Vingt-septième session

Compte rendu analytique de la 560e séance

Tenue au Siège, à New York, le lundi 10 juin 2002, à 15 heures

Présidente:Mme Acar (Vice-Présidente)

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties en vertu de l’article 18 de la Convention (suite)

Troisième et quatrième rapports périodiques combinés de la Belgique (suite)

En l’absence de M me  Abaka, la Vice-Présidente M me  Acar assure la présidence.

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports présentés par les États partiesen vertu de l’article 18 de la Convention (suite)

Troisième et quatrième rapports périodiquescombinés de la Belgique (suite) (CEDAW/C/BEL/3 et 4, CEDAW/PSWG/2002/II/ CRP.1/Add.1 et CEDAW/PSWG/2002/II/CRP.2)

À l’invitation de la Présidente, M mes  Adriaenssens, Franken, Paternottre, Stevens et Verzele (Belgique) prennent place à la table du Comité.

M me  Verzele (Belgique) poursuit ses réponses aux membres du Comité et déclare qu’en 2001 un projet pilote sur la prise en compte de la sexospécificité a été lancé, afin de suivre la mise en œuvre de la plate-forme d’action de Beijing et la réalisation d’un certain nombre d’objectifs définis dans le but de garantir la prise en compte de la perspective sexospécifique. Le projet a été financé par le budget du Service fédéral de l’égalité des chances, ses conseillers et ses administrateurs étant détachés des différents ministères gouvernementaux. Une évaluation du projet pilote un an après, a mis en évidence la nécessité d’une forte volonté politique et d’une prise de conscience accrue de la part des responsables des pouvoirs publics. Des progrès ont été réalisés, en particulier dans la fonction publique, où il a été décidé que la prise en compte de la dimension sexospécifique incombait non seulement au Ministère de l’égalité des chances, mais aussi à tous les autres ministères. La situation du Ministère de l’égalité des chances, à proximité du sommet de la hiérarchie fédérale dynamise le processus. Différentes initiatives des régions et des communautés seront présentées ci-après.

M me  Adriaenssens (Belgique), qui s’exprime au nom de la communauté francophone, déclare qu’en pratique toutes les désignations d’emplois et de diplômes ont été féminisées et que le féminin est toujours utilisé lors de l’élaboration des textes de loi. Le Parlement élu en 1999 a créé une conférence interministérielle sur l’alphabétisation, qui doit s’occuper des problèmes d’alphabétisation des femmes migrantes. En réponse à la question de Mme Manalo, elle précise que la communauté francophone coordonne les activités de ces différents ministères en matière d’égalité des sexes, qu’elle a formulé un plan sur l’égalité des chances et soumis des propositions à cet effet au Gouvernement. Le service de l’égalité des chances de la communauté francophone fonctionne sur un budget de 756 000 euros, mais les projets spécifiques sont financés par les ministères concernés. La formation de cadres féminins ne se fera pas du jour au lendemain, mais constitue un processus à long terme.

Elle ne dispose pas de chiffres concernant le nombre de femmes occupant des postes de haut niveau dans la presse ou les membres féminins du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Elle fournira ces informations par écrit, ainsi que des données statistiques concernant la mise en œuvre du code d’éthique adopté en 1994 par différentes stations de télévision francophones.

M me  Franken (Belgique) s’exprime au nom de la communauté flamande et déclare qu’en Belgique les structures pour l’égalité des chances ont été conçues dans le but de mener des activités approfondies dans deux sphères culturelles distinctes et différentes, pour le bien du pays tout entier et ne constituent donc pas une dérogation à la Convention. Il y a eu selon elle un malentendu en ce qui concerne la prise en compte de la sexospécificité dans la communauté flamande, qui a été la première à lancer des initiatives dans ce sens, suite à la quatrième Conférence mondiale sur les femmes qui s’est tenue à Beijing. La communauté a créé la Commission interdépartementale sur l’égalité des chances et l’unité chargée de l’égalité des chances en Flandre coordonne les initiatives des différents départements concernant la prise en compte de la sexospécificité. Cette tâche n’est pas toujours facile, il faut en effet trouver un juste milieu entre les pressions exercées sur les différents ministères pour veiller à la prise en compte de la sexospécificité dans leurs domaines de compétence et, d’autre part, le respect de leur autonomie. Dans le cadre d’une réorganisation au sein de la communauté flamande, le Premier Ministre doit assurer également les fonctions de Ministre de la santé, du bien-être et de l’égalité des chances, ce qui devrait constituer incontestablement un atout pour le processus de prise en compte de la sexospécificité. Le budget a connu une croissance exponentielle, passant de 120 000 euros en 1995 à 4,3 millions en 2002. L’unité pour l’égalité des chances en Flandre n’a pas travaillé exclusivement avec des femmes, mais a visé aussi bien un certain nombre de groupes vulnérables, notamment les migrants, les personnes handicapées et les enfants.

Différents instruments de prise en compte de la sexospécificité ont été mis au point, notamment des dispositions légales fixant des quotas et imposant la mise en œuvre de la plate-forme d’action de Beijing ainsi qu’un questionnaire qui présentait les considérations fondamentales au stade de l’élaboration de deux politiques intégrant la dimension sexospécifique. Un instrument local d’évaluation de l’incidence du point de vue de la dimension sexospécifique a été mis au point deux années après en 1999, sur la base des enseignements du questionnaire initialement élaboré.

Elle reconnaît que le rapport a sans doute mis davantage l’accent sur la réalisation de la plate-forme d’action de Beijing au détriment de la Convention proprement dite. Cela s’explique en partie par la législation sur l’application de la plate-forme de Beijing et en partie également parce que celle-ci a défini des objectifs stratégiques clairs et concrets pour le Gouvernement, les organisations non gouvernementales et différentes entités. Son service s’emploiera autant que possible à compenser sa participation insuffisante à l’application de la Convention.

En réponse aux questions des membres du Comité concernant les femmes migrantes, elle déclare que la responsabilité d’accueillir les migrants, de leur trouver un abri et de les aider à s’adapter à leur nouvelle vie incombe à la communauté flamande. L’unité pour l’égalité des chances a mis sur pied une organisation chargée de coordonner les actions auprès de toutes les femmes migrantes, de différents groupes ethniques. Nombre d’entre elles sont hébergées à la Maison flamande pour l’égalité des chances, où elles ont accès à différents services gouvernementaux. Des études montrent que les jeunes filles migrantes de la deuxième et de la troisième génération obtiennent de meilleurs résultats scolaires que les garçons, mais dans de nombreux cas ne poursuivent pas d’études supérieures. En 1999, l’unité pour l’égalité des chances a lancé un projet, en collaboration avec des établissements d’enseignement supérieur pour augmenter le nombre de jeunes filles migrantes scolarisées à ce niveau. Une ligne d’assistance téléphonique distincte a été créée à l’intention des femmes migrantes qui ont besoin d’aide.

En réponse à une question concernant les rapports de l’unité avec les organisations non gouvernementales, elle indique que des ressources prélevées sur le budget annuel du service sont allouées au Conseil des femmes, qui coordonne l’action de différentes organisations de femmes de la communauté flamande. Le service a en outre dirigé un atelier destiné aux six organisations de femmes flamandes qui existent actuellement afin d’obtenir leur concours et de leur proposer des conseils si nécessaire.

Treize femmes siègent au Conseil des médias flamands constitué de 38 membres, conforme à la législation sur les quotas. Tout est mis en œuvre pour encourager les médias à aider à transformer les mentalités sans porter atteinte aux libertés constitutionnelles. Une évaluation d’impact de la prise en compte dans les médias de la dimension sexospécifique sera terminée à la fin de l’année. Zorra, l’organisation qui fait office de comité de surveillance de la publicité et des médias, a organisé un forum électronique chargé de recevoir des plaintes et tenté de dissuader les publicitaires de diffuser des contenus sexistes. Lors d’une réponse écrite, elle communiquera au Comité les statistiques concernant les femmes journalistes.

M me  Verzele (Belgique) signale que l’expression communauté flamande doit être traduite en anglais par Flemish community et non par Walloon community.

M me  Livingstone Raday met en garde contre le recours à la médiation pour traiter la question de la violence contre les femmes, étant donné qu’il exerce une pression sur les victimes et perpétue le problème en obligeant toutes les parties à composer. Elle se demande si l’État partie a pris conscience de ce danger et pris des mesures pour l’atténuer, par exemple en réservant les procédures de médiation aux primodélinquants ou aux infractions n’ayant pas comporté de graves violences physiques ou psychologiques. Elle se demande en outre si un avocat indépendant a été mis à disposition des victimes pour les représenter dans le cadre des procédures judiciaires.

M me  Gaspard félicite l’État partie pour avoir adopté une législation visant à augmenter le nombre de candidates aux fonctions électives tout en faisant observer que le nombre de candidates effectivement élues n’a pas nécessairement augmenté et que, dans certains cas, même le quota minimum de candidates n’a pas été atteint. Elle aimerait un rapport d’avancement concernant la révision de la loi progressive de 1994 promouvant la parité sur les listes électorales et souligne par ailleurs que, au-delà de la participation à la vie politique; il faut en outre que les femmes soient intégrées à la fonction publique et aux organes consultatifs qui jouent un rôle stratégique à l’intérieur du Gouvernement. Elle se demande si une loi de 1990 (révisée en 1997) afin d’augmenter le nombre de femmes à l’intérieur de ces organes consultatifs est correctement appliquée et quelles autres mesures l’État partie pourrait adopter à cet effet.

En se référant à l’article 8, elle se déclare préoccupée face à la diminution du nombre de femmes qui passent l’examen d’entrée dans la carrière diplomatique et se demande quelles seront les mesures adoptées pour remédier à la situation.

M me  Achmad déclare soutenir pleinement les observations de Mme Gaspard et partage ses préoccupations. Elle se demande comment le Gouvernement belge garantira la durabilité de ses actions positives visant à renforcer la participation des femmes à la vie politique. Adopte-t-il des mesures pour garantir que les responsables au sein du Gouvernement, des partis politiques et des syndicats se conforment aux obligations de l’État partie en vertu de la Convention? Elle fait écho aux préoccupations de la précédente oratrice pour laquelle le rapport n’est pas axé sur la Convention en tant que principal instrument de promotion de l’égalité.

Passant à l’article 8, elle se félicite de la proposition de création d’un poste de fonctionnaire chargé des questions familiales au sein du service diplomatique, appelé à traiter les problèmes relatifs à la famille rencontrés par les diplomates en fonction à l’étranger et de mettre en place des services de garderie au Ministère des affaires étrangères. Bien que ces facilités représentent une aide importante pour les femmes diplomates, elle souhaite qu’elles soient également un moyen d’encourager les hommes à partager une part plus importante des responsabilités de la vie familiale. Elle loue l’approche suivie par l’État partie vis-à-vis des médias par le dialogue et la suggestion; sans doute la même approche sera-t-elle efficace dans le cas du Ministère des affaires étrangères, voire dans celui des organisations non gouvernementales et des syndicats.

M me  Kapalata souscrit totalement aux questions et aux observations de Mme Gaspard concernant les articles 7 et 8. Elle se félicite de l’adoption d’un système de quotas qui constitue un pas dans la bonne direction, et souhaite qu’il soit étendu à tous les niveaux de Gouvernement. Le rapport semble impliquer, au titre de l’article 8, qu’il faudrait un certain temps aux femmes diplomates pour atteindre le niveau hiérarchique nécessaire pour devenir chef de poste diplomatique. Elle préconise l’adoption de mesures spéciales afin d’accélérer le processus et souhaite constater des résultats tangibles dans le prochain rapport de l’État partie.

M me  Tavares da Silva demande si la précédente loi électorale avait comporté des dispositions visant à garantir que les femmes candidates ne soient pas reléguées aux derniers rangs sur les listes électorales, et si des études avaient cherché à expliquer pourquoi le nombre de femmes participant aux examens d’entrée dans la carrière diplomatique avait diminué nettement ces dernières années et à identifier les obstacles en cause auxquels les femmes pouvaient être confrontées.

Elle ajoute que la plate-forme d’action de Beijing et la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes sont complémentaires : la première est un texte juridique et la seconde un document d’orientation.

M me  Manalo demande quelle est la politique adoptée face aux situations dans lesquelles les épouses sont employées dans la carrière diplomatique, si les deux partenaires sont incités à continuer leur carrière et quelle est la situation lorsque l’un d’eux doit occuper un poste à l’étranger.

M me  Verzele (Belgique) déclare que la délégation partage le point de vue de Mme Tavares da Silva quant au rôle respectif de la plate-forme d’action de Beijing et de la Convention.

Son gouvernement est parfaitement conscient du fait que l’égalité des sexes doit être une préoccupation commune aux hommes et aux femmes et de la nécessité de renforcer la sensibilité et la participation des hommes, en particulier vis-à-vis des activités familiales. Une grande campagne sera organisée en 2003 afin d’encourager la prise de conscience et la participation, et son gouvernement a récemment adopté une nouvelle mesure instituant un congé de paternité de 10 jours ouvrables à la naissance d’un enfant.

La loi de 1994 sur les quotas de femmes dans les listes électorales s’applique à la composition des listes proprement dites; elle n’exige pas l’obtention d’un résultat particulier; compte tenu du fonctionnement du système des listes électorales dans le système belge de représentation proportionnelle, les candidates dont les noms figurent au début de la liste sont les plus susceptibles d’être élues. En raison des réticences de certains partis politiques, le Gouvernement a modifié son projet de loi sur ce sujet et introduit des dispositions provisoires. Ces dernières prévoient que les femmes doivent constituer sur chaque liste un quart et non un tiers des candidatures et suspend l’obligation de faire figurer une femme parmi les trois premiers candidats en tête de liste. Il est par ailleurs exact que, en raison de spécificités régionales, les femmes ont plus de difficultés à se faire élire en Wallonie.

Le 30 mai 2002, une nouvelle loi électorale a été adoptée. Elle exigera que la proportion de femmes candidates soit de 50 % et que les candidatures en première et deuxième positions sur chaque liste ne soient pas du même sexe; en outre, cette législation ne comporte pas de dispositions provisoires. Elle attire l’attention du Comité sur l’information indiquée à la page 39 du texte anglais des réponses à la délégation et à la liste de questions concernant la composition des organes consultatifs : environ 28 % des postes concernés sont à présent occupés par des femmes. Quant à la baisse du nombre de femmes qui souhaitent s’engager dans la carrière diplomatique, des plans sont actuellement en cours d’élaboration en vue de mener des campagnes d’information visant à faire connaître aux jeunes femmes les opportunités qui leur sont offertes; le Gouvernement prévoie également d’augmenter la proportion des femmes dans les jurys des examens d’entrée correspondants.

M me  Stevens (Belgique) déclare que les mesures adoptées par le Ministère des affaires étrangères afin d’augmenter la représentation des femmes dans le corps diplomatique comporte la création d’une garderie et la mise à disposition d’un fonctionnaire chargé des questions familiales. Ces services sont offerts aussi bien aux femmes qu’aux hommes. Des études sont actuellement entreprises afin de déterminer si la baisse du nombre de femmes désireuses de s’engager dans la carrière diplomatique peut avoir été influencée par les changements survenus globalement sur le marché du travail. En ce qui concerne la situation des épouses de diplomates, elle ignore s’il y a déjà eu des tentatives visant à dissuader le conjoint d’un diplomate de conserver un emploi. Un groupe de travail étudie comment aider les conjointes de diplomates en poste à l’étranger à continuer à travailler; les accords bilatéraux avec les États hôtes sont un moyen d’y parvenir.

M me  Paternottre (Belgique) indique que des mesures ont été prises pour prendre contact avec des jeunes femmes qui ont assisté à des exposés sur les carrières diplomatiques mais ont décidé de ne pas passer les examens, et ce afin de déterminer les raisons de leur choix. Parmi les raisons en question figure le fait que les jeunes femmes désireuses de faire une carrière diplomatique ont rarement un conjoint qui ne travaille pas. Il sera toutefois extrêmement difficile d’expliquer pourquoi le nombre de candidates est plus faible au cours d’une année particulière.

En réponse à une question précédente concernant la médiation familiale, elle indique qu’une expérience se poursuit actuellement dans la région de Bruxelles. Lorsque la police est appelée pour résoudre un problème de violence conjugale, elle demande aux deux partenaires s’ils souhaitent recourir eux-mêmes à un service de médiation. La médiation est proposée non en tant qu’alternative à l’enquête et aux poursuites habituelles, mais en tant que service parallèle et complémentaire.

M me  Franken (Belgique) passe à la question des mesures destinées à augmenter la proportion des femmes occupant des postes de responsabilité dans la région flamande et déclare qu’un plan en trois phases a été mis en œuvre pour les élections locales tenues en 2000. La première phase a consisté à invoquer la législation fédérale pour augmenter le nombre de candidatures féminines sur les listes électorales; la seconde a conduit à encourager la population à voter pour des femmes; et la troisième, menée à bien après les élections, a été axée sur les dirigeants politiques pour chercher à les convaincre de confier des postes de responsabilité aux femmes qui avaient été élues. La proportion de femmes élues a augmenté pour atteindre 27 %, soit une amélioration de sept points en pourcentage par rapport aux élections précédentes, et un nombre accru de mandats exécutifs ont été confiés à des femmes.

Pour assurer le suivi de ces résultats, un programme stratégique a été institué, axé dans deux directions : la première consiste à responsabiliser les femmes qui ont été élues de façon à ce qu’elles ne soient pas laissées à l’écart des processus décisionnels, et la seconde, à préparer un plus grand nombre de femmes à se porter candidates aux futures élections. Un projet a été mis sur pied pour guider les femmes élues aux conseils communautaires et un programme de formation aux sexospécificités à l’intention des politiciens a été fourni par une organisation non gouvernementale. L’influence des médias est également utilisée : des conférences de presse avec des responsables politiques sont organisées en Flandre, à l’occasion desquelles il leur est demandé ce qu’ils font pour faire participer les femmes au pouvoir et pour qu’elles se présentent en plus grand nombre aux élections. Une base de données a été créée pour aider les organes consultatifs à trouver des candidates dotées des qualifications adéquates et une campagne est actuellement menée pour inscrire à l’ordre du jour des responsables publics la difficulté de concilier emploi et obligations familiales. Un instrument connu sous le nom d’audit familial et professionnel est actuellement mis au point pour permettre aux employeurs de déterminer la capacité de prise en compte des besoins des familles dans leurs entreprises; il sera prêt à la fin de 2002 et l’on souhaite qu’il contribue à une plus grande prise de conscience.

Articles 10 à 14

M me  Corti félicite l’État déclarant pour ses politiques de santé, en particulier en matière de VIH/sida. Rappelant que le Comité avait été informé du fait que les problèmes des femmes âgées donnaient lieu à un vaste débat en Belgique, elle demande quels sont les aspects spécifiques pris en considération; en particulier, elle souhaite savoir quelles sont les mesures et les institutions existantes pour faire face au problème de la solitude parmi les femmes âgées; l’augmentation de l’espérance de vie tend à poser ce problème à une échelle de plus en plus grande.

M me  Abaka se déclare préoccupée par le manque manifeste d’uniformité en matière de respect des obligations au titre de la Convention, en particulier dans le domaine de la santé, dans les différentes régions du pays. Elle se demande également qui parle au nom des habitants de la zone germanophone et s’il existe en Belgique une instance indépendante capable de coordonner tous les aspects des droits de l’homme à l’échelle du pays.

Elle se déclare préoccupée par l’augmentation constante du nombre de grossesses précoces. Bien que les statistiques d’avortement ne soient pas très élevées, elle signale qu’un certain nombre de femmes sont âgées de 14 à 16 ans et se demande si certaines de ces grossesses précoces sont le résultat de viols ou d’incestes. Dans le cas des femmes âgées de 18 ans qui avortent, elle demande quelles sont parmi elles les proportions de femmes célibataires et mariées, quel est le nombre de celles qui poursuivent des études et quelles sont celles qui ont un emploi. Elle s’interroge par ailleurs quant à l’impact de la campagne lancée dans la communauté francophone en 2000 afin de mieux faire connaître les méthodes contraceptives parmi les adolescents.

M me  Kwaku demande quel est le pourcentage de femmes handicapées en Belgique et quelles sont les mesures et dispositions actuelles pour les aider et les protéger.

M me  Livingstone Raday déclare que le rapport s’efforce tout particulièrement d’adopter un point de vue neutre dans l’étude du problème de la discrimination sexospécifique et mentionne des données sur la discrimination à l’encontre des hommes dans certains domaines, par exemple l’emploi; elle se demande si cette volonté n’est pas quelque peu prématurée, étant donné que la situation dans son ensemble montre que les femmes sont globalement désavantagées sur un marché du travail dont l’organisation reste patriarcale tout comme dans le domaine politique et compte tenu des violences dont elles font l’objet. Il est dangereux de présenter les problèmes des hommes de manière symétrique, alors que l’objectif consistant à éliminer la discrimination systématique à l’encontre des femmes est loin d’être atteint.

Au sujet de la nécessité de réformer les classifications professionnelles afin de garantir une rémunération égale pour un travail égal, elle demande à l’État déclarant d’indiquer s’il a mené une action juridique dynamique dans ce domaine et si certains cas ont conduit à une action en justice.

M me  Goonesekere fait observer que, d’après le rapport de l’État partie, la Belgique ne dispose pas d’une compilation systématique de la jurisprudence en matière de discrimination sexospécifique. Or, il apparaît que certains concepts juridiques implicitement inclus dans la loi belge ne sont pas parfaitement conformes à la Convention. Par exemple, les violences sexuelles sont considérées comme un problèmes relevant de la morale alors qu’elles devraient être dûment traitées comme une infraction au droit de la sécurité de la personne; le crime de proxénétisme est défini en fonction du critère juridique de profit anormal, laissant entendre qu’il est admissible de réaliser un « profit normal » en exploitant la prostitution de tierces personnes. Dans de nombreux pays, les efforts déployés par des femmes avocates et des universitaires ont constitué une jurisprudence féministe et développé la connaissance du droit en matière de discrimination sexospécifique. Aussi est-elle particulièrement curieuse de savoir ce qui se fait actuellement pour améliorer l’accès des femmes à l’étude du droit.

Il résulte du rapport que les jeunes filles n’ont en pratique pas les mêmes possibilités que les jeunes gens en matière d’éducation. Puisque le Gouvernement fédéral est partie à la Convention, mais que l’éducation incombe aux communautés, elle se demande si le Gouvernement fédéral a, de quelque façon, son mot à dire vis-à-vis de la politique de l’enseignement et s’il exerce un rôle de surveillance, pour garantir le respect de l’article 10 de la Convention, voire de l’article 24 de la Constitution nationale.

Elle fait observer la précieuse contribution de la Belgique à l’amélioration du statut des femmes dans les pays en développement par l’intermédiaire de sa Commission sur les femmes et le développement, à l’intérieur du Ministère pour la coopération et le développement. Elle se demande quelle influence la Belgique pourrait exercer sur les institutions financières internationales pour intégrer davantage à leur politique la dimension sexospécifique.

M me  Gaspard déclare, en ce qui concerne l’éducation, que le Comité aimerait trouver dans le prochain rapport des statistiques agrégées au niveau de l’ensemble du pays ainsi que des données comparables d’une communauté à l’autre. Le Comité souhaiterait par ailleurs être informé non seulement des politiques adoptées, mais aussi des résultats obtenus. Bien que les femmes s’en tirent honorablement en termes de fréquentation de l’université, peu de femmes occupent encore les sommets de la hiérarchie et les postes de responsabilité dans le domaine de l’éducation.

En ce qui concerne l’emploi, elle constate avec inquiétude le taux de chômage élevé des femmes et souhaite trouver dans le prochain rapport des informations quant aux résultats des mesures correctives adoptées. Elle est extrêmement préoccupée par la proportion élevée de femmes qui occupent des emplois à temps partiel, ce qui aura un impact important sur le niveau de leur retraite. À cet égard, elle aimerait connaître les progrès éventuellement réalisés en matière de personnalisation des droits à la sécurité sociale. Il est par ailleurs préoccupant d’observer, en dépit des efforts considérables déployés par les pouvoirs publics, les disparités de rémunération entre hommes et femmes, qui restent de l’ordre de 25 à 30 %.

Dans le prochain rapport, le Comité aimerait obtenir des indications quant à la situation sanitaire des femmes migrantes. Eu égard à la réforme générale de système fiscal belge, des études devraient être effectuées quant à l’impact sur les femmes, en particulier sur les chefs de famille célibataires, des changements intervenus.

M me  Paternottre (Belgique) en réponse aux questions sur la santé des femmes âgées, déclare que les soins de santé constituent une compétence conjointe du Gouvernement fédéral et des communautés. L’un des objectifs stratégiques du Ministère de la santé est de permettre aux personnes handicapées et aux personnes âgées de continuer à vivre chez elles aussi longtemps que possible et à éviter leur placement en institution. Le projet du Ministère de la santé a pour but de coordonner et de développer les structures déjà en place. Bien qu’aucun programme gouvernemental ne concerne spécifiquement les besoins des personnes âgées qui vivent seules, nombre d’organisations non gouvernementales poursuivent des programmes de ce type, notamment des lignes d’assistance téléphonique. Eu égard aux handicapés, l’aide au niveau fédéral se présente essentiellement sous forme de prestations d’invalidité dans le cadre du système de sécurité sociale, bien que les régions aient d’autres programmes d’aide permettant aux handicapés de mener une vie normale et si possible de l’intégrer à la population active.

En ce qui concerne l’égalité des salaires, la Belgique dispose des lois appropriées, mais il existe de fait des disparités comme l’indique clairement le rapport. Des études ont été entreprises pour en déterminer la cause. Des indicateurs de disparités salariales ont été définis et il en a été conclu que le problème résidait en grande partie dans les classifications des emplois. Le Gouvernement, en collaboration avec ses partenaires sociaux s’emploie à corriger la situation; il est prévu ainsi qu’en 2006 un nouveau système de classification professionnelle par secteur sera en place; faute d’accord dans un secteur d’activité particulier, de nouvelles classifications pourront être imposées. Il existe certaines décisions judiciaires en matière d’égalité de rémunération, mais elles sont généralement anciennes, puisqu’elles ont toutes été prises seulement après que la personne concernée a quitté son emploi.

Le Gouvernement est préoccupé par le taux de chômage élevé des femmes. Jusqu’à un certain point les chiffres sont biaisés par le fait que les chômeurs à long terme n’ont pas été comptabilisés. Il y a eu toutefois une diminution de certains types de chômage féminins au cours des deux dernières années. À l’instar des autres pays européens, la Belgique a établi un plan national axé sur l’emploi pour tous, tout en mettant particulièrement l’accent sur les emplois de qualité. Nombre des mesures prises dans ce cadre concernent spécialement les femmes, étant donné qu’elles portent sur le long terme, les personnes âgées et les salariés peu qualifiés. Il existe par ailleurs des programmes spéciaux à l’intention des nouveaux venus sur le marché du travail et pour aider les bénéficiaires de l’allocation de subsistance minimum – dans de nombreux cas des femmes célibataires avec enfants – à réintégrer la population active.

M me  Verzele (Belgique) déclare que le projet d’élimination des inégalités du système fiscal se poursuit; le Ministère des finances étudie soigneusement la question et le prochain rapport contiendra certainement davantage d’informations. Quant à l’aide au développement, la Belgique est un ferme défenseur de l’égalité des chances. Bien que les communautés et les régions aient une compétence exclusive en matière d’éducation, il faut néanmoins savoir qu’elles doivent, comme le Gouvernement fédéral, approuver les traités internationaux avant qu’ils puissent être ratifiés par la Belgique, de sorte qu’elles soient également tenues de mettre en œuvre les dispositions conventionnelles. Malgré l’absence de représentant de la communauté germanophone, celle-ci a néanmoins contribué à l’élaboration du rapport. La délégation ignore quelles sont les caractéristiques des adolescentes qui décident d’avorter, mais leur nombre est relativement restreint; ce sujet pourrait être étudié de façon plus approfondie dans le prochain rapport et de façon générale, la délégation s’efforcera de fournir le type de statistiques souhaité par le Comité.

M me  Franken (Belgique), au nom de la communauté flamande, déclare que les programmes de la communauté à l’intention des femmes âgées sont centrés principalement sur la féminisation de la pauvreté. La communauté prévoit des mesures pour les handicapés en général, mais non en particulier pour les femmes, la priorité allant à l’intégration dans la société. En ce qui concerne les études de droit, en 1998, les femmes ont constitué 52,9 % des étudiants en droit et 52,4 % des récipiendaires du premier diplôme de droit, 49,3 % des programmes d’études juridiques supérieures socialisées, mais seulement 11,7 % des lauréats du doctorat en droit. Au sujet de l’obtention de statistiques plus complètes, le Service pour l’égalité des chances en Flandre s’emploie d’ores et déjà activement à améliorer les statistiques et les indicateurs et sera en mesure de les présenter dans le prochain rapport. Certaines des nouvelles fiches d’information statistique sont en sa possession; elle les tient à la disposition des membres intéressés du Comité.

M me  Adriaenssens (Belgique), au nom de la communauté francophone, indique que la délégation répondra sous peu à la demande du Comité désireux d’obtenir une évaluation des résultats de la campagne d’information sur la contraception, ciblée sur les adolescents et réalisée en 2000. Dans le système fédéral belge, le Gouvernement fédéral n’a pas de pouvoirs de contrainte en matière d’éducation, puisque les communautés ont une compétence exclusive. Cela étant, le fait de promouvoir l’élimination des stéréotypes dans le système éducatif est certainement du ressort de l’instance interministérielle créée en 2002 pour la prise en compte de la dimension sexospécifique. Elle a apporté quelques statistiques récentes désagrégées par sexe sur les nombre de diplômés et les effectifs enseignants. Dans la communauté francophone, différentes études sont sur le point d’être terminées sur l’accès des femmes aux postes de responsabilité dans les universités; cette information sera adressée au Comité.

M me  Verzele (Belgique) déclare que le Gouvernement belge est effectivement particulièrement préoccupé par l’augmentation du travail à temps partiel, mais s’emploie à garantir que ces travailleurs sont également couverts par le régime d’assurance sociale. Sur la question de l’exploitation de la prostitution, la notion de « profit anormal » s’applique uniquement à la location de chambres. Un hôtelier peut être déclaré coupable d’exploitation ou de proxénétisme hôtelier s’il fait payer à une prostituée un prix supérieur au prix normal. La délégation belge pourra présenter un exposé plus complet par écrit.

Articles 15 et 16

M me  Goonesekere se demande si le fait pour un enfant de porter le nom de son père, lorsque la filiation paternelle est établie, est une obligation légale ou une coutume. Elle veut savoir si la cohabitation non maritale est reconnue à toutes fins juridiques. Elle aimerait des précisions supplémentaires quant aux restrictions appliquées à la reconnaissance de la répudiation selon la loi musulmane et se demande si d’autres dispositions du droit traditionnel telles que l’âge minimum du mariage, sont également reconnues.

M me  Gaspard se déclare préoccupée par la question de la reconnaissance de la répudiation en Belgique. La reconnaissance du droit traditionnel est un problème auquel nombre de pays européens sont confrontés. Certains règlent la question en appliquant la loi du pays de résidence, et d’autres en appliquant la loi du pays d’origine. Cette dernière solution est nettement défavorable aux femmes.

M me  Corti souscrit à la question soulevée par Mme Goonesekere et Mme Gaspard.

M me  Abaka souhaite également s’associer aux questions déjà posées. En outre, elle aimerait connaître les raisons de l’augmentation du nombre de divorces qui ressort des statistiques présentées par la délégation.

La Présidente, s’exprimant à titre personnel, déclare qu’elle aimerait également comprendre les principes dont s’inspire la reconnaissance de la répudiation. Pour les femmes migrantes, les pressions communautaires conservatrices renforcent la discrimination à laquelle toutes les femmes sont exposées, en particulier lorsque les autorités s’y associent.

M me  Schöpp-Schilling demande à la délégation de préciser comment la Constitution belge régit les obligations du Gouvernement fédéral en matière d’application du droit international et comment cette responsabilité doit se traduire dans ses rapports avec les régions et les communautés.

M me  Verzele (Belgique) indique que le nom de famille donné à un enfant est prescrit par le Code civil. Toutefois, un projet de loi examiné actuellement au Parlement doit permettre de choisir entre le nom du père ou de la mère, ou les deux noms reliés par un trait d’union, bien que, pour des raisons pratiques, il semble que tous les enfants d’un couple doivent porter le même nom.

La répudiation est considérée comme une décision judiciaire prise par une autorité étrangère qui ne doit pas être reconnue en Belgique, si le conjoint répudié était absent lorsque la répudiation a été prononcée ou s’il était présent, mais n’avait pas donné son consentement de façon incontestable et non sous la contrainte; si l’un des conjoints réside en Belgique au moment où la répudiation est prononcée; ou si le conjoint répudié est un citoyen belge. Le Gouvernement cherche à éviter les répudiations dites « touristiques », permettant à un mari de quitter le territoire belge et à son retour d’annoncer à sa femme qu’elle a été répudiée. La répudiation est une notion foncièrement étrangère au droit belge. Toutefois, il existe des situations dans lesquelles, par exemple lorsqu’une femme qui a été répudiée souhaite se remarier en Belgique, elle a intérêt à ce que le Gouvernement reconnaisse son statut de femme divorcée.

Les raisons de l’augmentation du nombre de divorces n’ont pas été, à sa connaissance, étudiées bien que l’introduction du divorce par consentement mutuel puisse contribuer en partie à l’expliquer. Le Gouvernement fédéral a signé un traité ou une convention internationale dont la ratification exige toutefois l’approbation de l’ensemble des conseils des communautés et des régions, qui sont ensuite tenues de l’appliquer dans leurs domaines de compétence.

M me  Adrianenssens (Belgique) déclare que, dans le cas du Protocole facultatif à la Convention, par exemple, qui se rapporte aux domaines de compétence mixte, la procédure de ratification exige que le Gouvernement fédéral soumette aux communautés et aux régions le texte du Protocole avec une explication des raisons justifiant sa signature. Après avoir entendu l’opinion du Conseil d’État, les communautés et les régions sont susceptibles d’approuver le texte, lequel peut seulement ensuite être ratifié.

M me  Paternottre (Belgique) indique que la cohabitation est reconnue pour tous les besoins officiels, notamment pour les questions de sécurité sociale et de fiscalité, si les deux parties qui vivent ensemble ont signé et déposé une déclaration de cohabitation auprès de la municipalité où elles habitent.

La Présidente remercie la délégation et souhaite, au nom du Comité, que le prochain rapport contienne plus de statistiques et d’informations complémentaires sur les principaux points évoqués. Le Comité se félicite de la ratification par la Belgique du Protocole facultatif et de l’article 20 paragraphe 1 modifié de la Convention.

La séance est levée à 17 h 20.