sous la direction d’un haut fonctionnaire ainsi qu’à élaborer son propre plan d’action.

Un organe consultatif composé de représentants de tous les départements ministériels détermine les domaines qui requièrent une évaluation d’impact. Jusqu’à présent, des évaluations d’impact ont été menées dans les domaines de la fiscalité, du droit matrimonial, et de la planification urbaine; d’autres sont prévues dans le domaine des pensions alimentaires ainsi que de la législation relative aux prestations en cas d’invalidité. De façon générale, le Gouvernement est conscient que certains systèmes, notamment la sécurité sociale, continuent d’être fondés sur des modes de vie conventionnels définissant l’homme comme principal soutien de famille, qui ne reflètent plus adéquatement la réalité, de sorte qu’il devient nécessaire de revoir la législation et la réglementation.

En vertu de la législation en vigueur sur l’assistance sociale, les mères célibataires avec des enfants âgés de moins de 5 ans ne sont pas contraintes de travailler; cependant, suite à un débat houleux au Parlement il y a un an, la loi sur la protection sociale devra être modifiée. Les mères célibataires au bénéfice d’une assistance devront travailler, mais une aide leur sera fournie sous forme de formation et de services de garde d’enfants pour faciliter leur retour sur le marché du travail. Bien que certains groupes se soient vigoureusement élevés contre cette proposition, la majorité a été d’avis qu’il était important pour toutes les femmes de ne pas rester trop longtemps à l’écart du marché du travail, car leur absence réduit leurs gains, y compris le montant de la pension qu’elles percevront jusqu’à la fin de leur vie.

Dans la nouvelle loi relative à l’ajustement de la durée du travail, les employés peuvent demander à l’employeur de réduire leurs heures de travail et l’employeur ne peut le refuser que pour de justes motifs qui doivent être déclarés. Bien que la législation néerlandaise interdise la discrimination entre travailleurs à temps plein et à temps partiel, la Cour européenne de justice a récemment statué qu’il n’était pas illégal de refuser de payer des heures supplémentaires à un travailleur à temps partiel.

La question a été posée de savoir s’il fallait autoriser le Parti politique réformé (SGP), dont les femmes sont exclues, d’être représenté au Parlement en contradiction avec l’article 7 de la Convention. Lorsque les Pays-Bas se sont préparés à ratifier la Convention, d’âpres débats ont eu lieu à propos de l’interdiction éventuelle de tels partis en cas de ratification. Le problème est celui d’un conflit entre les libertés consacrées par la Constitution nationale, de concilier la liberté de religion (le SGP s’appuie sur des principes religieux), d’opinion et d’association avec la liberté de ne pas subir de discrimination. La conclusion a été qu’une grande prudence devait être exercée avant de bannir des partis politiques. On a notamment pris en considération la tradition de tolérance à l’égard de différente opinions qui constitue une valeur très précieuse; le déséquilibre entre les différentes libertés qui entraverait en dernière analyse l’application réussie de la Convention dans le contexte social et politique; et le danger de permettre au Gouvernement de décider des partis politiques à bannir et des opinions à interdire. Néanmoins, ceci ne signifie nullement que les partis politiques jouissent d’une liberté illimitée. Si un parti politique pratique une discrimination systématique au point de provoquer une rupture grave du processus démocratique, le pouvoir judiciaire peut interdire ce parti. En outre, chacun peut porter plainte pour discrimination auprès de la Commission pour l’égalité de traitement, et de fait, cette dernière vient récemment d’être saisie par une femme qui se plaint d’avoir vu sa candidature refusée au SPG. Bien que les décisions de la Commission n’aient pas force de loi, le cas peut être soumis aux tribunaux qui tiendront largement compte de la décision de la Commission. On s’attend à ce que la plainte susmentionnée soit portée devant les tribunaux.

En réponse à la question sur la façon dont les personnes âgées sont prises en compte par le projet des activités quotidiennes ordinaires, le Gouvernement des Pays-Bas veille à ce qu’il ne se limite pas aux mères qui travaillent, mais également aux femmes âgées, aux femmes appartenant à des minorités ethniques ainsi qu’aux femmes démunies. Des propositions novatrices sont également élaborées en ce qui concerne les soins aux personnes âgées, par analogie aux dispositions en faveur des services de garde d’enfants.

Des questions ont été soulevées à propos du statut des travailleuses du sexe non ressortissantes de l’Union suite à la levée de l’interdiction des maisons closes. Selon la législation du travail applicable aux étrangers qui ne sont pas des ressortissants de l’Union, un permis de résidence leur sera octroyé à condition qu’aucun Néerlandais ou ressortissant de l’Union ne soit trouvé pour accomplir cette tâche. Mais, si l’étranger quitte son travail, il perd en même temps son permis de séjour. Bien que certaines organisations caritatives aient présenté des arguments en faveur de la régularisation des travailleuses du sexe en statut illégal en leur octroyant un permis de séjour, il existe un danger qu’elles demeurent confinées dans cette activité car y renoncer leur ferait perdre leur permis.

En réponse aux critiques sur l’absence de discrimination positive ou de mesures spéciales temporaires aux termes de l’article 4 de la Convention, elle souhaite signaler que de telles mesures ont été effectivement utilisées aux Pays-Bas, sans produire les résultats escomptés. Il existe par contre, de nombreux programmes prenant pour cible les femmes. Par exemple, la politique d’émancipation comprend de nombreux objectifs en leur faveur; l’Institut pour l’égalité d’accès à la gestion des entreprises a été créé pour favoriser la nomination de femmes aux postes de direction; tandis qu’un autre projet novateur, le réseau des ambassadeurs, composé de représentants des conseils d’administration des plus grandes entreprises aux Pays-Bas, s’efforcera de sensibiliser l’opinion et de mettre à l’ordre du jour le problème « du plafond de verre ».

La séance est levée à 13 h 5.