Trente-neuvième session

Compte rendu analytique de la 805e séance

Tenue au Siège, à New York, le jeudi 2 août 2007, à 10 heures

Présidente :MmeSimms (Vice-Président)

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Troisième et quatrième rapports périodiques combinés de la Jordanie

En l’absence de la MmeŠimonovič, MmeSimms (Vice-Présidente) assume la présidence.

La séance est ouverte à 10 h 05.

Examen des rapports présentés par les États parties en application de l’article 18 de la Convention (suite)

Troisième et quatrième rapports périodiques combinés de la Jordanie (CEDAW/C/JOR/3-4 ; CEDAW/C/JOR/Q/4 et Add.1)

Sur invitation de la Présidente, les membres de la délégation jordanienne prennent place à la table du Comité.

M. Touq (Jordanie), introduisant les troisième et quatrième rapports périodiques de la Jordanie (CEDAW/C/JOR/3-4;CEDAW/C/JOR/Q/4 et Add.1), dit que depuis la présentation du deuxième rapport périodique (CEDAW/C/JOR/2), deux faits importants se sont produits en ce qui concerne les droits de la femme. Le premier, c’était la publication, le 1er août 2007, de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes au Journal officiel, achevant ainsi formellement son adoption et lui donnant force de loi.

En plus de la Convention, cinq autres instruments internationaux ont été publiés à la même date : le Pacte international relatif aux droits civils et politiques; le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels; la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants; la Convention relative aux droits de l’enfant; et la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Ce qui plus est, les femmes handicapées se sont vues garantir des droits additionnels avec la signature, le 31 mars 2007, de la Convention pour la protection des droits et de la dignité des personnes handicapées et du Protocole facultatif correspondant. Le deuxième fait important réside dans le succès obtenu par des femmes candidates à l’occasion des récentes élections municipales grâce à une loi qui leur réserve 20 pour cent des sièges dans tous les conseils municipaux. Pour donner suite à ce succès, le Gouvernement a promulgué une nouvelle loi électorale qui réserve six sièges au Parlement à des femmes.

Le Gouvernement a également promulgué une série d’autres lois importantes dans le domaine des droits et libertés, y compris les droits de la femme, et la Commission nationale jordanienne de la femme, a proposé, en application d’une recommandation du Comité, un projet de loi qui donnera à la Commission une base législative. On s’attend à ce que toutes les lois proposées prennent effet dans les deux ans. Sur le plan administratif, le Gouvernement a décidé que la Commission devait être associée à l’examen de tout projet de loi intéressant les femmes. Il a également ordonné qu’aux fins de tout acte officiel, le témoignage d’une femme devait être considéré comme équivalant celui d’un homme.

Passant à la participation des femmes à la vie publique et à la prise de décision, l’orateur dit que le Gouvernement a pris des mesures spéciales destinées à accélérer la réalisation de l’égalité entre les hommes et les femmes. Par exemple, trois femmes ont été nommées ambassadeurs auprès de pays étrangers et, pour la première fois, une femme a été nommée présidente de tribunal. Les femmes devraient également constituer au moins 3 pour cent des forces armées conformément au plan stratégique révisé du Gouvernement. De même, les médias jouent un rôle majeur en traitant abondamment du rôle accru joué par les femmes dans la vie publique.

Dans le domaine de l’éducation, la Jordanie est parvenue à la parité entre les hommes et les femmes en ce qui concerne l’admission aux études universitaires, et 37 pour cent des étudiants poursuivant des études universitaires du troisième cycle sont des femmes. En outre, conformément à une étude de la Banque mondiale, la Jordanie figura la première place parmi les pays arabes en ce qui concerne la réalisation des objectifs en matière d’éducation. En collaboration avec des organisations non gouvernementales (ONG), le Gouvernement a également pris une série d’initiatives qui visent à encourager les filles à choisir des disciplines non traditionnelles.

S’agissant de la santé procréative des femmes, l’orateur dit que dans son pays, les politiques en matière de VIH/sida incorporent une perspective sexospécifique. Bien que le nombre des infections par le VIH soit faible, le Gouvernement a lancé un programme quinquennal de sensibilisation au VIH/sida et a persuadé les décideurs à adopter des lois qui renforcent les droits de la femme en matière de procréation, y compris le droit à se protéger contre le VIH/sida.

En tant que pays en développement, la Jordanie attache une grande importance à l’élaboration de politiques économiques destinées à responsabiliser les femmes et à accroître leur participation sur le marché du travail. La réforme économique et la libéralisation du commerce ont augmenté les possibilités d’emploi des femmes, qui constituent désormais près de 15 pour cent de la main-d’oeuvre. Dans le cadre de sa stratégie globale de lutte contre la violence, le Gouvernement a déposé un projet de loi relatif à la violence familiale et a créé un cadre national de protection contre cette violence. On a établi des centres d’accueil spéciaux pour les victimes, et les forces de sécurité se sont engagées à transformer le centre de placement sous protection en une institution où elles peuvent être réformées et formées dans un environnement non pénitentiaire.

Le Gouvernement a continué à collaborer avec toutes les organisations internationales, régionales et nationales compétentes aux fins de la responsabilisation des femmes jordaniennes et il a bénéficié, à cet égard, des conclusions formulées par le Comité. En outre, en préparant le présent rapport, il a collaboré avec 27 ONG. Pour terminer, l’orateur dit que malgré les réalisations jordaniennes en matière de progrès des femmes, les circonstances économiques régionales, le conflit israélo-palestinien et l’afflux de réfugiés irakiens ont pesé lourdement sur les ressources limitées du pays. Ces pressions ont limité, à leur tour, la capacité de la Jordanie à mettre en oeuvre toutes les dispositions de la Convention et ont entravé le progrès des femmes du pays.

Articles 1 à 6

M me  Shin rend hommage à l’État partie pour les efforts considérables qu’il a déployés pour améliorer la condition de la femme, y compris la publication de la Convention au Journal officiel et la réforme politique en cours. La nomination de MmeKhader en tant que Secrétaire générale de la Commission nationale jordanienne de la femme témoigne de l’engagement du Gouvernement à cet égard. L’orateur espère que MmeKhader non seulement prendra la direction des activités de Gouvernement intéressant les femmes, mais qu’elle participera également à la collecte de données et qu’elle collabora avec le Ministère des finances et d’autres ministères aux fins de l’intégration d’une perspective sexospécifique.

Tout en se félicitant des réformes de la législation évoquées par la délégation, elle se demande si le processus ne pourrait pas être accéléré. D’autres réformes sont également nécessaires. En particulier, il faut que la Jordanie introduise une loi globale qui incarne le principe de l’égalité des sexes et en garantit son application pratique (article 2 de la Convention), une loi spécifique relative aux droits de la femme, et de nouvelles lois relatives à la violence familiale et au harcèlement sexuel. Il lui faut également réviser son Code pénal. Elle pourrait donc envisager de créer une équipe spéciale chargée de promouvoir la réforme de la législation. Enfin, l’orateur a entendu que la Jordanie aurait récemment adopté de nouvelles règles gouvernant les ONG et qu’elle envisagerait la promulgation d’une loi relative à ces organisations. Si le Gouvernement est effectivement attaché à l’instauration d’un partenariat avec la société civile, il devrait reconsidérer sérieusement l’adoption d’une telle loi qui limiterait sensiblement l’activité de ces organisations.

M me  Neubauer dit que le rapport reflète le rôle important joué par la Commission nationale de la femme et les efforts du Gouvernement visant à promouvoir le progrès des femmes dans tous les domaines de la vie, entre autres par la création de divers conseils nationaux et l’élaboration d’une série de stratégies qui, si elles sont dûment exécutées, profiteront aux femmes jordaniennes. Cela dit, les problèmes signalés dans les conclusions précédentes du Comité à l’égard du mécanisme national soulèvent toujours des préoccupations.

Tout en félicitant l’État partie d’avoir créé le centre national des droits de l’homme, l’orateur s’inquiète de la déclaration figurant dans le rapport (par. 42) tendant à ce que les données contenues dans le rapport annuel du centre n’indiquent aucune plainte concernant spécifiquement la discrimination à l’égard des femmes, que les auteurs des autres plaintes ne sont pas ventilés par sexe, et qu’il n’est donc pas possible de déterminer la nature exacte des plaintes déposées par des femmes. Elle aimerait savoir ce que l’on fait pour sensibiliser les femmes à leurs droits et pour garantir qu’elles se tournent vers le centre chaque fois que leurs droits fondamentaux sont enfreints.

Pour être vraiment efficace, la Commission nationale de la femme doit avoir des fonctions et responsabilités clairement définies, disposer de ressources adéquates et être à même de coordonner et de surveiller l’intégration d’une perspective sexospécifique. À ce propos, l’orateur apprécierait des informations concrètes concernant les conclusions de l’étude conduite récemment par la Commission sur sa structure et la mise en place éventuelle d’une structure différente mieux adaptée à l’évolution de la situation, ainsi que des informations concernant le mandat, les fonctions, le rôle et les attributions envisagés. Enfin, le statut de la stratégie nationale pour les femmes n’est pas clair. S’agit-il simplement d’un document directif ou a-t-il été adopté par le Gouvernement? Dans le dernier cas, l’orateur aimerait en savoir davantage sur ses objectifs, son calendrier et les mécanismes chargés d’évaluer les progrès accomplis.

M me  Chutikul note après les réponses à la liste des questions (par. 4) que la Commission nationale jordanienne de la femme est en cours de restructuration, mais elle voudrait connaître la nature exacte de ce processus. Elle est particulièrement curieuse en ce qui concerne le cadre juridique et l’influence politique de la Commission, et les mécanismes garantissant la coordination avec d’autres ministères. S’agissant de cette dernière question, il ne suffit pas que la Commission travaille par le biais de son conseil de supervision, notamment au niveau local. L’État partie voudra peut-être expliquer aussi comment la Commission collabore avec les groupes des affaires féminines crées au sein de divers ministères. Enfin, elle invite l’État partie à fournir de plus amples informations sur la stratégie nationale pour les femmes pour les années 2006-2010.

M me  Patten voudrait savoir si l’État partie envisage de retirer ses réserves à l’égard de la Convention ou de ratifier le Protocole facultatif. Dans la négative, elle voudrait connaître les raisons qui l’empêchent de le faire. Le Comité a reçu des informations troublantes concernant des pratiques officielles qui feraient courir aux femmes le risque de devenir victimes de crimes d’honneur quand elles sont placées sous protection; en conséquence, les auteurs des infractions ne seraient pas punis et que nombreuses victimes potentielles finiraient par être incarcérées. Tout en se félicitant de l’établissement du premier centre d’accueil établi par l’État (la Maison de la concorde familiale), elle est troublée par des informations conformément auxquelles le Gouvernement n’aurait aucun plan concret tendant à transférer les femmes actuellement placées sous protection vers ce centre, et elle voudrait savoir quels sont les mesures prises à cet égard. Dans son rapport sur sa récente mission en Jordanie, le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants formule des critiques sévères à l’égard de la politique actuelle en déclarant qu’en privant des femmes et des filles innocentes de leur liberté pour des périodes allant jusqu’à 14 ans, on leur inflige un traitement qui est manifestement inhumain et nettement discriminatoire, et il a recommandé de placer les femmes qui risquent d’être victimes de crimes d’honneur dans des centres d’accueil spécifiques où elles sont libres tout en se trouvant en sécurité.

Une série de lois discriminatoires étant toujours en vigueur, des crimes d’honneur continuent à être commises. Par exemple, conformément à l’article 98 du Code pénal, les peines sont réduites si le délinquant a commis le crime dans un état de grande fureur et, pour des infractions qui normalement entraînent la peine de mort, la peine minimum est d’une année de prison en présence de circonstances atténuantes. L’orateur a appris que les tribunaux jordaniens viennent de condamner un homme à six mois de prison pour avoir tué sa soeur divorcée, qui était enceinte. De même, en vertu de l’article 99 du Code pénal, les tribunaux peuvent réduire la peine de moitié si la famille de la victime retire sa plainte. Les membres des familles sont complices de la plupart des meurtres d’honneur et par conséquent renoncent à porter plainte dans la quasi-totalité des cas. L’orateur voudrait savoir si le Gouvernement envisage de réexaminer et d’abroger ces dispositions et s’il sanctionne les crimes d’honneur de la même manière que les autres crimes violents.

Enfin, l’orateur s’inquiète vivement des informations d’après lesquelles des femmes et des filles soupçonnées d’avoir eu des rapports sexuels extraconjugaux seraient forcées à subir des tests de virginité. Ce qui est encore plus troublant, c’est que ces tests seraient conduits sur la dépouille de femmes et de filles réputées être des victimes de crimes d’honneur afin de déterminer si elles étaient vierges au moment du décès et si l’auteur du crime devrait bénéficier de circonstances atténuantes en conséquence. De telles pratiques indiquent l’existence d’un environnement juridique discriminatoire et abusif qu’il faut corriger d’urgence.

M me  Pimentel souhaite obtenir de plus amples informations sur le projet de loi relatif à la protection contre la violence sexuelle, y compris le calendrier prévu pour son examen et son adoption par le Parlement. Dans sa déclaration liminaire, le chef de la délégation a évoqué l’excellence du système d’éducation. En outre, le paragraphe 22 des réponses se réfère à l’introduction de deux projets ayant une composante sexospécifique et la révision des programmes d’études destinée à les rendre plus sensibles à la question de l’égalité des sexes. Toutefois, d’après les ONG jordaniennes, le Gouvernement ne fait rien pour modifier les valeurs sociales enseignées aux enfants ou les stéréotypes quant au rôle des femmes et des filles. En outre, les livres de classe continuent de dépeindre les situations et pratiques familiales de manière traditionnelle. L’orateur voudrait savoir si l’État partie partage cette appréciation et, dans l’affirmative, quels sont les obstacles à l’élimination des stéréotypes et quelle est la stratégie appliquée à cet effet.

M me  Gabr dit que dans le monde arabe, comme ailleurs dans le monde, la situation des femmes ne changera pas à moins que l’image des femmes ne soit modifiée. À cet égard, elle aimerait en savoir davantage sur la vision du Gouvernement et sa stratégie concernant les livres de classe et les programmes d’études, et savoir s’il envisage d’utiliser les médias pour modifier l’opinion publique ou de former les magistrats.

L’orateur partage l’appréciation de l’État partie (par. 56 du rapport) qui considère que les attitudes stéréotypées quant aux rôles sociaux figurent parmi les principaux obstacles à l’exercice, par les femmes, de leurs droits dans des conditions d’égalité avec les hommes. La modification de ces attitudes faciliterait l’adoption des projets de loi dont le Parlement est saisi à l’heure actuelle. Étant donné la montée de l’extrémisme religieux dans la région, il est important d’orienter le débat religieux sur les questions sociales de manière à refléter le véritable esprit de l’islam, qui est modéré. L’orateur invite l’État partie à expliquer comment il entend aborder cette question et s’il envisage d’impartir une formation aux imans.

M me  Gaspard dit que les stéréotypes se soldent par une acceptation générale de la violence à l’encontre des femmes voire, dans certains cas, du meurtre de femmes. Elle fait observer que le Gouvernement semble miser surtout sur les organisations de la société civile pour combattre les préjugés et se demande s’il existe des plans d’élaboration d’une politique nationale cohérente contre les stéréotypes. Elle souhaite également obtenir de plus amples informations sur les recommandations que le Gouvernement formule à l’égard des médias.

M me  Maiolo dit qu’elle apprécierait des informations plus récentes sur la violence familiale en Jordanie et sur l’adoption du projet de loi relatif à la protection contre la violence familiale en particulier. Notant que les auteurs de violences à l’encontre des femmes bénéficient souvent de peines légères, elle se demande s’il y a des femmes juges.

M. Touq (Jordanie) réitère que les pouvoirs législatif et exécutif sont complètement indépendants et que le Gouvernement ne peut pas sommer le Parlement d’adopter une loi particulière. Il pense, lui aussi, qui serait utile d’élaborer une loi spécifique relative aux droits de la femme, et il examinera la question avec la Commission nationale jordanienne de la femme et d’autres parties intéressées. Il est difficile d’évaluer le projet de loi relatif aux ONG, dont l’élaboration n’est pas encore terminée. Certaines ONG qui reçoivent des fonds de l’étranger ont été accusées de les utiliser pour faire avancer des intérêts étrangers. Par conséquent, bon nombre d’organisations de la société civile ont appelé la création d’un mécanisme de coordination sur le financement. L’orateur est persuadé que le Gouvernement et la société civile instaureront un partenariat réussi et que l’on parviendra en fin de compte à un accord concernant la réglementation des ONG.

La Jordanie n’envisage pas de retirer ses réserves à l’égard de la Convention, la jurisprudence islamique l’empêchant de le faire. S’agissant de la modification éventuelle des dispositions qui sont discriminatoires à l’égard des femmes, y compris les articles 98 et 340 du Code pénal, il est manifeste que la société civile doit participer davantage en éduquant et en soumettant à des pressions non seulement le grand public, mais aussi les parlementaires. Pour ce qui est de la montée de l’intégrisme, l’orateur signale que le message d’Amman, qui souligne les valeurs fondamentales de modération, de tolérance, d’égalité entre les hommes et les femmes et de liberté de religion, est utilisé actuellement pour former des imans en Jordanie et dans divers pays européens.

Enfin, l’orateur souligne qu’il est très difficile de modifier les systèmes de valeurs et que les forces de la résistance dans la région deviennent plus puissantes. Le Gouvernement fait tout son possible pour modifier les normes et les valeurs de la société par le biais de programmes de formation et de nouveaux programmes d’études et il a été félicité à la fois par la Banque mondiale et par l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture pour avoir été à l’avant-garde de la réforme de l’éducation dans la région.

M me  Khader (Jordanie) dit que le cadre juridique de la Commission nationale jordanienne de la femme est en cours de révision, et qu’on a créé un système pour la réception des plaintes et les enquêtes connexes. Le Gouvernement a majoré les crédits budgétaires alloués à la Commission de 20 pour cent et a promis de nouvelles augmentations en 2008. On est en train d’élaborer, en coopération avec d’autres organes officiels et des ONG, le plan d’action de la stratégie nationale concernant la femme (2006-2010), qui sera bientôt achevé. Parmi les composantes du plan d’action, on peut citer la participation des femmes à la vie publique et à la politique, la sécurité sociale, la prévention de la violence, l’éducation, les soins de santé et les femmes rurales.

S’agissant de la violence à l’encontre des femmes, le Gouvernement a déposé un projet d’amendement au Code pénal qui durcit les peines pour cette infraction, la durée de l’emprisonnement étant désormais de 1 à 7 ans. Dans une tentative de décourager les crimes d’honneur, le Gouvernement a également déposé un projet d’amendement conformément auquel, quand la victime et le délinquant appartiennent à la même famille et que la famille retire sa plainte, les tribunaux ne seront plus autorisés à réduire la peine de moitié. On a également créé des centres d’accueil pour des femmes qui risquent d’être victimes de crimes d’honneur, et on est en train de lancer une initiative qui permettra aux ONG de créer des centres additionnels. Les ONG collaborent avec le Gouvernement sur une autre initiative qui vise à libérer les femmes placées sous protection et de les transférer dans des centres d’accueil. L’orateur se félicite de pouvoir signaler que le nombre de crimes d’honneur commis en Jordanie a baissé sensiblement.

Les femmes représentent 4 pour cent des juges des tribunaux civils, et le quota pour les femmes étudiant à l’institut des affaires judiciaires a été fixé à 15 pour cent. Le Ministère de la justice a créé un département de la femme, de la famille et des droits de l’homme, qui est chargé de former les magistrats et le personnel des forces de l’ordre dans le domaine des droits de la femme et de l’enfant. Enfin, des ONG et le Gouvernement sont en train d’élaborer un projet de loi relatif à la protection contre la violence familiale, basé sur la loi type rédigée par le Rapporteur spécial sur la violence à l’encontre des femmes.

La Jordanie réexamine périodiquement les réserves qu’elle a formulées à l’égard de la Convention et la possibilité de leur retrait. Elle vient de supprimer l’article 12 de la loi relative aux passeports conformément auquel une femme souhaitant voyager devait obtenir l’autorisation de son mari. Cette disposition ayant été éliminée, il n’est donc plus nécessaire de maintenir la réserve correspondante, et on espère qu’elle sera retirée dans un proche avenir. S’agissant de la coordination avec les médias, pendant l’année en cours, une bonne part des émissions a été consacrée aux droits de la femme et à sa participation à la vie publique. On a diffusé des avis au public, de même que des programmes qui renforceront le message concernant le statut égal de l’homme et de la femme et leur responsabilité partagée à l’égard du développement. De telles émissions ont été particulièrement utiles à l’occasion des récentes élections.

Le Code pénal jordanien interdit la traite des femmes et prévoit des peines appropriées pour cette infraction. La Jordanie maintient des contacts étroits avec les organismes internationaux travaillant dans ce domaine, et elle est en train de développer des efforts et des programmes spéciaux, à plus forte raison que la plus grande liberté de mouvement existant actuellement pourrait se solder par une augmentation de la criminalité transfrontière. Il existe des mécanismes pour la présentation de plaintes concernant la traite des personnes, et on a pris des mesures pour garantir que les femmes qui viennent en Jordanie pour travailler ne sont pas des victimes de la traite. Les lois font l’objet d’un examen continu de manière à assurer qu’elles ne contiennent pas des dispositions discriminatoires. La Commission nationale de la femme dispose d’un réseau de communications officiel qui englobe tous les coordonnateurs pour les affaires féminines placés dans les ministères. Un groupe des affaires féminines a été créé à titre expérimental au sein du Ministère du plan; son fonctionnement sera examiné d’ici à une année ou deux pour déterminer si l’existence de groupes spécifiques au sein de chaque ministère constitue une meilleure approche à l’intégration d’une perspective sexospécifique, où s’il y a lieu de continuer avec les coordonnateurs collaborant directement avec la Commission.

On a conduit des enquêtes sur les pratiques de plusieurs ministères pour déterminer dans quelle mesure ils répondent aux exigences de l’intégration d’une perspective sexospécifique. Ces enquêtes seront poursuivies et sont actuellement étendues au secteur privé pour vérifier son attachement à l’égalité des droits entre les hommes et les femmes. Les résultats de la première enquête portant sur le secteur privé, qui couvre l’industrie pharmaceutique, seront annoncés vers la mi-août. Un examen initial des résultats révèle l’existence de plusieurs problèmes, notamment en ce qui concerne l’observation des droits en matière de maternité et l’accès des femmes aux postes d’encadrement dans les entreprises.

M me  Khyami (Jordanie), se référant aux efforts du pays en ce qui concerne la lutte contre les stéréotypes sexistes, dit que le Ministère de l’éducation a commencé à introduire la notion des droits de la femme et de l’égalité des sexes dans les programmes d’études des établissements préscolaires et primaires, en partie en utilisant des jeux électroniques. Quant aux niveaux plus élevés de l’éducation, depuis 2005, les programmes d’études incluent un cours obligatoire concernant les droits fondamentaux, y compris les droits de la femme. Dans le même temps, on impartit une formation aux enseignants qui utiliseront les programmes révisés. À la faculté de droit de l’université de Jordanie, on enseigne un cours sur les droits fondamentaux, les droits de la femme et les droits de l’enfant. Cette université dispose désormais d’un centre spécial traitant des questions relatives à l’égalité des sexes, qui décerne un certificat de maîtrise.

Une partie du programme de modification des stéréotypes concernant les femmes cible directement les prédicateurs et les imans. Le Ministère des affaires islamiques s’emploie à élaborer un guide à l’intention des prédicateurs et des imans dans les mosquées et à y introduire la notion des droits de la femme et de l’égalité des sexes. En fait, il existe un grand nombre de femmes prédicateurs et un grand nombre de femmes dans les facultés de la charia des universités jordaniennes, ce qui encourage la mise en relief des droits de la femme dans le cadre de l’islam. La coalition des associations féminines et d’autres organisations s’efforcent également de modifier les stéréotypes, notamment dans les zones rurales. Elles visitent les foyers, les associations de femmes ou les groupes de jeunes et d’enfants pour animer des discussions visant à modifier les idées quant aux femmes et à leur rôle.

On utilise également les médias pour alerter la population au fait que les femmes peuvent travailler côte à côte avec les hommes en tant que partenaires, que ce soit au foyer ou à l’extérieur. Des programmes diffusés par les médias visuels soulignent que dans certains domaines où l’on ne rencontrait habituellement pas de femmes, celles-ci travaillent désormais avec succès, tout en conciliant leur travail avec leur rôle de mères et d’épouses. Ces idées sont également communiquées aux jeunes gens par le biais des centres pour jeunes, l’accent étant mis sur le rôle que les jeunes femmes elles-mêmes peuvent jouer dans l’élimination des stéréotypes.

M me  Gabr voudrait savoir quelles sont les réserves qui pourraient être retirées à l’avenir.

M me  Chutikul voudrait savoir quel organisme concret est responsable de la lutte contre la traite des êtres humains et si le Gouvernement jordanien reconnaît vraiment que la traite et la prostitution constituent des problèmes. La Jordanie devrait indiquer si elle a signé le Protocole additionnel visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, à la Convention des Nations unies contre la criminalité organisée transnationale, et si des trafiquants ont été poursuivis.

M. Touq (Jordanie) signale qu’il n’a pas dit que la Jordanie retirerait telle ou telle de ses réserves; mais plutôt que certaines modifications de la législation en cours pourraient rendre l’une d’entre elles superflue. Si le Gouvernement devait décider de retirer formellement l’une de ses réserves, conformément à la Constitution, toute la question de la Convention devra être soumise une nouvelle fois au Parlement, ce qui ouvrirait une boîte de pandore. Par conséquent, il ne faudrait prendre aucune mesure qui risque de compromettre l’ensemble de la situation.

S’agissant de la traite des femmes, l’orateur précise que la Jordanie n’a pas ratifié le Protocole des Nations unies qui vient d’être évoqué, bien qu’elle en soit signataire, et dit que la question est en train d’être examinée activement. Afin que le pays puisse le ratifier, il faudra modifier certaines lois, et les amendements devront être approuvés par le Parlement, dont le calendrier est déjà surchargé. La lutte contre la traite incombe au Ministère de la justice et à la police. L’orateur précise également que la prostitution constitue une infraction en Jordanie.

Articles 7 à 9

M me  Maiolo, tout en se félicitant de la loi établissant des quotas pour l’élection de femmes aux conseils municipaux et du projet de loi établissant des quotas pour le Parlement, considère que les lois, bien qu’importantes, ne suffisent pas en elles-mêmes. Comme cela a déjà été dit à la fois par la délégation et par d’autres experts, le problème réside dans les stéréotypes. L’orateur ne peut pas imaginer qu’une femme, conditionnée à accepter qu’elle-même et sa famille puissent être battues par le mari, puisse se persuader qu’elle est compétente pour poser sa candidature. Le Comité se félicite des informations concernant les programmes de sensibilisation ciblant les femmes et les filles, l’utilisation des programmes de télévision et les autres activités de cette nature. Elle considère que cela représente la meilleure manière de persuader les femmes à poser leur candidature.

M me  Neubauer fait l’éloge des différentes mesures prises pour accroître la participation des femmes à la vie politique et publique, en particulier leur participation aux assemblées élues. Ces mesures montrent que le Gouvernement et le législatif jordaniens tirent parti du paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention parti et de la recommandation générale nº 25 du Comité concernant les mesures temporaires spéciales en tant que moyen de surmonter la sous-représentation des femmes. Toutefois, le minimum de six sièges réservés aux femmes au Parlement jordanien n’est pas vraiment suffisant. L’orateur voudrait savoir si l’idée tendant à introduire un quota minimum de 20 pour cent de femmes pour l’Assemblée nationale, conformément aux quotas établis pour les conseils municipaux, est appuyée par les plus hautes instances politiques du pays. La Jordanie devrait également indiquer s’il existe un calendrier pour l’introduction d’un quota plus élevé, et si le système de quotas reposera sur le principe de représentation proportionnelle des femmes de toutes les régions du pays.

S’agissant de l’accès des femmes aux postes pourvus par nomination, il y a des signes qui montrent qu’on a la volonté politique d’ouvrir l’accès des femmes aux postes de haut niveau et de décision au sein du Gouvernement, de la magistrature, du corps diplomatique et d’autres institutions publiques, mais comme le rapport du pays le reconnaît lui-même, leur participation à la prise des décisions politiques et publiques ne correspond pas à la capacité et au potentiel des femmes jordaniennes. Pourtant, en ratifiant la Convention, le Gouvernement s’est engagé à accepter le droit des femmes jordaniennes à réaliser pleinement leurs capacités et leur potentiel. Par conséquent, il faut des interventions plus agressives de la part du Gouvernement, tant en ce qui concerne la nomination de femmes plus nombreuses à des fonctions officielles que la modification des attitudes du grand public quant au rôle des femmes dans la prise de décision.

M me  Gaspard, notant que les femmes sont encore nettement sous-représentées dans les organes de décision politiques et publics, voudrait savoir si l’on envisage d’augmenter à l’avenir le quota de 20 pour cent pour la représentation des femmes dans les conseils municipaux. Il est important de fixer des objectifs plus élevés, sinon tout quota risque d’être considéré comme un plafond.

Il faut également augmenter le nombre de femmes parlementaires. Une étude menée par l’Union européenne a montré que quand des quotas ont été introduits pour la représentation des femmes dans les conseils municipaux, les femmes élues ont été à même d’améliorer la vie locale en inscrivant de nouvelles questions à l’ordre du jour politique, telles que le besoin de services de garderie et d’heures de travail sensibles aux besoins des familles. Les femmes peuvent également aider à apporter de telles améliorations sur le plan national. De même, elles doivent bénéficier d’une formation afin de leur donner la confiance nécessaire pour faire acte de candidature et pour les doter des compétences nécessaires pour devenir des dirigeantes au niveau national et local.

M me  Gabr voudrait savoir s’il y a des chances que la réserve à l’égard du paragraphe de l’article 9 de la Convention sera retirée de manière à ce que des Jordaniennes mariées avec des non-Jordaniens puissent transmettre leur nationalité à leurs enfants. La même question a été réglée avec succès dans d’autres pays arabes, bien que l’orateur ait conscience des difficultés actuelles qui empêchent la Jordanie de concentrer toute son attention sur ce problème.

Notant que dans des cas humanitaires ou particuliers, un passeport peut être émis pour une durée de cinq ans – ce qui permet plus facilement à une Jordanienne mariée avec un non-Jordanien d’obtenir des passeports pour ses enfants dans des circonstances spéciales – l’orateur voudrait savoir combien de personnes ont obtenu un passeport en vertu de cette disposition. Le Comité voudrait également savoir quelles sont les mesures prises pour donner à ces enfants accès aux écoles et aux universités et pour garantir leur liberté de circulation. Enfin, l’orateur dispose d’information d’après lesquelles des étrangers mariés avec des Jordaniennes seraient obligés de quitter le pays tous les trois mois obtenir un nouveau visa. L’État partie devrait indiquer s’il existe des dispositions permettant à ces hommes de circuler librement.

M. Touq (Jordanie), répondant aux observations de MmeMaiolo, dit qu’il ne peut pas citer des statistiques concrètes concernant le nombre de femmes victimes de violences en Jordanie, mais il est certain que ce nombre est négligeable et se compare donc favorablement avec celui observé dans bien d’autres pays. Il souhaite corriger une idée fausse, à savoir que la violence à l’encontre des femmes serait très répandue dans les mondes arabe et islamique, ce qui représente une forme de stéréotype. Les femmes, y compris celles vivant dans les zones rurales, participent activement aux élections, en toute indépendance de leurs parents masculins. Ce qui plus est, quelque 240 femmes viennent d’être élues à des conseils municipaux.

La loi électorale temporaire est temporaire uniquement dans le sens qu’elle exige l’aval du Parlement pour entrer en vigueur. Elle fait actuellement l’objet d’un débat national soutenu, et il faut espérer que les succès obtenus par les femmes lors des récentes élections municipales auront un impact positif sur le débat. Le Gouvernement ne peut pas garantir que le nombre de femmes parlementaires augmentera sensiblement à l’issue des élections de novembre 2007, mais les efforts visant à augmenter leur effectif continueront à l’avenir.

Dans certains milieux, on considère que l’emploi de quotas est inconstitutionnel ou contraire aux principes des droits de l’homme. Toutefois, la plupart des gens sont persuadés que les quotas devraient être utilisés en tant que mesure temporaire pour faciliter l’accès des femmes à la vie politique. On espère qu’ils seront éliminés en fin de compte lorsque les femmes jouiront d’une égalité authentique sans avoir besoin d’une aide supplémentaire. Les femmes ont les mêmes chances que les hommes à être nommées aux postes de décision, bien qu’elles continuent à être sous-représentées. Toutefois, le pays est en train de changer et les Jordaniennes disposent actuellement de possibilités bien plus grandes en matière d’éducation, de voyage et d’emploi que les générations précédentes.

Répondant à MmeGabr, l’orateur dit qu’en raison de la situation politique dans la région, il est toujours difficile de revenir sur la réserve à l’égard du paragraphe 2 l’article 9 de la Convention, et il n’est donc pas en mesure d’indiquer quand elle pourra être retirée. Il ignore combien de personnes ont obtenu des passeports valables cinq ans, mais fournira cette information à une date ultérieure. Les non-Jordaniens mariés avec des Jordaniennes sont autorisés à résider en permanence dans le pays, bien qu’ils aient besoin d’un permis de travail pour obtenir un emploi. Les enfants de tels parents ont le droit de fréquenter les écoles jordaniennes.

M me  Khader (Jordanie) dit que le nombre de femmes membres et dirigeantes de partis politiques est en augmentation, et le Conseil des ministres compte un nombre élevé de femmes. Une femme vient d’être élue présidente d’un conseil municipal. D’autre part, des femmes de plus en plus nombreuses sont nommées à des postes de commandement dans les universités et au sein des différentes organisations de la société civile, non seulement celles qui s’intéressent directement aux affaires féminines. Les attitudes traditionnelles sont en train d’évoluer, et le public soutient le quota de 20 pour cent pour la participation des femmes aux organes pourvus par élection. En outre, il existe un mécanisme destiné à garantir que les femmes ne se voient pas refuser de l’avancement en raison de leur sexe.

Le travail accompli par les femmes exerçant des fonctions publiques est souvent jugé plus sévèrement que celui de leurs homologues masculins. Des campagnes médiatiques en cours visent à combattre cette attitude et les stéréotypes sexistes en particulier. On envisage également de créer un institut pour jeunes femmes dirigeantes afin de doter des femmes des compétences nécessaires à l’exercice du commandement. On s’emploie à intégrer une perspective sexospécifique dans toutes les politiques des pouvoirs publics, à responsabiliser les femmes à tous les niveaux de la société et à les faire participer dans tous les domaines du développement socio-économique national.

M. Touq (Jordanie), se référant à la question de la nationalité, dit que le Gouvernement vient de décider d’accorder aux réfugiés de la bande de Gaza vivant en Jordanie les mêmes droits en matière d’éducation et de soins médicaux que ceux dont bénéficient les Jordaniens. Les enfants de réfugiés irakiens, garçons et filles, ont droit à la scolarité gratuite, qu’ils aient ou non le statut de résident légal.

M me  Maiolo dit qu’elle ne voulait pas donner l’impression que toutes les femmes vivant en Jordanie ou dans le monde arabe étaient victimes de la violence familiale. Elle souhaitait seulement signaler que les efforts visant à soutenir les femmes victimes de violences aideraient à accroître le nombre de femmes ayant la confiance nécessaire pour faire acte de candidature.

M me  Patten souhaite obtenir une réponse à la question de savoir si le Gouvernement a examiné la possibilité de ratifier le Protocole facultatif à la Convention.

M. Touq (Jordanie) dit que la question de la ratification du Protocole facultatif n’a pas encore été examinée par le Gouvernement. Toutefois, la Commission nationale jordanienne de la femme fait du lobbying en faveur d’une telle démarche.

La séance est levée à 12 h 55.