Vingt et unième session

Compte rendu analytique de la 429e séance

Tenue au Siège, à New York, le jeudi 10 juin 1999, à 10 h 30

Présidente :Mme Gonzấlez

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Troisième et quatrième rapports périodiques du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord

La séance est ouverte à 10 h 50.

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

(CEDAW/C/UK/3 et Add.1 et 2 et CEDAW/C/UK/4 et Add.1 à 4)

À l’invitation de la Présidente, la délégation du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord prend place à la table du Comité.

Mme Reynolds (Royaume-Uni), présentant les troisième et quatrième rapports périodiques de son pays, dit qu’il y a eu des changements d’orientation importants depuis la présentation du troisième rapport (CEDAW/C/UK/3 et Add.1 et 2). Pour l’essentiel, le quatrième rapport (CEDAW/C/UK/4 et Add.1 à 4) rend compte de la situation actuelle au Royaume-Uni. Le Gouvernement a une vision claire des objectifs à poursuivre en matière d’égalité pour les femmes. Un ensemble de politiques générales nouvellement adoptées porte sur des questions qui sont à la base de la Convention, telles que l’éducation, la santé et l’emploi des femmes. De nouvelles institutions et structures ont également été créées au sein du Gouvernement. Des progrès importants ont été réalisés, mais des problèmes non résolus et des possibilités non exploitées réclament encore l’attention.

Le Gouvernement du Royaume-Uni est résolument favorable à l’égalité des chances et au traitement équitable pour tous, ainsi qu’à l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes. C’est la raison pour laquelle la Loi de 1970 sur l'égalité de rémunération et la Loi de 1975 sur la discrimination sexuelle ont été adoptées. Le Gouvernement reconnaît les droits des femmes en tant que droits humains et veut à présent réaliser, au-delà de la simple élimination de la discrimination, l’objectif plus constructif de l’amélioration de la situation globale de la femme dans la société, notamment en donnant aux hommes la possibilité d’assumer des rôles traditionnellement réservés aux femmes. À cet égard, le Gouvernement considère ses obligations au titre de la Convention et de la mise en œuvre du Programme d’action de Beijing comme des catalyseurs qui l’aident à réaliser ces objectifs grâce à la prise en compte systématique de la cause des femmes.

Cette approche a mené le Gouvernement à se doter d’un Groupe des affaires féminines, qui joue un rôle de catalyseur et de facilitateur. Le Groupe n’est pas chargé de concevoir ou d’appliquer des programmes détaillés car cette tâche incombe aux principaux ministères. Dans le cadre de leurs responsabilités, ces ministères travaillent en étroite collaboration avec le Groupe à promouvoir la cause des femmes. Les ministères et le Groupe travaillent également en étroite collaboration avec la Commission pour l'égalité des chances et des représentants de la société civile, notamment des organisations non gouvernementales. La Commission nationale des femmes figure parmi leurs principaux partenaires. La Commission pour l'égalité des chances et la Commission nationale des femmes ont contribué dans une mesure importante à l’élaboration du quatrième rapport. L’accent mis sur le partenariat avec d’autres organismes témoigne de la prise de conscience qu’un partenariat entre tous les secteurs sociaux est indispensable si l’on veut des progrès réels pour les femmes.

Le quatrième rapport rend compte d’une évolution notable qui témoigne de la détermination du Gouvernement à faire réellement progresser la situation des femmes. Les nouvelles initiatives clefs sont les suivantes : Stratégie nationale en matière de garderie d’enfants, importante réforme budgétaire, notamment la plus grande augmentation jamais appliquée aux prestations accordées aux enfants, et introduction d’un salaire minimum national, dont les femmes sont les principales bénéficiaires. De nouveaux programmes en faveur de l’emploi accordent une importance particulière aux conditions des femmes et les mesures prévues dans le Chapitre social de l’Union européenne ont été mises en application. L’intervenante appelle l’attention sur le fait que le Royaume-Uni s’est engagé pour une longue durée à assurer des soins de santé pour tous et l’éducation pour tous. Ces deux secteurs bénéficient d’apports de capitaux importants et constituent les supports stratégiques des progrès décrits dans le quatrième rapport.

S’agissant des nouveaux dispositifs et structures, la représentation féminine au Parlement de Westminster atteint un niveau sans précédent de 18% et, sur les 22 membres du Cabinet Office, cinq sont des femmes. La nouveauté stratégique réside dans la volonté résolue d’avoir un Gouvernement paritaire et plus ouvert. Plusieurs nouveaux services ouverts au sein du Cabinet Office sont chargés d’une mission similaire, notamment le Groupe des affaires féminines, l’Unité de l’exclusion sociale – qui va publier incessamment un rapport important sur les grossesses précoces – et l’Unité des résultats et des innovations. En outre, il existe un certain nombre de nouveaux dispositifs gouvernementaux intersectoriels, tels que les nouveaux groupes ministériels de la famille et des personnes âgées. En ce qui concerne spécifiquement les femmes, il y a maintenant deux ministres chargés de la femme dont un au Cabinet Office, un sous-comité du Cabinet Office sur les questions relatives aux femmes et un groupe des politiques relatives aux femmes au sein duquel de hauts responsables de tous les ministères se réunissent périodiquement pour échanger des données d’expérience et travailler ensemble pour la cause des femmes.

Le Groupe des affaires féminines agit dans trois domaines. Il met en place une méthode novatrice de la communication et de l’écoute des femmes, conjuguant études quantitatives et études qualitatives. Les résultats du programme « À l’écoute des femmes », qui seront publiés cet automne, constitueront pour le Gouvernement une mine de données et un nouvel outil permettant de mettre à contribution la société civile et, en particulier, les femmes ordinaires qui, sans cela, ne pourraient peut-être pas faire entendre leur voix. Le deuxième vaste domaine est le travail sur les projets, concernant essentiellement l’identification et l’examen de questions qui soient importantes pour les femmes et recoupent les activités particulières des ministères. Le Groupe travaille actuellement sur quatre projets relatifs à la violence à l’égard des femmes, l’emploi tenant compte de la vie de famille, les adolescentes et les revenus des femmes à chaque stade de leur vie. Le troisième domaine porte sur la prise en compte systématique des questions relatives aux femmes et l’intégration du souci de l’égalité des sexes aux travaux des autres départements ministériels.

L’accent mis sur la prise en compte systématique des questions relatives aux femmes a fait quelque peu oublier le rôle du Groupe des affaires féminines et des ministres chargés des femmes, car d’autres départements ministériels se sont attribué le mérite des résultats obtenus. Toutefois, ce sont les résultats qui importent et non les institutions. Les femmes sont encore peu informées et connaissent mal les mesures prises par le Gouvernement pour les aider. Les moyens de communication traditionnels, tels que les médias quotidiens, ont moins de chances de toucher les femmes que les hommes. Cette question fait l’objet d’une étude approfondie grâce au programme « À l’écoute des femmes » et avec des experts en communication du Gouvernement. De nouvelles techniques de communication avec les femmes doivent être mises au point.

Le transfert de pouvoirs est un changement constitutionnel majeur qui témoigne de la réalité de la diversité culturelle au Royaume-Uni. Le Gouvernement du Royaume-Uni garde la responsabilité générale de la mise en œuvre de la Convention et d’autres domaines réservés, tels que la politique économique et la politique étrangère, mais de nombreuses décisions d’exécution seront déléguées aux nouvelles administrations. Le Royaume-Uni compte depuis longtemps trois juridictions : une pour l’Angleterre et le Pays de Galles, une pour l’Écosse et une troisième pour l’Irlande du Nord.

Mme O’Neill (Royaume-Uni), rendant compte des progrès de la situation des femmes en Irlande du Nord, dit que les mouvements féministes ont joué un rôle très actif dans l’établissement de relations intercommunautaires fructueuses en Irlande du Nord et pris part dans une mesure décisive au processus de paix. Ils ont également participé aux débats qui ont mené à la formation de l’Assemblée nationale d’Irlande du Nord. Le parti Northern Ireland Women’s Coalition, parti politique exclusivement féminin, a réussi à faire élire deux membres à l’Assemblée, sur un total de 14 femmes élues. La loi Northern Ireland Act (1998), qui donne un effet juridique aux principales dispositions de l’Accord de Belfast, porte création d’un système de transfert et d’une nouvelle Commission sur l’égalité des chances et donne aux autorités l’obligation légale de promouvoir l’égalité des chances.

L’Irlande du Nord constitue une juridiction distincte dotée d’une législation distincte en ce qui concerne la discrimination sexuelle. L’Assemblée nationale d’Irlande du Nord est habilitée à légiférer dans de nombreux domaines économiques et sociaux, sous réserve de certaines restrictions juridiques, dont le respect des obligations au titre de la Communauté européenne. Toutefois, plusieurs domaines importants ayant trait aux questions relatives aux femmes relèvent toujours du Parlement de Westminster. Parmi les questions qui seront déléguées à l’Assemblée d’Irlande du Nord figurent les lois anti-discriminatoires, notamment celles qui concernent la discrimination sexuelle. En juin 1997, la Commission sur l’égalité des chances d’Irlande du Nord a publié 77 recommandations visant à changer la recommandation relative à la discrimination sexuelle. Comme elles présentent de très nombreuses parties communes avec les recommandations publiées par la Commission sur l’égalité des chances de Grande-Bretagne en novembre 1998, les responsables examinent simultanément les deux séries de recommandations.

Un nouvel Office du Premier Ministre et du Vice-Premier Ministre sera créé et comportera un groupe chargé de l’égalité des chances. Les pouvoirs des actuels services chargés de la lutte contre la discrimination seront transférés à une nouvelle commission sur l’égalité des chances, qui sera habilitée à mener des enquêtes et à faire respecter la nouvelle obligation des services gouvernementaux de tenir dûment compte de la promotion de l’égalité des chances.

Par ailleurs, le règlement de paix prévoit la participation du secteur associatif, notamment des groupements féminins, dans un nouvelle instance civique qui jouera le rôle de dispositif consultatif sur les questions sociales, économiques et culturelles. Le Gouvernement est résolu à faire en sorte qu’il y ait des structures appropriées permettant un dialogue réel sur les questions relatives aux femmes tant dans les domaines réservés que dans les domaines délégués, les détails devant être décidés par les divers ministères lorsque l’Assemblée aura commencé de fonctionner.

Mme Donnelly (Royaume-Uni) dit que le premier Parlement écossais en 300 ans commencera de fonctionner le 1er juillet 1999. Pour l’Écosse, le transfert de pouvoirs ne constitue pas l’indépendance mais plutôt un partenariat au service du progrès au sein du Royaume-Uni. Néanmoins, il confère à l’Écosse d’importants pouvoirs législatifs qui s’appuient sur le système juridique distinct que l’Écosse possède de longue date. La compétence législative sur les questions d’égalité est réservée à Westminster mais le Parlement écossais est habilité à légiférer pour exiger que toute personne mandatée ou autorité publique ayant des fonctions déléguées ou mixtes s’acquitte de ses obligations en ce qui concerne ces questions.

Le Parlement écossais a décidé de créer une Commission sur l’égalité des chances, l’une des huit commissions permanentes, en témoignage de sa volonté de placer l’égalité des chances au cœur de ses travaux. Cette Commission a un vaste mandat, qui comprend l’examen des politiques de l’Exécutif écossais et de la nécessité d’une réforme législative, ainsi que le pouvoir d’introduire des projets de loi sur les questions relevant de sa compétence. En outre, les ministres écossais doivent établir des mémorandums de politique générale indiquant les incidences de tous les projets de loi en ce qui concerne l’égalité des chances, les droits de l’homme, les communautés insulaires et le développement durable.

Un groupe sur l’égalité des chances sera créé au sein de l’Exécutif écossais; il sera chargé des questions telles que le souci de l’égalité des sexes, les questions raciales et les handicapés et contribuera dans une mesure essentielle à la prise en compte systématique de l’égalité des chances dans le processus des politiques générales.

Le Parlement écossais se réunit à des heures qui tiennent compte des contraintes de la vie de famille et veut promouvoir la parité parmi ses membres et l’égalité des chances pour tous. Dans ses travaux, il se fonde sur quatre principes clefs : partage des pouvoirs, obligation de rendre des comptes, accessibilité et égalité des chances. Les femmes constituent 37% des membres du nouveau Parlement - ce qui représente une progression importante par rapport aux 16% de la représentation féminine au Parlement de Westminster après les élections générales de 1997 - et occupent 3 postes ministériels sur 10 et 2 postes de ministre adjoint sur 10.

Le nouveau Parlement constitue un témoignage des efforts de renforcement des capacités entrepris au cours des dernières années. Depuis 1998, Women in Scotland Consultative Forum offre une instance pour l’établissement des rapports sur la mise en œuvre du Programme d’action de Beijing. Cette instance a été conçue pour agir en partenariat avec toutes les parties intéressées, appeler l’attention des ministères compétents sur les questions relatives aux femmes et contribuer au processus de prise de décisions. De plus, un Consultant pour la recherche sur les questions relatives aux femmes, nommé en 1998, est chargé de rassembler et de diffuser des informations et d’améliorer les réseaux à l’intérieur de l’Exécutif écossais et avec les organismes extérieurs. Le Consultant est aidé par un Groupe consultatif de recherche sur les questions relatives aux femmes; les études sur les femmes font l’objet d’une large diffusion et une base de données sur les organisations féminines est en cours de création. Les autres initiatives sont notamment les suivantes : stratégie de lutte contre la violence familiale, Livre blanc sur la santé en Écosse et programmes visant à instaurer des conditions plus favorables pour les femmes entrepreneurs.

Mme Reynolds (Royaume-Uni) dit que la nouvelle Assemblée nationale du pays de Galles commencera de fonctionner le 1er juillet 1999. Contrairement au Parlement écossais, l’Assemblée galloise ne vote pas de loi mais elle assume dans une mesure importante la mise en œuvre des politiques dans le pays de Galles. Les femmes représentent 42% des membres de l’Assemblée et détiennent 4 des 8 postes de ministres siégeant au Cabinet. La loi Government of Wales Act exige que l’Assemblée tienne dûment compte du souci d’égalité des chances et une commission permanente sur l’égalité des chances, assistée par un groupe des politiques relatives à l’égalité des chances, doit être créée.

Mme Owen (Royaume-Uni) dit qu’au Royaume-Uni, le Trésor couvre les responsabilités confiées dans d’autres pays aux ministères des finances, de l’économie et du budget. Il constitue traditionnellement un fief masculin mais, à l’heure actuelle, 3 de ses 5 ministres sont des femmes. Le Trésor joue un rôle stratégique croissant puisqu’il établit les limites générales des dépenses, sans intervenir dans les modalités suivant lesquelles les ministères utilisent les fonds qui leur sont attribués, et qu’il utilise son pouvoir de lever l’impôt pour promouvoir les objectifs du Gouvernement. Il porte une attention croissante à l’offre et s’emploie à cerner les causes des problèmes, au lieu d’essayer simplement de remédier à leurs conséquences.

Sous le nouveau Gouvernement, le Trésor est mieux équipé pour étudier les questions intersectorielles telles que la pauvreté et la productivité, qui sont plus faibles dans le Royaume-Uni qu’ailleurs. Il a adopté le principe de la prise en compte systématique des grandes questions, ce qui implique l’étude des incidences des politiques générales sur des domaines tels que l’environnement et les questions liées à l’égalité des sexes. Le processus traditionnel d’élaboration du budget subit l’influence des groupes de pression. Toutefois, un processus élargi a été récemment mis en place; un rapport préliminaire sur le budget est publié et examiné en concertation avec toutes les parties intéressées. En 1998, le Trésor a tenu un séminaire de deux jours sur la pauvreté, qui a mené à l’établissement d’un budget centré sur la pauvreté et l’enfant et sur la prévention de la persistance de la pauvreté sur plusieurs générations. Les résultats de ce séminaire ont été publiés sur le site Web du Trésor.

Chaque élément du budget doit être accompagné d’une évaluation de son incidence sur les femmes. L’accent mis sur cette question se traduit par des activités et des publications interministérielles, la création d’un Groupe des affaires féminines et la tenue d’une série de conférences du Millénaire, dont la première a été consacrée à l’utilisation du temps, question revêtant une grande importance pour les femmes.

Dans le cadre de l’examen approfondi des dépenses, introduit par le nouveau Gouvernement, un cadre triennal des dépenses a été créé pour faciliter l’approche intersectorielle et la répartition des ressources en tenant compte des besoins spécifiques, tels que ceux des femmes, des enfants, des travailleurs âgés et des dispensateurs de soins, de façon à permettre à plusieurs ministères de prendre en charge ces questions sans se faire concurrence pour l’obtention des fonds. L’examen approfondi a eu des retombées positives pour les femmes dans plusieurs domaines : criminalité et violence, dépenses de santé, réforme de la sécurité sociale, investissements dans les transports en commun, programme Sure Start pour les enfants et soutien aux petites et moyennes entreprises.

L’accent mis sur la lutte contre la pauvreté dans le budget de l’exercice en cours a également eu des conséquences bénéfiques pour les femmes. Les réductions d’impôts ont divisé par deux les charges fiscales de plus d’un million de femmes pauvres; les réformes de la sécurité sociale toucheront les femmes ayant un faible revenu; les chefs de famille monoparentale, dont 90% sont des femmes, bénéficieront de l’élargissement du complément de revenu; l’amélioration des prestations de maternité aura une incidence pour les femmes au chômage, les travailleuses indépendantes et les femmes qui reçoivent des bas salaires. Les mères célibataires bénéficieront du nouvel abattement fiscal pour enfant à charge; le système national de comptes individuels d’apprentissage aidera les femmes à obtenir les qualifications requises sur le marché du travail; les abattements fiscaux faciliteront le retour à l’emploi des chômeurs de plus de 50 ans. Depuis 10 ans, le nombre de mères de jeunes enfants exerçant une activité rémunérée a considérablement augmenté. Cependant, les femmes qui n’ont pas de partenaire exerçant une activité rémunérée ont moins de chances de garder un emploi.

L’écart des salaires s’est nettement réduit, surtout pour les femmes instruites, bien que des disparités subsistent entre les situations des femmes sans enfant et les mères exerçant une activité rémunérée. Ainsi, à l’âge de 33 ans, les femmes sans enfant gagnent à peu près les mêmes salaires que leurs pairs masculins, tandis que les mères exerçant une activité rémunérée ne gagnent que les deux tiers des salaires des hommes. Cette inégalité s’explique moins par les années passées loin du marché du travail que par le fait qu’en général, les mères retournant sur le marché du travail prennent des emplois à temps partiel, pour lesquels les salaires ne représentent que 58% de ceux des hommes travaillant à plein temps. La directive de l’Union européenne sur le travail à temps partiel permettra dans une certaine mesure de résoudre ce problème. En outre, il semble que les pénalités salariales pour obligations familiales ont été réduites pour les femmes qui font jouer les régimes d’assurance maternité afin de ne pas interrompre leur carrière. Il est donc très important d’étendre les droits de congé de maternité aux travailleuses à temps partiel. Une autre tendance notable apparaît sur le marché du travail, à savoir que les jeunes femmes sont de plus en plus conscientes de l’importance de l’investissement dans le capital humain.

Certes, au Royaume-Uni, les femmes bénéficient d’une protection exemplaire en ce qui concerne les droits en matière d’emploi, mais on peut se demander dans quelle mesure l’égalité sur le marché du travail peut devenir une réalité tant que les barrières culturelles à l’emploi des femmes continuent d’exister. Les femmes sont encore considérées comme les principales responsables des tâches ménagères et des soins aux enfants, et les femmes elles-mêmes sont sceptiques quant aux bénéfices probables des initiatives prises par le Gouvernement dans leur intérêt. Le problème ne peut être résolu qu’en encourageant les hommes à profiter, comme le font les femmes, de dispositions telles que le travail à temps partiel et les horaires de travail à la carte, ce qui leur permettrait d’assumer une plus large part des activités ménagères. Surmonter les conceptions traditionnelles des rôles dévolus par la société aux deux sexes représente une tâche non négligeable pour le Gouvernement du Royaume-Uni et l’intervenante serait heureuse d’avoir des conseils du Comité à ce sujet.

Mme Reynolds (Royaume-Uni) dit que sa délégation a centré son intervention sur les domaines où la situation des femmes s’était sensiblement améliorée, mais qu’elle reconnaît qu’il reste encore beaucoup à faire. En particulier, alors que les éléments structurels permettant d’assurer l’égalité des sexes sont en place, d’importantes barrières culturelles et institutionnelles subsistent. Elle se réjouit de la possibilité de dialoguer avec les membres du Comité et attend leurs observations avec intérêt.

La Présidente dit que le slogan du Groupe des affaires féminines du Royaume-Uni, « Better for Women, Better for All » (« Progrès pour les femmes, progrès pour tous ») est parfaitement indiqué. En élaborant la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, la communauté internationale était consciente qu’il ne peut y avoir de paix ni de développement sans la participation active des femmes. La Présidente félicite le Gouvernement du Royaume-Uni pour la volonté politique dont il fait preuve dans la recherche de réponses aux questions relatives aux femmes et remercie la délégation de la présentation claire et concise des troisième et quatrième rapports périodiques, qui présentent des informations d’une richesse impressionnante. Elle se réjouit d’avance du dialogue fructueux qui se tiendra avec la délégation.

Mme Aouij dit que le Gouvernement du Royaume-Uni a établi un rapport très approfondi, qui contient des informations exhaustives sur la situation des femmes de toutes les couches sociales et dresse un tableau complet du renouveau de la société britannique. Jamais auparavant les femmes ne se sont trouvées ainsi au centre des activités et des intérêts du Gouvernement. La nouvelle manière dont celui-ci voit le rôle des femmes aura une incidence en Europe et au-delà. L’attachement du Gouvernement aux principes de la démocratie et de la participation est prouvé par les nouvelles dispositions politiques prises en Écosse et en Irlande du Nord. Il reste certains points faibles, en particulier le nombre élevé de grossesses précoces et la situation économique des personnes âgées, que le Gouvernement a reconnus dans les rapports. Pour ce qui est de surmonter les barrières culturelles, les mesures visant à résoudre ce problème devraient commencer dans les écoles et les médias ont également un rôle important à jouer car aucun projet et aucune réforme ne peuvent aboutir sans un vaste soutien populaire.

Mme Acar se déclare préoccupée par le fait que, malgré quelques progrès, les femmes restent sous-représentées dans la vie publique et politique. Elle ne parvient pas à comprendre que le Gouvernement hésite à introduire des mesures spéciales temporaires dans ce domaine, compte tenu en particulier des dispositions de la Loi sur la discrimination sexuelle et les termes de la déclaration du Royaume-Uni relative à l’article premier et à l’article 4 de la Convention. Notant que la récente progression du nombre de femmes siégeant au Parlement a pu être réalisée en grande partie parce que le Parti travailliste n’avait retenu que des candidatures féminines, elle déplore l’abandon de cette pratique au nom du principe abstrait d’égalité. Par ailleurs, elle est préoccupée par le nombre insuffisant de femmes chargées de cours dans les institutions d’enseignement supérieur et par le fait qu’elles sont systématiquement sous-payées. Elle aimerait savoir quelles mesures le Gouvernement compte prendre pour résoudre ce problème et pour qu’il y ait plus de femmes dans des domaines comme l’ingénierie et la technologie.

Mme Cartwright dit qu’elle note avec satisfaction que le Gouvernement a procédé à un examen systématique des réserves émises par le Royaume-Uni concernant la Convention, et que les raisons du maintien de ces réserves sont indiquées clairement dans le quatrième rapport périodique. Il est également encourageant que ces réserves continuent d’être examinées. Il convient de féliciter le Gouvernement pour les changements d’orientation fondamentaux, notamment les nouvelles dispositions relatives à l’examen du budget et les diverses initiatives prises en matière économique. Ayant participé à l’élaboration du Protocole facultatif se rapportant à la Convention, l’intervenante a accueilli avec satisfaction la contribution constructive de la délégation britannique à ce processus et espère que le Royaume-Uni figurera parmi les premiers pays à ratifier le Protocole facultatif.

L’intervenante a été impressionnée par la quantité et la qualité des informations données dans les rapports de l’État partie et se joint aux organisations non gouvernementales qui ont rendu hommage à l’honnêteté, à la sincérité et au sérieux du Gouvernement. Il est encore trop tôt pour que le Comité puisse évaluer l’incidence des nombreux changements apportés depuis deux ans. En conséquence, elle demande instamment à l’État partie de mener une évaluation rigoureuse des nouvelles politiques et des nouveaux programmes en vue d’informer le Comité de leur efficacité dans le cadre du prochain rapport périodique.

L’intervenante se déclare préoccupée par le fait que les femmes ne représentent que 9% du nombre total des juges et qu’il n’y a aucune femme parmi les hauts magistrats d’Irlande du Nord. La magistrature devrait être représentative des communautés qu’elle sert et le Gouvernement doit prendre d’urgence des mesures pour résoudre ce problème. Compte tenu de l’humilité naturelle des femmes, l’intervenante doute que le nouveau système d’invitation à postuler pour des fonctions judiciaires permette d’accroître le nombre de femmes juges, car peu de femmes présenteront leur candidature. Certes, l’éducation des juges et magistrats revêt une importance vitale pour l’application effective de la loi sur les droits de l’homme, mais les retards enregistrés dans ce processus ne justifient pas le report de l’entrée en vigueur de la loi.

L’éducation des juges et magistrats devrait être continue et, si l’on veut que les juges soient sensibles à l’importance des droits des femmes, elle devrait comporter une formation aux questions relatives aux femmes, y compris une parfaite compréhension de la Convention. Le Gouvernement a pris une mesure courageuse en inscrivant les dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme dans la législation interne et l’intervenante le prie instamment d’envisager de le faire également pour la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Le Royaume-Uni s’est doté d’un ensemble impressionnant de lois relatives à l’égalité des chances mais on ne sait pas très bien si cette série de lois traduit dans toute leur diversité tous les droits prévus dans la Convention. Dans un premier temps, le Gouvernement devrait veiller à ce que les dispositions de l’article premier de la Convention concernant la discrimination directe et la discrimination indirecte soient traduites dans la législation interne. L’intervenante se réjouit du fait que la loi Northern Ireland Act contient des sections sur les droits de l’homme et l’égalité des sexes, et elle aimerait savoir quand ces sections de la loi entreront en vigueur et avoir l’assurance que les organismes de contrôle dont la création est prévue par la loi disposeront de fonds suffisants.

L’intervenante a trouvé particulièrement inquiétante la nette augmentation de la population carcérale féminine depuis 1992, imputable, selon le rapport, à l’augmentation du nombre d’infractions graves à la législation sur les stupéfiants commises par des femmes. Des mesures ciblées sont nécessaires pour résoudre ce problème. Il ne faut pas se contenter de construire plus de prisons. L’intervenante est également préoccupée par le grand nombre de femmes reconnues coupables d’infractions mineures telles que le non-paiement de la redevance télévision, ce qui est davantage un indicateur de pauvreté. Cette infraction devrait être dépénalisée car une condamnation ne ferait qu’aggraver la situation économique de ces femmes en leur créant des difficultés lors de la recherche d’un emploi. Certes, les femmes détenues dans les prisons d’Irlande du Nord sont peu nombreuses, mais les conditions carcérales ne sont pas satisfaisantes. La détention de mineures dans des prisons pour adultes est particulièrement regrettable. L’impossibilité d’accéder à l’éducation pose également un problème.

Bien que l’État partie soit convaincu que le traitement des victimes de violence familiale accusées d’homicide est suffisamment souple, en fait, les jurés sont peu d’informations sur l’allégation de provocation. Il est indispensable que les juges reçoivent une formation appropriée concernant ces questions. S’agissant de la violence à l'égard des femmes, on ne sait pas très bien si la nouvelle stratégie du Gouvernement doit être appliquée dans tout le Royaume-Uni. Par ailleurs, la délégation devrait expliquer si l’évaluation des politiques et l’égalité de traitement ne sont des obligations légales qu’en Irlande du Nord.

Étant donné que la prostitution des enfants est plutôt une preuve de mauvais traitements subis par les enfants concernés que d’infractions à la loi de leur part, l’État partie devrait indiquer quand elle devrait être dépénalisée. Le Comité souhaiterait également vivement savoir si la pénalisation de l’accostage en voiture pour sollicitation de services sexuels doit être étendue à l’Irlande du Nord. Le problème de la traite des femmes étant un problème mondial, il est improbable que le Royaume-Uni y échappe. Des informations recueillies de façon non systématique portent même à croire que, dans ce domaine, la législation britannique peut être facilement détournée. De plus, il importe d’éviter qu’une question aussi grave soit occultée à cause de préoccupations relatives à l’immigration.

En ce qui concerne les cas de viol, la loi devrait être modifiée pour interdire qu’un tribunal fouille dans les antécédents sexuels d’un prévenu, sauf dans certaines circonstances et sur autorisation du juge. Jusqu’à ce qu’on prenne des mesures pour encourager les femmes à venir présenter des preuves dans les procès pour viol, ce crime restera fréquent et impuni. C’est pourquoi il est vital que les juges reçoivent une formation appropriée pour le traitement des cas de viol.

Mme Carti note avec satisfaction les mesures mises en œuvre par l’État partie pour accroître la participation des femmes à la prise de décisions, commentant en particulier les progrès accomplis par le nouveau Gouvernement depuis son élection et les efforts des femmes bénévoles qui ont participé à la campagne électorale. Bien que le régime parlementaire du Royaume-Uni soit l’un des régimes les plus anciens et les plus démocratiques du monde, paradoxalement, les femmes ont toujours été sous-représentées et leur apport à la société britannique n’a guère été pris en compte en politique. À la Conférence mondiale sur les droits de l’homme tenue à Vienne et à la quatrième Conférence mondiale sur les femmes, auxquelles le Royaume-Uni a pris une part très active, l’importance de la démocratie participative a été réaffirmée. Dans ce contexte, il y a lieu de se réjouir des mesures positives prises pour remédier à la sous-représentation des femmes au Parlement.

La délégation devrait fournir des informations sur toute nouvelle mesure envisagée pour que les femmes continuent d’être représentées aux plus hauts niveaux. Le Comité souhaiterait en particulier connaître les résultats de toute réévaluation du système électoral du point de vue de la parité. Il importe de faire en sorte que non seulement des candidates figurent dans les listes présentées par les partis mais aussi qu’elles bénéficient du soutien nécessaire pour être élues. On ne voit pas très bien quelle incidence le nouveau système aurait sur les élections imminentes au Parlement européen. Des informations complémentaires à ce sujet seraient appréciées.

Mme Ferrer remercie la délégation du caractère exhaustif des informations présentées au Comité. Les recommandations de la Commission pour l'égalité des chances sur les réformes de la législation sociale sont particulièrement appréciées, surtout en ce qui concerne les mesures qui doivent inciter les employeurs à s’efforcer d’équilibrer la représentation des deux sexes et de rémunérer leur personnel de manière équitable. Toutefois, il est préoccupant de constater que les femmes qui travaillent à temps plein ne reçoivent que 80% de la rémunération correspondante des hommes et que la rémunération hebdomadaire brute des femmes ne représente que 72% de celle des hommes. On espère que le nouveau salaire minimum contribuera à combler ces écarts, qui persistent en dépit des garanties législatives d’un salaire égal pour un travail égal. Qui plus est, selon les informations données dans le quatrième rapport, bon nombre de plaintes pour discrimination dans ce domaine sont retirées avant d’être portées devant les tribunaux. Le nombre élevé de harcèlements sexuels subis par les femmes sur le lieu de travail est également préoccupant. Néanmoins, il convient de se réjouir du projet de loi proposé concernant l’extension du congé de maternité payé pour les femmes ayant un faible revenu.

Selon le rapport, le risque de chômage est plus élevé de 10% pour les femmes de minorités ethniques. En outre, il est notoire que les femmes noires obtiennent moins de promotions et fournissent plus d’heures de travail. En conséquence, le Gouvernement devrait adopter des mesures de sensibilisation à l’éducation et d’autres initiatives afin d’empêcher que ces femmes subissent le fardeau d’une double discrimination, sexuelle et raciale. Des données ventilées doivent être rassemblées pour faciliter l’évaluation de la situation de ces femmes.

Mme Hazelle, félicitant l’État partie pour les rapports, aborde la situation des femmes des territoires d’outre-mer, en particulier les femmes de la région des Caraïbes. Il y a lieu de se réjouir de l’engagement pris par le Gouvernement d’éliminer la discrimination à leur égard, ainsi que de la création d’un bureau local des affaires féminines. La délégation devrait décrire les dispositifs qui garantissent la coordination avec les organismes correspondants au Royaume-Uni. Des informations sur les mesures visant à assurer les ressources nécessaires pour permettre à ces territoires d’honorer leurs obligations de présenter des rapports et leurs autres engagements au titre de la Convention – engagements pris en leur nom par le Royaume-Uni – seraient également appréciées. Les informations fournies dans les additifs aux rapports sur la situation de ces territoires sont manifestement insuffisantes.

La délégation pourrait également communiquer les résultats de toute étude sur ce que la Loi sur l’immigration implique pour les femmes des anciens territoires dépendants ou des territoires d’outre-mer actuels, en particulier concernant la question de la citoyenneté britannique, la circulation des personnes et la maltraitance des femmes et des enfants aux fins du tourisme sexuel.

Mme Khan félicite le Gouvernement des progrès qu’il a réalisés en matière de promotion des femmes, notamment en encourageant leur participation aux activités économiques, en réalisant l’un des taux de chômage féminin les plus faibles d’Europe et en améliorant sensiblement leur représentation au Parlement grâce à des mesures positives. Il y a lieu d’accueillir avec satisfaction plusieurs politiques introduites par le nouveau Gouvernement : stratégie nationale en matière de garderie d’enfants, salaire minimum garanti, réforme des pensions et initiatives en matière d’emploi tenant compte des contraintes de la vie de famille.

Toutefois, ainsi que les intervenants précédents l’ont souligné, l’intensification de la discrimination à l’égard des groupes appartenant à des minorités ethniques est préoccupante. Alors que le taux d’activité économique des femmes est passé de 66% à 70% entre 1984 et 1994, celui des femmes du Pakistan et du Bangladesh, selon une organisation non gouvernementale, n’est que de 25%. Selon la même source, le taux de chômage des femmes de minorités ethniques au Royaume-Uni est de 18%, contre 8% seulement pour les femmes blanches. De même, un pourcentage élevé de femmes de minorités ethniques, notamment des Asiatiques, ne travaille qu’à temps partiel. La délégation devrait préciser si ces femmes relèvent du régime du salaire minimum national légal et fournir également des informations détaillées sur le nombre de femmes de minorités ethniques qui ont un emploi temporaire et ne bénéficient donc pas des avantages des travailleurs.

Il est très préoccupant de constater que 24% des détenues sont des femmes de minorités ethniques alors que celles-ci représentent un pourcentage beaucoup plus faible de la population totale. En matière d’éducation, on peut noter un déséquilibre similaire puisque les filles de minorités ethniques constituent jusqu’à 20% de celles qui sont renvoyées définitivement de l’école. Les rapports ne fournissent aucune information sur la situation sanitaire des femmes de minorités ethniques. La délégation devrait également préciser si les aides familiales venant d’outre-mer sont couvertes par la législation sociale nationale et la législation nationale du travail. Le Comité a reçu un certain nombre de rapports faisant état de mauvais traitements infligés aux aides familiales, qui sont pour la plupart des femmes asiatiques et africaines. En outre, la délégation devrait expliquer la discrimination généralisée à l’égard des femmes de minorités ethniques en ce qui concerne l’éducation, les salaires, les conditions d’emploi et de vie et informer de manière détaillée des mesures prises pour combattre la « double discrimination », telles que des programmes de placement et de formation.

Par ailleurs, le Comité souhaiterait être informé de toute réforme introduite dans le cadre des recommandations de la Commission pour l’égalité raciale, notamment toute mesure légale bannissant la discrimination fondée sur l’origine ethnique. Des fonds ou des refuges ont-ils été mis en place pour les femmes de minorités ethniques victimes de violence familiale? Enfin, le Comité serait curieux d’entendre la réponse de la délégation à l’affirmation faite par une organisation non gouvernementale selon laquelle, au Royaume-Uni, les refuges pour animaux offrent cinq fois plus de places d’accueil que les refuges pour femmes et enfants et les fonds qui leur sont alloués sont plus importants.

La séance est levée à 13 heures.