Vingt-deuxième session

Compte rendu analytique de la 452e séance

Tenue au Siège, à New York, le lundi 24 janvier 2000, à 10 heures

Présidente:Mme González

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial de l’Inde

La séance est ouverte à 10 h 55

Examen des rapports présentés par les États partiesconformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial de l’Inde (CEDAW/C/IND/1)

À l’invitation de la Présidente, M me  Aggarwal (Inde) prend place à la table du Comité.

M me  Aggarwal (Inde), présentant le rapport initial de l’Inde (CEDAW/C/IND/1), dit que l’Inde a ratifié la Convention en 1993 en faisant deux déclarations et en formulant une réserve. Le rapport a été rédigé à l’issue de consultations associant un certain nombre d’organisations féminines, conformément à l’idée que seule la participation du secteur bénévole permet à l’Inde de s’acquitter des obligations que lui impose la Convention.

Depuis son accession à l’indépendance, l’Inde a accompli de grands progrès dans plusieurs domaines du développement humain : le taux de croissance démographique a été ramené de 2,14 en 1981 à 1,9 en 1991 et le taux de mortalité ainsi que le taux de mortalité infantile ont enregistré des baisses, accompagnées d’une réduction de l’écart entre les sexes. L’âge moyen du mariage des femmes a régulièrement augmenté, tandis que leur taux d’alphabétisation est actuellement de 50 %. Au cours de ces dernières années, des programmes d’ajustement structurel ont été introduits dans le souci d’améliorer les performances économiques du pays via la concurrence et les incitations fondées sur le jeu du marché.

L’Inde se caractérise par sa diversité ethnique et culturelle. Les conditions de vie des populations du pays varient sensiblement entre zones urbaines et rurales, de même qu’entre les différents États. Aussi les statistiques globales indiquent-elles uniquement des tendances. L’Inde est par ailleurs une fédération où le pouvoir central et les États se répartissent les attributions législatives et exécutives. Parvenir à un consensus national peut ainsi y nécessiter du temps et des efforts.

Passant à chacun des articles de la Convention, l’oratrice dit que le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes (art. 1 et 2) est inscrit dans la Constitution indienne qui interdit toute discrimination fondée sur le sexe et institue la discrimination positive au niveau de l’État. Son gouvernement a mis en place un Département du développement de la femme et de l’enfant. Il existe en outre dans le pays une Commission nationale et 16 commissions d’État pour les femmes, et le Comité central d’aide sociale entretient des liens avec près de 12 000 organisations non gouvernementales féminines.

Le neuvième plan quinquennal, élaboré avec la participation des principales organisations féminines, retient l’émancipation des femmes comme stratégie de développement. Ce plan préconise la formulation d’une politique nationale axée sur l’intégration d’une démarche soucieuse de l’égalité des sexes dans l’ensemble des mesures, plans et programmes mis en œuvre par les pouvoirs publics. Son adoption a toutefois été retardée en raison d’un changement de gouvernement. Conformément au volet du plan consacré aux femmes, la Commission de planification veillera à ce que 30 % au moins des crédits alloués au développement soient destinés aux femmes.

La mobilisation des populations locales constitue une autre stratégie d’émancipation des femmes. Le Gouvernement de l’oratrice a collaboré avec des groupes d’autoassistance au niveau local à la mise en œuvre de programmes dans les domaines de l’éducation, de la santé et du développement rural, ainsi qu’à l’élargissement de l’accès des femmes au crédit.

En ce qui concerne l’article 3 de la Convention, l’oratrice dit que la participation des femmes à la lutte pour l’indépendance de l’Inde a facilité l’introduction d’une législation progressiste sur les droits des femmes. Toutefois, le droit du statut personnel appliqué par certaines communautés minoritaires reste inchangé, conformément à la politique de son gouvernement qui veut que toute demande de réforme émane des communautés elles-mêmes. La Commission nationale pour les femmes surveille le fonctionnement des garanties constitutionnelles et juridiques des droits des femmes; examine des cas individuels de discrimination; et vérifie que les lois ne sont pas discriminatoires à l’égard des femmes. La Commission a récemment rédigé un projet de loi sur la violence dans la famille auquel la majorité des gouvernements des États ont manifesté leur soutien.

Le Gouvernement de l’oratrice a instauré un système de tribunaux populaires en réponse aux besoins des femmes pauvres et analphabètes qui avaient difficilement accès à l’appareil judiciaire. Ces tribunaux offrent un autre mode de règlement des litiges et les décisions qu’ils rendent sont contraignantes depuis 1987. Un projet triennal de formation des magistrats à la prise en compte des sexospécificités est en cours de mise en œuvre. Les actions d’intérêt public intentées auprès des juridictions supérieures ont accru les obligations des responsables de rendre des comptes et ont abouti au rendu de plusieurs arrêts historiques sur notamment la prostitution infantile, le harcèlement sexuel et la garde des enfants.

Concernant les mesures spéciales temporaires (art. 4), l’oratrice dit que le paragraphe 3 de l’article 15 de la Constitution institue la discrimination positive en faveur des femmes. Actuellement, les administrations locales réservent un tiers de l’ensemble de leurs sièges d’élus aux femmes et projettent de leur réserver à l’avenir un tiers de leurs postes de président. Le Gouvernement de l’oratrice a récemment adopté une loi visant à étendre le système des quotas au Parlement national et aux assemblées législatives des États. Un certain nombre d’États ont institué des quotas en faveur des femmes au sein de leurs administrations publiques.

Afin de lutter contre les partis pris sexistes (art. 5), de nouveaux manuels scolaires tenant compte des sexospécificités ont été publiés pour les écoles primaires. De son côté, la Fondation nationale du livre prend des mesures pour assurer que les manuels qu’elle publie sont exempts de stéréotypes traditionnels. En outre, les réseaux nationaux de stations de radio et de chaînes de télévision sont incités à diffuser des programmes véhiculant une image positive des femmes. Actuellement, le Département du développement de la femme et de l’enfant élabore une politique sur la représentation des femmes dans les médias. La Mission nationale d’alphabétisation est un vecteur majeur de sensibilisation aux questions d’équité dans le traitement des deux sexes et il est à espérer que la reconnaissance du droit au congé de paternité accordé à tous les fonctionnaires de l’administration centrale encouragera les hommes à assumer une part des soins à dispenser à leurs enfants.

La famille joue un rôle décisif dans la société indienne, mais elle est également source de discrimination à l’égard des femmes. Les phénomènes notamment de violence dans la famille et de fœticide et d’infanticide féminins sont préoccupants. Le rôle des forces de police étant essentiel dans l’introduction de changements, le Gouvernement de l’oratrice a mis en place une formation spéciale pour sensibiliser les responsables du maintien de l’ordre aux questions relatives à l’égalité des sexes. Un certain nombre d’États ont créé des postes de police encadrés par un personnel féminin afin d’encourager les femmes à y signaler les actes de violence dont elles sont victimes et plusieurs États ont mis sur pied des services d’assistance téléphonique à leur intention.

En ce qui concerne la prostitution (art. 6), l’oratrice dit que c’est la pauvreté qui pousse la majeure partie des prostituées à exercer cette activité bien que la coutume et la tradition ont également leur part de responsabilité. Une loi modifiée en 1986 s’attaque à ce phénomène qui se concentre essentiellement dans les grandes villes. Des officiers de police spécialisés sont chargés d’intervenir en cas d’infraction. Il a été proposé que la loi, qui tend à sanctionner davantage les prostituées que les exploiteurs, soit modifiée pour dépénaliser la prostitution et appliquer des peines plus sévères à l’encontre des souteneurs.

Environ 80 centres ont été mis en place pour dispenser une éducation et une formation professionnelle aux travailleurs du sexe, tandis que des organisations non gouvernementales accueillent leurs enfants dans des garderies et des centres de développement de l’enfant. Un groupe de travailleurs du sexe a constitué un comité pour protéger leurs droits et fournir à d’autres prostituées de la région des informations sur les maladies sexuellement transmissibles et le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Le Département du développement de la femme et de l’enfant a établi un plan d’action de lutte contre la traite et l’exploitation sexuelle à des fins commerciales des femmes et des enfants dans le souci premier de les réinsérer dans la société. L’Inde a participé à la rédaction d’une convention de l’Association sud-asiatique de coopération régionale (SAARC) destinée à prévenir la traite transnationale grâce à la coordination intergouvernementale.

Passant à l’article 7, l’oratrice dit que les femmes en Inde jouissent de droits identiques à ceux des hommes pour voter et se présenter aux élections. Les femmes ont également induit des changements en participant aux mouvements populaires de défense de l’environnement et de lutte contre l’alcool, le trafic de stupéfiants et le jeu. Le Gouvernement de l’oratrice organise et finance actuellement des programmes de formation à l’intention des près de 700 000 élues au sein des administrations locales afin de convertir cette présence massive en participation efficace. En 1997, les femmes représentaient 13,8 % des fonctionnaires contre seulement 8,6 % en 1971. En dépit de la forte augmentation du nombre de femmes qui votent et qui se présentent aux élections, elles demeurent sous-représentées au Parlement national. En ce qui concerne l’article 8, le Gouvernement fait tout son possible pour encourager la participation des femmes à l’action des organisations internationales.

Le Citizenship Act (loi relative à la nationalité) de 1995 accorde aux femmes des droits égaux à ceux des hommes en ce qui concerne l’acquisition, le changement et la conservation de leur nationalité (art. 9). En vertu d’un amendement à la loi, tout enfant né en Inde ou à l’étranger acquerra la citoyenneté indienne si l’un des deux parents est citoyen indien au moment de sa naissance, alors que seul le père auparavant pouvait transmettre sa nationalité à ses enfants.

L’éducation des filles est tenue pour un facteur de réduction des taux de fécondité et de mortalité. En outre, l’éducation et le développement se renforcent mutuellement. Le développement de l’éducation dans l’État du Kerala, par exemple, a contribué pour beaucoup à la suppression des barrières entre castes, catégories sociales et sexes, ce qui a en retour encouragé l’éducation. La Cour suprême a jugé que l’éducation est un droit fondamental pour les enfants âgés de 6 à 14 ans et le Gouvernement s’efforce de rendre universelle l’éducation élémentaire. Il a été prévu d’introduire des programmes d’éducation en matière de droits de l’homme et de sensibiliser aux violations des droits des femmes.

Le Gouvernement s’emploie à porter son investissement dans l’éducation de 4 % environ à 6 % du produit intérieur brut conformément aux obligations qu’il a contractées lors de la Conférence de Beijing en 1995. De grandes avancées ont été faites dans l’éducation au cours de ces dernières années et le taux d’alphabétisation global est monté à 62 % (73 % pour les hommes et 50 % pour les femmes). L’alphabétisation des femmes a crû plus rapidement que celle des hommes. L’éducation des enfants enregistre également des améliorations, mais seulement 70 % des garçons et 55 % des filles sont scolarisés en zones rurales. De nombreuses filles n’ont toujours pas accès à l’éducation en raison de l’éloignement des écoles, de l’absence de toilettes séparées, du manque d’enseignantes, des réticences de leurs parents et de l’obligation qui leur est faite de s’acquitter des tâches ménagères.

Le Gouvernement a récemment révisé sa politique concernant les fillettes dans le souci de faire évoluer les mentalités à leur égard et d’améliorer la scolarisation et la fréquentation scolaire. Dans de nombreux États, par exemple, l’éducation dispensée aux filles est désormais gratuite. En outre, diverses autres approches sont adoptées. Lancé dans les régions pâtissant de faibles taux d’alphabétisation des femmes, un programme d’enseignement primaire propose une scolarité différente, un enseignement pour les filles et une éducation pour les enfants qui ont des besoins particuliers. Un programme d’autonomisation des femmes, qui répond aux besoins ressentis par les femmes rurales pauvres dans le souci de promouvoir leur émancipation, a montré que la mobilisation des femmes se traduit en retour par une demande d’éducation de leur part pour elles et leurs filles. Dans les zones reculées du Rajasthan, un projet a amélioré la participation des filles à l’éducation et un deuxième projet s’efforce de résoudre le problème de l’absentéisme des enseignants en recrutant les éducateurs parmi les habitants instruits au sein des populations locales, 10 % desquels doivent être des femmes. En outre, un projet d’écoles modèles dispense un enseignement à des enfants doués vivant en zones rurales, 30 % desquels doivent être des filles.

Concernant la formation professionnelle, différents programmes en cours de mise en œuvre destinés aux femmes visent à améliorer leurs perspectives d’emploi. Des établissements de formation professionnelle à l’intention des femmes et des instituts communautaires de technologie dispensent une formation technique aux filles, mais ces instituts ne sont pas suffisamment nombreux. Des programmes de formation ont également été lancés à l’intention des filles qui ont abandonné leur scolarité.

L’éducation non formelle a également été développée. Il existe 160 000 centres d’apprentissage destinés aux filles, conçus pour répondre aux besoins de celles qui n’ont pas eu accès à une éducation formelle et constituer un noyau de femmes instruites dans les régions faiblement alphabétisées. La National Open School a formulé des projets novateurs conçus pour fournir un autre type d’enseignement, notamment aux néo-alphabétisées et à celles qui ont abandonné leur scolarité. Un projet de formation continue à l’intention des néo-alphabétisées est mis en œuvre dans 13 États. En outre, l’Université Indira Gandhi propose une éducation à distance aux femmes et aux groupes défavorisés, et a lancé un programme d’émancipation des femmes.

Passant à l’article 10, l’oratrice dit que la Constitution accorde à tous les citoyens d’égales perspectives d’emploi. En outre, l’Equal Remuneration Act (loi relative à l’égalité des salaires) interdit toute discrimination à l’égard des femmes au moment de leur recrutement et durant leur emploi. Des plaintes peuvent être déposées pour violations de cette loi et les tribunaux sont habilités à intenter des poursuites contre toutes les atteintes mentionnées ci-dessous.

La législation indienne du travail traduit les préoccupations de l’Organisation internationale du Travail et plusieurs de ses dispositions visent à promouvoir l’emploi et la protection sociale des femmes. La main-d’œuvre féminine est essentiellement embauchée dans le secteur informel. Aussi n’est-elle pas prise en compte par l’économie nationale et ne bénéficie-t-elle d’aucune des protections prévues par les textes de lois comme, par exemple, le salaire minimum. Afin de mettre fin à cette « invisibilité », le recensement de 1991 a rallongé la liste des activités économiques des femmes et de plus gros efforts seront déployés en 2001.

Même s’il est passé de 14 % à 22 % de 1971 à 1991, le taux d’activité professionnelle des femmes reste très inférieur à celui des hommes en zones urbaines aussi bien qu’en zones rurales. La part des femmes dans le secteur structuré est montée à 16 % environ mais les femmes ne représentent que 14 % environ des fonctionnaires. Les restrictions juridiques à l’emploi des femmes sont uniquement liées à la dangerosité de certaines formes de travail, mais la plupart d’entre elles dans la pratique restent confinées dans des activités traditionnelles. Un nombre croissant de femmes se lance toutefois dans des domaines d’activité autrefois réservés aux hommes.

C’est avec la plus grande énergie que le Gouvernement s’emploie à étendre à toutes les mères les prestations de maternité et à développer des services de garderie pour les enfants des travailleuses. La législation impose aux employeurs d’aménager des crèches au sein de leurs entreprises à partir d’un certain pourcentage de femmes parmi leurs employés. En outre, le Gouvernement aide les organisations bénévoles à assurer des services de garderie, notamment des crèches mobiles qui accueillent les enfants des travailleuses non qualifiées et des femmes pauvres. Une action a été lancée pour développer le réseau des garderies d’un bout à l’autre du pays.

Un arrêt historique de la Cour suprême indienne, s’appuyant sur les clauses de la Convention, a établi des normes interdisant le harcèlement sexuel des femmes sur leur lieu de travail. Le code de conduite des employeurs a fait l’objet de plusieurs amendements et de nouveaux textes de lois sont rédigés de manière à tenir compte des conclusions de la Cour.

Concernant l’article 12, l’oratrice dit que les femmes indiennes reçoivent une part de biens et de services de santé moindre que les hommes, alors même qu’elles assument des responsabilités importantes du point de vue de l’économie, de la procréation et de la famille. La santé des femmes indiennes est liée à leur âge, à leur statut socioéconomique et à la place qu’elles occupent dans leurs foyers. La santé familiale et infantile s’est toutefois considérablement améliorée durant la décennie écoulée. On a étendu la couverture du traitement de six maladies vaccinables et, en 1995, 130 millions d’enfants ont été vaccinés en une seule journée, réduisant considérablement le nombre de cas de poliomyélite.

La stabilisation démographique est un objectif national majeur et il est universellement admis aujourd’hui que la planification familiale est une nécessité. La stérilisation n’est toutefois plus considérée comme l’unique moyen de contraception et de multiples possibilités sont désormais offertes aux couples. De même, les hommes sont encouragés à participer aux programmes de planification familiale.

L’Inde est dotée d’un vaste réseau d’établissements de santé et son système de soins de santé primaires est l’un des plus étendu au monde. Un programme est conçu pour améliorer la situation nutritionnelle et sanitaire des groupes vulnérables, notamment les femmes enceintes et les mères allaitantes. L’Inde compte à cette fin 4 200 projets en cours de mise en œuvre d’un bout à l’autre de son territoire et prévoit d’en lancer 850 autres, conformément aux engagements qu’elle a pris lors de la Conférence de Beijing.

Le secteur sanitaire a connu une réforme majeure une fois admis la possibilité d’assurer l’évolution démographique du pays non plus seulement via les services de contraception mais à travers un programme sanitaire holistique à l’intention des femmes et des enfants. Un programme de soins de santé procréative et infantile a récemment été lancé à l’échelle du pays, qui a pour objectif d’intégrer et d’étendre les services de santé et d’en améliorer l’accès. Ce programme vise également à faire baisser le taux élevé de mortalité maternelle, supérieur à 400 pour 100 000 naissances vivantes, via l’augmentation du nombre d’accouchements en établissement, la formation des accoucheuses traditionnelles et la promotion de l’intervention des organisations non gouvernementales et du secteur privé dans les régions peu équipées en infrastructures publiques.

La mission d’amélioration de l’état sanitaire des couches populaires n’est toujours pas achevée. La situation nutritionnelle des femmes est loin d’être satisfaisante et nombreuses sont celles qui souffrent d’anémie nutritionnelle en dépit des programmes sanitaires en faveur des femmes enceintes et des mères allaitantes. Une politique nutritionnelle nationale vise en premier lieu à améliorer l’état sanitaire et nutritionnel des enfants d’âge préscolaire ainsi que des femmes enceintes et des mères allaitantes.

De récentes données indiquent que le VIH/sida est très répandu dans presque toutes les régions du pays et qu’il s’est propagé à l’ensemble de la population à partir de groupes à comportements à hauts risques. Les femmes représentent 25 % des cas signalés. Un programme national de lutte contre le sida, mettant l’accent sur l’information, l’éducation et la mobilisation sociale, a été lancé pour prévenir la transmission sexuelle, périnatale et parentale de l’infection à VIH. Une campagne de sensibilisation multimédia a démarré; un service national d’assistance téléphonique sur le sida a été mis en place à Delhi ainsi que dans d’autres grandes villes et l’on prévoit actuellement de l’étendre aux autres capitales d’État. Le Gouvernement encourage une plus grande participation des organisations non gouvernementales et des ateliers sont organisés actuellement en vue de mobiliser les organisations féminines. On s’efforce également d’intégrer la prévention et la lutte contre le VIH/sida dans les services de soins de santé primaires et d’autres programmes.

Même si le u fœticide et l’infanticide constituent des infractions au Code pénal indien, l’infanticide féminin est toujours pratiqué et est même très répandu dans plusieurs régions rurales. En outre, la loi interdit la sélection fondée sur le sexe à la naissance et autorise les techniques de diagnostic prénatal uniquement aux fins de détection d’anomalies et ce, seulement dans les cliniques agréées. Une nouvelle loi autorisant les femmes à interrompre des grossesses non désirées a été votée pour réduire la mortalité maternelle résultant d’avortements clandestins non médicalisés. La nette préférence pour les garçons et la négligence dont pâtissent les bébés filles sont très préoccupantes, et le Gouvernement, au niveau central et des États, centre les programmes sanitaires, nutritifs, éducatifs ou d’alphabétisation sur les fillettes. Le projet d’action nationale d’autonomisation des femmes accordera également une attention particulière aux fillettes.

Selon l’article 13, les hommes et les femmes ont des droits égaux à toutes les prestations familiales, et l’ensemble de la législation du travail prévoit un congé de maternité et le versement de prestations. Le congé de maternité des fonctionnaires de l’administration centrale a été allongé à 125 jours en 1998 et est cumulable avec tout autre congé.

La capacité des femmes à obtenir un crédit est gravement limitée dans la mesure où elles ont peu accès à la propriété foncière et où les banques insistent pour que les prêts soient garantis sous forme de bien-fonds. En outre, la lenteur et la complexité des procédures de crédit les découragent ainsi que le fait que la plupart des banquiers sont des hommes, en particulier dans les zones rurales. Le Gouvernement a instauré des quotas imposant un tiers de femmes parmi les bénéficiaires de tous les principaux régimes de crédits et d’allocations en faveur des familles pauvres. D’autres formes de crédits gérés par des organisations non gouvernementales dans le secteur informel se sont également avérées un succès. Un fonds de crédit constitué pour promouvoir le flux de crédits en faveur des femmes pauvres a fait état de taux élevés de recouvrement auprès de groupes d’emprunteuses malgré l’absence d’obligations de garanties.

En outre, un programme conçu pour répondre aux besoins de crédit des populations pauvres bâtit des liens entre les banques et les groupes d’entraide constitués de femmes pour la plupart. De nombreux groupes sont passés à des activités rémunératrices et ont remboursé la totalité de leurs emprunts. Le Gouvernement a récemment lancé un programme de création d’activités indépendantes en faveur de 45 000 femmes rurales et urbaines, leur proposant une aide et des services financiers. Le programme a commencé par mettre en place des projets pilotes au sein de diverses organisations féminines. Des programmes novateurs ont rencontré des succès remarquables dans les régions occidentales et méridionales de l’Inde.

Les femmes en Inde ont pleinement le droit de participer aux activités récréatives et culturelles et s’y sont même distinguées.

Concernant l’article 14, l’oratrice dit que les femmes rurales représentent près de 80 % de la population féminine et qu’elles contribuent grandement à l’économie agricole du pays. La stratégie actuelle consiste à faciliter l’accès à l’emploi, à la formation technique, au crédit ainsi qu’à d’autres services de soutien pour promouvoir les activités rémunératrices. Cette stratégie a été modifiée en 1999 de manière à couvrir tous les aspects des activités indépendantes, l’accent étant mis sur les groupes vulnérables au sein des populations pauvres, 40 % des crédits disponibles étant réservés aux femmes. Des sociétés pour l’avancement de la femme ont été créées dans 19 États et la participation des femmes au sein des administrations locales a régulièrement crû. Dans la plupart des régions, les femmes dépendent davantage de l’agriculture que les hommes qui se tournent vers des activités non agricoles. On estime que 20 % des ménages ruraux sont dirigés par des femmes mais elles sont très peu nombreuses à posséder des terres en leur nom propre et moins encore à pouvoir les gérer comme elles l’entendent. Plusieurs États, toutefois, ont adopté des lois pour renforcer les droits de propriété des femmes.

Concernant l’égalité devant la loi (art. 15), la Constitution institue une protection égale pour les hommes et les femmes, mais les États sont autorisés à introduire des dispositions spéciales parfois discriminatoires. Tous les tribunaux sont tenus d’accorder une égalité de traitement aux hommes et aux femmes, mais il est toujours difficile de traduire ces droits de jure dans la réalité. Les femmes ont le droit de choisir leur lieu de résidence mais le système patriarcal les oblige à vivre avec leurs pères avant le mariage puis avec leurs époux. Leur manque de perspectives économiques entravent également leur mobilité.

Concernant l’article 16, les dispositions du droit du statut personnel appliquées par les grandes communautés religieuses du pays (hindoue, musulmane, chrétienne et parsie) régissent traditionnellement les questions comme le mariage et les relations familiales en accord avec une politique de non-ingérence du Gouvernement tant que les communautés ne lui demandent pas d’intervenir. Toutefois, face aux difficultés que rencontrent les femmes pour faire valoir leurs droits devant les tribunaux, le Gouvernement a fait passer sous la compétence des tribunaux de la famille toutes les questions relevant du droit de la famille. La peine prévue en cas de violation de la loi interdisant la pratique de la dot a récemment été alourdie. En ce qui concerne la violence dans la famille, le Code pénal dispose que, si une femme s’est suicidée durant les sept premières années de son mariage et s’il est établi que son époux ou un proche de celui-ci l’a soumise à un traitement cruel, le tribunal peut présumer que l’époux ou le proche l’a poussée à mettre fin à ses jours. Un projet de loi sur la violence dans la famille a été communiqué aux gouvernements d’État pour examen.

L’oratrice conclut en disant que l’on travaille actuellement à établir le deuxième rapport de l’Inde.

M me  Goonesekere dit que l’Inde se heurte à de grandes difficultés pour appliquer la Convention en faveur de ses 477 millions de femmes et que les vigoureux efforts déployés par la société civile y sont encourageants. Rappelant la contribution active des organisations non gouvernementales, elle souhaiterait savoir si d’éventuelles mesures réglementaires limitent leurs activités comme c’est le cas dans d’autres pays d’Asie du Sud. Concernant l’éducation, elle souhaiterait entendre plusieurs exemples de changements apportés aux programmes d’enseignement en réponse aux besoins et problèmes des femmes.

La Nationality Act (loi sur la nationalité) autorisant les enfants à prendre la nationalité d’un de leurs parents constitue une percée à de nombreux égards, mais l’oratrice se dit inquiète de la déclaration faite par l’Inde concernant les paragraphes 1 et 2 de l’article 16 de la Convention ainsi que du peu d’empressement du Gouvernement à intervenir dans le droit du statut personnel appliqué par les diverses communautés religieuses. Elle estime nécessaire d’instituer, sous une forme ou une autre, un code civil uniforme, et considère qu’il est très important que les femmes fassent entendre leurs voix à ce sujet. Signalant que la Cour suprême est actuellement saisie de nombreuses affaires relevant du droit du statut personnel appliqué par les communautés religieuses et nécessitant l’intervention des pouvoirs publics, Mme Goonesekere souhaiterait entendre en particulier les conclusions rendues sur les affaires soulevant la question de la scolarité obligatoire et savoir si l’action des pouvoirs publics tient compte des décisions de la Cour suprême sur la prostitution. Elle souhaite également savoir si les protections prévues par la Constitution ont une quelconque incidence sur la vie des femmes « intouchables » et connaître les mesures prises pour atteindre ce groupe.

Il importe que la planification adopte l’approche fondée sur les droits inscrite dans le Programme d’action de Beijing et la Convention. L’information sur la part des ressources budgétaires allouée aux femmes et aux enfants est d’une importance capitale en ce qu’elle indique l’attachement réel du pays à l’amélioration de leurs existences.

Le rapport manque d’informations sur la question essentielle de la violence à l’égard des femmes et il est nécessaire d’analyser davantage les phénomènes tels que le viol, la violence sexuelle et la violence ordinaire. Il est nécessaire d’apporter certains amendements au cadre législatif hérité des Britanniques pour y transposer les dispositions de la Convention à tous les niveaux et d’assortir ces réformes d’un calendrier précis afin de les stimuler. L’oratrice se demande si des ressources suffisantes sont allouées aux mesures d’application de la loi et cite l’exemple de la législation sur l’interruption médicale de grossesse qui ne parvient pas à prévenir un taux élevé d’avortements septiques clandestins. Elle serait désireuse de savoir dans quelle mesure les médecins contribuent à faire appliquer la législation sur l’avortement.

Enfin, elle souhaiterait connaître les raisons pour lesquelles le projet d’amendement à la Constitution réservant aux femmes 33 % des sièges du Parlement n’a pu être adopté récemment.

M me  Acar dit que la réalisation d’une véritable démocratie passe par l’instauration de l’égalité tant dans la sphère publique que privée. Ce n’est pas le cas de l’Inde même s’il est bien connu que la séparation des deux sphères nuit à la promotion de la femme. La mise en place d’une véritable démocratie demande également d’abandonner certaines valeurs sociales et culturelles souvent légitimées par la tradition, l’histoire ou la religion. Aussi est-il nécessaire de réinterpréter, dans une perspective de promotion des femmes, les normes culturelles et religieuses tendant à les assujettir aux traditions patriarcales.

Le Gouvernement ne doit pas invoquer l’excuse du pluralisme culturel, religieux et ethnique de l’Inde pour manquer à son obligation d’introduire une législation contre les règles patriarcales discriminatoires. En effet, laisser les communautés ethniques et religieuses appliquer le droit du statut personnel revient à cautionner le statu quo malgré la discrimination flagrante pratiquée à l’égard des femmes. Cette situation est incompatible avec les droits des femmes et constitue une violation de la Convention. Faute de solution novatrice, l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes peut nécessiter un temps incroyablement long. Mme Goonesekere se demande si le Gouvernement de l’Inde projette de modifier sa politique de non-ingérence dans le droit du statut personnel appliqué par les communautés minoritaires ou s’il a pris des mesures pour que les chefs religieux et les moteurs d’opinion des différentes communautés manifestent une attitude favorable et non discriminatoire à l’égard des femmes.

Articles 1 et 2

M me  Cartwright se dit préoccupée par l’absence manifeste de toute action législative cohérente de promotion de l’égalité des sexes en Inde et de protection des droits des femmes et de leur intégrité physique. Elle se demande si l’article 14 de la Constitution indienne tient compte du principe d’égalité réelle pour interdire la discrimination et, dans le cas contraire, s’il existe une volonté d’amender la Constitution. Se référant à la recommandation générale No 19 du Comité sur la violence à l’égard des femmes, Mme Cartwright se demande si le Gouvernement a l’intention d’intensifier son action pour promulguer une législation interdisant toutes les formes de violence à l’égard des femmes dans tout le pays, notamment les agressions sexuelles contre les femmes et les enfants, si le Gouvernement projette de réexaminer et de moderniser la loi sur le viol, d’interdire par des mesures législatives l’examen des antécédents sexuels des femmes lors des procès, et de revoir la loi sur le consentement dans le cadre des délits d’agression sexuelle pour y intégrer les points de vue et expériences des femmes en matière de violences sexuelles.

L’oratrice souhaiterait également savoir si le Gouvernement élabore un code complet applicable à tous les secteurs de la société indienne en étroite collaboration avec les organisations non gouvernementales féminines, ainsi qu’avec la Commission nationale pour les femmes, la Commission des droits de l’homme et la Commission juridique. À cet égard, elle se dit préoccupée de ce que l’action des organismes ci-dessus n’a pas trouvé d’écho dans les mesures prises par les pouvoirs publics non plus que dans les programmes législatifs. Elle serait heureuse d’obtenir des informations sur la relation entre leur action et celle du Gouvernement indien.

Elle se demande s’il existe une quelconque intention d’élaborer un code complet de la famille, réglementant le mariage, le divorce et la protection des enfants, à faire appliquer par les tribunaux de la famille, de même qu’un code unique stipulant le partage égal des biens entre époux à la dissolution du mariage. À cet égard, elle souhaite savoir si le Gouvernement s’emploie à promulguer et faire appliquer des textes de lois pour assurer que les femmes bénéficient de droits d’accès égaux à ceux des hommes à la propriété foncière dans l’ensemble de la société indienne. À l’évidence, cette approche globale des points spécifiques de la réforme de la législation exige du Gouvernement qu’il retire sa déclaration sur le paragraphe 1 de l’article 16 de la Convention. Il est nécessaire d’introduire un code complet garantissant aux femmes des droits égaux à ceux des hommes dans tous les aspects de la vie indienne quelles que soient les pratiques dictées par la tradition, la culture ou la religion dans ce domaine particulier.

M me  Taya juge clairement discriminatoires à l’égard des femmes toutes les dispositions contenues dans l’article 497 du Code pénal de 1860, l’article 198 du Code de procédure pénale et l’article 155 4) de l’Indian Evidence Act (loi indienne sur les éléments de preuve) de 1872. Elle estime insuffisant le projet d’amendement qui ne fait qu’alourdir la peine infligée aux violeurs. Rappelant qu’il a été recommandé d’abroger toutes les dispositions qui précédent, l’oratrice se demande si le Gouvernement projette de les supprimer et serait heureuse d’obtenir toute information sur les délais prévus pour ce faire.

M me  Manalo s’enquiert de la place qu’occupe la Convention dans la législation indienne. Elle souhaite en particulier savoir si le simple fait pour l’Inde de devenir partie à un instrument international entraîne la transposition automatique de celui-ci dans la législation nationale. Faisant observer que la Commission nationale pour les femmes a un programme de réforme législative, elle se demande si la Commission sera en mesure de s’assurer le soutien de toutes les composantes de la société pour garantir la réussite de cette entreprise et elle s’enquiert de la date butoir fixée. Les diverses mesures soulignées dans le rapport ne semblent pas s’inscrire dans le cadre de l’égalité entre les hommes et les femmes. Aussi l’oratrice souhaite-t-elle savoir si le Gouvernement dispose d’éventuels instances de surveillance de l’efficacité et la pertinence des mesures d’instauration de l’égalité. Elle se demande également si d’éventuelles mesures ont été prises pour promulguer un code civil uniforme.

M me  Schöpp-Schilling, félicitant le Gouvernement de l’Inde pour sa constitution, en particulier la disposition instituant la discrimination positive, fait siennes les préoccupations exprimées par les oratrices précédentes quant à la nécessité d’instaurer un code civil uniforme. Le rapport ne précise pas la relation qui existe entre le Gouvernement central et les administrations des États et des territoires de l’Union en ce qui concerne la législation et l’allocation des ressources. L’oratrice se demande comment le Gouvernement central veille à ce que les administrations des États et des territoires de l’Union appliquent véritablement les dispositions des différentes lois. Elle souhaiterait également obtenir des informations sur les attributions de chacun des différents échelons des administrations.

L’oratrice signale que le rapport manque également d’informations ventilées par État, territoire de l’Union et système de caste. Elle se demande dans quelle mesure a été appliquée la loi de 1989 sur la prévention des atrocités visant les castes et tribus « énumérées ». Elle souhaiterait savoir par exemple s’il existe des tribunaux spéciaux dans l’ensemble des États et territoires de l’Union, s’ils peuvent être saisis par les femmes, et quelles actions ont été entreprises pour lutter contre la partialité de la police à l’égard de castes.

La séance est levée à 13 heures.