Trente-huitième session

Compte rendu analytique de la 778e séance

Tenue au Siège, à New York, le jeudi 17 mai 2007, à 15 heures

Présidente :Mme Šimonović

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Premier, deuxième, troisième, quatrième et cinquième rapports périodiques de la Sierra Leone (suite)

La séance est ouverte à 15 heures.

Examen des rapports présentés les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Premier, deuxième, troisième, quatrièmeet cinquième rapports périodiques de la Sierra Leone (CEDAW/C/SLE/5; CEDAW/C/VUT/Q/5 et Add.1)

Sur l’invitation de la Présidente, les membres de la délégation sierra-léonienne prennent place à la table du Comité .

Articles 7 et 8

M me Koroma (Sierra Leone), répondant aux questions posées à la 777e séance sur la participation des femmes à la politique et à la prise de décision, dit que le groupe paritaire forme les femmes à la participation au processus politique par la présentation de candidatures aux élections locales et nationales. Avant les élections de 2002, un manifeste des femmes publié à l’occasion de la Journée internationale de la femme insistait sur le quota de 30 % de candidates pour tous les partis politiques. Les élections de 2007 toutefois ont été organisées sur la base de sections locales et les partis ont trouvé qu’il était difficile aux femmes de se faire accepter comme candidates et aux électeurs de risquer de donner leur voix à des femmes qui ne font pas partie des sections locales.

Le Ministère des affaires sociales, de la condition féminine et de l’enfance a formé les journalistes à faire des reportages sur les candidates par des articles hebdomadaires qui portent également sur l’éducation des électeurs et les femmes dans la prise de décision. Il a également montré des affiches qui représentent les candidates comme des élues dignes de confiance. Outre la réduction de frais d’inscription pour les candidates, les partis politiques ont également mené des campagnes de collecte de fonds en faveur de celles-ci. L’Institut national de démocratie collabore également à la formation des candidates. Le ministère a encouragé les femmes à s’inscrire sur les listes électorales, à s’affilier aux partis politiques et à s’identifier aux électeurs pour parvenir à l’objectif de 30 % de candidates.

La Commission Vérité et réconciliation a recommandé au gouvernement de présenter des excuses aux femmes sierra-léoniennes pour les atrocités dont elles ont été victimes pendant la guerre, et le Président a présenté ses excuses publiques à l’occasion de la Journée internationale de la femme. Le gouvernement et les organisations non gouvernementales assurent la formation à la paix et offrent des programmes de logement pour les invalides de guerre, une éducation gratuite pour leurs enfants et des services de santé.

Article 9

M me Saiga, attirant l’attention sur les paragraphes 16.1.1 et 16.1.2 du rapport (CEDAW/C/SLE/5), demande s’il est prévu d’amender la loi relative à la nationalité de 1973 pour abroger les dispositions discriminatoires en vertu desquelles la nationalité ne peut être transmise que par le père. Elle souhaite savoir quelles dispositions la Constitution contient à ce sujet. Des informations supplémentaires seront également nécessaires sur toute mesure prévue pour accroître le nombre des naissances enregistrées.

M. Sesay (Sierra Leone) dit que la loi no 10 de 2006 a amendé la loi relative à la nationalité de 1973 pour autoriser la transmission de la nationalité également par la mère. Un examen global de cette loi en vue d’éliminer toute disposition discriminatoire sera également effectué et il est également prévu d’inclure celle-ci dans la Constitution.

M me Koroma (Sierra Leone) dit qu’une campagne nationale d’enregistrement des naissances a été menée le 16 juin 2006 dans le cadre de la célébration de la Journée de l’enfant africain.

Article 10

M me Chutikul dit que de nombreuses mesures efficaces ont été prises pour accroître la scolarisation des filles mais que davantage de progrès sont nécessaires. L’éducation doit également modifier les valeurs et les comportements pour assurer une meilleure qualité de vie. Mme Chutikul demande si des programmes parascolaires de formation des dirigeantes et de modèles pour les filles, qui ont été couronnés de succès dans certains pays, ont été mis en place en Sierra Leone. Elle voudrait également avoir davantage d’informations sur la formation des enseignants, la formation à l’égalité et elle demande si les difficultés concernant la rémunération des enseignants ont été surmontées.

M. Pemagbi (Sierra Leone) dit que la qualité de la formation des enseignants détermine celle du système d’enseignement. Les femmes ont toujours été encouragées à devenir enseignantes. La Sierra Leone a actuellement des difficultés à garder les enseignants expérimentés, et des incitations et des salaires compétitifs seront nécessaires pour les garder et attirer de nouveaux enseignants. Pendant la guerre tout particulièrement, le versement des salaires des enseignants a parfois été retardé parce qu’il n’était tout simplement pas possible de leur faire parvenir l’argent.

Le système d’enseignement en Sierra Leone est hérité du Royaume-Uni et il est axé essentiellement sur une formation théorique plutôt que technique. À l’heure actuelle les emplois techniques de niveau moyen ne sont pas pourvus car l’enseignement technique était dédaigné. Il faut surmonter les stéréotypes pour qu’un plus grand nombre de femmes s’inscrivent dans les écoles techniques. Il faut faire comprendre aux filles qu’elles sont capables de mener les études qu’elles veulent et qu’elles peuvent réussir dans les sciences aussi bien que les garçons.

Les mères adolescentes sont réadmises à l’école où elles ont l’occasion d’acquérir les compétences nécessaires à l’éducation des enfants et de s’initier aux disciplines théoriques et techniques. Les étudiants adultes ont davantage de possibilités, en particulier ceux qui n’ont pu aller à l’école au cours des 11 années de guerre. La formation continue des enseignants est généralisée du fait que de nombreuses personnes non formées sont devenues enseignantes en raison de la pénurie d’éducateurs professionnels.

Article 11

M me Patten demande si le Ministère du travail a pour priorité le réexamen de sa politique d’emploi en vue d’incorporer une perspective sexospécifique et si d’autres lois sur l’égalité des chances sont envisagées. Elle regrette l’absence totale de données ventilées par sexe et pose des questions sur les efforts déployés pour élaborer un tel système de statistique. Elle demande au gouvernement de recueillir des informations sur les femmes dans le secteur parallèle, ce qui leur donnera une visibilité plus grande aux planificateurs. Il serait intéressant de savoir si les besoins de ces femmes sont pris en compte, par exemple par la formation à l’entrepreneuriat. Davantage d’informations sont également nécessaires sur les lois visant à protéger les droits des femmes en matière d’emploi dans les secteurs tant public que privé.

M me Kajue (Sierra Leone) dit que le Ministère du travail a en effet réexaminé ses politiques d’emploi et des discussions sur cette question sont en cours aux réunions de validation mentionnées dans le rapport périodique. En ce qui concerne l’intégration d’une perspective sexospécifique, la législation ne prévoit pas de mesures de discrimination positive. Cependant les politiques de discrimination positive sont reflétées dans les offres d’emploi actuelles qui encouragent les femmes à présenter leur candidature, en particulier aux ONG. Le gouvernement sierra-léonien est conscient qu’il reste encore beaucoup à faire pour veiller à ce que les femmes puissent participer au processus d’emploi et pour surmonter des obstacles tels que le faible niveau d’instruction, les pratiques traditionnelles préjudiciables et même l’image qu’elles ont d’elles-mêmes. Comme le reconnaît le rapport périodique, l’absence de données ventilées par sexe est un défi important. Le gouvernement a donc élaboré un plan d’action pour combler de telles lacunes, qui met l’accent sur la nécessité de produire des données.

Le problème des femmes dans le secteur parallèle est grave. Les droits garantis par la loi en Sierra Leone, comme par exemple le congé de maternité, n’ont pas grande signification pour les femmes qui travaillent dans ce secteur et qui perçoivent un salaire très faible ou nul. Le gouvernement sierra-léonien prend donc des mesures pour éduquer, former et émanciper ces femmes et pour renforcer leur confiance en elles-mêmes et il délègue des pouvoirs aux conseils locaux qui sont en mesure de les aider.

M. Sesay (Sierra Leone) dit que la Constitution contient des dispositions garantissant l’égalité des chances en matière d’emploi pour les femmes et les hommes et l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale. Les principes de la politique gouvernementale reposent sur ces dispositions plutôt que sur les droits garantis par la Constitution. La Commission de révision de la Constitution a néanmoins proposé que ces principes deviennent des droits. La législation visant à prévenir les pratiques discriminatoires en matière d’emploi comprend la loi de 1971 relative à la réglementation des salaires et aux relations patronat-syndicats, qui prévoit notamment le droit des travailleurs de constituer des syndicats et d’en être membres et la protection des droits des travailleurs, y compris les droits des femmes. Le représentant de la Sierra Leone cite un exemple : il a été lui-même dirigeant du syndicat des enseignants de la Sierra Leone, organisation qui en chapeaute plusieurs autres et qui a négocié en 1994 avec le gouvernement la clause concernant le congé de maternité pour les femmes mariées dans le cadre de cette loi. Cette loi prévoit également un service d’inspection qui surveille les lieux de travail du secteur privé et signale les violations au gouvernement. En conséquence des sanctions ont été prises contre des entreprises privées qui ne respectaient la législation du travail.

Article 12

M me Zou Xiaoqiao note avec satisfaction les mesures prises par le gouvernement pour remédier aux problèmes de santé difficiles frappant les femmes, en particulier les taux élevés de mortalité et de morbidité maternelles, qui sont abordés avec franchise dans le rapport périodique. Elle souhaite davantage de détails sur les mesures prises par le gouvernement pour réduire les taux élevés de mortalité infantile et maternelle. Des informations sont également nécessaires sur la question de savoir si le plan d’action stratégique pour la promotion des femmes comprend des mesures visant à renforcer les droits en matière de procréation ou protéger la santé procréative. Mme Zou Xiaoqiao se demande si des plans sont envisagés pour réduire le coût des services de santé, fournir une formation complémentaire aux professionnels de la santé et améliorer les infrastructures médicales dans les zones rurales. Il n’est pas clair, à la lecture de rapport, si l’avortement est légal en Sierra Leone. Des informations plus précises sont nécessaires sur les avortements pratiqués dans des conditions dangereuses, qui contribuent au taux élevé de mortalité maternelle du pays. Enfin Mme Zou Xiaoqiao souhaiterait des informations sur le taux de prévalence de la contraception, en particulier dans les zones rurales, et sur l’existence de campagnes de plaidoyer pour promouvoir l’utilisation des contraceptifs.

M me Begum dit que les femmes en Sierra Leone ne semblent pas bénéficier de l’égalité d’accès aux services de santé de base, en particulier dans les zones rurales. Cette discrimination sexiste s’accompagne de pratiques traditionnelles nocives, comme les mutilations génitales féminines et leurs complications telles que les fistules, les mariages d’enfants forcés et le manque d’accoucheuses qualifiées. Des informations sont nécessaires sur les mesures visant à fournir d’autres moyens d’existence aux personnes qui pratiquent les mutilations génitales féminines; il faut leur donner une formation qui leur permette de devenir accoucheuses. Mme Begum souhaite savoir quelles sont les mesures prises par le gouvernement pour obtenir les ressources budgétaires nécessaires qui permettront d’améliorer les services de santé, en particulier pour le traitement des fistules.

M me Dairiam, se référant à la gratuité des soins de santé pour les groupes vulnérables tels que les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans, dit que d’après d’autres sources, dans la pratique ces groupes versent encore des honoraires. Ainsi donc bien que les soins soient théoriquement gratuits pour ces groupes, les services de santé leur sont encore inaccessibles. Le rapport reconnaît que l’accès des femmes rurales aux établissements de santé est entravé par le coût élevé des services. Mme Dairiam voudrait savoir de quelle manière le gouvernement suit l’accès à ces services et quelles mesures il prend pour remédier à ce problème. Elle demande si le gouvernement envisage de supprimer la gratuité des soins. Elle voudrait également savoir si le gouvernement a établi des critères et cibles pour la réduction de la mortalité maternelle. Outre l’analyse de la situation, il est nécessaire de procéder à une enquête confidentielle de tous les décès maternels afin de pouvoir en déterminer la cause exacte, y compris les problèmes d’infrastructure qui peuvent être réglés à court terme tels que l’absence de moyens de transport, de personnel et de produits sanguins.

M me  Pimentel demande davantage d’informations sur les politiques qui rendent les informations et services de qualité sur la planification de la famille accessibles à tous les groupes de population, en particulier les femmes rurales. Elle voudrait savoir de quelle manière le gouvernement surmonte les obstacles économiques et culturels à l’utilisation de contraceptifs dans ses politiques et programmes. Elle accueille avec satisfaction la mise en œuvre du programme de santé procréative qui est mentionné dans le rapport périodique. Toutefois il n’est pas clair si le gouvernement envisage de recueillir des données sur les avortements dangereux et leur contribution à la morbidité et mortalité maternelles.

M me Gaspard dit que les mutilations génitales féminines constituent une violation de la Convention ainsi que du Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, relatif aux droits de la femme en Afrique. Elle voudrait savoir si le gouvernement sierra-léonien envisage de sensibiliser le personnel médical en particulier à cette question du fait que les agents sanitaires peuvent jouer un rôle important dans la lutte contre une pratique qui nuit gravement à la santé des femmes.

M. Magbity (Sierra Leone) dit que son gouvernement a récemment procédé à une évaluation de la mortalité maternelle. D’après une enquête récente, le taux de mortalité maternelle est de 1 077 pour 100 000 naissances vivantes, ce qui est inacceptable. Il existe des causes multiples expliquant ce taux élevé, notamment un personnel médical insuffisant. Bien que des gynécologues exercent dans les grandes villes, il n’y en a pas dans les zones rurales.

La Sierra Leone a perdu près de 60 % de son personnel sanitaire qualifié pendant la guerre civile et éprouve actuellement des difficultés à encourager ce personnel à revenir. Le gouvernement sierra-léonien élabore donc un barème des traitements spécial pour attirer ceux qui ont quitté le pays et garder le personnel existant. Il espère mettre un terme à l’exode des médecins en améliorant les conditions de travail. Le personnel de santé est également formé aux opérations nécessaires en cas de complications obstétricales.

La guerre a également réduit de moitié le nombre d’établissements de santé. Depuis la fin de la guerre le nombre des établissements restants, qui étaient de 400 pour tout le pays, est passé à plus de 900. En raison de l’augmentation du nombre des établissements de santé le gouvernement a dû disperser le personnel. Pour remédier à ce problème, des établissements supplémentaires de formation du personnel médical spécialisé dans les soins de santé maternelle et infantile, y compris les soins d’urgence obstétricaux de base, ont été créés comme mesure provisoire en attendant que davantage d’obstétriciens et de médecins puissent être recrutés.

L’avortement est illégal en Sierra Leone, ce qui rend difficile la collecte de données sur les avortements dangereux. Le gouvernement est néanmoins conscient que de nombreux avortements sont pratiqués dans des conditions dangereuses dans le pays, ce qui aboutit à de nombreux décès maternels. La politique démographique du gouvernement prévoit des avortements sans risque pour raisons médicales ainsi que des soins après l’avortement ce qui réduira, on l’espère, le nombre d’avortements illégaux.

Une récente enquête en grappes à indicateurs multiples fait état d’un taux de prévalence de la contraception de 5 %. Ce taux est encore plus faible dans les zones rurales en raison des croyances culturelles. De nombreuses personnes dans les zones rurales considèrent que la planification de la famille par exemple est contraire à l’ordre divin. Le gouvernement mène donc d’importantes campagnes de sensibilisation dans ce domaine en coopération avec les ONG. Il s’est également heurté à des difficultés dans la fourniture de moyens contraceptifs du fait que l’organisation qui en était la principale source a cessé ses approvisionnements. Des efforts de lobbying auprès d’autres partenaires pour l’assistance dans ce domaine ont donc dû être déployés. L’utilisation de contraceptifs fait partie de la politique de santé procréative. La stratégie visant à réduire la mortalité maternelle et infantile prend en considération l’utilisation de contraceptifs, et une partie des ressources reçues des partenaires sera consacrée à la contraception.

Les femmes souffrant de fistules vésico-vaginales hésitent à se présenter dans les établissements de santé et sont souvent négligées par leur communauté. Ce n’est que récemment, depuis la fin de la guerre, que la population est consciente des questions concernant cette maladie. Depuis lors trois dispensaires ont été créés pour traiter ce problème. Malheureusement tous trois se trouvent dans la capitale. Néanmoins un projet de plan stratégique est envisagé pour remédier à ce problème et comprend une présence plus grande dans les zones rurales.

Avant la guerre, la Sierra Leone a pu appliquer avec succès l’Initiative de Bamako. Pendant la guerre il y a eu diverses formes de paiement pour les services de santé, certaines personnes versant des sommes modiques et d’autres recevant des soins gratuits. Du fait que le gouvernement n’est pas en mesure de fournir la gratuité des soins de santé à tous, il envisage de dispenser de paiement les femmes enceintes, les enfants de moins de cinq ans, les mères allaitantes et les personnes âgées et il continuera le mécanisme de couverture des frais à l’intention des personnes vulnérables. Toutefois des problèmes logistiques se posent dans l’exemption de paiement, notamment l’acheminement des médicaments aux établissements de santé. Dans certains endroits les agents sanitaires doivent souvent se rendre dans les districts, où se trouvent les médicaments, et payer eux-mêmes les dépenses. À leur retour ils répercutent ces dépenses même sur les personnes exemptées de paiement. Le gouvernement s’attache donc à améliorer le système de transport dans les districts pour que le personnel médical puisse fournir des médicaments aux patients. Dans chaque établissement de santé, un comité sanitaire de village surveille le fonctionnement et informe les communautés de leurs droits et des politiques de santé du gouvernement. Bien que ces comités n’aient pas été très efficaces jusqu’à présent, des efforts sont déployés pour les renforcer.

Le représentant de la Sierra Leone accueille avec satisfaction les propositions de critères pour la survie de l’enfant et l’examen de tous les cas de décès maternels, auxquelles le gouvernement entend donner suite. Enfin les pratiques traditionnelles nocives telles que les mutilations génitales féminines sont effectivement contraires à la Convention. Du fait que de nombreuses personnes dans les communautés rurales continuent d’appuyer de telles pratiques, des efforts considérables de plaidoyer seront nécessaires pour les éliminer progressivement.

Article 14

M me Fatima, après avoir félicité le gouvernement sierra-léonien des initiatives prises dans le cadre de la loi relative aux autorités locales de 2004 pour veiller à ce que les femmes soient des partenaires à part entière dans tous les programmes de développement, demande si la politique et le plan d’action nationaux de 1994 relatifs au développement rural intégré ont fait l’objet d’évaluations et s’ils ont été sanctionnés dans le programme de réforme des administrations locales et de décentralisation. Mme Fatima estime que la réforme agraire aurait dû figurer dans le rapport et qu’elle aurait dû être une priorité étant donné que la plupart des femmes vivent dans les zones rurales et ne bénéficient pas de l’égalité d’accès à la propriété foncière et que la Commission de la réforme législative n’a pas encore publié son projet de réforme agraire pour garantir le droit des femmes à la propriété foncière.

Mme Fatima demande davantage d’informations sur le mandat de la Commission de la réforme législative, la date de publication de ses recommandations, les procédures qui seront appliquées par la suite et les priorités du gouvernement en matière de réforme agraire. Elle demande quels efforts ont été déployées pour harmoniser les procédures des institutions de prêts officielles avec celles des prêteurs privés pour donner aux femmes un accès plus grand au crédit et quelles autres mesures sont envisagées par le gouvernement pour identifier les besoins des femmes rurales.

M me Tan demande des informations sur le nombre et le montant des prêts consentis aux femmes et les taux d’intérêt appliqués par les prêteurs ainsi que sur les efforts déployés pour lutter contre les pratiques usuraires des prêteurs privés. Elle souhaite également savoir pour quelles raisons les femmes demandent un microfinancement à la Commission nationale de l’action sociale. S’agissant de l’affirmation par le gouvernement selon laquelle la politique agricole incite à confier des terres aux femmes chefs de famille, elle demande combien de femmes ont obtenu des terres de cette façon et si le titre de propriété leur appartient en totalité ou si elles doivent le partager avec un membre mâle de leur famille.

M me Simms fait observer que les femmes sierra-léoniennes vivent pour la plupart dans les zones rurales et qu’elles sont responsables à 80 % de la production alimentaire, or elles ont été historiquement marginalisées et privées de leurs droits, situation qui est aggravée par leur tendance à avoir de nombreux enfants en raison de la croyance selon laquelle les enfants sont un cadeau de Dieu. Il est donc important de faire connaître la planification de la famille aux femmes rurales et d’avoir avec elles des discussions ouvertes et franches sur les questions relatives à leur corps, les hommes jouant un rôle dirigeant dans une telle campagne.

M me Koroma (Sierra Leone) convient que les hommes doivent diriger la campagne d’information sur les mutilations génitales féminines car de tels actes ne peuvent être accomplis sans leur permission.

M me Kajue (Sierra Leone) dit que, bien que la politique et le plan d’action nationaux relatifs au développement rural intégré n’aient pas encore fait l’objet d’évaluations, ils ont déjà abouti à des résultats concrets, comme la loi relative aux autorités locales qui a contribué à accroître la participation des femmes à la prise de décision et à la représentation au niveau local même si le nombre de conseillères locales demeure très faible. Les questions de santé et d’éducation sont également abordées, en particulier dans les zones rurales.

En ce qui concerne l’accès aux établissements de crédit, les femmes sont encore confrontées à de nombreux obstacles, notamment l’absence de nantissement. À cet égard la Commission nationale de l’action sociale met en œuvre un programme de microcrédit qui cible spécifiquement les femmes rurales. S’agissant des taux d’intérêt, il est difficile d’obtenir des données fiables car la plupart des prêts sont consentis à titre officieux par des prêteurs privés; on estime toutefois que le taux d’intérêt pratiqué par les ONG est d’environ 30 % tandis que les prêts complémentaires du gouvernement sont sans intérêt. Des données ne sont pas disponibles sur le nombre de femmes qui obtiennent des prêts privés ou auprès de la Commission nationale de l’action sociale. Malheureusement la plupart des prêts consentis pour la création de microentreprises servent au petit commerce et à la survie quotidienne.

En ce qui concerne l’état nutritionnel et de santé des femmes, les ONG mènent des activités de formation et d’éducation au moyen de programmes de démarginalisation économique. Le gouvernement a élaboré des cadres stratégiques pour traiter toutes ces questions et il a nommé des spécialistes des questions de parité entre les sexes qui siègent dans les administrations locales et qui consultent les femmes pour déterminer leurs besoins véritables.

M. Sesay (Sierra Leone) dit qu’il existe dans son pays un système double de régime foncier : le système individualiste de la zone occidentale hérité du Royaume-Uni en vertu duquel toute personne peut posséder et céder des terres, aucun obstacle juridique ne s’opposant à l’acquisition de terres agricoles par les femmes; et le système en vigueur dans les provinces qui est fondé sur le droit coutumier en vertu duquel la terre appartient à la famille et aucun particulier ne peut la posséder ni la céder à l’insu du chef de famille, qui est généralement un homme, et sans son approbation. Dans ce dernier cas les femmes ont droit à la terre familiale mais elles ne peuvent la posséder car elles quittent généralement l’enceinte familiale au moment de leur mariage. La Commission de la réforme législative examinera l’ensemble de la législation foncière mais le processus sera long car les règles du droit coutumier varient d’un groupe ethnique à l’autre et doivent être formulées de nouveau et codifiées avant que la question de l’inégalité d’accès des femmes à la terre puisse être abordée.

Articles 15 et 16

M me Halperin-Kaddari demande si, comme l’indiquent les réponses à la liste des questions sur le droit religieux et coutumier, il n’y a pas de limite au nombre de femmes qu’un homme peut épouser et il n’y a pas d’âge minimum pour le mariage. La délégation sierra-léonienne a fait savoir qu’un âge minimum sera fixé dans le cadre de la révision du droit coutumier mais n’a pas évoqué la polygamie. Mme Halperin-Kaddari se félicite que la nouvelle loi permettra aux femmes d’acquérir des biens de sorte qu’elles ne devront plus rester mariées simplement parce que leur famille ne peut rembourser la dot. Elle aimerait toutefois savoir si des mesures ont été prises pour que les hommes et les femmes puissent invoquer les mêmes motifs en cas de divorce.

M me Tan demande si la délégation sierra-léonienne estime que les quatre types de statut de mariage proposés pour la Sierra Leone, à savoir la loi portant amendement de la loi relative au mariage chrétien, la loi portant amendement de la loi relative au mariage musulman, la loi portant amendement de la loi relative au mariage civil et le droit coutumier ainsi que le droit de la famille sont conformes aux articles 15 et 16 de la Convention. Elle voudrait savoir ce qui se passe en cas de conflit entre ces lois et si le gouvernement envisage de réviser le droit commun qui perpétue les stéréotypes en vertu desquels l’époux a l’obligation juridique de subvenir aux besoins de la femme tandis que celle-ci doit s’acquitter de tous les travaux ménagers. Finalement Mme Tan se demande si le gouvernement a tenté d’amender le droit mahométan sur le divorce qui est extrêmement discriminatoire à l’égard des femmes.

M me Coker-Appiah demande si en vertu du droit commun, le tribunal peut effectivement ordonner la vente de biens possédés conjointement par le mari et la femme et le partage proportionnel du produit de la vente en cas de divorce. En ce cas elle se demande si le droit commun l’emportera sur le droit coutumier qui présume que la propriété familiale appartient à l’homme.

M. Sesay (Sierra Leone) dit que la polygamie est autorisée en droit coutumier mais que l’homme doit être en mesure de subvenir aux besoins financiers de toutes ses épouses. La bigamie dans les mariages chrétiens et civils est un crime et elle est passible d’une peine de huit ans d’emprisonnement. En vertu du droit coutumier, il n’y a pas d’âge minimum pour le mariage des filles et ces dernières sont promises en mariage très jeunes. Dans le cadre du projet de loi relatif aux droits de l’enfant qui a été élaboré pour examen par le Parlement, l’âge minimum sera de 18 ans dans tous les cas, y compris les mariages coutumiers, et le consentement de la femme sera nécessaire. Dans les mariages coutumiers la famille de l’épouse rembourse traditionnellement la dot, y compris les cadeaux et l’argent, si l’épouse souhaite quitter son mari. Cependant le projet de loi relatif à l’enregistrement des mariages coutumiers et au divorce prévoit qu’il ne sera plus nécessaire de rendre les cadeaux bien que l’argent doive être remboursé.

Le gouvernement prend des mesures pour garantir le partage équitable des biens à l’issue d’un divorce. Dans le cas des mariages chrétiens et civils, le projet de loi sur les droits de succession garantira le partage à égalité des biens entre le conjoint survivant et les membres de la famille, y compris les enfants nés en dehors du mariage et les enfants adoptés. Dans le cas des mariages coutumiers, les droits de propriété de la femme souvent ne sont pas pris en compte car c’est une pratique établie que la femme fait partie du foyer de l’homme après son mariage et que si l’époux décède, la terre revient à la famille de l’époux. Cependant le projet de loi relatif à l’enregistrement des mariages coutumiers et au divorce octroiera des droits de propriété aux femmes dans tous les types de mariage. Le droit coutumier devra s’aligner sur les dispositions de ce projet de loi une fois qu’il aura été adopté par le Parlement. En cas de différend, une femme peut s’adresser aux tribunaux locaux et faire appel auprès des cours d’appel de district qui sont tenues d’avoir un juriste spécialisé dans les droits de l’homme.

En ce qui concerne la représentation des femmes dans le système judiciaire, aucun obstacle juridique n’empêche les femmes de devenir magistrates ou présidentes des tribunaux locaux. Cependant dans la pratique la représentation des femmes est faible, et en 2007 aucune femme n’est présidente des 280 tribunaux locaux. Le Fonds de développement des Nations Unies pour la femme apporte un appui au Ministère de la justice en vue de renforcer la participation des femmes dans le système judiciaire. En cas de conflit entre les différents types de mariage il incombe à la Cour suprême de décider quel mariage a la priorité. Dans les mariages coutumiers, l’homme est tenu de subvenir financièrement aux besoins de sa femme et celle-ci est tenue de s’acquitter des travaux domestiques. Ces obligations ne sont consacrées dans aucune disposition juridique mais elles ont été établies par la pratique.

En vertu du droit commun régissant les mariages chrétiens et civils, un conjoint peut demander le divorce pour raisons de cruauté, d’abandon du domicile ou d’adultère. Cependant dans les mariages coutumiers, les motifs de divorce sont différents pour les hommes et les femmes. Le mari peut demander le divorce pour raison d’adultère et exiger des dommages-intérêts. Les femmes peuvent demander le divorce en cas d’adultère répété mais elles ne peuvent réclamer des dommages-intérêts. La Commission de la réforme législative étudie la proposition qui permettra aux femmes de demander des dommages-intérêts. Le mari peut également demander le divorce au motif que sa femme est paresseuse. Cependant une femme ne peut invoquer ce motif et elle ne peut demander le divorce que si elle peut prouver que le mari ne peut pas subvenir financièrement aux besoins de sa femme. Une femme peut également demander le divorce au motif que son mari est impuissant.

La Présidente invite les membres du Comité à poser des questions sur les articles examinés.

M me Begum dit qu’il serait utile de savoir quand les projets de loi relatifs à l’enregistrement des mariages coutumiers, au divorce, à la violence familiale et aux droits de succession seront approuvés par le Parlement. Des informations complémentaires doivent être fournies sur les mesures socioéconomiques prises pour prévenir la traite des êtres humains et le programme de réinsertion mis en place à la fin de la guerre en 2002.

M me Simms dit qu’il sera intéressant d’avoir des données sur le nombre de femmes mariées sous le régime du droit coutumier et celui des femmes mariées en vertu du droit chrétien et civil.

M me Coker-Appiah dit qu’il faut préciser si les amendements proposés à la loi relative aux infractions sexuelles criminalisent le viol conjugal.

M. Sesay (Sierra Leone) dit que les projets de loi relatifs à l’enregistrement des mariages coutumiers, au divorce, à la violence familiale et aux droits de succession ont été présentés pour approbation au Parlement. Il convient de noter que celui-ci a le pouvoir d’amender ou de supprimer des clauses. Le viol conjugal a été inclus dans les amendements proposés à la loi relative aux infractions sexuelles.

M me Koroma (Sierra Leone) dit qu’environ 90 % des mariages dans les zones rurales sont des mariages coutumiers. La délégation sierra-léonienne demande à la Division de la promotion de la femme de continuer à apporter un appui technique et des ressources aux programmes en Sierra Leone.

La Présidente dit que l’incorporation de la Convention dans la législation interne constituera un cadre juridique obligatoire pour lutter contre la discrimination à l’égard des femmes. Les hommes doivent jouer un rôle dirigeant dans l’élimination de toutes les formes de violence à l’égard des femmes. Les observations finales du Comité fourniront des directives pour assurer la mise en œuvre intégrale de la Convention et doivent être largement diffusées dans le pays.

La séance est levée à 17 h 20.