Trente-septième session

Compte rendu analytique de la 762e séance (Chambre B)

Tenue au Siège, à New York, le jeudi 18 janvier 2007, à 15 heures

Président e:Mme Gaspard (Vice-Présidente)

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Sixième rapport périodique du Nicaragua (suite)

En l’absence de Mme Simonovic, Mme Gaspard, Vice-présidente, assume la présidence.

La séance est ouverte à 15 heures.

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Sixième rapport périodique du Nicaragua (suite) (CEDAW/C/NIC/6; CEDAW/C/NIC/Q/6 et Add.1)

À l’invitation de la Présidente, les membres de la délégation du Nicaragua prennent place à la table du Comité.

Articles 10 à 14 (suite)

M me  Patten déclare que les très mauvaises conditions de travail qui règnent dans les entreprises dites maquiladora1 et les zones franches sont un sujet de préoccupation très sérieux. L’oratrice considère qu’il y a, de la part des autorités nicaraguayennes, une absence de volonté politique pour traiter ce problème. La résolution ministérielle et la Loi sur les Zones franches mentionnées dans les réponses de l’État partie ne semblent guère avoir contribué à améliorer la situation. Mme Patten souhaite être informée de l’action éventuelle du ministère du Travail dans le sens de l’application des lois relatives à l’emploi, que les employeurs locaux et étrangers continuent à violer. Des informations sont nécessaires au sujet de toute mesure prise à la suite des inspections effectuées dans les entreprises des zones franches, et des poursuites éventuellement engagées contre les employeurs qui violent la loi. Les sanctions prévues par le Code du Travail vont-elles être renforcées? L’oratrice souhaite également savoir si les femmes connaissent le contenu de la législation relative à l’emploi et de la Loi sur les Zones franches, et si, d’autre part, elles ont correctement accès à la justice – et notamment à l’aide juridictionnelle.

Tout en se félicitant du fait que le gouvernement du Nicaragua ait reconnu que l’emploi était un défi majeur, Mme Patten souhaite savoir si le ministère du Travail sera doté des moyens techniques et financiers pour remplir son mandat et appliquer le Code du Travail, et si le gouvernement nicaraguayen prend des mesures en vue de faciliter le passage des femmes actives du secteur informel au secteur formel. L’oratrice ajoute qu’elle fait référence en particulier à la formation des femmes vivant en zone rurale ou dans des secteurs très retirés, ainsi qu’aux contacts éventuellement établis avec ces femmes et à l’aide qui leur est fournie.

Mme Patten demande enfin si le Code du Travail contient des dispositions relatives au harcèlement sexuel, si des cas de harcèlement ont été signalés, et, dans l’affirmative, quelle en a été l’issue.

M me  Tavares da Silva relève – au sujet des conditions de travail dans les entreprises maquiladora – un certain écart entre les informations fournies par l’État partie et celles obtenues auprès d’autres sources. L’oratrice se souvient en particulier d’une mission d’enquête menée par la Fédération internationale des Droits de l’Homme et le « Centro Nicaragüense de Derechos Humanos » (le « Centre nicaraguayen des Droits de l’Homme »), et qui avait établi que les femmes employées par les entreprises en question étaient contraintes d’effectuer un temps de travail très important, soumises à des températures et à des niveaux de décibels très élevés, qu’elles n’avaient pas de matériel de protection, qu’elles subissaient un stress très important, et, enfin, qu’elles avaient des salaires très bas. Mme Tavares da Silva souhaite connaître les raisons de ces dysfonctionnements, et les mesures que prend éventuellement le gouvernement nicaraguayen pour résoudre ces problèmes.

Par ailleurs, la situation des travailleurs domestiques n’apparaît pas clairement à la lecture du rapport (CEDAW/C/NIC/6), qui affirme à la fois que les dispositions du Code du Travail sur les conditions de travail particulières couvrent le secteur des services domestiques (paragraphe 109 du rapport) et que les employés domestiques travaillent dans des conditions difficiles et sont soumis à une législation qui officialise la discrimination à leur égard (paragraphe 123). Dans sa liste de questions (CEDAW/C/NIC/Q/6), le Comité a demandé des informations précises sur la situation de cette catégorie de travailleurs; mais la réponse de l’État partie, qui disait que l’on ne disposait d’aucune information à ce sujet, est pour le moins curieuse. Par conséquent, le Comité apprécierait des informations supplémentaires dans ce domaine.

M me  Arocha Dominguez reconnaît que le taux de pauvreté observable au Nicaragua et l’importance de la population rurale dans ce pays font que le gouvernement a des difficultés à couvrir globalement les femmes en matière de soins de santé. Cependant, la loi oblige les autorités à garantir ces services de santé – notamment en matière de morbidité et de mortalité maternelles. Le rapport du Nicaragua et les réponses de ce pays à la liste de questions du Comité ne contiennent aucune information à ce sujet. L’oratrice souhaite connaître tout particulièrement les principales causes de mortalité des femmes, en zone urbaine comme en zone rurale, et savoir également si des programmes spécifiques ont été mis en place dans ce domaine.

Mme Arocha Dominguez fait encore observer que, dans son discours inaugural, la chef de la délégation nicaraguayenne a fourni des statistiques actualisées sur les questions de santé sexuelle et procréative. Cependant, si l’on peut se féliciter de la baisse du taux de mortalité maternelle, les faits ne sont pas pour autant rassurants dans la mesure où le taux de natalité baisse également de manière importante. La capacité de l’État partie à garantir le droit à une sexualité saine est entamée par les mauvaises conditions qui règnent dans le pays, à savoir, notamment, le manque d’équipements de santé, les niveaux de pauvreté et d’analphabétisme, ainsi que l’activité sexuelle précoce et les mariages précoces en zone rurale. L’oratrice se dit également préoccupée par le manque de statistiques fiables au sujet des avortements, et en particulier des avortements clandestins. Le rapport indique (au paragraphe 150) que, d’après les chiffres de 2002 du ministère de la Santé, le nombre annuel officiel d’hospitalisations dues à des complications liées à un avortement était de 6694. Cependant, toujours d’après le rapport, le ministère de la Santé lui-même reconnaît que le nombre d’avortements officiellement enregistrés est inférieur à la réalité. D’après d’autres données, non officielles, il y aurait environ 16 % de décès maternels dus à un avortement réalisé dans des conditions illégales et peu sûres. Dans ce contexte, la décision récente du Nicaragua d’interdire tous les avortements – y compris les avortements thérapeutiques – est assez surprenante. Le Comité souhaiterait connaître les raisons de cette décision; il souhaiterait également savoir si, avant de prendre une telle mesure, le gouvernement nicaraguayen a consulté des organisations traitant de la santé sexuelle et procréative des femmes; il conviendrait aussi de savoir de quelle manière les autorités traiteront le cas des femmes enceintes dont le pronostic vital est en jeu, quelle est la vision du gouvernement face à la situation nouvelle qui a été créée – d’autant plus que le nombre d’avortements clandestins et réalisés dans des conditions peu sûres était déjà élevé; le Comité souhaite également savoir si le gouvernement nicaraguayen envisage des mesures en vue de garantir une santé sexuelle satisfaisante et l’accès général à la planification familiale pour les femmes pauvres – qui, contrairement aux femmes jouissant d’une meilleure situation financière, n’ont pas les moyens d’aller avorter à l’étranger; enfin, le Comité demande si des programmes d’éducation sexuelle ont été mis en place à l’intention des adolescents – garçons comme filles.

M me  Brenes Pena (Nicaragua), en réponse à une question soulevée lors de la séance du matin, déclare que l’alphabétisation des femmes s’est développée au cours de la période couverte par le rapport – grâce, en partie, à un programme d’alphabétisation des adultes, entrepris par les maires de différentes communes, en 2006. Malheureusement, la délégation n’est pas encore en mesure de fournir des données précises sur les résultats de ce programme – lequel ne constitue, d’ailleurs, qu’une première étape.

En ce qui concerne le nombre d’enfants – garçons comme filles – non scolarisés, il faut noter que la nouvelle administration nicaraguayenne a supprimé le système dit « d’autonomie des écoles », qui, en dépit de la gratuité officielle de l’enseignement, permettait à certains établissements de demander des frais minimums d’inscription. Certes, il y a également d’autres facteurs qui expliquent la non scolarisation de certains enfants; mais, en tout cas, l’ancien système en question ne figure plus, désormais, parmi les causes de ce phénomène.

M me  Aguirre (Nicaragua) déclare que la Constitution nicaraguayenne reconnaît le travail comme un droit et un devoir social de tous les citoyens, hommes comme femmes (cf. le paragraphe 106 du rapport). De plus, l’un des principes fondamentaux du Code du Travail est que les femmes ont le même droit d’accès à l’emploi, et doivent être traitées de manière égale dans le cadre de leur activité professionnelle (cf. le paragraphe 107 du rapport). D’autre part, l’article 144 du Code du Travail interdit à tout employeur de licencier une femme enceinte ou en congé de maternité pré- ou post-natal (cf. le paragraphe 108 du rapport). On peut dire, par conséquent, que la Constitution et le Code du Travail reconnaissent le droit au travail comme un droit inaliénable de tout être humain.

Comme l’indique également le rapport (au paragraphe 116), la création de bassins d’emploi dans les zones franches a fait baisser le taux de chômage, encore élevé en raison de crises économiques successives. Il faut noter en outre que le nombre de personnes employées dans ces zones franches est passé de 3000 en 1991 à 16 000 en 1999. La plupart des bénéficiaires de cette tendance sont des femmes; mais il faut noter également que l’emploi dans ces secteurs offre peu de protection sociale, et se caractérise par un temps de travail élevé et des salaires assez bas.

Comme l’indique également le rapport (au paragraphe 132), le gouvernement nicaraguayen a créé un cadre spécial, à la fois sur le plan juridique et au niveau institutionnel, en vue de l’implantation et du développement de l’industrie dite maquiladora, qui jouit d’un traitement fiscal particulier. L’un des textes de loi ayant établi ce statut fiscal est la Loi sur les investissements étrangers et les réglementations qui y sont liées (Loi no 127 de 1992). Il faut noter cependant que les employés des entreprises du secteur maquiladora touchent l’équivalent du Smic, soit 1128,57 cordobas par mois, ou encore un peu moins d’un dollar par jour. D’après les données de l’Organisation internationale du travail (l’OIT), les femmes constituent entre 75 et 90 % des salariés de ce secteur.

En tant que ministre chargé de vérifier l’application des dispositions de la Constitution et du Code du Travail dans ce domaine, le ministre du Travail a conçu un ensemble de mesures en vue de vérifier si les entreprises maquiladora respectent les droits de leurs employés de sexe féminin. Ainsi, on a pu instaurer un système d’inspection dans les zones franches. Mais, en vérité, cela n’a pas suffi pour vérifier l’application de la loi. Dans ce contexte, le « Movimiento de Mujeres Trabajadoras y Desempleadas », dit « Maria Elena Cuadra » (« Mouvement des Femmes salariées et au chômage ») contrôle la situation de plus près, et contribue à sensibilisation des femmes aux droits qui sont les leurs.

Le Code du Travail reconnaît que les travailleurs domestiques constituent un élément très important de la vie économique du pays. À la date de présentation du rapport, les autorités nicaraguayennes ne disposaient pas d’informations sur le nombre de femmes employées dans ce secteur. Par conséquent, l’État partie s’est contenté de reproduire la définition du « travailleur domestique » qui figure à l’article 145 du Code du Travail (cf. le paragraphe 123 du rapport). Cependant, depuis la présentation du rapport, le gouvernement nicaraguayen a pris des mesures en vue de garantir la sécurité sociale aux employés domestiques. Dès lors, fin 2006, 3000 femmes ont rejoint le système de sécurité sociale.

M me  Brenes Pena (Nicaragua) déclare que la pénalisation récente des avortements thérapeutiques fait toujours l’objet d’une très vive controverse dans le pays. Dans ce domaine, il n’y a pas eu de consultations ouvertes, et l’Assemblée nationale a voté très rapidement sur le sujet. Cependant, de nombreux groupes représentant les femmes ont dénoncé cette décision, et un appel a été interjeté auprès de la Cour suprême en vue de mettre en cause la constitutionnalité de cette mesure.

En ce qui concerne la mortalité maternelle, Mme Brenes Pena souligne que les décès sont dus en majorité à des complications après l’accouchement. À cet égard, les femmes rurales sont particulièrement une catégorie à risques, dans la mesure où elles ne bénéficient pas d’un accès suffisant à l’information et aux cliniques. Quant aux avortements pratiqués dans des conditions peu sûres, il s’agit, de toute évidence, d’un problème de nature différente.

M me  Gumede Shelton, se référant à l’article 13 de la Convention, déclare qu’elle souhaiterait des informations supplémentaires sur le contexte global et la portée du cadre qui régit actuellement le microfinancement et les microcrédits. L’oratrice fait observer que les chiffres disponibles indiquent un recul de l’accès des femmes au microfinancement, et souhaite savoir si l’Institut nicaraguayen de la Femme s’est efforcé, récemment, de créer des mécanismes de prêt innovants ou de coordonner les efforts des différentes organisations de la société civile qui tentent de proposer aux femmes de nouvelles filières de crédit.

L’oratrice félicite la délégation d’avoir fourni des statistiques détaillées dans son rapport; mais, d’autre part, elle se déclare déçue par le fait que les chiffres fournis dans le cadre des réponses à la liste de questions ne soient pas différenciés par sexe.

M me  Patten, se référant à l’article 14 de la Convention, fait observer que les femmes rurales pauvres n’ont pas bénéficié de la Stratégie de renforcement de la croissance économique et de réduction de la pauvreté, adoptée en 2000, et souhaite savoir à quelles catégories cette stratégie s’adressait. L’oratrice souhaite également savoir de quelle manière le gouvernement nicaraguayen envisage de traiter les diverses formes de discrimination à l’égard des femmes rurales et indigènes, ainsi que des femmes d’origine africaine. Mme Patten souhaiterait notamment obtenir des précisions au sujet du programme national de parité, de la Politique d’égalité des chances en faveur des femmes rurales et du plan d’action qui y est associé, ainsi qu’au sujet du nouveau projet, baptisé « Faim Zéro ». Enfin, Mme Patten souhaite des informations au sujet des projets gouvernementaux de restructuration des dépenses publiques, visant à promouvoir les chances des femmes rurales sur le plan économique, ainsi que l’égalité d’accès aux ressources productives.

M me  Tan souhaite connaître la signification de l’expression « journée de travail triple ». Elle se demande également pendant combien d’années les jeunes filles rurales sont scolarisées, en général, et si l’on s’efforce d’améliorer le statut de ces femmes rurales sur le plan éducatif. Elle ajoute qu’il serait également utile de disposer d’informations sur les femmes travaillant dans le secteur agricole, sur le niveau moyen de leur rémunération, sur les avantages sociaux dont elles bénéficient, et sur leur accès à des services de santé qui se situent dans leurs moyens financiers – entre autres questions. Étant donné que le taux de mortalité maternelle du Nicaragua est l’un des plus élevés de toute la région, il importe tout particulièrement que les femmes rurales aient accès à des services d’obstétrique, et, le cas échéant, à l’avortement thérapeutique.

M me  Brenes Pena (Nicaragua) répond que le gouvernement de son pays n’a pas encore procédé à une évaluation de la Stratégie de renforcement de la croissance économique et de réduction de la pauvreté adoptée en 2000. Quant au programme national de parité, élaboré avec le concours de diverses organisations de la société civile, il contient des lignes directrices pour le traitement des problèmes des femmes rurales vivant dans la pauvreté – notamment en vue de leur accès au microfinancement.

En ce qui concerne le Programme dit « Faim Zéro », il s’agit pour l’instant d’un projet pilote dans 20 des communes les plus pauvres du nord du pays. Une étude de suivi sera effectuée en vue d’évaluer l’impact de ce projet, puis de l’étendre à l’ensemble du pays. Si le projet donne des résultats positifs, il sera finalement intégré au Programme national pour la parité.

Le Programme dit « Faim Zéro » vise les chefs de famille-femmes, et prévoit des crédits « revolving » (c’est-à-dire permanents) ainsi qu’une assistance technique en faveur des personnes pratiquant des activités telles que l’élevage et l’agriculture. Dans ce contexte, des efforts sont déployés en vue d’assurer une coordination avec le ministère des Transports et des Infrastructures, car les producteurs doivent disposer de routes en bon état pour amener leurs produits sur les marchés, mais aussi pour accéder aux services de santé et d’éducation. L’un des autres problèmes qui se pose à l’heure actuelle est que, dans de nombreux cas, des femmes demandent un microfinancement pour des terres appartenant en titre à leur époux, voire à leurs enfants. Le gouvernement poursuit ses efforts afin d’améliorer cette situation.

M me  Aguirre (Nicaragua) déclare que le gouvernement nouvellement élu a clairement exprimé sa détermination à appliquer la Convention dans la transparence. Cependant, il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine; l’un des problèmes majeurs est le manque de données statistiques permettant de définir des politiques dans des domaines tels que l’écart entre les hommes et les femmes sur le marché du travail, ou encore le passage du secteur informel au secteur formel. Mme Aguirre ajoute que le Nicaragua a procédé à un recensement de la population agricole, qui a révélé un fossé considérable et croissant, entre les hommes et les femmes, en matière d’accès aux mécanismes de crédit formels et informels. On espère que le gouvernement nicaraguayen abordera ce problème dans le cadre de ses politiques de développement et de réduction de la pauvreté; cependant, à ce jour, la délégation n’est pas en mesure de donner de réponses précises à ce sujet. Par ailleurs, des mesures sont prises afin d’améliorer l’accès à l’éducation. Mais, en ce qui concerne l’emploi, il faut encore renforcer l’alliance entre l’État et la société civile.

M me  Begum demande si la politique de l’État partie en matière de migrations permet de veiller à ce que les femmes migrantes ne soient pas victimes de traites d’êtres humains, et à ce qu’elles soient protégées lorsqu’elles atteignent leur lieu de destination. Par ailleurs, si l’État partie a déjà adopté un ensemble de mesures destinées à développer l’économie rurale, il devrait également envisager des initiatives qui permettraient des modes de vie différents, de manière à encourager les femmes rurales à continuer à vivre dans les régions en question.

M me Arocha Dominguez déclare que le Nicaragua devrait aborder de manière plus dynamique la question des femmes qui travaillent dans des entreprises dites maquiladora et dans les zones franches; elle ajoute que les autorités nicaraguayennes doivent également élaborer un programme clair de promotion d’une législation relative aux droits sexuels et procréatifs des femmes – notamment en ce qui concerne la planification familiale et les méthodes contraceptives. L’État partie devrait également mener des campagnes et des actions locales sur ces questions, à la fois dans les établissements scolaires, dans les médias et dans les administrations publiques.

M me Gumede Shelton déclare que l’État partie doit trouver les moyens de développer l’accès des femmes aux mécanismes de financement – notamment par l’adoption d’une législation pertinente.

M me Simonovic demande des précisions en ce qui concerne la réponse de l’État partie à la question 10 de la liste du Comité. L’État partie devrait indiquer à quel moment il a prévu de modifier les articles du Code pénal relatifs à l’avortement; l’État partie devrait également préciser de manière très claire quels changements ont été apportés aux sanctions prévues par le Code pénal dans ce domaine.

M me Brenes Pena (Nicaragua) déclare que les autorités de son pays réexaminent les données concernant les conditions de vie des migrants – et notamment des femmes migrantes. Le problème majeur des femmes qui émigrent à partir des côtes caribéennes du pays est celui du sida, et notamment celui d’une transmission « verticale » de cette maladie. Les organisations représentant les femmes ont interpellé le gouvernement central et les pouvoirs locaux sur ce sujet; mais l’État partie devrait se montrer plus dynamique en ce qui concerne l’amélioration des soins de santé proposés dans ce domaine. Par ailleurs, le Nicaragua collecte actuellement des informations au sujet des femmes qui travaillent dans les industries dites maquiladora; dans ce domaine, son engagement sera concrétisé par les politiques et décisions à venir. En ce qui concerne les droits à la santé sexuelle et procréative, il est impossible, à ce jour, de fournir une réponse précise au sujet de la politique du gouvernement nicaraguayen. Des sanctions sont prises à l’égard des médecins pratiquant des avortements thérapeutiques. Le droit à un avortement thérapeutique a été supprimé, et des sanctions sévères sont désormais prévues dans ce domaine – comme l’indique la réponse à la question 10 du Comité. Par ailleurs, le système d’accès au crédit est effectivement discriminatoire; mais la société civile a présenté de nombreuses propositions pertinentes dans ce domaine, et toutes les institutions concernées travaillent de manière très active afin de remédier à la situation existante.

M me  Aguirre (Nicaragua) déclare que le ministère du Travail est à l’avant-garde de l’aide aux migrants, et concentre tous ses efforts sur la régularisation des migrants sans papiers. D’autre part, un centre d’information travaillant 24 heures sur 24 a été créé en vue d’aider les migrants installés à l’étranger, et un programme de réinsertion, ainsi qu’un programme visant à une meilleure utilisation des sommes envoyées aux familles ont été également mis en place. Les organismes nationaux doivent améliorer la coordination des actions en faveur des migrants, et renforcer la politique de protection des femmes pouvant être victimes de traites. Enfin, le gouvernement nicaraguayen s’est clairement déclaré résolu à traiter la question des droits sexuels et procréatifs.

Articles 15 et 16

M me  Belmihoub-Zerdani demande si le droit coutumier servant de base aux processus de médiation communautaire dans les secteurs les plus reculés de la côte atlantique (cf. le paragraphe 200 du rapport) est également appliqué dans les affaires relatives au mariage et à la famille, et si cela signifie que le Code civil ne s’applique pas aux communautés en question. L’oratrice souhaite également savoir si, depuis l’élaboration du rapport, de nouvelles initiatives ont été prises en vue d’accélérer l’adoption du projet de Code de la Famille, ou de supprimer les dispositions du Code civil reconnues comme étant discriminatoires – et qui, semble-t-il, accordent au seul mari toute l’autorité parentale. Par ailleurs, la réponse à la question 27 de la liste du Comité n’indique pas clairement si le gouvernement du Nicaragua a l’intention de procéder à une harmonisation des données contradictoires concernant l’âge légal de la majorité et du mariage, et – élément encore plus important –, si le gouvernement envisage de mettre ces âges en conformité avec les dispositions de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et de la Convention relative aux droits de l’enfant.

M me  Tan demande quels sont encore les obstacles à l’adoption du projet de Code de la Famille, et à quelle date cette adoption pourrait intervenir, d’après la délégation du Nicaragua. Elle demande également des informations au sujet des mesures prises dans le cadre du Plan stratégique de 2002 de la Cour suprême (cf. le paragraphe 200 du rapport) en vue d’abroger les dispositions discriminatoires de la législation du pays; Mme Tan demande aussi des précisions sur le projet pilote du gouvernement visant à permettre l’accès à la justice des catégories sociales à faibles revenus – notamment une évaluation de ce projet, son développement éventuel, le nombre de femmes aidées dans ce cadre, et les réformes entreprises éventuellement à la suite de ce projet. Étant donné que le Code civil nicaraguayen reste discriminatoire et qu’aucune loi n’a été adoptée en vue de l’application des dispositions constitutionnelles sur le divorce et les droits à l’héritage des femmes, il conviendrait de fournir davantage d’informations sur la situation actuelle en matière de répartition des biens matrimoniaux, de garde des enfants, de pension alimentaire, d’aide financière en faveur des enfants, après un divorce, et, enfin, en matière d’héritage des biens.

M me  Aguirre (Nicaragua) reconnaît que la question de l’adoption du Code de la Famille n’a pas, au cours de deux sessions parlementaires successives, bénéficié du traitement prioritaire qu’elle méritait, et que rien n’a été fait pour modifier un Code civil vieux d’un siècle – dans la mesure où le Code civil traite également des questions conjugales et familiales. Le projet de Code de la Famille ne dit rien au sujet de l’âge légal pour le mariage ou de l’âge officiel de la majorité; par conséquent, il est certain que les dispositions de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et de la Convention relative aux droits de l’enfant pourraient être intégrées à ce projet. Par ailleurs, d’après le Code civil, il n’y a aucun obstacle de nature constitutionnelle à une harmonisation avec le droit international.

Les dispositions du Code civil relatives au divorce ont été révisées afin de supprimer toute discrimination à l’égard des femmes et d’y intégrer certaines avancées juridiques apportées par des lois telles que la Loi sur le divorce unilatéral, la Loi sur les pensions alimentaires ou encore celle concernant les relations parents-enfants.

En 2006, le Parquet a créé une Unité chargée d’examiner les questions de violence domestique; d’autre part, la Cour suprême a adopté une politique d’harmonisation des statuts des deux sexes; il s’agit notamment d’un programme assorti d’un ensemble d’indicateurs permettant l’évaluation des résultats – programme visant à développer l’accès des femmes à la justice grâce à une amélioration de la coordination interinstitutionnelle, et visant également à harmoniser les procédures civiles, à renforcer le droit familial et à améliorer les procédures d’investigation au sujet des violences domestiques. Par ailleurs, la Commission nationale de la Parité – également créée par la Cour suprême, et dirigée par une femme, ainsi que liée à d’autres organes judiciaires – a, sur proposition des Présidents des Cours suprêmes d’Amérique centrale, instauré un programme d’égalité entre les sexes dans l’enseignement de l’École de la Justice, où les juges, les fonctionnaires de police, les procureurs, les militants des droits de l’homme, les médecins et les fonctionnaires du ministère de la Santé sont formés au traitement des questions de violence domestique et sexuelle, ainsi qu’aux procédures et à la psychologie médico-légales. Ce processus a permis un système d’évaluation des procédures d’établissement de preuves dans les affaires de violence à l’égard de femmes, et l’adoption d’un protocole relatif aux délits de violence domestique et d’agression sexuelle – dispositions appliquées par la Justice, la Police nationale, le Parquet, l’Institut de médecine légale, le Médiateur des droits de l’homme, le système carcéral, la Commission de la justice de l’Assemblée nationale, et, enfin, la Police militaire.

D’autre part, la Cour suprême a également mis en place un programme financé par la Banque interaméricaine de Développement en vue de permettre l’accès à la justice – notamment dans la région caribéenne autonome : ce programme a pour priorités la réduction des retards des procédures judiciaires, la promotion de l’impartialité des fonctionnaires, l’amélioration de la sécurité judiciaire, le développement de l’accès à la justice pour les catégories les plus vulnérables de la population, et, enfin, l’amélioration de l’administration judiciaire. La délégation fournira au Comité des informations supplémentaires sur l’ensemble de ces évolutions, intervenues après la présentation du rapport. À ce jour, il n’y a pas encore eu évaluation des résultats de ces différents programmes.

La réalité de la législation nationale sur le mariage et les relations familiales n’est pas double – même si, traditionnellement, c’est le droit coutumier qui est appliqué dans les secteurs indigènes autonomes.

M me  Brenes Pena (Nicaragua) déclare que la Loi sur les relations parents-enfants stipule que, après un divorce, un certain pourcentage des revenus du père doit être prélevé et réservé au maintien des enfants; si ce processus n’est pas respecté, le ministère de la Famille a l’obligation d’engager une action en justice. Ce ministère est également habilité à prendre des mesures au sujet d’autres problèmes domestiques, et afin de préserver l’unité de la cellule familiale. Ces dispositions protectrices ont une importance toute particulière en ce qui concerne les zones rurales.

Revenant ensuite à des questions soulevées lors de la séance précédente, Mme Brenes Pena souligne que la formation dispensée aux policiers en matière d’égalité entre les sexes a eu incontestablement des effets positifs. Ainsi, une approche égalitaire a été instaurée par le Chef de la Police – qui est actuellement une femme –, et, au sein de la Police nationale, le « Commissariat des femmes » jouit désormais d’un statut supérieur, puisqu’il est passé du rang de « bureau » à celui de « département ». La police n’a pas encore achevé sa collecte de statistiques, mais a déjà commencé à étudier très scrupuleusement les données disponibles. Enfin, au sein des forces armées, les femmes commencent à accéder à des grades supérieurs.

La Présidente fait observer que le dialogue engagé avec la délégation du Nicaragua a permis au Comité d’évaluer la situation du pays. Le Comité adressera ses conclusions au gouvernement nicaraguayen, et demande que celles-ci soient diffusées le plus largement possible, auprès de tous les services gouvernementaux, des forces de police et de la société civile, afin de contribuer au progrès des femmes et des hommes au Nicaragua.

M me  Brenes Pena (Nicaragua) donne au Comité l’assurance que le gouvernement de son pays s’efforce d’améliorer la condition des femmes et d’éliminer toute discrimination à leur égard. Elle ajoute que le dialogue avec les membres du Comité a été très positif et très instructif, et que le gouvernement du Nicaragua attend avec intérêt les observations supplémentaires du Comité.

La séance est levée à 17 heures