Trentième session

Compte rendu analytique de la 652e séance

Tenue au Siège, à New York, le jeudi 8 juillet 2004 , à 15 heures

Président :Mme Açar

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18de la Convention (suite)

Deuxième et troisième rapports périodiques groupés et quatrième et cinquième rapports périodiques groupés de la Guinée équatoriale (suite)

La séance est ouverte à 15 h 15.

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Deuxième et troisième rapports périodiques groupés et quatrième et cinquième rapports périodiques groupés de la Guinée équatoriale (suite) (CEDAW/C/GNQ/2-3 et CEDAW/C/GNQ/4-5; CEDAW/PSWG/2004/II/CRP.1/Add.3 et CEDAW/C/GNQ/PSWG/2004/II/CRP. 2/Add.2)

À l’invitation de la présidente, la délégation de la Guinée équatoriale prend place à la table du Comité.

Articles 10 à 14

La Présidente invite la délégation de la Guinée équatoriale à répondre aux questions qui ont été posées lors de la précédente séance concernant les articles 10 à 14 de la Convention.

M me Obono Engono (Guinée équatoriale) dit que la Constitution de la Guinée équatoriale ne permet pas de faire preuve de discrimination à l’égard des femmes dans quelque domaine que ce soit. La faible participation des femmes à la vie politique s’explique, non par l’existence de dispositions législatives discriminatoires à leur égard, mais par la coutume locale et même par l’attachement des femmes elles-mêmes à la tradition. Les femmes ignorent leur vraie valeur et il faut leur faire prendre conscience de l’importance de leur participation. Le problème est réel, mais le Gouvernement en est conscient et il ne reste pas inactif, car il prend au sérieux les obligations qu’entraîne sa ratification de la Convention.

Dans le domaine de l’éducation, la législation n’a rien de discriminatoire à l’égard des femmes. L’instruction est obligatoire à partir de l’âge de cinq ans pour les filles comme pour les garçons. An niveau du primaire, les taux de fréquentation sont les mêmes pour les garçons et pour les filles, mais les taux d’abandon dans le secondaire sont plus élevés pour les filles que pour les garçons, pour cause, essentiellement, de grossesse. Pour fréquenter l’école, les filles sont souvent obligées de vivre hors de l’autorité parentale, ce qui les rend d’autant plus susceptibles de se laisser aller à des relations sexuelles sans protection. Cela dit, la grossesse ne fait plus obstacle à la poursuite des études. De plus, des programmes expérimentaux d’éducation pour adultes ont été mis en place dans les grandes villes, comme il est dit dans les réponses aux questions de la liste (CEDAW/PSWG/2004/II/CRP.2/Add.2). Ils sont ouverts aux jeunes qui n’ont pas pu achever leurs études secondaires à l’age normal, y compris aux filles qui se sont mariées très jeunes comme c’est la tradition et qui ont ensuite divorcé. On a créé 160 centres d’instruction primaire en milieu rural et, en milieu urbain, 64 programmes sanctionnés par un diplôme d’études secondaires. Une formation est assurée à tous les enseignants. Le programme national d’éducation pour tous est en place; il a pour but déclaré d’assurer une instruction de base à toutes les couches de la population, tant rurale qu’urbaine; on ne dispose pas de statistiques par ethnie parce qu’on a pour principe de ne pas demander à chacun quelle est son origine ethnique. La formation professionnelle dans des domaines comme l’administration, la menuiserie, l’électricité, les machines et les outils, la mécanique automobile etc. est ouverte aux deux sexes. En Guinée équatoriale, les femmes sont présentes dans tous les domaines, comme ingénieurs, comme géologues des pétroles et comme juristes, titulaires de maîtrises et de doctorats.

M me Librada (Guinée équatoriale) précise que, quand le rapport dit qu’il n’y a pas de discrimination, ce que l’on veut dire, c’est qu’il n’y a pas de discrimination institutionnalisée par les dispositions législatives et réglementaires du pays. Les écoles, par exemple, sont mixtes, et en théorie chacun est libre de choisir sa carrière. Cela dit, les pouvoirs publics n’ignorent pas que l’existence de mentalités enracinées dans la tradition est, dans la pratique, à l’origine de gros problèmes et que les grossesses d’adolescentes sont une importante cause d’abandon des études. C’est pourquoi le nouveau programme scolaire comprend des cours d’éducation sexuelle. Les campagnes de sensibilisation organisées pour les écoles visent les enseignants et les parents aussi bien que les enfants.

M. Esono Mbengono (Guinée équatoriale) dit qu’il en va de même pour les emplois : les lois prescrivent l’égalité des chances, mais les stéréotypes ont la vie dure dans la famille et dans le monde du travail. L’accès à la formation professionnelle est le même pour les garçons et pour les filles, mais on amène souvent les filles à opter pour l’acquisition de qualifications moins lucratives, à choisir la couture, par exemple, plutôt que la menuiserie. Soucieux de remédier aux inégalités en matière d’emploi, le Gouvernement cherche, à coup d’avantages fiscaux, à inciter les entreprises à engager des jeunes femmes fraîchement sorties de l’école. Il donne lui-même la préférence à celles qui sont titulaires d’un diplôme universitaire pour servir d’exemples aux plus jeunes. Pour les filles qui se sont mariées jeunes et qui ont divorcé, il favorise la création et contribue au financement d’associations chargées de les aider à devenir financièrement indépendantes.

En réponse à une question sur la répartition des bourses d’études, M. Esono Mbengono précise qu’au moins 20 % de ces bourses sont destinées à des jeunes femmes; il s’agit là d’un minimum, et non d’un plafond.

Jusqu’à une époque récente, la scolarité obligatoire était de cinq ans, mais les réformes introduites dans le système éducatif ont porté ce nombre à neuf, soif cinq années de primaire suivies par au moins quatre années de secondaire. Pour rendre la chose réalisable, le Gouvernement a institué un système de subventions à l’intention des bons élèves issus de familles à faibles revenus afin de leur permettre de rester à l’école et, dans le cas des élèves de milieu rural, d’aller à l’école dans les grandes villes. Les dispositions réglementaires ont changé : maintenant, loin d’être forcées d’abandonner leurs études, les filles qui sont enceintes sont tenues de les poursuivre, le père et la mère de l’enfant ayant à y pourvoir. On a renforcé l’éducation sexuelle dans les écoles. Des efforts sont faits pour sensibiliser davantage les enseignants à l’égalité des sexes au moyen de campagnes médiatisées, de séminaires, de journées d’études et de cours de perfectionnement. On espère pouvoir influencer la prochaine génération au moyen du système éducatif afin qu’elle puisse transmettre les nouvelles mentalités à la génération suivante.

M me Obono Engono (Guinée équatoriale) dit, à propos de l’augmentation des cas de VIH/sida, qu’il s’agit là d’un problème de dimension mondiale qui n’épargne pas son pays. Le Gouvernement de la Guinée équatoriale a engagé des actions qui visent à le combattre, notamment par l’organisation de campagnes de sensibilisation et de séminaires d’information dans l’ensemble du pays. Tous les projets de textes de lois que prépare le Gouvernement dans tous les domaines sont en pleine conformité avec les dispositions de la Convention.

M me Nzang Ndong (Guinée équatoriale) dit, touchant l’éventualité d’une politique nationale en matière de sida, que le Ministère de la santé a mis au point un document de politique de la santé qui attend l’approbation du Gouvernement. En ce qui concerne les tests de dépistage du VIH/sida, qui ne sont imposés à personne, le matériel en a été acheté et distribué gratuitement aux centre hospitaliers. Des campagnes de sensibilisation sont organisées dans le but de faire prendre conscience de la gravité de cette maladie et d’encourager les gens à se soumettre au test. Si le test s’avère positif, la personne en question reçoit des conseils. Les médicaments sont gratuits, surtout pour les femmes enceintes et les enfants nés séropositifs. L’une des raisons de la plus forte incidence du VIH/sida parmi les femmes tient à l’existence de prostituées qui vendent leurs services aux touristes du sexe et aux étrangers employés dans le secteur des pétroles. En outre, la taux d’utilisation de préservatifs est encore faible en dépit des campagnes radiophoniques parce que l’on croit généralement que le préservatif réduit le plaisir sexuel. La population rurale manque d’informations sur le VIH/sida. Il est plus difficile de la toucher au moyen de campagnes d’information par les médias et c’est la raison pour laquelle on cherche à le faire par des distributions de prospectus.

M me Librada (Guinée équatoriale) dit que le pays a mis en place un programme national de lutte contre le VIH/sida que dirige un comité national au sein duquel est représenté le Ministère des affaires sociales et de la condition de la femme. Le problème avec lequel il est aux prises est d’ordre social aussi bien que médical. Les gens sont très sceptiques quant à la réalité de la menace et répugnent à utiliser des moyens contraceptifs. Entre gens mariés, le préservatif n’est généralement pas accepté. L’existence de la polygamie, qui institutionnalise la multiplicité des partenaires, intervient aussi dans la propagation de la maladie.

La Présidente invite les membres du Comité à poser d’autres questions au sujet des articles 10 et 14 de la Convention.

M me Schöpp-Schilling fait état de l’absence de données exactes concernant la propagation du VIH/sida dans les zones rurales. Elle voudrait savoir s’il y a migration d’hommes entre zones urbaines et zones rurales, par quoi s’introduirait le virus dans leur famille.

Elle se pose la question de savoir si la loi de 1996 relative à la planification familiale donne à la femme le droit d’utiliser de sa propre initiative des moyens contraceptifs et si les jeunes filles n’ont pas de mal à s’en procurer gratuitement. Elle se rend bien compte que l’interruption volontaire de la grossesse est illégale, mais elle se demande si l’opération n’est pas autorisée dans certains cas.

Elle voudrait savoir si les femmes, qui représentent 80 % de la main-d’œuvre agricole, peuvent être propriétaires de terres. Elle serait heureuse de recevoir des statistiques sur le nombre de femmes qui cultivent la terre pour nourrir leur famille comparé au nombre de celles qui vendent leurs produits sur les marchés locaux. Il devrait y avoir, dans le prochain rapport, davantage d’informations sur la situation des femmes en milieu rural.

M me Tavares da Silva fait remarquer que les déclarations de la délégation au sujet de l’égalité des sexes ne trouvent pas confirmation dans les faits. L’accès aux moyens de production et aux prêts, qui est essentiel au développement, révèle l’existence d’une discrimination qui ne dit pas son nom. Alors qu’elles sont plus de la moitie de la population, les femmes ne possèdent qu’un dixième de la monnaie en circulation. De même, elles font 50 % du travail manuel, mais seul un tiers de ce travail leur est payé. Il n’y a en principe rien de discriminatoire en matière d’accès au crédit, mais les faits font clairement apparaître l’existence d’une discrimination structurelle. Le Gouvernement n’a pas seulement à garantir l’égalité de droit au moyen des lois, mais également l’égalité de fait. Il peut suivre l’exemple d’autres États en créant des programmes de microcrédit entre autres actions spéciales.

M me Morvai fait observer que les maternités précoces ont un effet dévastateur sur l’égalité entre sexes. Si l’État ne fait rien pour y remédier, il n’y a absolument aucun espoir de voir se réaliser un jour l’égalité entre les sexes. Elle voudrait des précisions sur les cas où des jeunes femmes deviennent enceintes et contractent le VIH/sida. Elle aimerait connaître l’âge général de leurs partenaires sexuels et elle demande d’autres informations sur la pression sociale qui incite les enfants à commencer de bonne heure leur vie sexuelle. La distribution d’informations sur la contraception ne résoudra pas le problème; le moyen d’arrêter les grossesses précoces et la propagation du VIH/sida est de décourager les relations sexuelles chez les enfants.

Il faudrait changer le titre du manuel d’éducation sexuelle en « Manuel de relations humaines » ou « Manuel d’égalité des sexes » et y faire prévaloir le respect mutuel et la valeur des relations monogames stables et qui durent.

M me Obono Engono (Guinée équatoriale) dit que l’incidence du sida est bien plus forte dans les villes que dans les campagnes. Le nombre de cas de VIH/sida dans les deux plus grandes villes, Malabo et Bata, augmente de jour en jour.

Le problème n’est pas d’ignorer le problème. En fait, le Gouvernement a, dès que le sida est devenu un problème mondial, entrepris de financer de vastes programmes de sensibilisation. Il a, à la fin de juin 2004, promulgué une loi en vertu de laquelle l’État paie 80 % du coût des médicaments. Le Ministère des affaires sociales et de la condition de la femme (MINASCOM) est allé sur le terrain pour éduquer les enfants et il a organisé des conférences et des séminaires. Le Gouvernement ne peut absolument pas faire davantage.

En ce qui concerne l’égalité des sexes, en vertu de la loi relative à la planification familiale, toutes les femmes ont, sans restriction aucune, accès aux informations de planification familiale et les hôpitaux fournissent gratuitement des préservatifs aux patients. Des camions chargés de préservatifs ont été envoyés dans les campagnes; ce n’est pas la faute du Gouvernement si la population ne les utilise pas.

Selon le code pénal, l’avortement est un crime sauf si la vie de la mère est en danger.

L’État a une économie agricole dans laquelle les femmes jouent un rôle prédominant. Par les associations d’agricultrices, les femmes peuvent vendre leurs produits, en déposer le revenu dans des banques commerciales et faire une demande de prêt. Les femmes qui sont propriétaires de biens immobiliers ont le même accès direct au crédit que les hommes. Toutefois, les choses sont un peu plus compliquées en milieu rural du fait que le revenu y est trop faible pour pouvoir donner aux femmes un niveau de crédit suffisant. Dans le cadre d’un programme parrainé par l’épouse du Président, les femmes des zones rurales se voient accorder des prêts sans intérêts afin de leur permettre de se lancer dans les affaires. Cinquante femmes ont utilisé cet argent pour aller en Chine acheter des marchandises qu’elles ont vendues une fois rentrées; le revenu ainsi généré a ensuite servi à rembourser le prêt bancaire.

M me Librada (Guinée équatoriale) indique que les grossesses précoces sont la principale raison qui conduit les jeunes femmes à quitter l’école. Il s’agit souvent de rurales migrantes qui ont été obligées de se livrer à la prostitution pour survivre. Beaucoup ont contracté le sida, manifestement par les contacts qu’elles ont eus avec des hommes plus ages qu’elles et non avec des garçons de leur age. Des séminaires d’information sur le sida et la prostitution ainsi que sur les droits de la femme sont organisés. Il existe également des activités de formation grâce auxquels un certain nombre de jeunes femmes ont pu renoncer à la prostitution. Aucun autre pays n’a fait autant pour éliminer le sida et la prostitution.

Articles 15 et 16

La Présidente invite les membres du Comité à poser d’autres questions au sujet des articles 15 et 16 de la Convention.

M me Belmihoub-Zerdani appelle l’attention sur le fait que la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes aide la communauté mondiale à voir les problèmes par les yeux des femmes. L’Afrique est l’un des continents les plus pauvres et a le droit de revendiquer l’aide des institutions spécialisées des Nations Unies. Il a été convenu dans la Déclaration et le Programme d’action de Beijing ainsi qu’à la conférence Beijing plus Cinq que les pays riches feraient don de 0,7 % de leur produit national brut (PNB) à l’aide publique au développement et que des fonds supplémentaires devraient être affectés à la mise en œuvre des programmes des Nations Unies.

M me Gnacadja note que, si le Gouvernement de la Guinée équatoriale travaille à la rédaction de deux nouvelles lois sur des questions relatives aux droits des femmes, les textes en question ne sont pas encore en vigueur. C’est pourquoi elle se demande sur quel fondement juridique s’appuie le projet de changement de l’age légal au mariage, qui passerait de 12 ans (comme il est dit dans les deuxième et troisième rapports périodiques) à l’âage de la majorité civile (comme il est dit dans les quatrième et cinquième rapports périodiques). De même, le droit coutumier sur le mariage n’exige pas le consentement des deux époux, mais, d’après les quatrième et cinquième rapports périodiques, les hommes et les femmes ont même droit de contracter mariage et de choisir leur époux. Quel est le fondement juridique de ce changement? De même, quel régime de droit l’emporte en cas de différents entre époux et y a-t-il une hiérarchie entre les divers régimes?

Mme Gnacadja n’est pas très rassurée quant à la situation en Guinée équatoriale. Elle ne doute pas que le Gouvernement soit résolu à appliquer la Convention, mais elle demeure préoccupée par la situation juridique des femmes. Il peut, techniquement, ne pas y avoir de discrimination de jure à l’égard des femmes, mais il n’y a pas non plus de dispositions législatives de nature à favoriser leur promotion. De plus, les pratiques traditionnelles et les coutumes dans lesquelles prennent leurs racines les stéréotypes sexuels n’ont pas disparu. Mme Gnacadja se demande si les autorités se sont résignées à la perpétuation de cette discrimination et elle demande instamment au Gouvernement de réaffirmer sa volonté politique de continuer à œuvrer à l’amélioration de la condition de la femme comme le lui demande l’article 2 de la Convention.

M me Shin fait observer que la plupart des difficultés que connaissent les femmes en Guinée équatoriale sont liées à la vie de famille et au mariage. Elle se demande si le Gouvernement est vraiment conscient de la nécessité d’en finir avec des pratiques discriminatoires comme le système de la dot, la polygamie et le mariage précoce. À propos de cette dernière pratique, elle fait valoir que les arrangements de mariage de filles qui peuvent ne pas avoir plus de trois ans ne sont rien de moins que des arrangements de réduction à l’état d’esclave. Aussi longtemps que les pouvoirs publics s’estimeront impuissants face à cet état de choses, rien ne pourra changer.

Se référant aux quatrième et cinquième rapports périodiques, où il est dit que la section des différends de la Direction de la condition de la femme est chargée de connaître des plaintes de femmes qui sont victimes de violence, Mme Shin pense qu’il conviendrait de l’appeler « Centre de dépôt des plaintes pour violence » ou encore « Service d’urgence pour femmes en crise » afin de souligner le fait que sa fonction première est de protéger et soutenir les femmes.

M me Gabr dit qu’il est toujours clair que les femmes continuent à être victimes de discrimination dans les faits en Guinée équatoriale. Comme il ne suffit pas de légiférer pour combattre toutes les formes de discrimination, il faut que les pouvoirs publics fassent preuve de volonté politique d’intervenir et d’améliorer la situation sur le terrain. La Guinée équatoriale pourrait à cet égard s’inspirer de l’exemple d’autres pays d’Afrique et continuer à coopérer avec les pays francophones par l’intermédiaire du Ministère des affaires extérieures et de la francophonie.

Mme Gabr demande quand le nouveau code de la famille en cours de rédaction va entrer en vigueur et elle se demande comment tous les aspects du droit de la famille peuvent être pris en compte par un seul instrument. Enfin, notant qu’il est dit dans les quatrième et cinquième rapports périodiques que les femmes ne sont plus tenues d’obtenir de leur mari la permission de voyager mais que, dans la pratique, dans l’intérêt de l’harmonie conjugale, le consentement des deux époux est exigé pour que la femme puisse voyager ou changer de lieu de résidence, elle voudrait des éclaircissements concernant cette apparente contradiction.

M me González Martínez dit qu’il ne suffit pas que des dispositions législatives établissent que les hommes et les femmes sont égaux pour assurer aux femmes la possibilité d’exercer leurs droits légitimes. Il manque, semble-t-il, au Ministère des affaires sociales et de la condition de la femme la volonté de combattre des pratiques et des coutumes qui perdurent depuis l’époque coloniale. Les femmes de Guinée équatoriale ne sont pas suffisamment instruites de leurs droits, de sorte qu’elles ne sont pas en mesure de les exercer. Afin de remédier à cette situation, il faut que le Gouvernement réaffirme sa volonté politique d’appliquer les dispositions du premier paragraphe de l’article 5 de la Convention.

M me Khan demande si la polygamie est légale en Guinée équatoriale et, si elle ne l’est pas, comment sont punies les parties à un mariage polygame. Elle demande aussi si les lois reconnaissent aux hommes et aux femmes les mêmes droits en matière de divorce, de garde des enfants et de succession et, dans ce cas, quelles procédures sont prévues en cas de violation de ces droits.

M me Šimonović note que la majorité des ethnies de Guinée équatoriale sont de filiation patrilinéaire. Toutefois, il y en a une, les Bubis, qui est de filiation matrilinéaire, d’où sa question de savoir si les mères peuvent transmettre leurs biens à leurs filles aussi bien qu’à leurs fils. Elle aimerait savoir si, d’une manière générale, la population de Guinée équatoriale considère comme justes ou injustes les traditions de filiation patrilinéaire et si le Gouvernement a l’intention de tenter de les changer.

M me Librada (Guinée équatoriale) dit que l’âge légal au mariage est de 18 ans. Il n’y a pas de restrictions d’âge au mariage en droit coutumier. Pour ce qui est du consentement, les mariages arrangés ont été la norme en Guinée équatoriale jusqu’à une époque toute récente et la question du consentement n’est pas régie par le droit coutumier. Cependant, le projet de loi sur la réglementation du mariage coutumier contiendra des dispositions à cet égard. La polygamie fait partie intégrante et reconnue du système coutumier et ne saurait être considérée comme légale ou illégale du fait qu’elle ne relève d’aucune loi. De même, les dispositions du droit civil relatives aux séparations ne sauraient être appliquées aux mariages contractés sous le régime du droit coutumier. Dans les sociétés patriarcales, tous les enfants nés du couple appartiennent à la famille du père jusqu’à l’âge de la majorité, mais, en cas de séparation, les enfants de moins de sept ans restent avec la mère. Il est prévu de porter cet age à 10 ans.

En réponse à la question de Mme Gnacadja, Mme Librada dit qu’en théorie, le droit écrit l’emporte toujours sur le droit non écrit, mais que, dans la pratique, le droit coutumier est considéré comme ayant même force de loi que le droit écrit.

M me Obono Engono (Guinée équatoriale) dit que son Gouvernement va étudier les possibilités d’aide et de financement dont Mme Belmihoub-Zerdani a fait état. Au sujet des observations de Mme Gnacadja, elle fait valoir que les pouvoirs publics sont animés de la volonté de traduire dans les faits l’égalité de principe entre hommes et femmes : un certain nombre de dispositions législatives relatives à la question sont sans doute encore sous forme de projets, mais les mesures transitoires mises en place ont force de loi. Par exemple, des mesures ont été introduites pour faire en sorte que les femmes mariées sous le régime du droit coutumier n’aient pas à rembourser leur dot en cas de séparation.

Les coutumes relatives aux mariages traditionnels évoluent. La pratique qui consiste à négocier un mariage sans le consentement de l’un ou des deux époux est en voie de disparition et ceux qui se rendent coupables de ce type de négociations sont punis. Une série de campagnes de sensibilisation du public a été organisée en vue d’en finir avec les pratiques discriminatoires et le nombre de mariages précoces a, de ce fait, beaucoup baissé.

Enfin, Mme Obono Engono ne craint pas de déclarer que l’adoption du nouveau Code de la famille est l’une des priorités du Gouvernement pour l’année 2004. Son département fera tout ce qui est en son pouvoir pour veiller à ce qu’il soit finalisé et approuvé aussitôt que possible.

M me Librada (Guinée équatoriale) dit, en réponse à une observation faite par Mme Gonzalez Martinez, qu’elle n’a pas voulu laisser entendre, à propos de l’éducation, que les familles sont libres d’imposer leurs propres règles à leurs enfants. Il est certes vrai que l’État ne va pas chez les gens pour y faire appliquer sa politique de l’éducation. Cependant, l’instruction est obligatoire et gratuite pour les garçons et les filles à partir de l’âge de cinq ans, et ceci à tous les niveaux de la société. Dans ce sens, il n’y a pas discrimination.

Il n’y en a pas non plus quand les femmes négligent de prendre part à la vie politique. Elles rechignent à le faire parce qu’elles s’accrochent à la tradition. Depuis quelques années, toutefois, elles en viennent à prendre conscience de l’importance de l’égalité avec les hommes et, petit à petit, l’évolution de la société conduit celle-ci à s’éloigner de la tradition pour se rapprocher du mode de vie du monde développé. Beaucoup de femmes des campagnes sont privées de l’information nécessaire pour prendre pleinement conscience de leurs droits et c’est pourquoi l’État s’emploie à y remédier à coup de programmes d’éducation et d’alphabétisation.

Une question a également été posée sur le point de savoir si la Constitution contient une définition quelconque de la discrimination. Comme on l’explique dans les deuxième et troisième rapports, l’article 13 du nouveau texte révisé de la Constitution dit, en son alinéa c), ce qui suit : « La femme, quel que soit son état civil, a les mêmes droits et les mêmes opportunités que les hommes à tous les niveaux de la vie politique, privée et familiale, politique économique, sociale et culturelle ».Voila une déclaration de non-discrimination.

M me Morvai dit qu’elle ne peut toujours pas comprendre pourquoi tant de filles deviennent enceintes à un jeune âge, sauf à comprendre que toutes les élèves qui deviennent enceintes sont en fait des prostituées. Si elles le sont, le pays est alors confronté à une tragédie à très grande échelle. On ne résoudra pas le problème en mettant les filles dans des groupes de sensibilisation. Il faudrait plutôt poursuivre pour viol ou violence sur enfant les hommes qui en sont responsables.

M me Šimonović, revenant à la question de savoir si la Constitution définit la discrimination, dit que l’article 13 définit, en son alinéa c), l’égalité entre les sexes, mais non la discrimination au sens de l’article premier de la Convention. Le Gouvernement pourrait envisager d’inclure dans son nouveau droit de la famille une définition clairement alignée sur l’article premier qui englobe la discrimination de jure et de facto ainsi que la discrimination directe et indirecte.

M me Patten aimerait en savoir davantage sur le nouveau code de la famille et sur la manière dont il sera appliqué.

M me Obono Engono (Guinée équatoriale) dit que la Constitution donne en fait une définition de la discrimination conforme à la Convention puisqu’il est dit à l’alinéa h) de son article 64 que les conventions internationales priment toute loi interne en vigueur ou à venir une fois qu’elles ont été ratifiées sur approbation de la Chambre des représentants.

M me Librada (Guinée équatoriale) dit que les gens ne renonceront pas facilement au système de la dot du fait qu’il va avec celui des mariages traditionnels : y renoncer serait nier l’existence même des parents, de la famille et de sa communauté. À la question qui a été posée concernant les cas de grossesse chez des filles encore jeunes, elle répond qu’il ne faut absolument pas considérer que toutes celles qui deviennent enceintes à un jeune age sont des prostituées. Il faut voir ces choses dans leur contexte. Dans d’autres pays aussi beaucoup deviennent enceintes à un jeune age et on y compte également des milliers d’avortements. La recommandation tendant à s’attaquer au problème par voie d’action préventive auprès des enfants et des adolescents, que l’on encouragerait à retarder l’entrée dans la vie sexuelle, est intéressante et elle sera transmise aux instances supérieures du Gouvernement.

M me Obono Engono (Guinée équatoriale) dit qu’en raison du fait que les grossesses précoces font obstacle à l’instruction et à la promotion des femmes, des mesures spéciales sont prises pour veiller à ce que les élèves qui deviennent enceinte puissent poursuivre leurs études. Le problème des grossesses d’adolescentes est un problème de portée mondiale et nullement limité à la Guinée équatoriale.

La Présidente, résumant le débat, remercie la délégation pour sa présentation des deux rapports groupés et pour les réponses qu’elle a apportées aux questions soulevées par le groupe de travail d’avant session. Elle se félicite du sérieux mis par le Gouvernement à s’acquitter des obligations que lui impose la Convention. Il est clair que, dans de nombreux cas, les causes profondes des violations des droits de l’individu et de la discrimination à l’égard des femmes en Guinée équatoriale sont à rechercher dans les conditions socioéconomiques. Il faut absolument rechercher et analyser ces causes et s’y attaquer, surtout quand elles sont à l’origine de problèmes comme la prostitution, les grossesses d’adolescentes, la violence à l’égard des femmes et l’inégalité en matière d’éducation, d’emploi et de participation à la prise des décisions. Tout porte à croire aussi que la coutume et la tradition créent de sérieux obstacles à la pleine jouissance de leurs droits par les femmes. Là où coutumes et traditions génèrent ou perpétuent la discrimination, il faut agir tout de suite pour les changer et les éradiquer. C’est là une obligation contractée par tout État partie à la Convention. On ne saurait attendre que les coutumes changent ou s’éteignent d’elles-mêmes. Les rapports et l’examen qui en a été fait montrent à l’évidence que la Guinée équatoriale a besoin de redoubler d’efforts pour éradiquer la discrimination à l’égard des femmes. Comme elle a maintenant présenté son cinquième rapport, le Comité attend de voir des résultats tangibles en termes de mesures de nature à en finir avec les traditions discriminatoires en matière d’éducation, de mariage et de divorce, de vie économique, de propriété foncière et de vie politique. On ne peut pas s’attendre à voir les parents changer de préférence quant à l’éducation de leurs fils ou à leur habitude de marier leurs filles à un très jeune age sans une intervention des pouvoirs publics de nature à les y encourager au moyen de programmes et de mesures incitatives. Il a été fait état d’un certain nombre de ces programmes, mais il reste beaucoup plus à faire. Il est peu probable que les femmes se mettront à faire de la politique ou à refuser d’être partie à un mariage polygame pour la seule raison que les lois les y autorisent; il y faut aussi des mesures incitatives, au moyen de mesures temporaires spéciales, et elles ont besoin de sentir que l’État, avec ses lois, sa politique et ses agents, est derrière elles.

Le Comité s’est montré préoccupé par le manque de promotion médiatisée des droits de la femme ainsi que par l’insuffisance de documents pédagogiques, de formation des enseignants et d’information du public. On demande instamment au Gouvernement de faire preuve de volonté politique en redoublant d’efforts à cet égard. En ce qui concerne le mariage et la vie de famille, l’expérience qu’en retient le Comité est que l’existence de multiples traditions légalement admises a tendance à désavantager les femmes. On encourage donc l’État partie à adopter une législation de nature à protéger les femmes dans tous les types de mariages. les mariages précoces et la polygamie sont à combattre par tous les moyens, et notamment par l’éducation et l’action des médias. Il faut également rechercher le concours des membres influents de la communauté. La recommandation générale no 21 du Comité dit que la polygamie est contraire à l’article 5 de la Convention et qu’il faut s’attacher à la décourager. Il y a tout lieu de se féliciter des efforts qui sont faits en faveur de l’abolition de la peine de prison pour non-paiement de dot.

Le Comité demeure préoccupé par le fait que la législation ne comporte pas de définition exhaustive de la discrimination, tant directe qu’indirecte, outre qu’il ne suffit pas de définitions légales : les progrès se mesurent aux résultats. Il faut donner aux femmes les moyens de connaître et d’utiliser leurs droits. Cela demande du temps, et la Présidente rend hommage au Gouvernement pour les efforts qu’il fait en vue de s’acquitter des obligations que lui impose la Convention. Comme il n’a pas jusqu’à présent donné la priorité à l’égalité des sexes, il lui faut maintenant changer de rythme et redoubler d’efforts. On espère que le prochain rapport fournira des preuves concrètes des résultats des actions qui auront été engagées pour remédier aux inégalités en matière d’éducation, de santé et de participation des femmes à la vie politique ainsi dans les autres domaines dont il a été débattu.

Enfin, la Présidente engage la Guinée équatoriale à ratifier le Protocole facultatif à la Convention ainsi que la modification du premier paragraphe de l’article 20.

La séance est levée à 17 h 35.