Session extraordinaire

Compte rendu analytique de la 575e séance

Tenue au Siège, à New York, le vendredi 9 août 2002, à 10 heures

Président :Mme Abaka

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18de la Convention (suite)

Troisième rapport périodique de l’Ouganda

La séance est ouverte à 10 h 25.

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Troisième rapport périodique de l’Ouganda

À l’invitation de la Présidente, M me Bakoko-Bakoru (Ouganda) prend place à la table du Comité.

M me Bakoko-Bakoru (Ministre de la parité des sexes, du travail et du développement social), présentant le troisième rapport périodique de son pays, dit que son pays, bien qu’étant l’un des plus pauvres du monde, a ratifié la Convention en 1987 et a fait d’appréciables progrès dans l’application de ses dispositions. Le Gouvernement du mouvement de la résistance nationale s’est fermement engagé à faire assurer le respect des droits de la personne et à atteindre l’objectif de développement social et économique. Cet engagement s’est traduit en action par le programme de redressement économique de 1987, par la mise en œuvre d’une politique de décentralisation en 1992 et, plus récemment, par la réalisation d’un plan d’action pour l’éradication de la pauvreté (PEAP) afin d’améliorer durablement les moyens de subsistance de tous les Ougandais, et notamment des femmes. La parité des sexes est un des principes directeurs de ce plan d’action.

Les Ougandaises ont beaucoup contribué au rétablissement de la paix et à la fin des conflits en Ouganda et dans les pays voisins. La paix et la sécurité relatives des 15 dernières années ont généré une croissance économique et fait reculer la pauvreté, donnant ainsi à toutes les parties prenantes (État, société civile et secteur privé), la possibilité d’œuvrer à la promotion de la femme. Une des réalisations majeures de l’époque a été la promulgation, en 1995, d’une Constitution. Très sensible à la parité des sexes, elle met l’accent sur les droits et les libertés de l’être humain, affirmant l’égalité de tous les individus, interdisant la discrimination pour cause de sexe, d’âge, d’origine ethnique ou de condition sociale et obligeant l’État à prendre des mesures de discrimination positive pour remédier aux inégalités structurelles et sociales dont souffrent certaines catégories de population.

La politique nationale de la parité des sexes et le plan national d’action en faveur de la femme ont servi de base à la démarginalisation des femmes et une réforme a été engagée pour renforcer le cadre juridique, législatif et réglementaire du pays. La réforme du droit se présente sous la forme de projets de loi relatifs aux relations familiales, aux délits sexuels et à de nombreux aspects de la législation du travail. Le projet de loi sur les relations familiales, en particulier, est resté en souffrance dans le Cabinet ministériel pendant quatre ans; l’aval présidentiel lui est acquis, mais il attend encore les vues et contributions des organisations de la société civile. Des questions de procédures retardent également l’adoption du projet de loi sur l’emploi, lequel prévoit également la ratification de plusieurs Conventions de l’Organisation internationale du Travail. Des consultants ont rédigé le projet de loi sans commencer par citer les principes sur lesquels il s’appuie ou sans obtenir un avis de non-objection du Ministre des finances, du plan et du développement économique. Ces omissions sont cause que le projet de loi, qui avait besoin d’être rectifié, a été renvoyé devant le Cabinet ministériel.

Les mesures de discrimination positive ont amélioré la représentation des femmes dans les hautes instances de décision. Il y a eu des femmes vice-présidentes, adjointes du Président de la cour, adjointes du Président du parlement et Adjointes de l’Inspecteur de la police. Les dispositions relatives à la discriminations positive attribuent aux femmes un tiers des postes au niveau des administrations locales. La formation des accoucheuses traditionnelles dans le cadre d’un programme du Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP) a peut être été une source inattendue de démarginalisation de la femme en ce qu’elle a mis ces femmes en mesure d’exercer une influence dans leurs communautés.

Des dispositifs mis en place en 1988 sous les auspices de ce qui s’appelait alors « Ministry for Women in Development » supervisent la lutte contre l’inégalité entre sexes et la promotion de la femme. Si ces dispositifs ont changé, le but reste le même. Les programmes gouvernementaux s’adressent aux pauvres et aux personnes vulnérables : les femmes, les enfants, les invalides, les travailleurs et les personnes âgées. Le Ministère de la parité des sexes, du travail et du développement social a notamment pour mission de s’assurer que la parité des sexes est prise en compte dans les programmes gouvernementaux. Le succès de ces programmes sera mesuré à l’aune des obligations internationales du pays, de sa Constitution, des politiques sectorielles et des objectifs poursuivis par les divers ministères en vue de remédier aux écarts d’égalité entre sexes. Un document qui sera mis à la disposition du Comité définit un cadre qui pourra servir d’instrument à l’Ouganda et peut - être aussi sans doute à d’autres pays pour mieux cibler leur action et obtenir de meilleurs résultats.

Grâce au programme d’instruction primaire pour tous, les effectifs scolaires ont doublé, et l’effet en a été le plus sensible chez les filles. Aux niveaux primaire et secondaire, les filles obtiennent souvent de meilleurs résultats que les garçons. Une politique d’attribution de bonification de points aux filles à l’entrée du supérieur a eu pour effet d’y doubler les effectifs féminins. Le Gouvernement a comme autre priorité le programme d’alphabétisation fonctionnelle des adultes, qui vise à améliorer leurs aptitudes à la lecture, à l’écriture et au calcul et à leur donner ainsi la possibilité de mieux gagner leur vie. Des organisations de la société civile en font de même, de sorte que l’action conjuguée de l’État et des organisations non gouvernementales est considérable, surtout pour les femmes.

Le Gouvernement a mis l’accent sur les soins de santé primaire et la construction de routes afin de désenclaver les collectivités rurales. Les équipements sanitaires des écoles ont été améliorés : leur mauvais état était une des causes de décrochage scolaire des filles. L’approvisionnement des populations en eau potable a permis de réduire la distance que les femmes et les enfants devaient parcourir pour aller puiser de l’eau, problème qui influe directement sur leur qualité de vie. L’histoire du VIH/sida en Ouganda est connue du monde entier, mais les taux de prévalence, qui étaient de 22 % 10 ans plus tôt, sont descendus à 6,1 % en 2002, résultat d’une démarche multisectorielle alliant sensibilisation, soumission volontaire à des tests et à des conseils ainsi que prévention de la transmission de la mère à l’enfant.

La violence domestique contre les femmes et les enfants est réprimée par le Code pénal et les autres mesures prises pour combattre ce phénomène comprennent notamment la mise en place de services de protection de la famille dans les postes de police et l’organisation de campagnes de sensibilisation du public. La journée internationale de la femme a reçu pour thème « Fini le silence : Finie la violence contre la femme » et la Journée de l’enfant africain a été organisée sur le thème de la prévention de l’abus sexuel des enfants, sujet particulièrement approprié dans le sillage du Congrès mondial contre l’exploitation sexuelle de l’enfant, qui s’est tenu à Yokohama en décembre 2001.

La pauvreté de l’Ouganda constitue une gageure pour la mise en œuvre de la Convention en ce que cela limite l’aptitude du pays à répondre aux besoins sociaux et économiques de la population. L’Ouganda s’emploie néanmoins à générer, documenter et diffuser des données ventilées par sexe pour faciliter la définition des orientations et évaluer les résultats de l’action engagée. Il en a été tiré parti dans l’établissement du plan d’investissement stratégique pour le secteur du développement social (SDSSIP), qui sera prêt en octobre 2002. L’Ouganda est convaincu que ce plan est le premier de son espèce et qu’il pourra être utile à d’autres pays. Il s’agit de lutter contre l’exclusion : répondre aux besoins des pauvres et des personnes vulnérables et étendre aux femmes des zones rurales les réalisations des Ougandaises en politique, dans la société civile et dans le domaine de l’éducation. Il faudra sans doute compter avec le poids de la tradition et avec le fait que l’instabilité politique menace encore certaines régions du pays. Le gouvernement demeure résolu à satisfaire à ses obligations internationales.

M me Kwaku félicite la délégation des efforts déployés par le gouvernement pour accroître le nombre de femmes dans la fonction publique; elle espère que ces fonctionnaires ne sont pas de simples figurantes et que le prochain rapport fera état des résultats de leurs activités. Ce que fait le gouvernement pour combattre le VIH/sida mérite aussi des éloges. Toutefois, il faut s’appliquer davantage à faire passer dans le droit interne ce que la Constitution comporte de sensibilité à l’exigence d’égalité entre les sexes. L’adoption de textes de loi aussi importants que le projet de loi sur les relations familiales et le projet de loi sur les délits sexuels est en instance depuis de nombreuses années; il est difficile de ne pas conclure que le Gouvernement n’a pas la volonté politique nécessaire pour les faire adopter.

Il serait utile de savoir le nombre de femmes que compte la Commission ougandaise des droits de l’homme, si celles qui en sont membres le sont par la vertu d’un quota, de combien d’affaires de violation des droits des femmes la Commission a été saisie et ce qu’en a été l’issue, comment fonctionne le système de réparation et qui est chargé de la payer.

Le fait que le Ministère qui s’appelait l’ex-Ministry of Women in Development a été intégré au Ministère de la parité des sexes, du travail et du développement social donne à penser que l’on se préoccupe moins des problèmes de la femme. Mme Kwaku demande ce qu’est le budget du Ministère, tant en chiffres qu’en pourcentage du budget de l’État, et s’il dispose de ressources suffisantes pour la réalisation de ses projets.

Enfin, compte tenu du fait que le Gouvernement n’a pas réussi à éliminer la prostitution, elle voudrait savoir s’il envisage de nouvelles dispositions pour protéger les femmes devenues prostituées par la force des dangers que cela présente, notamment pour leur santé.

M me Shin insiste sur le fait qu’il n’y a pas d’excuse au retard mis pour la suppression ou la modification de dispositions législatives discriminatoires aussi rapidement que cela est possible afin de les aligner sur celles de la Constitution. Par ailleurs, l’argument avancé par le Président selon lequel le projet de loi sur les relations familiales n’aurait pas été adopté pour la raison que les ONG du pays n’ont pas présenté d’observations sur la question n’est pas acceptable. Le Gouvernement est tenu de faire disparaître toutes les formes de discrimination et de violence contre les femmes. Il faut aussi des dispositions spéciales pour protéger et aider les femmes qui sont dans une situation vulnérable. Le Ministère de la parité des sexes, du travail et du développement social devrait prendre l’initiative sur ces questions.

Mme Shin se félicite que l’on ait fait entrer la violence contre les femmes dans le plan national d’action en faveur de la femme. Il serait utile de connaître le calendrier établi pour la mise en application du plan ainsi que son financement. Les ONG se sont certes employées à battre en brèche l’acceptation de la violence domestique par le public en général, mais le Gouvernement n’y attache pas assez d’importance; Mme Shin espère que des plans plus précis seront établis.

M me Ferrer note qu’en dépit du fait que la Constitution est animée d’un souci d’égalité des sexes, les femmes continuent de souffrir, à beaucoup d’égards, du droit coutumier et des pratiques traditionnelles; il faut que le gouvernement s’applique à combattre les stéréotypes. Il est troublant de constater que même les magistrats refusent d’admettre la recevabilité de preuves concrètes pour n’avoir pas à condamner des hommes pour des actes criminels tels que viol et violences domestiques, que les femmes qui dénoncent à la police des maris qui les battent sont vouées au mépris public pour avoir parlé ouvertement de « problèmes de famille » et que l’on continue à pratiquer la mutilation génitale féminine dans certains endroits. Il faut organiser des campagnes locales de sensibilisation, en particulier parce que beaucoup d’Ougandais ne savent ni lire ni écrire et on aimerait savoir ce que le Gouvernement entend faire à ce sujet.

Il est dit dans le rapport que, grâce à la décentralisation, les collectivités locales auront la possibilité de s’autogérer et de mobiliser leur propres ressources, mais qu’il n’y a eu recentrage de la problématique des sexes que dans 13 des 45 districts du pays. Il serait dangereux de transférer du pouvoir à des collectivités locales avant que cette opération ait eu lieu.

Enfin, Mme Ferrer voudrait savoir si le projet dit « National Long Term Perspective Studies (NLTPS) Uganda Vision : 2025 Project » fait une place à la recherche de l’égalité des sexes et si des dispositions précises sont prises pour que les femmes puissent en bénéficier.

M me Schöpp-Schilling demande des exemples de l’impact qu’a le recentrage de la problématique des sexes sur les orientations et les programmes de ministères autres que celui de la parité des sexes, du travail et du développement social et elle demande s’il faut joindre à tout projet de loi et à toute proposition d’orientation ou programme une déclaration disant qu’une analyse d’impact sur les deux sexes a été faite ainsi qu’un compte rendu des résultats de cette opération afin de rappeler aux membres du Cabinet qu’il faut tenir compte des besoins des femmes dans toutes les activités gouvernementales.

MmeSchopp-Schilling demande si un calendrier et des dates limites ont été établis pour l’alignement des dispositions législatives relatives à la famille sur celles de la nouvelle Constitution, si la question du droit des femmes à posséder des terres est prise en compte dans le projet de loi sur les relations familiales et si le fait que les opérations de microfinancement font intervenir davantage de femmes que d’hommes résulte d’une préférence délibérée des prêteurs pour les femmes. Il serait utile aussi de connaître d’autres exemples de discrimination positive dans des domaines autres que ceux de la politique et de l’éducation et de savoir si l’application de mesures temporaires spéciales comme l’établissement de quotas pour les femmes dans le domaine des charges politiques ainsi que les bonifications de points et les bourses accordées aux filles a rencontré beaucoup d’opposition. Elle espère qu’il est bien entendu que l’on ne pense pas que les étudiantes sont moins intelligentes que leurs homologues de l’autre sexe et qu’elles auraient de ce fait besoin de bénéficier de conditions spéciales. Elle voudrait des précisions concernant l’instance chargée de fixer la place des conventions internationales dans la hiérarchie du droit ougandais ou savoir quand il y sera pourvu. Elle fait observer que les termes d’« équité » et d’« égalité » ne sont pas synonymes et elle demande à la délégation de dire comment elle les comprend.

M me Tavares da Silva note que dans son état actuel la loi agraire est la plus profitable aux pauvres, qui sont en majorité des femmes. Elle demande si le nouveau texte de loi envisage de mettre les hommes et les femmes sur un pied d’égalité quant à l’accès à la terre. Le Comité a appris de sources non gouvernementales que les dispositions relatives à l’égalité du mari et de la femme ont été retirées du projet de loi, mais qu’elles y seront remises avant son adoption; c’est là une question importante étant donné que les femmes représentent de 70 à 80 %t de la main-d’œuvre agricole alors qu’elles ne sont que 7 % à être propriétaires de terres et qu’elles ont du mal à obtenir des prêts, hypothèques ou autres formes de crédit. On aimerait avoir une explication sur ce point.

Le rapport dégage une impression d’impuissance en ce qui concerne les relations qu’il y a entre l’étendue de la pauvreté, la traite des êtres humains et la prostitution en Ouganda. Il n’y a pour ainsi dire pas de poursuites ou condamnations de délinquants et les victimes ougandaises du trafic international des êtres humains deviennent ensuite les victimes des lois d’immigration. Mme Tavares da Silva demande comment le Gouvernement envisage de faire face à une violation aussi flagrante des droits fondamentaux de la femme.

M me Bakoko-Bakoru (Ouganda) dit qu’il est important de comprendre le processus de l’élaboration des lois en Ouganda. Elle a été membre du Parlement de 1996 à 2001 et elle s’est, en ce qui concerne les problèmes de la femme, heurtée à une grande résistance de la part des parlementaires hommes, qui considèrent que leurs collègues femmes sont arrogantes et qui voient l’égalité des sexes comme une question qui n’intéresse que le Président. Avec le temps, cependant, les femmes se sont constituées en groupes et elles ont organisé des campagnes de sensibilisation de la société civile au niveau du district et fait pression sur leurs collègues de sexe masculin. Dans tout système patriarcal, même dans les pays développés, il faut éduquer avant de pouvoir engager un débat parlementaire.

Mme Bakoko-Bakoru espère que la compétence dont a fait preuve l’Adjointe du Président du Parlement ougandais montrera qu’elle n’a pas été nommée à ce poste pour des raisons symboliques et que cela préparera la voie à la nomination future d’une Présidente du Parlement. Le seul nombre de membres féminins du Parlement montre que les femmes en sont venues à constituer une force avec laquelle il faut compter dans la prise des décisions en Ouganda : la nouvelle Constitution y a contribué dans une certaine mesure du fait qu’elle témoigne d’une exceptionnelle sensibilité à l’exigence d’égalité des sexes. Une femme préside la Commission ougandaise des droits de l’homme, laquelle a, dans l’exercice de ses compétences juridictionnelles, statué à plusieurs occasions en faveur des femmes. Les progrès réalisés en Ouganda depuis la présentation de son dernier rapport périodique tiennent pour une large part à la sensibilité de son équipe dirigeante à la problématique des sexes : le Cabinet ministériel y est devenu très sensible et le Président Museveni s’affirme comme champion des droits de la femme. Les mesures de discrimination positive mises en place durant les élections parlementaires ont permis à un plus grand nombre de femmes de participer à la direction des affaires du pays et contribué également à accroître la sensibilité du public en général aux aptitudes et à la compétence des femmes. Cela dit, d’aucuns sont d’avis que les femmes pourraient jouer un rôle plus actif dans l’arène politique si, au lieu de devoir leur élection à la discrimination positive, elles se faisaient élire par la voie ordinaire dans leurs circonscriptions électorales.

L’approbation, par le Parlement, de propositions de loi en faveur des femmes dépend de son humeur du moment et de l’attention qu’il est disposé à porter aux textes. Pour illustrer son propos Mme Bakoko-Bakoru se réfère à la loi agraire, qui assurera aux femmes un accès à la terre et aux biens, droit qui est encore maintenant très réduit. Pour remédier à cette situation, des associations d’Ougandaises et des femmes politiques ont rédigé un amendement tendant à promouvoir la copropriété et fait pression sur le Parlement pour l’amener à l’approuver. Seulement, quand l’amendement a été présenté au Parlement, beaucoup de ses membres étaient plus préoccupés de leur élection au 7e Parlement que des droits de la femme, et c’est pourquoi l’amendement n’a pas été approuvé. Néanmoins, les auteurs de cet amendement ont reçu l’assurance que le texte en sera prochainement incorporé dans la loi et, en dépit de ces difficultés particulières, le fait est que le Gouvernement est tenu de consulter la société civile, le public et autres parties prenantes durant la discussion de toute proposition de loi.

Après le changement d’appellation du « Ministry of Women in Development » en Ministère de la parité des sexes, du travail et du développement social, certaines Ougandaises se sont senties marginalisées. Toutefois, la nouvelle appellation n’entraîne pas de changements de priorités : il s’agissait seulement d’une restructuration interne. Cette restructuration fera bientôt l’objet d’un examen gouvernemental et on espère qu’à l’avenir la Direction de la parité des sexes jouera une rôle plus important au sein du Ministère. Le Ministère de la parité des sexes, du travail et du développement social a fait paraître, pour 2002, une déclaration de principe dans laquelle il justifie, par des arguments dignes de foi, sa demande de fonds. Le résultat en a été que le Parlement a attribué au Ministère un crédit supplémentaire de 500 millions de shillings ougandais, crédit qui viendra s’ajouter à l’allocation habituelle de 2 % du budget de l’État.

La Direction de l’éradication de la pauvreté et des droits économiques et civils est chargée des initiatives de microfinancement à l’intention des femmes. Des discussions sont engagées concernant l’avenir de ces initiatives, étant donné que le microfinancement a été reconnu comme activité économique plutôt que comme manne politique, de sorte qu’il pourrait être plus approprié d’en confier la gestion au secteur privé afin de parer aux risques de concussion. Il n’existe pas encore de programme de microfinancement dans les zones rurales et c’est là une lacune qu’il va falloir combler.

À propos des stratégies gouvernementales de lutte contre la prostitution, Mme Bakoko-Bakoru fait remarquer que la réduction des niveaux de VIH/sida parmi les femmes, niveaux tombés de 30 à 5 %, montre que les femmes qui y sont exposées, et surtout les prostituées, songent davantage à se protéger. S’il n’y a pas encore en Ouganda de loi sur la prostitution, on n’en reconnaît pas moins que celle-ci existe et des programmes sont en place qui visent à faire prendre davantage conscience aux gens de la nécessité de se prémunir contre les risques de maladies sexuellement transmissibles. Des préoccupations se sont fait jour concernant le nombre de toutes jeunes filles que l’on rencontre la nuit sur les trottoirs de Kampala, et, si l’on veut arriver à faire baisser les taux d’infection par le VIH/sida, il faut à tout prix que ces filles soient informées, d’une manière ouverte et franche, des risques que comporte la prostitution.

En réponse à une question concernant l’absence de loi en faveur de l’égalité des sexes, Mme Bakoko-Bakoru reconnaît que certains aspects de la législation ougandaise sont discriminatoires, mais il est important aussi de savoir que cette législation, y compris le Code pénal, date en grande partie de l’époque coloniale. Le Ministère de la parité des sexes étudie la possibilité de mettre sur pied un système de contrôle des lois permettant de recenser celles qu’il faudrait moderniser ou abroger. Les dispositions législatives relatives à la violence domestique seraient en particulier à abroger. Le Gouvernement a coopéré avec les organisations non gouvernementales à l’organisation de campagnes de sensibilisation et il a l’intention de poursuivre sur cette voie. Il a par ailleurs, dans le sillage du Sommet de Yokohama, défini un plan d’action relatif à la violence contre les femmes.

S’il est vrai qu’en Ouganda la tradition trouve inacceptable qu’une femme dénonce un mari violent, les mentalités n’en commencent pas moins à évoluer à cet regard comme en témoigne le nombre de celles qui engagent une procédure de divorce sans que leur image sociale en souffre. Certains hommes ont dit voir dans la démarginalisation de la femme un affaiblissement de leur rôle, mais, avec les progrès de l’éducation, l’ensemble de la société civile commence à mesurer l’importance de l’égalité des sexes et les hommes s’habituent au phénomène de la discrimination positive en faveur des femmes.

Des mesures sont prises pour faire prendre conscience à la population des dangers de la mutilation génitale féminine, qui se pratique encore en Ouganda. Dans certains endroits, l’excision a été remplacée par une cérémonie rituelle et de nombreuses filles refusent de se soumettre à la circoncision. Il est regrettable que les fonds prévus pour un projet visant à réduire les niveaux de mutilation génitale féminine aient été retirés pour des raisons politiques.

La décentralisation institutionnelle et administrative est essentielle si l’on veut que les mesures de lutte contre le sexisme produisent des effets sur les populations. Le Ministère de la parité des sexes n’ignore pas les défis auxquels il est confronté et il a, avec la collaboration des organisations non gouvernementales, commencé à intervenir au niveau des sous-comtés et des communes pour sensibiliser le personnel des administrations locales à la problématique des sexes. Il est important de coopérer étroitement avec la société civile pour mieux faire comprendre les questions d’égalité des sexes et pour en ancrer le principe dans des plans au niveau administratif le plus bas possible. En ce qui concerne l’accès aux services, Mme Bakoko-Bakoru dit sa satisfaction de constater que les femmes des régions rurales se montrent disposées à agir et à réclamer des services à l’administration des sous-comtés si elles estiment en être quelque peu oubliées. Il faut à tout pris encourager ce type de comportement et faire en sorte que toutes les femmes prennent conscience de leurs besoins et de leurs possibilités. Le Gouvernement ougandais n’ignore pas que le pays est en retard sur d’autres pour l’enseignement des droits de la femme, mais il est résolu à faire des progrès dans ce sens et il souhaite suivre à cet égard l’exemple des pays scandinaves.

La pauvreté est un sujet très préoccupant en Ouganda, mais il serait presque impossible de s’y attaquer avec quelque chance de succès s’il n’y a pas de paix dans la région des Grands Lacs : tant que les frontières entre l’Ouganda et ses voisins demeureront fermées, les restrictions commerciales persisteront. Les derniers mois ont toutefois été témoins d’évolutions positives – ouvertures de paix au Soudan et au Congo, bonnes dispositions de l’Afrique du sud concernant l’achat de produits agricoles à l’Ouganda et décision des États-Unis et des pays de l’Union européenne de lever les obstacles au commerce.

Le respect des droits de la personne est déjà proclamé par la Constitution et, ce qui est encore plus important, il est ancré dans la conscience des gens et, quand il y a violation de ces droits, la justice en est saisie, justice dont toutefois l’accès, surtout pour les pauvres, est un sujet de grande préoccupation, ce qui a conduit un certain nombre d’organisations à proposer des services juridiques aux femmes ou à les aider à subvenir aux frais de procédure. Le pays en est toujours à s’efforcer de faire en sorte que la justice soit vue comme un droit et non comme un privilège accordé aux personnes qui en ont les moyens.

M me Açar se dit préoccupée par la déclaration du Président disant qu’il ne voudrait pas que le projet de loi sur les relations familiales conduise à l’éclatement des familles, ce qui semble aller dans le sens de l’idée selon laquelle les droits fondamentaux de la femme seraient contraires à l’institution de la famille. Le Comité pense, au contraire, que le respect de ces droits est la meilleure garantie que puisse avoir cette institution. Il serait intéressant de savoir si l’appui des chefs des communautés religieuses et civiles en faveur du projet de loi a été obtenu dans le cadre de consultations.

M me Corti dit que beaucoup des mesures qui sont à l’étude sont des mesures d’ouverture de perspectives, mais il faut que les progrès continuent. Elle aimerait en savoir davantage sur la Commission de l’égalité des chances prévue par la Constitution, Commission qui pourrait, semble-t-il, alléger la charge du Ministère en jouant le rôle indispensable de chien de garde. Elle demande aussi si il y a eu évaluation de la stratégie d’éradication de la pauvreté.

Comme la prostitution et le tourisme sexuel ont tout l’air de se développer, les mesures gouvernementales prises à cet égard ne semblent pas avoir eu d’effet. Enfin, on a, à propos de la mutilation génitale féminine, utilisé le terme d’ »excision », qui est bien le terme à utiliser parce que cela montre clairement qu’il s’agit là d’une pratique délictueuse.

M me Raday dit que le droit ougandais de la famille contient un certain nombre de dispositions qui sont en tant que telles discriminatoires, comme la polygamie, qui est légale, ainsi que les dispositions législatives relatives à l’adultère et les restrictions mises à la libre circulation des femmes. La mutilation génitale féminine n’est pas autorisée, mais elle se pratique. On ne voit pas très bien s’il a même été envisagé de retirer de telles dispositions du projet de loi sur les relations familiales, et on aimerait savoir ce que le Gouvernement a l’intention de faire à cet égard.

M me Goonesekere dit que la réforme constitutionnelle de 1995 a été une importante réalisation, mais l’existence d’une forme quelconque de moyens de droit demeure nécessaire pour qu’il soit possible de contester la validité des lois. Elle demande s’il est possible de saisir la Cour Suprême de la constitutionalité de la loi sur les passeports ainsi que du droit coutumier. Elle voudrait savoir dans quelle mesure l’enseignement du droit et la formation des magistrats répondent aux dispositions de la Constitution autorisant les tribunaux à appliquer le droit international.

M me Hazelle se dit préoccupée par l’absence de mesures concernant l’existence de moyens alternatifs de subsistance pour les prostituées et elle demande s’il est prévu des mesures de lutte contre l’exploitation. Elle se dit préoccupée aussi d’apprendre qu’aux termes de la loi sur l’immigration, les femmes qui ont été victimes du trafic international des êtres humains sont tenues de rembourser le coût de leur rapatriement, devenant ainsi doublement victimes.

Elle demande à être informée sur les types de délits visés au chapitre 106 du Code pénal ainsi que sur les peines prononcées. On a parlé de la célébration de la Journée internationale de la femme, et elle aimerait en savoir davantage sur ces activités et les catégories de population ciblées. Elle aimerait recevoir un complément d’information sur la composition des services de protection de la famille mis en place dans les commissariats de police, sur la formation de leurs membres ainsi que sur les types d’affaires qui leur sont signalées et la suite qui leur est donnée.

Enfin, elle pense que l’assistance technique du Secrétariat du Commonwealth pourrait contribuer à affiner la démarche de recentrage de la problématique des sexes.

M me Bakoko-Bakoru (Ouganda) dit que les services de protection de la famille s’occupent des cas d’abandon de famille, de garde des enfants, de violence contre les femmes et d’affaires de cette nature. La célébration de la Journée internationale de la femme a en fait duré plus d’un mois, avec conférences, couverture médiatique et dialogue avec le public. Tous les districts du pays y ont participé. On ne dispose pas, sur les femmes vendues aux fins de prostitution, d’information étayée par des documents, mais il en a été établi sur celles qui ont été enlevées par des rebelles.

Les travaux relatifs au projet de loi sur les relations familiales avancent lentement parce que les problèmes ne sont pas encore bien compris même des membre du Parlement. Il faudra des consultations et un consensus pour arriver à avoir un projet de loi qui ait des chances de finir par être accepté. L’enseignement du droit comprend des cours sur les droits de la personne et les magistrats se sont déplacés pour aller dans les districts assurer aux agents de police une formation en matière de droits de la personne, notamment en ce qui concerne les cas de violence sexuelle.

À propos des conflits de législation entre les lois et la Constitution, il s’agit, encore une fois, de comprendre que la constitutionalité d’une loi peut être contestée. Même les femmes instruites acceptent en général leur position subordonnée. On peut, certes, contester la constitutionalité des dispositions législatives relatives aux passeports, mais il faudra pour cela que les femmes apprennent à connaître leurs droits.

La Commission de l’égalité des chances est un organisme très important et le Parlement est saisi d’un projet de loi sur la question. Il a toutefois des incidences financières qui appellent un examen attentif.

La séance est levée à 13 h 5.