Comité pour l’élimination de la discriminationà l’égard des femmes

Trente-cinquième session

Compte rendu analytique de la 721e séance

Tenue au Siège, à New York, le mardi 16 mai 2006, à 10 heures

Présidente :Mme Manalo

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Premier, deuxième et troisième rapports périodiques groupés de la Bosnie-Herzégovine

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports soumis par les États partiesconformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Premier, deuxième et troisième rapportspériodiques groupés de la Bosnie-Herzégovine (CEDAW/C/BIH/1 à 3; CEDAW/C/BIH/Q/3 et Add.1)

À l’invitation de la Présidente, les membres de la délégation de Bosnie-Herzégovine prennent place à la table du Comité.

M me  Filipović-Hadziabdić (Bosnie-Herzégovine) déclare que la guerre qui a ravagé le pays de 1992 à 1995 avait notamment eu pour conséquences de laisser le pays dans un état de dévastation économique et d’entraîner des modifications de la structure administrative nationale. Il a donc fallu aux divers organismes étatiques, institutions et ONG concernés déployer un effort considérable en vue de recueillir les données nécessaires à la rédaction du rapport soumis au Comité. Plus de 200 personnes ont participé à la préparation de ce rapport.

Mme Filipović-Hadziabdić retrace les événements survenus depuis la reconnaissance internationale de la Bosnie-Herzégovine en 1992, notamment la guerre, les déplacements massifs de population, les très nombreuses victimes du conflit et de graves dégâts sur le plan économique. Avec le soutien de la communauté internationale, la conclusion de l’Accord-cadre général pour la paix en Bosnie-Herzégovine (Accord de paix de Dayton) a débouché sur la mise en place d’une structure politique complexe, composée de deux entités : la Fédération de Bosnie-Herzégovine et la Republika Srpska.

Après avoir présenté la structure en question, Mme Filipović-Hadziabdić décrit les mécanismes institutionnels qui ont été institués s’agissant du processus d’intégration de perspectives sexospécifiques au niveau de l’État, de l’entité, du canton et de la municipalité, en mettant en exergue les fonctions de l’Agence pour l’égalité entre les sexes, et l’accent mis sur la formation des points focaux au sein de la plupart de ces mécanismes institutionnels à la prise en compte des sexospécificités.

S’agissant ensuite du cadre juridique national et international du processus d’intégration de perspectives sexospécifiques, Mme Filipović-Hadziabdić attire l’attention sur le fait que le Protocole facultatif à la Convention est entré en vigueur en Bosnie-Herzégovine en décembre 2002. Les principaux mécanismes au sein du dispositif national sont la Constitution, la loi sur l’égalité entre les sexes, le Code pénal de l’État et les codes pénaux en vigueur dans chaque entité, la loi sur la famille et la loi sur la protection contre la violence familiale. La loi sur l’égalité entre les sexes applicable en Bosnie-Herzégovine érige en infraction pénale non seulement la discrimination direct et indirecte, mais aussi la violence dans la famille et le harcèlement sexuel, de même qu’elle expose les obligations des autorités compétentes s’agissant de l’adoption de programmes et de mesures en vue de la réalisation de l’égalité des sexes dans tous les domaines, conformément à ses dispositions.

Le Gouvernement est fier des résultats obtenus dans la mise en œuvre des diverses dispositions de la Convention, grâce à une stratégie étroitement liée à l’application de la loi sur l’égalité entre les sexes et des lois et plans d’action y afférents. Sept groupes de travail thématiques ont formulé une série de recommandations et de mesures, d’indicateurs et de données statistiques, de même qu’ils ont mis au point des mesures temporaires spéciales pour faire progresser l’égalité entre les sexes, en particulier dans les domaines de l’éducation, de l’emploi et des questions sociales. En outre, une attention particulière a été accordée à la question de la prévention de la traite des femmes et autres formes d’exploitation, au renforcement de la participation des femmes à la vie politique et publique et à la population active, à l’amélioration de la condition féminine en régions rurales et à la question de l’égalité d’accès à la protection sociale et aux soins de santé.

Il a par ailleurs été décidé que les groupes vulnérables, comme les Rom et autres minorités nationales, devraient faire l’objet d’une attention accrue. En juillet 2005 seulement, une stratégie a été adoptée par le Conseil des ministres en vue de résoudre certaines questions liées aux aspects sociaux, aux infrastructures et au bien-être pour améliorer les conditions de vie de ces populations. En outre, un plan d’action relatif aux besoins en matière d’enseignement a été intégré au Plan d’action sur la sexospécificité, et un Conseil consultatif pour l’égalité des sexes au sein des populations rom a été créé, visant à la préparation d’un plan d’action séparé pour l’égalité des sexes chez les Rom.

Articles 1 et 2

M me  Schöpp-Schilling félicite la délégation pour la franchise avec laquelle elle a décrit les difficultés de la Bosnie-Herzégovine pendant la transition politique et économique et se déclare préoccupée de la situation juridique s’agissant de la discrimination à l’égard des femmes. Tout en se félicitant de l’adoption de la loi sur l’égalité des sexes, elle est consciente du fait qu’il subsiste certains problèmes d’harmonisation avec les autres lois en vigueur et qu’un certain nombre de modifications législatives sont sur le point d’être adoptées. Elle demande comment le Gouvernement entend mettre en œuvre les propositions des groupes de travail thématiques et aimerait savoir si un délai a été fixé s’agissant de l’adoption des modifications législatives.

Elle se déclare par ailleurs préoccupée par les rapports relatifs à la précarité des conditions d’hébergement des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays et des femmes ayant été victimes de crimes sexuels. Elle aimerait donc savoir ce que le Gouvernement envisage de faire en vue d’éviter de futurs déplacements.

M me  Šimonović, s’exprimant en sa qualité d’experte, exprime le vœu que les remarques finales du Comité seront prises en compte dans le Plan d’action sur l’égalité des sexes qui est le point d’être adopté dans le pays. Elle demande également si des mesures ont déjà été prises pour mettre en œuvre les recommandations d’autres organes des Nations Unies créés en vertu d’instruments internationaux.

Elle relève que la Constitution de Bosnie-Herzégovine mentionne expressément la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et ses protocoles, les déclare directement applicables en Bosnie-Herzégovine et précise que ces textes priment sur toutes les autres lois. Elle serait cependant curieuse de connaître le statut d’autres instruments internationaux et de savoir comment les ressortissants de Bosnie-Herzégovine ont fait valoir le droit qui est le leur de porter des affaires de violations des droits de l’homme devant les tribunaux. De plus, elle demande à la délégation de fournir des informations complémentaires sur la formation des instances judiciaires en Bosnie-Herzégovine.

M. Flinterman se félicite du fait que la Convention et le Protocole facultatif puissent être invoqués devant les tribunaux de Bosnie-Herzégovine. Il est cependant regrettable qu’aucune affaire comportant une référence à ces instruments n’ait été soumise, soit par des particuliers, soit par des tribunaux agissant de plein droit. Il se demande si cette situation est imputable à une méconnaissance de la Convention. Il se peut que la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, expressément mentionnée dans la Constitution nationale, est réputée plus importante que la Convention CEDAW ou que la nécessité de réaliser l’égalité des sexes a simplement été occultée par la question omniprésente de l’égalité ethnique.

D’après les réponses à la liste des thèmes et questions, l’Agence pour l’égalité entre les sexes procède actuellement à la publication de la Convention et de son protocole facultatif en quatre langues (bosniaque, croate, serbe et anglais) en vue de leur distribution. Toutefois, parallèlement à la diffusion de ces textes, il pourrait être judicieux de fournir aux acteurs concernés une formation complémentaire sur les dispositions de fond de la Convention et sur les procédures à suivre pour déposer plainte en vertu du Protocole. M. Flinterman est particulièrement intéressé à savoir si les divers médiateurs ont reçu une quelconque formation de ce type.

M me  Filipović-Hadziabdić (Bosnie-Herzégovine) tient à indiquer que les efforts d’information sur la Convention, déployés en Bosnie-Herzégovine, sont en cours. Si l’Agence pour l’égalité entre les sexes, dans le cadre du dispositif national de promotion de la femme, a l’obligation de diffuser des informations sur la Convention et sur le Protocole facultatif, d’autres entités gouvernementales ont également pour responsabilité de promouvoir le respect des droits de la femme.

Le texte de la Convention figure en annexe de la Constitution nationale et de la Constitution de la Fédération de Bosnie-Herzégovine. L’Agence entend tenir compte des remarques finales du Comité dans son projet de plan d’action national sur l’égalité entre les sexes. Plusieurs tentatives ont été déployées en vue de faire connaître la Convention et la nouvelle loi sur l’égalité entre les sexes aux instances du pouvoir judiciaire, mais il reste beaucoup à faire à ce chapitre. Les particuliers ne savent pas comment invoquer les dispositions de la Convention devant les tribunaux, et de nombreux juges et procureurs ont une connaissance insuffisante des instruments internationaux de sauvegarde des droits de l’homme. Si les femmes ont la possibilité de soumettre aux médiateurs des plaintes pour discrimination sexuelle, il est rare que la légitimité de ces plaintes soit reconnue. De plus, même si l’Agence a invité un certain nombre de médiateurs à participer à des sessions de formation sur la prise en compte des sexospécificités, aucun d’entre eux n’a encore choisi de se prévaloir de cette possibilité.

Mme Filipović-Hadziabdić reconnaît que l’égalité ethnique a tendance à prendre le pas sur l’égalité des sexes en Bosnie-Herzégovine. C’est une tendance que l’on retrouve dans les médias, qui n’abordent pas souvent la question de la promotion de la femme. Des efforts ont été engagés, cependant, en vue de diffuser des informations sur les possibilités qu’offre le Protocole facultatif mais, malheureusement, les moyens financiers et humains sont sérieusement limités, et l’Agence éprouve toutes les difficultés à convaincre d’autres institutions de l’État que les questions d’égalité sont étroitement liées au développement durable et aux droits de l’homme.

Même si l’article 31 de la nouvelle loi sur l’égalité entre les sexes prévoit l’harmonisation de toute la législation nationale avec ce texte, le parti d’État traverse une période de transition, et un grand nombre de nouveaux textes de loi sont en cours de rédaction. Il est donc difficile de garantir que les dispositions de l’article 31 sont mises en œuvre. De plus, 30 % seulement des projets de modification à la loi, qui avaient pour but de l’aligner sur les normes internationales applicables, ont été acceptés. Mme Filipović-Hadziabdić éprouve le sentiment malheureux que l’opinion publique n’estime pas que la législation relative à l’égalité entre les sexes est obligatoire.

En réponse à la question concernant les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays et les femmes ayant été soumises à des violences sexuelles durant la guerre, elle reconnaît l’existence de problèmes de logement et note que les victimes de violences sexuelles en temps de guerre ne bénéficient actuellement d’aucune protection devant la loi. L’Agence pour l’égalité des sexes et le Ministère des droits de l’homme et des réfugiés font actuellement pression sur les autorités compétentes nationales afin qu’elles veillent à ce que ces catégories vulnérables ne soient pas expulsées de leur logement. Au niveau politique et en réponse aux conclusions et recommandations du Comité contre la torture, on s’efforce actuellement d’introduire une nouvelle loi sur les victimes de tortures, qui permettrait d’assurer une protection à ces catégories de personnes.

M me  Dairiam demande des éclaircissements complémentaires sur la manière dont l’État partie envisage les concepts d’égalité et d’équité. Étant donné la complexité de la structure institutionnelle de la Bosnie-Herzégovine et des capacités limitées dont dispose l’Agence pour l’égalité des sexes, elle pose également une question sur les mesures prises en vue de garantir une démarche unique et cohérente dans le cadre de l’élaboration du projet de plan national d’action sur l’égalité des sexes. Elle demande si des consultants ou des représentants d’ONG ont joué un rôle dans ce processus.

Elle apprécierait de bénéficier d’informations complémentaires sur le tableau des effectifs de l’Agence, de même qu’elle souhaiterait savoir comme cette instance entend mobiliser les ressources nécessaires à la réalisation de son mandat. Enfin, il est clair, au vu des réponses à la liste des thèmes et questions qu’un certain nombre d’organes de l’État ne se conforment pas aux dispositions de l’article 18 de la loi sur l’égalité des sexes concernant la collecte de données ventilées par sexe. Elle demande si des mesures quelconques ont été prises à l’encontre des institutions concernées.

M me  Gaspard, au sujet du fait que plus de 200 personnes ont participé à la présentation du rapport, demande si le processus lui-même a permis de sensibiliser à la nécessité de renforcer la mise en œuvre de la Convention au niveau national. Elle serait également intéressée de savoir si les dirigeants politiques ont, eux aussi, été informés de cet impératif. L’État partie devrait fournir des informations complémentaires sur les mesures prises en vue de coordonner le processus de rédaction et indiquer dans quelle mesure l’harmonisation de la législation nationale a été évoquée dans ce contexte.

M me  Pimentel félicite l’État partie de sa franchise et des efforts qu’il a réalisés au chapitre de la reconstruction postconflit. Toutefois, elle se déclare préoccupée du fait qu’il semble subsister des rôles et des stéréotypes traditionnels et, à cet égard, attire l’attention sur l’article 5 de la Convention, qui oblige les États parties à prendre toutes mesures nécessaires en vue de modifier les schémas et modèles de comportement socioculturel de l’homme et de la femme, en vue de parvenir à l’élimination des préjugés.

Il est manifeste que les perspectives économiques peu encourageantes en Bosnie-Herzégovine n’ont pas eu de retentissement négatif sur les efforts déployés en vue d’assurer la protection et la promotion des droits de la femme. Toutefois, elle relève que le rapport attache énormément d’attention à la question de la pauvreté et aux conséquences qui en découlent et donne même le sentiment que les problèmes issus de la pauvreté et des tensions interethniques devraient être traités avant les questions liées à l’égalité des sexes.

Enfin, elle demande quelles mesures ont été prises pour améliorer la mise en œuvre de la loi sur l’égalité des sexes, particulièrement dans le contexte de l’harmonisation de la législation électorale et des lois sur la violence dans la famille.

M me  Filipović-Hadziabdić (Bosnie-Herzégovine) assure le Comité que l’Agence pour l’égalité des sexes fait une distinction très claire entre le concept d’équité et celui d’égalité : alors que le premier désigne simplement le fait de donner des chances égales aux hommes et aux femmes, le deuxième englobe aussi la notion qu’hommes et femmes doivent tirer les mêmes avantages d’un travail identique. Tout semblant de confusion à ce sujet dans le rapport est dû à des difficultés linguistiques plutôt que conceptuelles.

Afin d’assurer la cohérence de la démarche de préparation du projet de plan d’action national sur l’égalité des sexes, l’Agence a travaillé en étroite collaboration avec les centres responsables de cette question en Fédération de Bosnie-Herzégovine et en Republika Srpska, ainsi qu’avec d’autres entités compétentes à tous les niveaux. De plus, les points focaux chargés de cette question au sein de chaque ministère ont bénéficié d’une formation appropriée. Les projets de politiques ont été systématiquement transmis aux ministères pour commentaires et, dans les cas où des groupes de travail ont été créés pour traiter de certains points, des représentants des organes législatifs, d’ONG et d’experts indépendants ont toujours été conviés à participer. Ces mesures ont permis de sensibiliser à la nécessité de l’égalité entre les sexes et de faire en sorte que les décisions stratégiques reposent sur de vastes consultations. L’Agence a par ailleurs noué des liens étroits avec des parlementaires et elle n’est pas opposée au lobbying le cas échéant.

Sur la question des ressources humaines, elle déclare que le tableau final des effectifs de l’Agence compterait au total cinq postes. Toutefois, une fois que ces postes auront été comblés, il est prévu de présenter une demande d’effectifs complémentaires aux autorités compétentes. S’agissant du fait que certaines institutions n’ont pas fourni de données ventilées par sexe, un groupe de travail a été créé pour élaborer des procédures en vue de l’application de l’article 18 de la loi sur l’égalité des sexes. Mme Filipović-Hadziabdić estime qu’il est encore trop tôt pour imposer les amendes prévues à l’article 28 de cette loi en cas de non-respect des dispositions prévues.

En réponse aux questions posées par Mme Gaspard, elle déclare que la rédaction du rapport, processus qui avait été préparé par le Ministère des droits de l’homme et des réfugiés avant la création de l’Agence pour l’égalité entre les sexes, a constitué un apprentissage pour toutes les personnes concernées. Si la complexité de la structure institutionnelle de l’État a effectivement rendu difficile la collecte de toutes les informations nécessaires, les deux centres chargés de ces questions ont travaillé en étroite collaboration à la coordination du processus.

Même si elle admet que l’ensemble des dirigeants politiques devrait désormais connaître la Convention, étant donné les fréquents changements à la tête de l’administration en Bosnie-Herzégovine, nombre de ces dirigeants n’en connaissent toujours pas les dispositions en dépit des efforts de sensibilisation de l’Agence. Toutefois, dans sa correspondance avec les dirigeants politiques et autres parties prenantes concernées, l’Agence a toujours fait mention des normes internationales applicables en vue d’en accroître la visibilité.

En l’absence d’un centre de formation centralisé destiné à la formation des juges et des procureurs, l’Agence pour l’égalité entre les sexes a organisé des cours de formation à l’intention des instances judiciaires en Fédération de Bosnie-Herzégovine comme en Republika Srpska. Outre une présentation article par article de la nouvelle loi sur l’égalité des sexes, l’Agence aimerait pouvoir proposer aux participants à cette formation un certain nombre d’études de cas sur le harcèlement sexuel et la discrimination sexuelle, de même qu’elle discute actuellement de cette éventualité avec des bailleurs de fonds internationaux. Au niveau universitaire, les initiatives engagées en vue de sensibiliser les étudiants de droit à la législation nationale et internationale en matière de discrimination à l’égard des femmes ont connu un succès considérable.

Elle indique qu’il est souvent difficile de modifier les comportements des personnes âgées. Parfois, il semblerait que les responsables d’un certain âge ne manifestent qu’un intérêt de pure forme pour la loi sur l’équité et l’intégration d’une perspective sexospécifique.

L’Agence pour l’égalité entre les sexes a vu réussir ses travaux au chapitre éducatif, bien que cette action n’ait pas été facile, du fait de divisions territoriales dans le pays (chaque canton ayant sa propre loi sur l’éducation et son propre Ministre de l’éducation). Une formation à la prise en compte des sexospécificités a été dispensée à tous les chefs d’établissement et enseignants dans les écoles élémentaires et secondaires, de même qu’une grande quantité de matériels didactiques tenant compte des questions d’égalité entre les sexes a été réalisée.

La stratégie économique à moyen terme offrirait une occasion d’aborder la situation économique de la femme, domaine dans lequel peu de choses ont été faites jusqu’à présent. Il est prévu de travailler avec des économistes et des ONG intégrant une perspective sexospécifique. Il s’agit là d’une question importante dans la mesure où la pauvreté concerne surtout les femmes, notamment dans les sociétés traditionnelles comme celle de Bosnie-Herzégovine.

Le principe de l’équité entre les sexes a été bafoué dans le cadre de la gestion des questions électorales. Seule l’une des propositions de l’Agence a été acceptée, à savoir celle qui prévoyait la fourniture de données et de statistiques ventilées par sexe à chaque stade des élections. Toutefois, la recommandation visant à faire en sorte que toutes les commissions et conseils électoraux comptent le même nombre d’hommes et de femmes a été rejetée.

Article 3

M me  Schöpp-Schilling, relevant qu’un grand nombre des recommandations de l’Agence n’ont pas été acceptées, déclare avoir le sentiment que l’Agence semble avoir un mandat consultatif, et non contraignant. Il serait utile de savoir où se situe le problème, au niveau du Parlement ou dans les ministères. Peut-être serait-il plus efficace que l’Agence soit rattachée au Conseil des ministres, ce qui donnerait un accès immédiat au Conseil des ministres. Les propositions de l’Agence pourraient avoir davantage de poids si chaque ministre concerné était tenu de fournir les raisons pour lesquelles les idées de l’Agence n’ont pas été acceptées dans un dossier donné. Des informations complémentaires seraient par ailleurs appréciées s’agissant de la coopération entre l’Agence et les ONG et de la question de savoir s’il existe ou non un processus formalisé de consultation avec les ONG.

M me  Zou demande si l’Agence dispose de suffisamment de ressources et si le Gouvernement envisage de la séparer du Ministère des droits de l’homme pour renforcer l’organisation et garantir une véritable mise en œuvre de l’égalité des sexes. Les membres du Comité apprécieraient de bénéficier de renseignements complémentaires quant au traitement des plaintes déposées et à l’assistance judiciaire fournie. La délégation est plutôt réduite, et il serait intéressant de savoir si l’on a envisagé ou non d’inviter des membres d’autres organismes à la rejoindre.

M me  Popescu commente la complexité de la structure institutionnelle du Gouvernement et se renseigne sur la coordination d’ensemble entre l’Agence pour l’égalité entre les sexes et les autres mécanismes au niveau de l’entité, du canton et de la municipalité. Il serait intéressant de savoir comment l’Agence veille à ce que des femmes originaires de lieux et de milieux différents, en particulier celles qui font partie de minorités comme les Rom, bénéficient de la même démarche. Il serait apprécié également de disposer d’informations complémentaires quant aux responsabilités de l’Agence s’agissant de diffuser les textes de la Convention et le Protocole facultatif et la question de savoir s’ils sont traduits dans les langues officielles et distribués dans différentes régions du pays. Il serait également intéressant de connaître l’étendue des responsabilités de l’Agence à l’égard des femmes victimes de guerre qui ont été déplacées et qui reviennent désormais en tant que réfugiées.

M me  Saiga demande quel organisme sera responsable des mesures envisagées au titre du plan d’action sur l’égalité des sexes et quel en serait le processus de mise en œuvre.

M me  Filipović-Habziabdić (Bosnie-Herzégovine) déclare que l’Agence pour l’égalité des sexes fait partie du Ministère des droits de l’homme et des réfugiés dans la mesure où elle a été liée au moment de sa création au Ministère de l’intégration européenne. Ce dispositif est réputé loin de l’idéal car, même si l’Agence a un accès direct au Ministre, ce dernier a bien d’autres préoccupations. Il est tout à fait juste de dire qu’il serait préférable que l’Agence soit rattachée directement au Conseil des ministres.

Les ONG sont associées à toutes les activités de l’Agence; à un certain nombre d’occasions, celle-ci a travaillé à la rédaction et à la mise en œuvre de textes de lois avec des conseils ou autres instances comprenant 20 ONG ou plus.

L’Agence aurait préféré venir avec une délégation plus nombreuse pour comparaître devant le Comité, mais comme elle éprouve de sérieuses difficultés de financement, certains ont considéré que la mission à New York relevait de l’extravagance. Elle espère que, lors de la prochaine comparution de son pays devant le Comité, elle viendra avec une délégation plus nombreuse et plus représentative.

La question de la coopération et de la coordination des actions avec d’autres mécanismes est difficile, du fait de la complexité de la structure gouvernementale. Des efforts ont été engagés en vue de sensibiliser les membres des autres instances étatiques et gouvernementales aux questions relatives à l’égalité des sexes.

L’Agence s’est efforcée de diffuser et de faire connaître la Convention à chaque occasion qui lui a été donnée de le faire, en y faisant référence dans sa correspondance et dans ses publications, ainsi que lors de conférences.

S’agissant de la question de la répartition des responsabilités entre l’Agence, les ministères et les commissions parlementaires pour ce qui est du suivi du respect de la loi, le texte de la loi sur l’égalité des sexes n’est pas clair, et il faudrait des procédures simplifiées. Le processus de mise en œuvre souffre d’un certain nombre de lacunes. De nouveaux collaborateurs seront désignés sous peu, et les mesures nécessaires pourraient alors être adoptées.

Le harcèlement sexuel ne figure pas parmi les responsabilités principales de l’Agence. Cette question relève du Ministère des droits de l’homme et, au niveau des deux entités, de leur Ministère des affaires sociales. Dans la réalité toutefois, aucune organisation, même l’Agence et les ONG, n’en a pour l’instant fait assez dans ce domaine.

Le plan d’action sur l’égalité entre les hommes et les femmes a été conçu dans le but de renforcer la plate-forme d’action sur les questions de l’égalité des sexes. Depuis que le Conseil de l’Europe a appelé tous les pays à se doter d’un tel plan, il semblerait que la Bosnie-Herzégovine a déjà pris une certaine avance sur les autres pays de la région.

Article 4

M me  Simms revient sur la question de savoir si l’égalité ethnique est véritablement plus importante que l’égalité des sexes. Si l’on devait laisser subsister cette impression, on risquerait de créer une sorte de hiérarchie de l’oppression. Il convient de se pencher sur le lien entre les questions ethniques et la problématique de la sexospécificité. Le fait que certains groupes ethniques aient été victimes d’oppression ne veut pas dire que les hommes au sein de ces catégories de la population n’ont pas eux-mêmes opprimé leur femme. Le Gouvernement est tenu de mettre en œuvre des mesures pour veiller à ce que, lorsque les hommes issus de minorités ethniques progressent dans l’échelle sociale, les femmes puissent le faire aussi. Le Directeur d’une importante agence gouvernementale œuvrant pour l’égalité des sexes, de même que le chef de la délégation, devraient œuvrer en ce sens.

M me  Filipović-Habziabdić (Bosnie-Herzégovine) déclare qu’elle est d’accord avec l’oratrice précédente, mais qu’il est difficile de trouver la bonne approche. Les diverses résolutions pertinentes de l’Assemblée générale et autres organes internationaux vont, à cet égard, continuer de servir d’orientations.

Article 5

M me  Tavares da Silva déclare qu’elle sympathise avec ceux et celles qui luttent contre le statu quo et la tradition profondément enracinée. Toutefois, c’est peut-être la question des schémas et des stéréotypes culturels qui reste, pour la Bosnie-Herzégovine, la plus pertinente dans la Convention; ces schémas et ces stéréotypes sont ancrés dans le caractère patriarcal de la société et doivent être modifiés de toutes les façons possibles, y compris les moyens de communication de masse et l’éducation. Elle relève la nature essentiellement descriptive de l’information fournie à ce sujet dans le rapport national et regrette l’absence apparente de toute mesure prospective. Elle encourage l’État partie à adopter une démarche plus volontariste. Elle souligne la distinction entre égalité et équité; l’égalité n’est pas synonyme d’identité et autorise les différences et la reconnaissance de la spécificité. Il est dangereux de confondre les deux, puisque certains pays qui ont souhaité se soustraire à leurs obligations ont, en fait, cherché à le faire durant les discussions de Beijing +5.

M me  Shin réclame des informations complémentaires sur les arrêtés relatifs à la violence familiale qui sont en cours de préparation après l’adoption, dans les deux entités, de la loi sur la protection contre la violence familiale. Il serait intéressant de savoir quels ministères sont associés à leur préparation, quel est le délai fixé à leur promulgation et si des ONG sont associées au processus. Elle souligne l’importance de la formation de la police sur la question de la violence contre les femmes et souhaiterait savoir s’il existe déjà un manuel de formation quelconque à cette fin. Elle demande par ailleurs quelles mesures seront prises pour dispenser cette même formation aux juges et aux procureurs. Elle souligne que l’étude du Secrétaire général sur la violence, qui doit être présentée lors de la prochaine session de l’Assemblée générale, cite des exemples de bonnes pratiques adoptées par divers gouvernements dans le monde entier et qui figurent déjà sur le site Internet de la Division de la promotion de la femme. Ces pratiques pourraient constituer pour l’État partie une source d’inspiration utile.

M me  Coker-Appiah fait remarquer que, si le rapport reconnaît la gravité du problème de la violence à l’égard des femmes, la question est abordée différemment dans les deux entités. Dans la Fédération de Bosnie-Herzégovine, il est assimilé à un crime, tandis qu’en Republika Srpska, il ne constitue qu’une infraction mineure. Elle demande ce qui a été fait dans le but d’assurer l’harmonisation et quelles mesures concrètes ont été adoptées pour empêcher cette violence, étant donné que la loi ne peut, à elle seule, venir à bout du problème. Elle renvoie à la réponse à la question 12 dans la liste de thèmes et de questions (CEDAW/C/BIH/Q/3/Add.1), qui fait mention d’une méconnaissance du grave problème social que constitue la violence familiale et demande quelles mesures ont été prises ou sont envisagées pour remédier aux obstacles identifiés. Elle demande à ce qu’une étude d’envergure nationale soit menée sur la question de la violence afin de permettre la formulation de stratégies d’avenir.

M me  Arocha Domínguez déclare qu’elle apprécierait davantage de détails sur les études, programmes et travaux interinstitutionnels évoqués dans le rapport de l’État partie et dans ses réponses en vue de combattre l’utilisation de langage et de stéréotypes sexistes. Elle se dit surprise, compte tenu du caractère pluriethnique et multiconfessionnel de la Bosnie-Herzégovine, qu’aucune activité différenciée n’ait été présentée s’agissant des divers groupes ethniques. Elle demande si les programmes mentionnés sont de nature générale et s’ils sont adaptés aux groupes spécifiques. Elle regrette aussi que les chiffres fournis sur la répartition des tâches ménagères ne soient pas ventilés par groupe ethnique. Elle relève que les émissions de télévision propres à avoir une influence positive sur le comportement familial sont diffusées à des heures où les femmes sont susceptibles d’être occupées aux corvées ménagères et demande quelles sont les autres mesures ayant été prises.

M me  Filipović-Habziabdić (Bosnie-Herzégovine) déclare que les termes « égalité » et « équité » sont tous deux utilisés et reconnaît qu’il convient, dans son pays, de faire une nette distinction entre les deux. S’agissant des arrêtés sur la violence familiale, les Ministères de la justice, de la santé, des affaires sociales et de l’intérieur participent à leur rédaction, de même que les ONG sont consultées; en outre, le Conseil de l’Europe constitue une source utile de pratiques exemplaires. Des cours de formation sont prévus dans le cadre du plan d’action sur l’égalité des sexes, en vue de combattre la violence à l’encontre des femmes; ces formations s’adressent à la police, aux juges, aux procureurs, aux enseignants et aux personnels de santé. Quant à l’harmonisation des lois avec la Fédération de Bosnie-Herzégovine, une période d’observation serait nécessaire. Durant ce temps, des données pertinentes seront recueillies et comparées, et les divers ministères concernés seront alors en mesure d’élaborer ensemble une approche coordonnée à long terme. Sur la question des stéréotypes, il reste beaucoup à faire, essentiellement par le biais de l’éducation et des médias, visant en particulier la famille. Les hommes ont un rôle important à jouer si l’on veut assurer une plus équitable répartition des responsabilités entre les membres de la famille. Elle déclare que la nature des problèmes est la même dans tous les groupes ethniques, sans distinction. Les représentants des trois religions ont été consultés et ont fourni des informations très utiles.

Article 6

M me  Simms souhaiterait savoir pourquoi la question des femmes victimes de viols et de harcèlement sexuel n’est pas considérée comme relevant de la responsabilité de l’Agence pour l’égalité des sexes. C’est une question qui rejoint celle de la prostitution et de la traite, étant donné que ces femmes sont souvent des proies faciles pour ces formes d’exploitation. Elle relève que certaines mesures de lutte contre le trafic sont certes mentionnées dans le rapport, comme un renforcement des contrôles à la frontière, mais elle les juge insuffisantes. Elle aimerait savoir ce qui est fait à ce sujet à l’intérieur même du pays et, plus particulièrement, aux hommes responsables.

M. Flinterman demande pourquoi l’instruction émise eu égard au traitement des victimes de la traite, évoquée au paragraphe 81 du rapport de l’État partie, n’est que provisoire. Il serait intéressant de savoir à quel moment elle va devenir définitive. Au sujet du Protocole mentionné au même paragraphe, visant à fournir une protection adéquate aux victimes, M. Flinterman aimerait savoir si les ONG sont concernées et si l’on pourrait donner d’autres exemples de partenariats publics/privés contre la traite de personnes. Les problèmes des femmes sont comme un monstre à sept têtes : lorsqu’un problème semble résolu, il réapparaît ailleurs sous une forme différente. Des mariages arrangés constituent ainsi une nouvelle forme de traite. Il demande quelles politiques sont prévues par l’État partie pour combattre ces nouveaux phénomènes.

M me  Filipović-Habziabdić (Bosnie-Herzégovine) déclare que les victimes de harcèlement sexuel et de viols relèvent principalement de la responsabilité du Département des droits de l’homme au sein du Ministère. Une nouvelle législation doit être formulée au niveau des deux entités en vue d’assurer un maximum de coopération et de coordination entre toutes les instances concernées. S’agissant de la traite, un certain nombre d’améliorations ont été relevées, grâce en particulier à la nouvelle loi sur le déplacement, le séjour et l’asile des étrangers. La pauvreté et le handicap mental figurent parmi les éléments qui favorisent ce fléau, rendant nécessaire la recherche d’une nouvelle approche. Certaines activités sont en conséquence envisagées à ce titre dans le cadre du plan d’action sur l’égalité des sexes.

La séance est levée à 13 heures.