Quarantième session

Compte rendu analytique de la 825e séance

Tenue au Palais des Nations, à Genève, le jeudi 24 janvier 2008, à 15 heures.

Présidente :Mme Šimonović

Sommaire

Examen des rapports présentés par les Etats parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport unique valant troisième et quatrième rapports périodiques du Maroc

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports des Etats parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport unique valant troisième et quatrième rapports périodi-ques du Maroc (suite) (CEDAW/C/MAR/4, CEDAW/MAR/Q/4 et CEDAW/C/MAR/Q/4/Add.1)

A l’invitation de la Présidente, la délégation du Maroc prend place à la table du Comité.

Articles 10 à 14

Mme Zou Xiaogiao demande des informations sur les mesures positives prises par le Gouvernement depuis 2003 afin de réduire les inégalités et de promouvoir la scolarisation des filles rurales. Elle aimerait connaître les mesures qui ont été adoptées pour donner aux enfants des zones rurales et des zones urbaines le même accès aux institutions scolaires et à un enseignement de qualité, ainsi que les fonds alloués à l’enseignement en milieu rural. Elle s’interroge sur la fiabilité des chiffres du rapport sur l’alphabétisation des filles et désirerait connaître le mécanisme qui permettra au Gouvernement d’éliminer l’illettrisme d’ici 2020.

Mme Patten loue les progrès réalisés dans l’adoption du nouveau Code du travail, notamment l’importance donnée au marché du travail en tant que lieu propice à la promotion de l’égalité des sexes par l’autonomisation économique. L'enjeu sera de le mettre en application, car la réalité sur le terrain tranche avec les idéaux exprimés dans le Code. Elle aimerait savoir ce que compte faire le Gouvernement pour sensibiliser les femmes, les partenaires sociaux et les employeurs du secteur privé au Code du travail. Les femmes continuent à être cantonnées à des emplois peu qualifiés, mal rémunérés et effectués dans de mauvaises conditions, souvent dans le secteur informel. L’oratrice sollicite des informations sur les mesures prises pour inciter les femmes à travailler dans des secteurs non traditionnels, à des postes hautement qualifiés et aux échelons supérieurs et pour promouvoir l’égalité des chances à l’emploi. Par ailleurs, elle souhaite des informations sur les procédures judiciaires en cas de disparité et discrimination salariale dans les secteurs public et privé. Elle demande si les ressources dont dispose l’Inspection du travail lui permettent de garantir le respect du principe “à travail égal, salaire égal”. Le Gouvernement doit s’attacher en priorité à la question des employés de maison, spécialement en rapport avec le travail des enfants.

Mme Simms s’inquiète de voir que les stéréotypes présents dans la société se perpétuent dans le système éducatif, malgré les excellents résultats des femmes dans l’enseignement supérieur, parce que les matières qu’elles choisissent d’étudier donnent lieu à des écarts de rémunérations à l’avantage des hommes. Bien que de plus en plus de filles entrent dans le système éducatif à tous les niveaux, l’éducation qui est proposée aux filles continue de restreindre les débouchés qui leur sont offerts. Il convient d’améliorer l’orientation professionnelle pour les encourager à assumer des rôles non traditionnels.

L’enseignement dans les régions rurales reste une source de préoccupation. L’oratrice demande quelles stratégies permettent d'assurer le même niveau de services préscolaires dans les zones rurales, car l’enseignement préscolaire est important pour la socialisation des filles et des garçons et pour l'initiation à un mode de pensée non traditionnel. De plus, elle aimerait savoir si le Gouvernement s’intéressera aux femmes handicapées, qui représentent une importante partie de la population.

Mme Coker-Appiah constate que les données fournies dans le rapport semblent présenter des contradictions et elle demande de préciser si l’emploi des femmes est en expansion ou bien stagne, du fait des nouvelles lois sur le travail. Elle demande comment s'y prend le Gouvernement pour faire reconnaître par les employeurs les lois qui s’appliquent aux femmes en matière d’emploi, étant donné que les employées de l’industrie textile-habillement, qui gagnent souvent moins que le salaire minimum et travaillent sans contrat, ne bénéficient d’aucune protection juridique. Les données contenues dans le rapport ne sont pas ventilées par zone, rurale ou urbaine, ni par région; l’intervenante aimerait en savoir plus sur l’emploi des femmes au Sahara occidental en particulier.

Mme Shin fait observer que 85 % des femmes dans l’industrie textile-habillement n’ont pas de contrat de travail et que leur travail dépasse souvent la durée légale. Elle demande si le Gouvernement est conscient des problèmes que rencontrent les femmes dans cette industrie.

Le congé de maternité est passé de 12 à 14 semaines, ce qui constitue une évolution positive, mais 80 % des femmes ne bénéficient pas de ce congé. L’oratrice demande si les inspecteurs du travail considèrent que c’est un problème lié à l’emploi plutôt qu’un problème de santé et si des employeurs ont été sanctionnés pour violation de la loi.

Mme Skalli (Maroc) dit que les droits sociaux et économiques font partie des droits de l’homme et l’emploi aussi bien que l’éducation sont des domaines essentiels où les femmes doivent exercer pleinement leurs droits fondamentaux.

Mme Amrani (Maroc) dit que des progrès ont été réalisés dans le domaine de l’éducation, comme l’atteste le nombre d’inscriptions dans le primaire, avec une augmentation de 2 % depuis 2003. Pour ce qui est de l’éducation informelle, les femmes et les hommes bénéficient de programmes destinés à lutter contre l’abandon scolaire dans les zones urbaines et rurales. Le taux d’analphabétisme est tombé à 38 % entre 2004 et 2006 et des mécanismes permettent de promouvoir l’alphabétisation.

Les avancées enregistrées malgré les écueils tels que l’abandon scolaire, la préférence donnée aux garçons sur les filles et le décrochage scolaire en milieu rural, se reflètent à travers les actions entreprises. Une Loi a été promulguée en 2000 sur la scolarité élémentaire obligatoire. Certaines décisions ministérielles tentent de résoudre le problème de l’absentéisme à l’école. On a déployé des efforts pour que les enfants aient accès à l’école dès l’âge de 6 ans et pour que des écoles soient ouvertes dans les campagnes. Qui plus est, les moyens budgétaires alloués aux écoles ont connu chaque année une hausse plus importante que celle du budget général.

En ce qui concerne les mécanismes de lutte contre les stéréotypes, un comité permanent garantit le respect du principe d’égalité et la promotion d’une image positive de la femme. Parallèlement, des mesures ont été mises en place pour fournir une assistance éducative aux femmes démunies, en particulier dans le monde rural. Parmi les mesures destinées à favoriser la scolarisation des filles dans les régions rurales, il y a l’octroi de bourses et d’aides financières, l'installation d’un hébergement et de transports scolaires. Des organisations non gouvernementales (ONG) s’emploient également à faire prendre conscience, au niveau local, de l’importance de l’instruction pour les filles.

L’absence d’enseignement préscolaire en zone rurale peut être attribuée au fait que la plupart des structures préscolaires sont privées et situées dans les villes. Des plans d’action prévoient de promouvoir l’enseignement préscolaire en milieu rural. Désormais, l’obligation de fournir un enseignement allant du préscolaire au secondaire et le principe de l’égalité hommes-femmes seront inscrits dans tous les plans d’action du Ministère de l'éducation.

Mme Amrani, parlant des stéréotypes, dit que l’éducation est essentielle pour lutter contre la violence, car elle suscite une prise de conscience des différents groupes et qu’il importe de commencer dès l’école.

M. Belghazi (Maroc) dit que la discrimination à l’égard des femmes sur le marché du travail naît de la discrimination envers les filles dans les écoles. Au Maroc, nombreuses sont les personnes qui possèdent des diplômes, mais pas d’emploi; c’est pourquoi le Gouvernement encourage à la création de petites et moyennes entreprises. Une politique dynamique est menée pour élargir la couverture de sécurité sociale, les droits à pension et la couverture médicale. Comme le montrent les indicateurs, ceci a conduit à un accroissement de l’emploi féminin, dû principalement à la création d’emplois dans le secteur rural. Les tendances et variations au niveau de l’emploi depuis 2001 indiquent que les chiffres de l’emploi chez les femmes évoluent plus rapidement que chez les hommes.

Les disparités de salaires entre hommes et femmes sont plus prononcées dans les tranches de revenus supérieures et inférieures; les salaires se rejoignent dans la tranche des revenus moyens. La réforme du Code du travail a pour but d’effacer ces inégalités, notamment d’augmenter la représentation des employés et leur pouvoir de négociation. Le Code exhorte aussi les entreprises à adopter une conduite socialement responsable sur la base du volontariat. Ces dernières années ont vu se multiplier les activités animées par des femmes dans les industries du textile et du vêtement, parfois en dehors des syndicats, afin que s'améliorent leurs conditions de travail. Des consultations tripartites ont eu lieu dans le cadre de l’Organisation internationale du travail en vue de promouvoir un travail décent au Maroc. La concurrence internationale, notamment la concurrence avec la Chine au niveau des exportations vers l’Europe, a aussi soulevé des problèmes. Le Maroc a donc cherché à diversifier son économie en s’orientant vers l’industrie automobile, l’aéronautique et l’électronique, par exemple.

Les femmes rurales sont fortement touchées par le chômage. Environ 80 % de celles qui occupent des emplois sont employées de maison. Néanmoins, entre 2001 et 2006 le nombre de femmes salariées a augmenté. L’objectif de l’Initiative nationale pour le développement de l’homme est de moderniser les secteurs de la santé, de l’éducation, de l’eau, de l’électricité, des routes rurales et de l’énergie.

Mme Skalli (Maroc) dit, au sujet de la mise en œuvre des programmes en faveur des femmes dans les provinces du Sahara, que les politiques nationales s’appliquent au territoire tout entier. Au cours des 30 dernières années, le Gouvernement a beaucoup investi dans les provinces du Sahara, plus fragiles économiquement que les autres régions du Maroc. Ces provinces ont, par conséquent, bénéficié de programmes d’actions correctives dans des domaines comme l’éducation, l’alimentation en eau potable et les infrastructures sanitaires.

Mme Benyahya (Maroc) dit que le Gouvernement a élaboré des projets de loi portant sur le travail des jeunes filles employées de maison. Il s’agit de surveiller la situation, d’infliger des sanctions pénales aux responsables et de créer des programmes d’animation pour sensibiliser les parents. Une campagne d’information a été lancée les années précédentes au sujet des risques encourus par les filles qui font ce genre de travail. D'autre part, on tente de renforcer le partenariat entre la société civile et le Gouvernement de façon à enrayer l’abandon solaire. Le Gouvernement a également pris des mesures pour aider toutes les femmes atteintes de handicaps et a appelé toutes les organisations intéressées qui reçoivent son appui à redoubler d’efforts pour défendre leurs droits.

Mme Pimentel demande des clarifications au sujet du viol conjugal. Les problèmes que sont le viol, les grossesses non désirées, ainsi que le VIH/sida et autres maladies sexuellement transmissibles, se règlent au sein de la famille, souvent au détriment des femmes concernées. Tout en reconnaissant que les problèmes familiaux sont souvent délicats, l’intervenante aimerait savoir si le Gouvernement a défini une stratégie pour s’atteler à ces problèmes en dehors de la sphère privée.

Mme Zou Xiaogiao souhaiterait obtenir des précisions quant aux raisons de la hausse du taux de mortalité maternelle, savoir si des études ont été effectuées et comment le Gouvernement compte s’attaquer au problème. Elle trouve fâcheux que le fait d'avoir érigé l'avortement en infraction ait abouti à des avortements non médicalisés qui mettent la vie des femmes en danger. Elle se demande si on a enquêté sur les décès dus à des avortements non médicalisés et si le Gouvernement est prêt à réexaminer la loi.

Ce qui est aussi ennuyeux, ce sont les longs déplacements que doivent faire les femmes rurales pour avoir accès à des services de santé. Il serait utile d’avoir des renseignements plus spécifiques sur les soins à prix modiques proposés dans les endroits reculés.

Mme Coker-Appiah, constatant que le rapport fait état de progrès considérables dans l’accès aux soins, dit que cet accès pose toujours problème pour les femmes des zones rurales. Elle désirerait savoir si l’assurance santé obligatoire mentionnée au paragraphe 267 a été efficace, d’autant plus qu’il est toujours difficile pour les travailleurs indépendants et les employés du secteur informel de conserver une assurance santé. Des clarifications s’imposent sur la façon dont le Gouvernement veille à ce que chaque citoyen marocain soit couvert. Ce paragraphe fait aussi allusion à l’amortissement des dépenses publiques consacrées aux services de santé, qui occasionne souvent la suppression des subventions gouvernementales au détriment des personnes pauvres et marginalisées. Donc l’oratrice apprécierait vivement que soit expliqué ce qu’on entend par amortissement des dépenses. Il est également question d’une plus grande contribution du secteur privé à la consolidation de l’état de santé de tous les Marocains. Justement, on ne sait pas clairement ce qu’implique cette contribution. Une plus grande participation du secteur privé aux services de santé entraîne généralement une diminution de l’intervention de l’État dans ce domaine.

Mme Skalli (Maroc) dit que la question du viol conjugal est actuellement examinée dans le cadre du prochain projet de loi sur la violence à l’égard des femmes. Au regard du principe d’égalité entre hommes et femmes, la loi n’autorisera pas ce type de violence au sein de la famille. Bien que le viol conjugal soit en effet un sujet sensible, les femmes mariées sont capables de faire comprendre aux tribunaux par certains signes qu’elles ont subi des violences sexuelles. Par exemple, une femme qui place sa babouche devant le juge d’une certaine manière fait part, de façon implicite, de ce genre d’abus.

L’oratrice revient sur les chiffres cités au paragraphe 276 du rapport, qui montrent une baisse du taux de mortalité maternelle. L’accent est mis sur la baisse plus notable dans les zones urbaines que dans les zones rurales. Néanmoins, le taux de mortalité maternelle ne laisse pas de préoccuper son Gouvernement.

M. Zerrari (Maroc) dit que les chiffres sur la mortalité maternelle qui figurent dans le rapport couvrent la période 1993 à 2003. De 2004 à aujourd’hui, le gouvernement a pris des mesures énergiques pour remédier au problème. Il n’en reste pas moins que le taux de mortalité maternelle ne correspond pas au niveau social et économique du pays et le Gouvernement fait de la réduction de la mortalité maternelle et néonatale l’une de ses priorités. Il cherche à développer l’accès aux services de santé et a augmenté les fonds publics pour la création de postes sanitaires.

Une partie non négligeable de ces fonds sera allouée aux soins de la mère et de l’enfant en milieu rural. Quelque 200 structures sanitaires qui avaient été fermées faute de personnel qualifié seront réouvertes. Le Gouvernement fait également des efforts pour améliorer la qualité des soins. Il a adopté de nouvelles lignes directrices inspirées de l’Organisation mondiale de la santé et du Fonds des Nations Unies pour la population en matière de soins maternels et néonataux. La formation destinée à renforcer les capacités des professionnels de la santé sera assurée en 2008. Les causes de tout décès maternel seront passées au crible et il est prévu d’établir un centre national de surveillance de la mortalité maternelle. Le financement public de la médecine sera doublé en 2008 et, dans le but de faciliter l’accès aux zones les plus reculées, des véhicules 4 x 4 seront mis à la disposition des professionnels de la santé.

Mme Skalli (Maroc) dit que la coopération avec le secteur privé vise à faire participer les médecins libéraux à la lutte contre la mortalité maternelle. Cela ne signifie en aucun cas que le secteur privé est favorisé aux dépens des plus démunis.

M. Snoussi (Maroc) dit que l’assurance santé de base a pour objet d’améliorer l’état de santé de la population en développant l’accès aux services de santé et en mobilisant les ressources indispensables à ces services. Les employés de la fonction publique et du secteur privé, tout comme les retraités, sont couverts par l’assurance santé obligatoire. Le programme, qui a débuté en 2005, a permis au Maroc d’étendre la couverture médicale de 17 % à 34 % de la population. Un système complémentaire d’assistance médicale pour les personnes à faible revenu, qui forment un tiers de la population, a également été mis sur pied. Il entrera en application en mars 2008 dans la région de Tadla-Azilal dans le cadre d’un projet pilote et sera élargi à d'autres régions à la fin de l’année. La couverture médicale devrait passer de 34 % actuellement à 70 % de la population. Le tiers restant de la population se compose de travailleurs indépendants pour lesquels ont été mis en œuvre des programmes spécifiques offrant une couverture médicale. Malgré les difficultés, qui sont considérables même dans les pays à revenu plus élevé, le but ultime est la couverture universelle, avec un objectif de plus de 80 % d’ici à 2009.

La Présidente, rappelant la recommandation générale no 24, dit que la législation qui érige l’avortement en infraction doit être modifiée afin de lever les sanctions imposées aux femmes qui subissent cette intervention.

Mme Tan se réjouit de voir qu’on a considéré comme prioritaire l’amélioration du secteur rural. Elle aimerait savoir en quoi consiste le programme des priorités sociales mentionné au paragraphe 311 du rapport et quels domaines il couvre. Il serait utile d’avoir des données supplémentaires sur des programmes comme le programme d’approvisionnement en eau potable des communautés rurales, le programme d’électrification rurale et le programme national des routes rurales. Elle demande ce qui est fait pour accroître le nombre de filles dans les programmes de formation par apprentissage aux techniques agricoles évoqué dans le rapport et si des campagnes sont menées pour aider les filles et leur famille à surmonter les obstacles culturels qui les empêchent de participer à de tels programmes. Les femmes rurales sont exclues des postes de prise de décisions et assument plutôt des tâches domestiques. De plus, seulement 2,5 % de la surface agricole utile est gérée par des femmes. L’intervenante se demande si on peut faire quelque chose pour encourager les hommes à participer aux tâches ménagères et attirer les femmes vers des activités agricoles plus variées.

Mme Gabr loue les efforts réalisés pour vaincre les difficultés rencontrées afin de développer le monde rural et de faire reculer la pauvreté et demande si le bilan périodique des plans de développement peut apporter des données sur les résultats et l’impact de ces plans. Elle aimerait connaître les critères de choix des ONG qui travaillent dans les zones rurales et savoir si leurs efforts ont été couronnés de succès.

Mme Ara Begum dit que les femmes et filles rurales restent en marge et demande comment on favorise leur participation à la vie politique et communautaire, combien d’entre elles ont reçu une formation en développement communautaire et comment sont écoulés les produits de leur artisanat et autres productions. Elle désirerait de plus amples informations sur l’état d’avancement des projets cherchant à intégrer une perspective sexospécifique dans les programmes de développement rural. Le mariage précoce en milieu rural est toujours préoccupant et l’intervenante souhaiterait savoir comment ce problème est pris en main. De même, il serait intéressant d’avoir des informations supplémentaires sur la manière dont on lutte contre la mortalité maternelle et sur les soins dispensés aux femmes âgées et handicapées dans les zones rurales.

Mme Shin dit qu’en tant que membre d’une délégation d’experts internationaux, elle a récemment eu l’occasion de rendre visite à des femmes du monde rural, à leur domicile, au Maroc. Elle est curieuse de savoir s’il existe des structures à l’échelon local pour sensibiliser les femmes rurales à leurs droits et si les plans de développement rural en tiennent compte.

La Présidente dit qu’elle a également participé à cette visite et a été heureuse d’apprendre que le Maroc a établi un mécanisme national pour les femmes depuis ce moment-là.

Articles 15 et 16

Mme Halperin-Kaddari dit que le paragraphe 372 du rapport, qui indique que le divorce par répudiation n’existe plus au Maroc et le paragraphe 374, consacré au divorce moyennant compensation, paraissent se contredire et nécessitent des explications complémentaires. Elle aimerait des détails sur les incidences économiques du divorce, en particulier lorsqu’est appliqué le régime de la séparation des biens. Ce régime ne semble pas aller dans le sens de la Convention et de la recommandation générale No 21, surtout en ce qui concerne le foyer conjugal. Elle se demande si on conseille aux femmes de signer des contrats de mariage, qui leur accordent une plus grande protection en cas de divorce, et si on exige une pension alimentaire pour l’épouse et pour les enfants. Il serait également intéressant d’avoir des statistiques sur les unions de fait ainsi que sur les droits et la protection juridique dont bénéficie le partenaire dans ce genre d’union.

Mme Belmihoub-Zerdani dit que le Code de la famille de 2004 représente un progrès, pour autant des questions subsistent sur certaines dispositions. Le Code fixe l’âge minimum du mariage à 18 ans pour les hommes aussi bien que pour les femmes, néanmoins il autorise les juges à accorder des dérogations à cette règle, sans aucune limite d’âge, et 89 % de celles-ci sont accordées. En outre, le Code conserve l’institution de la polygamie, soumise à autorisation judiciaire. Bien que le Code vise à restreindre cette pratique afin d’y mettre un terme, l’intervenante demande pourquoi le livret de famille comporte encore jusqu’à quatre pages à destination des femmes mariées. Des problèmes persistent dans les domaines du divorce, de la garde des enfants et de la transmission du patrimoine. L’intervenante souhaiterait savoir quelle place est faite aux instruments internationaux, tels que la Convention, dans la législation du pays, puisque la Constitution n’en fait pas état.

Mme Tan demande si la pratique qui consiste à confier automatiquement la garde des enfants au père sera mise en conformité avec la Convention. Il serait bon de voir si les chiffres de 2006-2007 sur le nombre de mariages polygames laissent apparaître une diminution. Le rapport formule l’espoir que cette pratique disparaisse, mais l’oratrice se demande pourquoi le Gouvernement ne l’a pas tout simplement abolie dans le nouveau Code de la famille. Elle demande également s’il y a des limites aux pouvoirs discrétionnaires dont disposent les juges des tribunaux chargés de la famille, combien de ces juges sont des femmes et combien de procédures de divorce sont engagées par des femmes chaque année. Elle se demande s’il est prévu de lever le délai de cinq ans accordé aux mères célibataires pour établir la paternité de l’enfant et s’il est question de pratiquer des tests ADN.

Mme Schöpp-Schilling demande quels ont été les obstacles à l’abolition de la polygamie. Elle aimerait des données détaillées sur le nombre de mariages polygames en général, pas uniquement les nouveaux. Elle demande aussi si la médiation du divorce est utilisée dans les cas de violence familiale.

Mme Skalli (Maroc), répondant aux questions ayant trait aux femmes rurales, dit que cette question est au cœur des priorités en matière de développement et lorsque les femmes rurales auront la pleine jouissance de leurs droits, le pays saura que ses plans de développement ont réussi. Au terme de la réforme du budget public, toutes les régions devront bénéficier équitablement des fonds publics, ce qui permettra de relever les défis posés par le développement rural. Parmi les 24 600 élus locaux des 1540 communes du pays, le nombre de femmes est peu élevé actuellement, mais l’oratrice espère qu’aux élections parlementaires de 2009, le pourcentage de femmes élues grimpera entre 20 et 30 %. Ceci coïncide avec le projet d’atteindre l’objectif 3 des Objectifs du millénaire et contribuera au développement des zones rurales.

Mme Jalal (Maroc) dit que le Gouvernement a choisi comme priorités en matière de développement l’eau, l’énergie et le transport. Ces priorités sont traitées par le biais de programmes aux niveaux politique, international et local.

L’eau est une ressource stratégique qui se raréfie de plus en plus face à une population en pleine expansion au Maroc, face à la croissance économique et à la désertification. Seulement 14 % des foyers ruraux avaient accès à l’eau potable avant la mise en œuvre du programme sur l’eau; en 2007, ce chiffre est passé à 92 %. Le programme a un énorme impact sur la vie des femmes et filles rurales, qui sont habituellement chargées de la corvée d’eau pour toute la famille. L’amélioration de l’accès à l’eau a libéré de considérables plages de temps qui peuvent être dédiées à l’école pour les filles ainsi qu’à des activités génératrices de revenus et à la participation aux affaires de la communauté pour les femmes, hormis les progrès sur le plan sanitaire qu'engendre l’utilisation d’eau salubre.

Les programmes d’électrification rurale, combinant réseaux électriques classiques et équipements individuels en énergie solaire, ont fait passer l’approvisionnement en électricité des ménages ruraux de 16 % en 1996 à 94 % en 2006. Les effets immédiats sur les filles et les femmes sont une réduction significative du temps passé à ramasser du bois pour la cuisine et le chauffage, libérant ainsi des heures pour aller à l’école et faire d’autres activités. Les retombées sur la santé se traduisent par une diminution des maladies respiratoires causées par la fumée du feu de bois. Les répercussions sur la communauté dans son ensemble se manifestent sous la forme d’une sécurité accrue, grâce à l’éclairage des rues qui fait régresser la violence à l’encontre des femmes, et la stimulation du commerce et des entreprises locales, qui permet de freiner l’exode rural.

Mme Skalli (Maroc) dit qu’un certain nombre de centres polyvalents ont été créés pour proposer aux femmes rurales une instruction élémentaire et une formation professionnelle. Ces centres incitent aussi les femmes à s’investir dans des activités génératrices de re-venus, notamment en formant des coopératives. Les produits qu’elles fabriquent sont ensuite commercialisés dans les centres.

Si la réforme du Code de la famille est une heureuse évolution, veiller à la mise en œuvre de ses dispositions reste un défi, surtout parce que la résistance au changement conduit nombre de personnes à contourner la loi. Quoi qu’il en soit, l’abolition du divorce par répudiation (talaq) est un progrès remarquable et désormais une décision du tribunal est indispensable avant toute dissolution du mariage. Par ailleurs, bien que le divorce moyennant compensation soit encore toléré, la législature a également introduit la notion de divorce pour discorde. Les femmes souhaitant quitter leur mari ont ainsi davantage d’options.

Dans le but de combler les lacunes qui subsistent dans le Code de la famille au sujet du partage des biens des époux en cas de divorce, les couples ont le droit de conclure un contrat de mariage qui stipule les termes et modalités de toute acquisition future. Cela étant, les contrats de ce type ne sont pas courants, sans doute parce que les couples ne souhaitent pas envisager l’éventualité d’un divorce. En l’absence de contrat de mariage, le juge est autorisé à estimer ce que chaque époux a apporté dans le cadre du mariage et à partager les biens des époux en conséquence.

En vertu du nouveau Code de la famille, l’âge minimum du mariage est de 18 ans pour les deux sexes. Cependant, des exceptions à la règle sont prévues, par exemple lorsque la future mariée est enceinte, puisque les enfants nés hors mariage sont considérés comme illégitimes. Le nombre de mariages précoces est beaucoup plus élevé dans les régions rurales et ce problème est aggravé par des juges peu scrupuleux qui donnent leur assentiment à de telles pratiques. Pour remédier à la situation, le Ministère de la justice, en partenariat avec les organisations non gouvernementales (ONG), effectue une évaluation annuelle des activités des juges.

Mme Mezdali (Maroc) dit que, si la polygamie est encore permise au regard du Code de la famille, elle est maintenant soumise à autorisation et décidée par un juge, au cas par cas. Pendant la période où a été rédigé le rapport, le nombre de mariages polygames a continué à chuter, de 841 cas en 2005 à 811 en 2006.

Mme Skalli (Maroc) dit que, dans le passé, la polygamie était utilisée comme une arme: les maris qui voulaient divorcer prenaient une deuxième femme pour pousser la première à s’en aller. En fait, lorsqu’a été rédigé le nouveau Code de la famille, les législateurs avaient l’intention d’imposer des conditions si sévères sur les mariages polygames qu’ils ne semblaient plus avantageux. Dans la pratique, les juges en général autorisent un second mariage lorsque le mari a les moyens de subvenir aux besoins des deux femmes, mais si la première femme refuse de donner son consentement au second mariage, elle se voit automatiquement accorder le divorce. Conformément au Code de la famille tel qu’il a été amendé, les hommes n’ont plus le droit de prendre une troisième ou une quatrième épouse et le Gouvernement fera donc le nécessaire pour que cette évolution se reflète comme il se doit dans toute la documentation pertinente.

Enfin, pour ce qui est des droits des femmes en matière successorale, l’intervenante fait observer qu’en aucun cas les hommes ne peuvent prétendre à un héritage deux fois plus important que celui des femmes. Par exemple, selon la loi islamique, la mère et le père d’un enfant décédé héritent d’une part égale des biens de ce dernier. De plus, les petits-enfants peuvent désormais hériter de leur grand-père maternel aussi bien que de leur grand-père paternel. L’oratrice reconnaît toutefois que le Code de la famille renferme certaines dispositions discriminatoires sur la succession et assure le Comité qu’il sera tout fait pour y remédier.

Mme Shin demande si les inspecteurs du travail sont responsables de l’application des textes règlementaires sur le congé de maternité. Puisque État partie n’a pas encore adopté de législation sur la violence dans la famille, l’intervenante souhaite en savoir davantage sur les mesures existantes à l'encontre des coupables.

Mme Tavares da Silva salue les mesures prises par État partie pour favoriser la participation des femmes à la vie publique et politique. Une enquête récente a révélé que 82 % de la population marocaine voterait volontiers pour une femme candidate et le Gouvernement devrait donc profiter de la situation pour accroître le nombre d’élues. En dernier lieu, l’oratrice invite État partie à abandonner progressivement l’usage du terme français « droits de l’homme » et à le remplacer par une expression également applicable aux hommes et aux femmes, comme « droits de la personne humaine ».

Mme Belmihoub-Zerdani attire l’attention de État partie sur les différences entre une réserve concernant la Convention et une déclaration interprétative.

Mme Halperin-Kaddari s’inquiète de ce que les mariages précoces, d’après ses calculs, constituent 12 % de toutes les unions contractées au Maroc en 2006. A cet égard, elle demande pourquoi le Code de la famille ne spécifie pas les circonstances dans lesquelles sont permises des entorses à la loi.

Mme Schöpp-Schilling souligne le caractère transversal des problèmes des femmes et demande si le Ministre du développement social, de la famille et de la solidarité est habilité à présenter des propositions de lois liées à la promotion des femmes dans des domaines qui relèvent d’autres ministères. Il serait également utile de savoir si le Ministre est autorisé à examiner les propositions législatives soumises par d’autres ministères afin de déterminer dans quelle mesure ces propositions auront des effets différents sur les hommes et les femmes.

M. Loulichki (Maroc) rappelle que, conformément à la Convention de Vienne sur le droit des traités, les États ont le droit de formuler deux sortes de réserve à un traité: premièrement, des réserves destinées à exclure l’effet juridique de certaines dispositions du traité à l’égard de État concerné et deuxièmement, des réserves interprétatives modifiant l’effet juridique de certaines dispositions pour que l’exécution du traité soit compatible avec l’ordre juridique national de État en question. Il assure le Comité que le Gouvernement marocain portera à la connaissance du Secrétaire général tout changement de position à ce propos.

Mme Skalli (Maroc) dit que, en tant que Ministre du développement social, de la famille et de la solidarité, elle se déclare résolue à intervenir rapidement sur les propositions de loi afin que soient respectées les directives sur l’égalité des sexes. Elle examine régulièrement tous les projets de loi qui peuvent être défavorables aux femmes.

Revenant sur les remarques faites par Mme Tavares da Silva, elle insiste sur le fait que les attitudes ne changent pas du jour au lendemain. Bien que davantage de femmes se mettent sur les rangs pour les élections à tous les niveaux, elles ne représentent encore qu’une minuscule proportion du nombre de candidats. Tandis que la population dans son ensemble peut être en effet prête à voter pour des femmes, une grande partie des procédures à suivre pour être désignée et pour collecter des fonds de campagne sont foncièrement discriminatoires. De surcroît, les membres des communautés tribales votent souvent en masse pour le même candidat, habituellement le fils d’un des chefs de tribu. Il est très difficile de modifier des comportement ancrés aussi profondément. De l’avis de l’oratrice, des mesures préférentielles sont la seule solution à ces problèmes et elle prie le Comité d’étudier cette question d'encore plus près.

Mme Benyahya (Maroc) appelle l’attention sur les paragraphes 255 à 263 du rapport (CEDAW/C/MAR/4), qui détaillent les mesures législatives mises présentées pour protéger les femmes au travail et confirme que des inspecteurs du travail vérifient systématiquement la mise en application des dispositions du Code du travail relatives au congé de maternité. Les employeurs n’ont pas le droit de congédier les femmes qui tombent enceintes.

M. Belghazi (Maroc) fait remarquer que les femmes en congé de maternité ont droit à des prestations de sécurité sociale. Ces dernières années, un changement d’attitude a été perceptible envers les femmes au travail et elles risquent moins d’être victimes de discrimination de la part de leurs employeurs. En vertu du nouveau Code du travail, toute violation présumée des droits des femmes en matière d’emploi doit faire l’objet d’une enquête par les autorités compétentes.

La Présidente félicite État partie pour les progrès substantiels accomplis durant la période de rédaction du rapport et lui recommande vivement de poursuivre ses efforts de façon à éliminer toute loi discriminatoire encore en vigueur. Le Gouvernement marocain devrait être en mesure de retirer ou de réduire sensiblement le champ de ses réserves à la Convention et devrait envisager de ratifier l’article 20, paragraphe 1, ainsi que le Protocole facultatif.

La séance est levée à 17 h 35.