Trentième session

Compte rendu analytique de la 632e séance

Tenue au Siège, à New York, le mercredi 14 janvier 2004, à 10 heures

Président :Mme Açar

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties, conformément à l’article 18de la Convention (suite)

Examen du deuxième rapport périodique du Kirghizstan

La séance est ouverte à 10 h 15.

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Deuxième rapport périodique du Kirghizistan (CEDAW/C/KGZ/2)

À l’invitation de la Présidence, M me Alysheva, M. Baialinov, M me Kangeldieva, M me Kourbanova et M me Kudaiberdieva (Kirghizistan) prennent place à la table du Comité.

M me Kangeldieva (Kirghizistan) rappelle que le Kirghizistan a adhéré à la Convention en mars 1996 et que le deuxième rapport périodique national date de septembre 2002. Son exposé couvrira donc la période écoulée depuis cette date. Le Kirghizistan, devenu un État souverain, s’est engagé dans la voie de la démocratie, axant ses efforts sur la mise en place de ses institutions, le développement du potentiel de la société civile et l’épanouissement d’une culture de consensus politique. Le pays est fier de sa stabilité politique et de son harmonie ethnique. Il existe 43 partis politiques dans le pays, dont huit sont représentés au Parlement ou Zhogorku Kenesh. Le Kirghizstan compte également plus de 9 000 organisations non gouvernementales et 80 % des médias sont privatisés.

Les deux slogans nationaux lancés par le Président de la République, M. Askar Akayev, « Le Kirghizistan – notre pays à tous » et « Kirghizistan – le pays des droits de l’homme » concrétisent les idéaux sur lesquels se fonde la société pluriethnique kirghize. Un Conseil public pour la sécurité démocratique a été créé et le nouveau code démocratique adopté en septembre 2003 garantit le respect des droits et des libertés de la personne et l’égalité entre les sexes.

La consolidation des fondements et mécanismes juridiques mis en place pour améliorer la situation des femmes constitue le principal progrès réalisé depuis la présentation du deuxième rapport périodique. Le Kirghizistan a signé plus de 30 instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, dont, en 2002, le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Le 2 janvier 2002, un programme national pour assurer le respect des droits de la personne a été approuvé par décret présidentiel pour la période 2002-2010. Ce programme prévoit notamment l’examen de la responsabilité pénale des fonctionnaires coupables de harcèlement sexuel, des voies et recours juridiques pour que les femmes victimes de violence (y compris violence familiale) puissent poursuivre leurs agresseurs devant les tribunaux, la collecte systématique des statistiques disponibles sur la violence domestique, une coopération internationale pour lutter contre toutes les formes de traite des femmes et des enfants (y compris pour exploitation sexuelle, à des fins pornographiques, de prostitution ou de tourisme sexuel) et la fourniture d’un appui juridique aux victimes de ces actes criminels.

Une loi nationale garantissant l’égalité entre les sexes a été adoptée en mars 2003. Elle accorde aux femmes les mêmes droits et possibilités qu’aux hommes dans les domaines social, politique, économique, culturel et autres et protège les hommes et les femmes de toute discrimination sexuelle. Le Conseil national pour la protection de la femme, de la famille et l’égalité entre les sexes est chargé de son application qui, à cette fin, a défini des méthodes pour procéder à l’analyse sexospécifique des projets de loi et programmes, aux niveaux national, régional et local.

Au cours du même mois, une loi nationale sur la protection sociale et juridique en cas de violence familiale a été adoptée qui, outre la protection qu’elle offre aux victimes prévoit des mesures de prévention. C’est la première loi nationale adoptée à l’initiative populaire, en application de l’article 64 de la Constitution. Au moins 30 000 signatures sont nécessaires pour le passage de la loi. La loi prévoit des ordonnances de protection temporaires et des ordonnances du tribunal ainsi que des méthodes pour en assurer l’exécution. Le Ministère des affaires intérieures et le Comité national des statistiques procèdent actuellement à la collecte de données, ventilées par sexe, sur la violence familiale.

C’est le Plan d’action national pour l’égalité entre les sexes établi pour 2002-2006 par le Conseil national pour la protection de la femme, de la famille et l’égalité entre les sexes sur la base du Programme d’action de Beijing qui définit l’orientation générale de la politique nationale pour l’égalité entre les sexes. Ce Plan d’action national prévoit de nouvelles mesures pour assurer l’égalité entre les sexes, la participation équilibrée des hommes et des femmes aux prises de décisions, à tous les niveaux, l’introduction d’une composante femmes dans les calculs de développement économique, la prise en compte de la sexospécificité dans les soins de santé, le respect d’une parité entre les sexes dans les secteurs de l’éducation et de la culture et la lutte contre toutes les formes de violence à l’égard des femmes.

Tous les ministères, services gouvernementaux, comités et autorités régionales et municipales sont chargés de la mise en œuvre du plan. Le Conseil national pour la protection de la femme, de la famille et l’égalité entre les sexes organise également des cours de formation, des séminaires, des tables rondes et des conférences à l’intention de toutes les entités gouvernementales et non gouvernementales afin de les sensibiliser au Plan d’action national et assurer son succès.

La priorité est donnée à l’augmentation du nombre de femmes dans les autorités nationales et les organes directeurs de l’État. Bien que les femmes représentent 52 % de l’électorat, elles participent très peu à la vie politique, tout particulièrement à l’échelon national. Un décret présidentiel de août 2002 sur l’amélioration de la politique de recrutement des femmes à des postes de responsabilité dans l’administration assure l’égalité des chances entre hommes et femmes dans ce secteur. La loi nationale garantissant l’égalité entre les sexes limite à 70 % la proportion d’hommes ou de femmes nommés à la Cour constitutionnelle, à la Cour suprême, à la Commission centrale pour les élections et l’organisation des référendum et à la Chambre des comptes.

Le système du multipartisme est encore en cours de mise en place, mais les femmes sont, de toute façon, sous représentées dans l’arène politique. En effet, sur 43 partis enregistrés il n’y en a que cinq qui soient dirigés par des femmes et seulement la moitié des partis compte des femmes parmi leurs instances dirigeantes. Aucun parti ne considère les femmes comme une force politique capable d’initiative et d’indépendance. Le Code du travail, la Loi sur la protection du travail et la Loi sur le développement de l’emploi assurent aux femmes les mêmes droits qu’aux hommes sur le marché du travail. Les femmes représentent 43,2 % des salariés mais leur salaire équivaut seulement à 63,1 % de celui des hommes. La division traditionnelle du travail entre femmes et hommes existe toujours, les femmes tendant à occuper les postes les moins bien payés. Le travail à la maison est reconnu comme un emploi social ou industriel mais les tâches ménagères et le travail agricole non rémunéré ne sont pas comptés dans le produit national brut ni ne donnent droit à la retraite ou aux avantages dont bénéficient les salariés.

La Constitution, la législation nationale et les réglementations régissant les établissements scolaires posent le même droit à l’éducation pour les deux sexes. La population féminine a un niveau d’éducation légèrement supérieur à celui de la population masculine. Le Gouvernement, dans le Plan d’action national pour « l’éducation universelle » adopté le 30 juillet 2002, garantit pour tous les enfants, indépendamment de leur sexe, mais tout particulièrement les filles, les enfants vulnérables et les enfants des minorités ethniques, l’accès à l’enseignement gratuit et obligatoire d’ici 2015. La Constitution et la législation nationale garantissent aux hommes et aux femmes le même droit aux soins médicaux. Les soins de santé sont financés en partie sur le budget national, en partie par l’assurance médicale obligatoire, les versements des particuliers et d’autres sources. Le Gouvernement, depuis 2001, approuve chaque année un programme national garantissant à tous l’accès gratuit aux soins médicaux de base. Malheureusement, le financement de ce programme reste sporadique et insuffisant.

Ce programme national garantit aux femmes enceintes l’accès gratuit aux soins d’urgence et aux soins prénatals ainsi qu’aux soins après l’accouchement. Quatre-vingt-cinq pour cent des femmes ont accès aux soins prénatals. Le programme « Zhan-Enye » adopté pour 2003-2006 prévoit un suivi médical durant la grossesse et l’accouchement ainsi que des soins postnatals, à leur donner accès aux méthodes de planification familiale modernes et à améliorer la protection juridique des mères et des enfants. En 2002, 26,6 % des femmes utilisaient des moyens de contraception. En 2002, la proportion d’avortements était de 10,8 pour 1 000 femmes en âge de procréer. L’avortement est légal et pratiqué par les établissements publics et privés autorisés. La mortalité des nourrissons de moins de un an, actuellement de 21,2 % pour 1 000 naissances vivantes, est en diminution. Cependant, la méthode utilisée pour comptabiliser les naissances vivantes, et par conséquent calculer le taux de mortalité infantile, ne répond pas aux normes internationales et donne des chiffres artificiellement à la baisse. En 2004, le Kirghizistan adoptera les méthodes recommandées par l’Organisation mondiale de la santé. Le taux de mortalité maternelle reste élevé avec 53,5 pour 1 000 pour chaque tranche de 100 000 naissances vivantes.

Il y avait officiellement 482 personnes affectées par le VIH/Sida au 1er décembre 2003. Parmi les personnes infectées, 44 étaient des femmes dont 7 ayant accouché au cours de la période sur laquelle porte le rapport. En 2001, le Gouvernement a approuvé le Plan de mise en œuvre du Programme national de prévention du VIH/Sida et des maladies sexuellement transmissibles ou par injection pour 2001-2005 que finance le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/Sida (ONUSIDA). Le Centre national de lutte contre le Sida reçoit aussi une aide financière du Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme.

La population rurale, qui représente 65 % de la population nationale, est composée à 63,7 % de femmes. La proportion de pauvres est de 51 % en milieu rural et de 41,2 % en milieu urbain. Le taux d’extrême pauvreté est de 15,6 % dans la population rurale et de 9,6 % dans la population urbaine. Aucune mesure spéciale n’est prévue pour améliorer la situation des femmes vivant dans les zones rurales mais le Cadre général pour le développement national jusqu’à 2010 prévoit la décentralisation des fonctions gouvernementales, ainsi que des mesures pour assurer le développement social, l’amélioration des infrastructures et la croissance économique des zones rurales.

Les stéréotypes sexistes sont profondément enracinés, en particulier au niveau de la cellule familiale. En 2002, on a enregistré 3 297 crimes perpétrés contre des femmes mais les chiffres concernant la violence familiale sont bien au-delà de la réalité car de nombreuses victimes ne portent pas plainte auprès des organes chargés de faire appliquer les lois. Les centres d’accueil traitent de 5 à 6 000 femmes par an, dont la moitié sont des victimes de violences familiales. Les organes chargés de faire appliquer les lois enquêtent sur tous les cas de vol de la future épouse et de polygamie qui leur sont rapportés. Des poursuites judiciaires ont été intentées dans des cas de bigamie, de relations maritales de fait avec des personnes en dessous de l’âge requis pour le mariage et de mariage forcé. Une campagne régionale sur le thème « Une vie sans violence : c’est notre droit » financée par le Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM) a été menée en 2001 et 2002. Le Conseil national pour la protection de la femme, de la famille et l’égalité entre les sexes a organisé une émission – débat à l’occasion de la campagne mondiale «  Seize jours d’action contre la violence à l’égard des femmes ». En partenariat avec l’UNIFEM, il a également monté un projet sur le thème « Sur le chemin de la non violence » impliquant les médias.

La traite des femmes et des enfants est un problème de plus en plus grave. Un programme de lutte contre l’exportation illégale et la traite des personnes a été approuvé par décret présidentiel le 21 avril 2002. En avril 2003, une loi a été promulguée pour la ratification du Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, ainsi que du Protocole contre le trafic illégal de migrants par terre, air et mer et la signature, par le Kirghizistan, de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

En août 2003, une loi a été promulguée pour l’amendement et la modification de certains textes législatifs. Cette loi prévoit l’augmentation des peines encourues pour la traite des personnes qui peuvent maintenant aller jusqu’à 20 ans d’emprisonnement. Une conférence régionale sur la lutte contre la traite des personnes s’est tenue à Bishkek du 2 au 4 décembre 2003 avec l’appui de l’Organisation internationale des migrations (OIM). Des représentants de tous les pays d’Asie centrale, d’Ukraine et de la Fédération de Russie y ont participé. L’application de la Convention progresse mais il reste encore beaucoup à faire. Les principaux obstacles à l’instauration de l’égalité entre les sexes sont l’augmentation de la pauvreté et du chômage, le manque d’implication de la société, le nombre restreint de femmes occupant des postes de responsabilité, la situation sanitaire déplorable des femmes et le manque de sensibilisation aux droits des femmes. La législation doit également être améliorée.

M me Gaspard dit que l’introduction d’une nouvelle législation pour assurer l’égalité entre les sexes est une mesure positive mais estime que les implications, sur la situation des femmes, de tous les points de la législation doivent être examinées. Elle se demande si le public est au courant de la nouvelle législation, en particulier de la loi sur la protection sociale et juridique en cas de violence familiale promulguée à l’initiative de la population. Elle estime que le prochain rapport périodique, pour donner une idée plus claire de la discrimination réelle, par exemple au niveau de l’emploi et des salaires, devra fournir des données ventilées par sexe.

Elle voudrait savoir si les quotas par sexe limitant à 70 % maximum la proportion de femmes ou d’hommes nommés à la Cour constitutionnelle, à la Cour suprême, à la Commission centrale pour les élections et la tenue des référendums et à la Chambre des comptes sont obligatoires ou s’il s’agit seulement d’une recommandation. Enfin, elle considère que le prochain rapport périodique devrait indiquer le pourcentage d’hommes et de femmes dans les différents organes de l’État visés par la loi nationale garantissant l’égalité entre les sexes.

M me Shin demande si le Gouvernement a rendu publique la ratification, par le Kirghizstan, de quelques 30 instruments relatifs aux droits de l’homme, y compris la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et son Protocole facultatif, ainsi que les observations finales et les recommandations générales du Comité à propos du rapport initial du Kirghizistan. La participation des femmes à la vie politique paraissant être faible, elle souhaiterait savoir si le Gouvernement envisage des mesures temporaires spéciales sous forme de quotas pour les postes d’élus, outre le quota de 70 % mentionné par Mme Gaspard. Elle se félicite de la législation adoptée pour lutter contre la violence familiale mais voudrait connaître les sanctions appliquées. Elle voudrait également savoir si les enquêtes sur les cas de vol de la mariée dénoncés ont abouti à des condamnations. Elle souligne à ce propos que l’expression « vol de la mariée » est inappropriée et qu’il s’agit en fait d’enlèvement, de kidnapping et d’esclavage.

M me Morvai, à propos du plan d’exécution du Programme national pour le respect des droits de la personne (2002-2010) prévu dans le cadre de la coopération internationale pour lutter contre la traite des femmes et des enfants, se félicite que le Gouvernement kirghize ait replacé le problème dans le contexte plus large de l’exploitation sexuelle et reconnu les liens entre la traite des personnes, la pornographie, la prostitution et le tourisme sexuel. Elle souhaite que les autres pays de la région adoptent cette même approche, ce qui permettrait de donner à la coopération régionale toute l’efficacité requise. Enfin, elle considère que le Gouvernement devrait chercher des donateurs qui partagent ses idées. Elle suggère qu’il prenne contact, notamment, avec l’Agence suédoise de développement international car le Gouvernement suédois a toujours été l’un des chefs de file de la lutte contre la traite des personnes.

M me Tavares da Silva demande si des organisations non gouvernementales ont participé à la préparation du deuxième rapport périodique comme l’avait recommandé le Comité dans ses observations finales sur le rapport initial (CEDAW/C/KGZ/1). Elle voudrait savoir si les observations finales et recommandations générales du Comité ont été largement diffusées, si un mécanisme de suivi a été créé et si le Conseil national pour la protection de la femme, de la famille et l’égalité entre les sexes contrôle l’application des dispositions, non seulement de la Convention, mais également des autres instruments internationaux relatifs aux femmes.

Elle relève avec préoccupation qu’une loi sur la protection des droits des mineurs est citée dans la section du deuxième rapport périodique traitant de la définition de la discrimination contre les femmes. Elle rappelle que, comme cela est par ailleurs reconnu dans le rapport, la non prise en compte, au niveau de la législation, des disparités entre les sexes désavantage de fait les femmes. Elle voudrait savoir s’il a été fait une analyse du point de vue de l’égalité entre les sexes de la législation actuelle et pourquoi le Gouvernement n’a pas recouru à des mesures temporaires spéciales pour remédier à ce désavantage.

Notant avec satisfaction l’adoption, le 12 mars 2003, de la loi nationale garantissant l’égalité entre les sexes, elle aimerait connaître les réactions suscitées par sa promulgation et demande si elle a déjà permis d’obtenir des résultats positifs. D’après plusieurs sources indépendantes, les attitudes traditionnelles à l’égard des femmes feraient un retour en force, ce que semble confirmer l’importance de la polygamie, des vols de la future épouse, et des mariages précoces forcés. Elle souligne que les mesures législatives prises pour lutter contre ces phénomènes sont les bienvenues mais qu’il faut aussi changer les mentalités.

M me Kangeldieva (Kirghizistan) précise qu’une certaine proportion de la population est tout à fait au courant de la loi sur la protection sociale et juridique en cas de violence familiale puisque celle-ci a été adoptée sur la base d’une initiative populaire. Elle souligne que les organisations non gouvernementales ont joué un rôle de premier plan dans la campagne pour l’adoption de cette loi qui est devenue effective en mars 2003. Depuis lors le secrétariat du Conseil national pour la protection de la femme, de la famille et l’égalité entre les sexes collabore étroitement avec des représentants de tous les échelons des autorités locales et des organes chargés de faire appliquer les lois, pour sensibiliser la population aux dispositions de ladite loi.

L’introduction possible de quotas par sexe fait actuellement l’objet d’un débat. L’opinion est partagée et certaines femmes craignent que cette mesure n’aboutisse à une stigmatisation des femmes. Leur réticence s’explique par l’expérience acquise au cours de 70 ans de communisme. Sous le régime soviétique, 30 % des postes dans les organes directeurs étaient réservés aux femmes, mais les femmes elles-mêmes en étaient arrivées à considérer ces quotas comme purement symboliques.

Bien qu’il n’existe actuellement aucun quota par sexe, la loi nationale garantissant l’égalité entre les sexes recommande au Zhogorku Kenesh de limiter à 70 % la proportion de personnes d’un même sexe nommées aux postes de juges à la Cour constitutionnelle et à la Cour suprême, aux postes de fonctionnaires à la Commission centrale pour les élections et l’organisation des référendums et aux postes de vérificateurs à la Chambre des comptes. Un décret présidentiel a également été publié pour l’amélioration de la politique-cadre pour le recrutement des femmes à des postes de responsabilité dans l’administration. Suite à ce décret, plusieurs femmes ont été nommées à des postes de direction au niveau des autorités locales. À l’heure actuelle, un des sept postes de gouverneur de région est occupé par une femme. Par ailleurs, six gouverneurs adjoints sont des femmes.

Après l’examen du rapport initial du Kirghizistan, le Comité national pour la famille, la femme et la jeunesse qui était alors le mécanisme national chargé de la promotion de la femme a organisé une série de tables rondes et de séminaires pour sensibiliser le public aux observations finales et recommandations générales du Comité. Ces dernières ont aussi été publiées dans les médias. Le Président du Comité national est également intervenu plusieurs fois à la télévision. Un plan pour l’application des recommandations a également été arrêté.

En 1998, huit lois ont fait l’objet d’une analyse de la prise en compte du souci d’équité entre les sexes mais seulement 2 des 84 recommandations subséquentes ont cependant été retenues, principalement parce que l’analyse par sexe de la législation n’avait aucun caractère obligatoire. En conséquence, le Conseil national a recommandé au Gouvernement et au Zhogorku Kenesh d’amender leurs règlements intérieurs pour rendre obligatoire l’analyse par sexe des projets de loi proposés par le pouvoir exécutif et de ceux examinés par l’appareil législatif. Il a, en outre, recommandé la création d’un mécanisme pour faire la liaison avec le Médiateur de la République en vue de l’analyse par sexe des lois existantes. L’intervenante souligne à ce propos que les recommandations du Conseil national ont force de directives. Le secrétariat du Conseil a créé une commission chargée des analyses par sexe qui étudie actuellement les programmes du Gouvernement.

M. Baialinov (Kirghizistan) dit que les mesures prises pour lutter contre la violence familiale vont des ordonnances de protection, qui sont des mesures préventives, aux poursuites judiciaires qui peuvent aboutir à la condamnation de l’agresseur pour différents délits. Les données sur la polygamie et le vol de la future épouse fournies dans le deuxième rapport périodique concernent les cas portés devant les tribunaux. Malheureusement ces cas ne représentent que la partie émergée de l’iceberg, les victimes ne s’adressant que rarement aux autorités chargées de faire respecter les lois. En outre, le fait que la Constitution interdise toute ingérence directe de l’État dans la vie privé des citoyens nuit à l’efficacité de la lutte menée pour supprimer ces pratiques.

L’intervenant se félicite des suggestions du Comité concernant le renforcement de la coopération régionale pour lutter contre la traite des femmes et des enfants. Il précise que son gouvernement travaille déjà dans ce sens. À son initiative, une réunion du Conseil de coordination des procureurs généraux des pays de la communauté d’États indépendants (CEI) a été organisée à Bishkek, en septembre 2003. Les participants ont convenu d’unir leurs efforts pour lutter plus efficacement contre le trafic des personnes et l’immigration illégale. Un projet de convention pour éradiquer la traite des personnes est en cours de préparation pour signature par le Conseil des chefs d’État de la CEI.

M me Schöpp-Schilling, tout en se félicitant que la Constitution interdise toute ingérence de l’État dans les affaires privées et familiales, estime qu’il faut veiller à ce que cette disposition ne soit pas utilisée pour justifier la discrimination contre les femmes. Le Gouvernement devrait réfléchir plus avant à cette question. Elle se déclare satisfaite que l’article 6 de la nouvelle loi nationale garantissant l’égalité entre les sexes condamne toute forme de discrimination, directe ou indirecte. Cependant, elle souligne que cette condamnation n’a aucun sens si elle n’est pas assortie d’une définition précise de la discrimination indirecte. Elle note également avec préoccupation que l’article 6 stipule que les mesures temporaires spéciales ne sont pas des mesures discriminatoires, mais que le Gouvernement n’utilise pas cette disposition pour introduire des mesures de ce type.

Elle note que le chômage touche proportionnellement beaucoup plus les femmes que les hommes. En conséquence, le Gouvernement devrait s’assurer que la majorité des ressources destinées à la formation et à la création d’entreprises vont aux chômeuses et non aux chômeurs. Étant donné le grand nombre de femmes sans emploi, il est surprenant que sur 10 personnes bénéficiant de l’allocation chômage, une seule soit une femme. Elle demande aussi pourquoi les femmes semblent ne pas avoir jusqu’ici su tirer parti de la possibilité que leur offre la loi nationale garantissant l’égalité entre les sexes d’obtenir droit à réparation lorsque leurs droits sont bafoués.

Elle demande également si les femmes savent qu’elles ont ce recours, si elles ont droit à une aide juridique, si les organisations non gouvernementales peuvent les représenter devant les tribunaux. Enfin, elle se dit préoccupée par le fait que l’article 8 de la loi, tout en retenant que certains éléments du droit coutumier, de la jurisprudence et des traditions font obstacle à l’égalité entre les sexes ne les définit pas explicitement comme étant des pratiques discriminatoires.

M me Gabr constate que les lois adoptées par l’État Partie pour protéger les droits de la femme ne semblent pas être utilisées correctement, peut être parce que les femmes ignorent leur existence. Elle se déclare préoccupée par le fait que les médias, y compris une chaîne de télévision gouvernementale, perpétuent les stéréotypes relatifs aux rôles respectifs des hommes et des femmes. Elle voudrait connaître les mesures envisagées par le Gouvernement pour lutter contre cette situation. Notant que certaines sections de la société kirghize professent des idées extrémistes, elle engage vivement le Gouvernement à travailler avec les imams et l’Université islamique pour assurer que la doctrine islamique soit interprétée de façon à responsabiliser les femmes et à leur permettre de jouer le rôle qui leur revient dans la société.

M me Khan considère que des pratiques comme le vol de la future épouse et la polygamie ne peuvent pas être considérées comme faisant partie de la culture. Pour elle, il s’agit d’actes criminels. Le vol de la future épouse se résume à l’enlèvement et au viol de la jeune femme et constitue une violation évidente des droits de la femme au titre de l’article 6 de la Convention. La polygamie est une violation de l’égalité des droits des hommes et des femmes de contracter le mariage. L’État doit s’assurer que ces questions seront traitées sous les articles pertinents dans tous les prochains rapports.

M me Saiga, notant que la loi nationale garantissant l’égalité entre les sexes est invoquée pour établir progressivement des relations démocratiques entre les hommes et les femmes en se basant sur les traditions nationales, demande quelles sont ces traditions. Étant donné que la loi couvre un large éventail de domaines, y compris les relations économiques et sociales, et prévoit des sanctions contre les sociétés, les institutions et les organisations qui contreviennent à ses dispositions, elle ne comprend pas pourquoi le Gouvernement maintient que les partis politiques, en tant qu’entités indépendantes, ne peuvent pas être soumis aux quotas visant à augmenter la représentation des femmes.

M me Kangeldieva (Kirghizistan) précise que la nouvelle législation sur l’égalité entre les sexes traite toutes les formes de discrimination sexuelle, manifestes ou dissimulées, y compris les pratiques reconnues comme discriminatoires sans allusion directe au sexe. Des organisations non gouvernementales coopèrent étroitement avec les services gouvernementaux pour protéger les droits des femmes, entre autres en procédant à des analyses par sexe de la législation, en établissant des rapports, en organisant des tables rondes et des séminaires. De nombreuses organisations non gouvernementales appliquent elles-mêmes les mesures prévues dans le Plan d’action national pour la promotion de la femme. Elle appelle l’attention sur le rapport parallèle au deuxième rapport périodique de la République kirghize dans lequel sont décrites les nombreuses façons dont son gouvernement et les organisations non gouvernementales oeuvrent, main dans la main, pour instaurer l’égalité entre les sexes.

M me Kudaiberdieva (Kirghizistan) précise qu’il existe en fait trois programmes d’obédience religieuse à la télévision nationale soulevant la question d’une résurgence des valeurs patriarcales et de l’enfermement des femmes dans leur rôle traditionnel au sein de la famille. Cependant le Gouvernement travaille actuellement en étroite collaboration avec les autorités musulmanes pour organiser des campagnes de sensibilisation de la population à la santé reproductive et à la planification de la famille. Le Gouvernement a également mis en place des programmes de formation pour les responsables religieux afin qu’ils puissent, dans leurs sermons, parler aux fidèles de la santé reproductive et de la planification de la famille, tout en respectant les principes islamiques. Elle attire tout particulièrement l’attention à ce propos sur un programme mené en collaboration avec les autorités religieuses pour lutter contre le VIH/Sida.

M me Alysheva (Kirghizistan) précise qu’entre 1999 et 2002, les programmes d’enseignement, de formation professionnelle et de perfectionnement professionnel sponsorisés par l’État ont été développés régulièrement chaque année. Plus de la moitié des participants à ces programmes sont des femmes. Dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, le Gouvernement encourage tout particulièrement le développement de la petite entreprise indépendante en élargissant chaque année l’accès au micro crédit. Plus de la moitié des bénéficiaires sont des femmes. Enfin, en collaboration avec de nombreuses organisations internationales, le Gouvernement a lancé un grand nombre de travaux publics pour fournir des emplois pour les chômeurs. Plus d’un tiers des participants à ces initiatives sont des femmes. La législation nationale prévoit aussi différentes indemnités de soutien dont une allocation forfaitaire mensuelle pour les familles démunies et une allocation sociale, également mensuelle.

M me Kourbanova (Kirghizistan) dit que le Gouvernement kirghize, en particulier le Ministère de l’éducation et de la culture, collabore avec les organisations non gouvernementales, dont celle qu’elle représente, l’Association Diamond, pour détruire les stéréotypes sexistes. Elle reconnaît qu’il s’agit là d’une tâche difficile et à long terme exigeant des efforts soutenus. Elle appelle l’attention sur une étude conjointe du Conseil national pour la protection de la femme, de la famille et l’égalité entre les sexes et du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) sur les difficultés rencontrées par le Ministère dans l’application du Plan d’action national pour instaurer l’égalité entre les sexes et éliminer tout préjugé sexiste du système éducatif.

Des organisations non gouvernementales offrent, dans la capitale Bishkek et ses environs, aux enseignants, aux parents et aux étudiants une formation aux questions sexospécificiques et de santé reproductive, en insistant particulièrement sur les obstacles que constituent certaines traditions et coutumes à la réalisation des droits de la femme. Concernant la législation sur l’égalité entre les sexes et le respect des traditions nationales, elle souligne que la Constitution garantit la protection de ces traditions tant qu’elles ne bafouent pas les droits de la personne. La législation sanctionne les coutumes qui contreviennent au principe de l’égalité entre les sexes et qui sont sources de discrimination. En outre la législation sur la protection sociale et juridique en cas de violence familiale vise à protéger contre les traditions et les coutumes qui risquent de nuire à l’harmonie familiale.

M. Baialinov (Kirghizistan) déclare que les organisations non gouvernementales ont effectivement la possibilité de porter les cas de discrimination sexuelle devant les tribunaux, bien que cela se produise rarement. Il cite l’action en justice intentée par une organisation de défense des droits de l’homme, Freedom House, au nom de femmes qui avaient été, à tort, enfermées dans des établissements psychiatriques. Rappelant que le Kirghizistan est partie à la Convention, il signale à propos de la polygamie que son gouvernement a rejeté la décision présentée par un comité de rédaction du Code pénal, comprenant de nombreuses femmes, qui excluait la polygamie des délits punis par la loi. Néanmoins, il reconnaît que, tout comme dans de nombreux pays et même les États-Unis, la polygamie reste un problème au Kirghizistan. En ce qui concerne la question controversée du vol de la future épouse, il déclare que cette tradition, qui remonte à de nombreux siècles, est devenue un simple jeu, un rituel qui se déroule avec le consentement mutuel des deux parties. Bien que cette pratique soit probablement dépassée à notre époque, il ne voit aucune raison d’en faire un acte criminel.

M me Popescu Sandru dit qu’en tant que citoyenne d’un ex-pays socialiste, elle comprend pourquoi la population du Kirghizistan, en particulier les femmes, hésite à approuver un plan de promotion sociale qui soit basé sur des quotas plutôt que sur le mérite. Néanmoins, elle encourage le Kirghizistan à mettre en place le système de quotas, conformément à l’article 7 de la Convention, pour augmenter la participation des femmes à la vie publique du pays. Elle demande si des séminaires et des programmes de formation sont organisés pour développer les capacités des femmes visant des postes politiques. Elle souhaiterait obtenir un complément d’information sur la coopération entre les organisations de femmes des partis politiques, les organisations non gouvernementales et les associations de femmes pour sensibiliser la population et augmenter les chances des candidates. Enfin, elle souhaiterait savoir comment les médias couvrent les activités des dirigeantes politiques.

M. Flinterman regrette qu’aucune référence ne soit faite dans la liste des points à traiter et des réponses aux questions relatives à la Recommandation générale no 23 au rôle des coutumes et des croyances religieuses qui tendent à confiner les femmes au foyer et à les exclure de la vie publique. D’après ce qu’il a entendu au cours de la réunion, le Kirghizistan ne fait pas exception à cette règle. Il note que la nouvelle loi électorale ne prévoit aucune disposition pour réserver des places aux femmes sur les listes électorales. Il voudrait savoir pourquoi le Gouvernement n’a pas pris de mesures temporaires spéciales pour assurer une représentation des femmes égale à celle des hommes au sein du Gouvernement.

Il voit une contradiction entre la Constitution kirghize qui, avec raison, interdit toute ingérence de l’État dans les activités des partis politiques, et les points avancés dans le rapport principal et l’exposé de la délégation, à savoir d’une part que le système du multipartisme étant en cours de mise en place les partis ne peuvent pas être utilisés pour assurer la promotion de la femme et d’autre part que les femmes sont encore considérées comme des objets incapables d’agir elles-mêmes socialement et politiquement pour améliorer leur condition. Il se demande si le Gouvernement entend appliquer les dispositions de la Recommandation générale no 23 qui engage les États à adopter des mesures efficaces pour surmonter les obstacles à la participation pleine et entière des femmes à la vie politique. Enfin, il est surpris d’apprendre, au paragraphe 20 des réponses fournies par la délégation à la liste des points à traiter et des questions, que les candidates aux postes de juge doivent passer un examen dans les mêmes conditions que les hommes. Étant donné le rôle crucial que jouent les femmes juges dans l’application du principe de l’égalité entre les sexes, il demande des précisions sur la diminution de la proportion de femmes dans le système judiciaire. Il voudrait aussi savoir pourquoi les femmes réussiraient moins bien que les hommes à ces examens.

M me Šimonović félicite le Gouvernement kirghiz pour l’adoption d’une nouvelle législation sur l’égalité entre les sexes qui, elle l’espère, permettra d’augmenter la proportion, jusqu’ici faible, des femmes dans l’administration et le corps diplomatique. Elle souhaite un complément d’information sur les mesures temporaires spéciales qui ont été prises pour assurer l’égalité entre les sexes dans la vie politique.

M me Kangeldieva (Kirghizistan) répond que le Gouvernement, dans le cadre de ses efforts pour développer la participation des femmes à la vie publique, a pris part à la Conférence internationale sur l’égalité entre les sexes en Asie centrale organisée sous l’égide de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et la Fondation Konrad Adenauer. Avec l’appui du PNUD et d’autres organisations internationales, le Conseil pour la protection de la femme, de la famille et l’égalité entre les sexes organise des séminaires de formation et des tables rondes avec les autorités locales et fédérales pour étudier comment impliquer plus intensément les femmes dans la définition des politiques, définir des indicateurs sexospécifiques, développer les capacités des femmes et améliorer leur condition et enfin sensibiliser aux questions sexospécifiques. Le Conseil s’est rendu dans différentes régions du pays pour mettre en place des organisations régionales de femmes et renforcer la participation des femmes au dialogue et aux prises de décisions. Un congrès rassemblant tous les conseils régionaux a été organisé pour la première fois en 2003 pour jeter les bases pour la poursuite de l’action. Le Conseil a également organisé, avec l’aide de l’UNIFEM et de l’OSCE, un forum sur les voies et moyens de faciliter la création, par les femmes, de leur propre affaire ou entreprise.

Le Gouvernement collabore activement avec les médias pour sensibiliser efficacement l’opinion à la promotion de la femme en organisant des séminaires et différentes compétitions et concours pour récompenser les meilleurs articles sur les droits de la femme et sur les opérations les plus réussies dans ce domaine. Les chaînes de télévision, nationales et indépendantes, diffusent des programmes consacrés aux questions concernant les femmes. Globalement, les médias participent activement à la stratégie mise en place pour améliorer la condition des femmes et leur participation aux prises de décisions. Le nombre de femmes au Gouvernement et dans le service diplomatique reste réduit, seulement 10 % des fonctionnaires du Ministère des affaires étrangères sont des femmes. Il faut cependant noter que deux postes de haut niveau sont occupés par des femmes, l’un à la mission diplomatique kirghize en Suisse et l’autre en Turquie. Il y a également des femmes parmi les personnalités représentant la République kirghize au plus haut niveau dans le système des Nations Unies. Bien qu’il y ait encore beaucoup à faire pour développer la participation des femmes dans les organes décisionnels, l’intervenante est convaincue que la politique suivie par le Gouvernement qui fait une place importante à la dimension sexospécifique contribuera à assurer l’égalité entre les sexes dans ce domaine.

M. Baialinov (Kirghizistan) précise à ce propos que l’examen mentionné pour être nommé à un poste de juge est rendu public au moins un mois à l’avance, que les questions étaient formulées de façon à ne favoriser ni un sexe ni l’autre et que la procédure a évolué au fil des années. Quant à l’application, par le Gouvernement, des recommandations du Comité concernant l’adoption de mesures temporaires spéciales, il rappelle que l’État a déjà prouvé sa volonté d’assurer l’égalité entre les sexes en incorporant des mesures de ce type dans sa législation.

M me Kangeldieva (Kirghizistan) précise qu’en dépit des réserves émises par certains sur l’introduction des quotas dont elle a parlé précédemment, le Gouvernement modifiera, conformément à la recommandation du Comité, ses lois électorales, notamment en introduisant un système de quotas pour assurer la participation des femmes aux élections.

M me Belmihoub-Zerdani, se référant au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention engage instamment l’État partie à adopter des mesures temporaires spéciales pour assurer la promotion de la femme. Elle souhaiterait que la délégation indique les progrès réalisés au niveau du programme d’ajustement structurel du pays et du remboursement de la dette extérieure, car ces éléments ont un impact considérable sur la situation des femmes. Elle se demande si le système de nomination par décret assure la représentation équitable de tous les groupes ethniques dans l’administration et ailleurs, si l’État subventionne les partis politiques, tout particulièrement ceux qui comptent le plus de membres féminins et si les cinq partis politiques dirigés par des femmes bénéficient d’un traitement particulier.

M me Kapalata se félicite des échanges intensifs entre le Gouvernement et les organisations non gouvernementales, ces dernières jouant un rôle très important pour la promotion et la protection des droits de la femme dans la République kirghize. Elle regrette cependant le peu de progrès enregistrés dans l’application des dispositions des articles 7 et 8 de la Convention. Il est inacceptable que le Kirghizistan, qui a ratifié la Convention, ne compte qu’une femme ambassadrice et qu’une femme occupant un poste de consul général. Elle voudrait savoir quelles actions sont prévues par le Gouvernement pour développer la participation des femmes dans le service diplomatique. Elle espère que le prochain rapport fournira plus d’informations à ce propos.

M me Patten se dit très préoccupée par la baisse de la participation des femmes à la vie politique et publique. Le Décret présidentiel du mois d’août 2002 dont l’objectif était apparemment de garantir la nomination de femmes aux postes les plus élevés, leur barre en fait l’accès aux postes de commande en les cantonnant dans les postes d’adjointes. Cette restriction est discriminatoire et contrevient à l’article 7. La délégation doit expliquer sa réponse à la question 18 de la liste des points à traiter concernant l’introduction d’un système de quotas par sexe ainsi que la signification de l’expression « cercles scientifiques ». Elle doit également indiquer les mesures prises par le Gouvernement pour éliminer les stéréotypes sociaux et culturels traditionnels qui font obstacle à la participation des femmes à la vie sociale, à tous les niveaux des processus décisionnels, ainsi que la stratégie nationale adoptée pour créer un contexte favorisant l’amélioration de la condition de la femme .

M me Morvai, se référant à l’article 9 de la Convention, demande si les femmes, comme les hommes, ont le droit de transmettre leur nationalité à leurs enfants ou à leur époux. Elle souhaiterait des précisions sur la nouvelle loi nationale garantissant l’égalité entre les sexes. À ce sujet, elle voudrait savoir s’il a déjà été fait référence à la Convention dans les affaires portées devant les tribunaux et si le personnel des services judiciaires et des organes chargés de faire respecter la loi reçoit une formation pour appliquer la Convention et son Protocole facultatif.

M me Kangeldieva (Kirghizistan) précise que le Kirghizistan, étant donné sa dette extérieure extrêmement importante, a des difficultés à financer sa politique de promotion de la femme. L’un des principaux obstacles à l’instauration de l’égalité entre les sexes est d’ordre financier. En ce qui concerne les minorités ethniques, la Constitution dispose l’égalité de tous les citoyens. Des mesures sont prises pour assurer la représentation des groupes ethniques aux échelons de responsabilité les plus élevés, mais il reste encore beaucoup à faire au niveau de la représentation des femmes appartenant aux minorités et du respect de leurs droits. Enfin elle précise que le Gouvernement ne fournit ni subvention ni allocation aux partis politiques.

M me Kudaiberdieva, répondant à une question sur la collaboration du Gouvernement avec les médias, signale que le Conseil national étudie actuellement un projet de loi sur la violence à l’égard des femmes qui prévoira des dispositions pour la formation des médias. En juin 2003, un séminaire de trois jours a été organisé sur les aspects sexospécifiques des questions politiques. Soixante quinze représentants des médias y ont participé. L’aspect le plus important du Plan d’action national pour l’égalité entre les sexes est la formation des médias aux questions sexospécifiques. Une campagne d’information visant les chefs de famille a aussi été organisée. En outre, des réunions sont prévues avec les médias pour définir une stratégie sexospécifique.

M me Kangeldieva, à propos de la question de la représentation des femmes dans la fonction diplomatique, précise que la République, à l’indépendance, a hérité du corps diplomatique de l’ex-Union Soviétique qui, au plus haut niveau, était principalement composé d’hommes. Actuellement, le poste de Consul général du Kirghizistan à Istanbul est occupé par une femme. Après l’indépendance, le Kirghizistan a commencé à former son propre personnel diplomatique, y compris des femmes. Un institut de formation aux carrières diplomatiques a été ouvert. Cette mesure, elle l’espère, aidera à augmenter la proportion de femmes actives dans le service diplomatique.

M. Baialinov (Kirghizistan), répondant à plusieurs questions liées à la nationalité, reconnaît que la loi sur une nationalité n’est pas équitable entre les sexes au niveau du droit des parents à transmettre leur nationalité à leurs enfants. À propos du Code du travail, il souligne que la législation internationale, y compris la Convention, a été intégrée à la législation nationale. En cas de conflit entre une loi nationale et une loi internationale, c’est cette dernière qui prévaut. Concernant l’appareil judiciaire, il dit que la formation des juges et du personnel des organes chargés de faire appliquer la loi est assurée avec l’aide de plusieurs organisations internationales et gouvernements étrangers, dont le Gouvernement des États-Unis d’Amérique. Il est conscient des antagonismes qui existent entre la législation nationale et la législation internationale, tout particulièrement en ce qui concerne le droit à une nationalité. À ce propos il indique que la jurisprudence n’est pas reconnue au Kirghizistan.

M me Kudaiberdieva (Kirghizistan) rappelle que le Kirghizistan a adhéré au Protocole facultatif à la Convention en 2002 et précise que le Conseil national a organisé une table ronde pour informer sur cette adhésion et présenter le Protocole et la Convention. Elle dit que le Gouvernement va poursuivre ses activités d’information sur ces deux instruments juridiques.

M. Baialinov (Kirghizistan) répond à la question sur les mesures prises par le Gouvernement pour mettre un terme aux coutumes faisant obstacle à l’égalité entre les sexes. Il souligne que la Constitution stipule que les pratiques traditionnelles qui ne sont pas néfastes dans cette optique sont encouragées par le Gouvernement. Cependant, si ces pratiques sont contraires aux libertés et aux droits de la personne et en conflit avec les principes d’égalité entre les sexes, l’État ne les encourage pas.

Articles 10 à 14

M me Manalo, rappelant que la délégation a précisé que l’avortement est autorisé dans certains cas, demande s’il continue à être utilisé comme moyen de limitation des naissances et si des mesures spéciales ont été prises pour inciter les femmes à ne pas recourir à l’avortement comme méthode de planification familiale. Elle souhaiterait que la délégation fournisse des statistiques pour permettre de mesurer l’évolution des attitudes dans ce domaine. À propos du déversement de cyanure qui s’est produit dans l’une des régions du pays, elle voudrait savoir si des mesures radicales ont été prises par les autorités pour prévenir d’autres catastrophes similaires car leurs conséquences sont extrêmement néfastes sur la santé des femmes et de l’environnement. Elle souhaiterait que la Délégation précise les dispositions concrètes prises pour indemniser correctement les dommages subis par les populations et par l’environnement.

À propos de l’emploi, elle note que, dans deux cas, des institutions financières internationales ont tenté de privatiser le secteur de la santé. Ces privatisations, au lieu de créer des emplois, ont provoqué le licenciement de nombreux médecins, la plupart des femmes, et autre personnel médical. Elle demande quelles mesures a pris le Gouvernement pour aider les personnes licenciées, en particulier les femmes, à faire face aux impacts, dans un premier temps, néfastes de la privatisation et si cette situation a été portée à l’attention des autorités compétentes de l’Organisation des Nations Unies, en particulier du Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à la santé. Elle souhaiterait des précisions sur les solutions trouvées par les autorités pour remédier à la situation.

À propos de la réforme agraire, elle rappelle que celle-ci ne doit pas désavantager les femmes des zones rurales. Or elle note qu’une nouvelle loi promulguée en 2001 n’autorise les propriétaires à vendre leurs parcelles que dans leur intégralité et accompagnées des titres de propriété. Comme ces titres de propriété sont en général détenus par les maris, les femmes séparées de leur époux ne peuvent donc pas vendre ou échanger la part du terrain qui leur revient, complètement ou en partie. Cette loi est par conséquent discriminatoire à l’égard des femmes, tout comme le fait qu’un terrain ne puisse être légué qu’à une seule personne. Le fait qu’une femme séparée de son mari doive parfois payer un impôt sur sa part de la propriété, la rend souvent économiquement faible et dépendante. Le Comité souhaiterait connaître les mesures prévues par le Gouvernement pour supprimer la discrimination subie par les femmes dans ce domaine.

M me Achmad se dit très préoccupée par le fait que le système éducatif et les médias continuent de reproduire les stéréotypes sexistes traditionnels. D’après le rapport, c’est là l’une des raison du traitement stéréotypé des femmes au niveau de l’emploi. Elle se demande dans quelle mesure l’étude faite par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) prend en compte le rôle joué par les établissements d’enseignement supérieur pour éliminer les préjugés sexistes. À moins que des études soient réalisées pour clairement identifier les causes de ces stéréotypes, il ne sera pas possible de définir une stratégie efficace pour les détruire. Elle voudrait savoir si le Gouvernement s’intéresse aux études et recherches sur les causes des attitudes stéréotypées. Notant que 80 % des médias sont privatisés, elle souhaiterait obtenir un complément d’information sur les stratégies arrêtées pour renforcer le rôle joué par les médias dans le contrôle des progrès réalisés au niveau de l’élimination de ces stéréotypes et identifier les plus gros obstacles.

M me Schöpp-Schilling s’interroge sur la prise en compte de la dimension santé dans les efforts déployés pour définir des indicateurs sexospécifiques de la violence familiale. Elle accueille avec satisfaction la réaction positive du Gouvernement à l’amendement de l’article 21. Elle estime néanmoins que cela n’est pas suffisant et que le Gouvernement doit ratifier cet amendement qui ne pourra entrer en vigueur que s’il est ratifié par deux tiers des États parties. En outre, elle est très concernée par les graves conséquences discriminatoires indirectes à l’égard des femmes, tant de celles qui fournissent les soins que de celles qui les reçoivent, de la réforme du secteur de la santé. Le personnel médical étant à 70 % féminin, ce sont donc les femmes qui ont été les plus touchées par la perte d’emploi et la population féminine étant près de 10 % supérieure à celle des hommes, se sont aussi les femmes qui sont les plus affectées par la réforme. Elle souhaiterait connaître des mesures prévues par le Gouvernement pour réintégrer le personnel médical licencié. Enfin, elle est choquée d’entendre qu’il y a plus de filles que de garçons qui sont en dessous du poids normal. Elle voit là une autre indication de la condition inférieure des filles par rapport aux garçons.

M me Patten se réjouit que le Gouvernement reconnaisse que le succès du passage à l’économie de marché est en grande partie conditionnée par la réforme du secteur agricole. Elle se félicite de la rapidité avec laquelle a été promulguée la loi sur la gestion des terres agricoles qui a permis à une grande partie de la population, dont les femmes, de devenir propriétaire. Mais elle souligne également qu’il est rapidement apparu que la loi ne tenait pas suffisamment compte de la dimension sexospécifique, ni des impacts sur les femmes, de son application. Plusieurs de ses dispositions empêchent les femmes de bénéficier, au même titre que les hommes, de leurs droits fonciers. La pratique actuelle de disposition des terres renforce les pratiques traditionnelles discriminatoires à l’égard des femmes et a des impacts néfastes sur la situation économique des femmes. Elle souhaiterait connaître la stratégie adoptée par le Gouvernement dans ce domaine et savoir s’il est prévu de modifier ou d’amender la loi dans un avenir proche pour supprimer ces dispositions discriminatoires.

La séance est levée à 13 heures.