Quarante-et-unième session

Compte rendu analytique de la 833e séance

Tenue au Siège, à New York, le mardi 1er juillet 2008 à 15 heures

Présidente :Mme Šimonović

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Sixième rapport périodique du Yémen (suite)

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Sixième rapport périodique du Yémen (suite)

(CEDAW/C/YEM/6; CEDAW/C/YEM/Q/6 et Add.1)

A l’invitation de la Présidente, les membres de la délégation du Yémen prennent place à la table du Comité.

Articles 7 à 9 (suite)

Mme Kaid (Yémen), répondant à un certain nombre de questions posées lors de la précédente séance, dit que le Comité national des femmes travaille en étroit rapport avec un certain nombre de comités parlementaires et de directions gouvernementales sur une gamme de questions relatives aux droits de l’homme étant donné qu’une bonne coopération et un dialogue fructueux à tous les niveaux sont indispensables pour veiller à ce qu’il soit tenu compte des besoins propres aux femmes d’une manière globale. Le Comité sollicite aussi des financements du Gouvernement pour divers projets conçus pour promouvoir la promotion des femmes.

Au niveau politique, le parti dominant (le Congrès général du peuple) a joué un rôle de phare dans les efforts pour promouvoir et protéger les droits des femmes. En fait, le secrétaire général de ce parti et quatre de ses membres les plus en vue sont des femmes. Par ailleurs, la plupart des candidates aux récentes élections locales étaient des membres de ce parti. Il n’y a actuellement que deux femmes au Parlement, mais on espère que leur nombre augmentera avant longtemps. Les sociétés démocratiques, de par leur nature, autorisent l’expression de points de vue différents. Il n’est pas mis d’obstacles à la liberté de la presse au Yémen, mais la diffamation est un délit et, de ce fait, les femmes qui en ont été victimes peuvent en saisir les tribunaux.

Au niveau législatif, certains des amendements proposés par le Comité national des femmes ont été approuvés par le Parlement – dont un qui permet aux diplomates hommes et femmes de travailler dans la même mission diplomatique – et d’autres sont encore en instance. Un comité parlementaire préposé aux affaires juridiques débattra des amendements et pourrait peut-être inviter des représentants du Comité national à participer à ses discussions. Les dispositions du code du travail qui prévoient l’établissement de garderies sur le lieu du travail continuent à être largement passées sous silence par les employeurs. Cette situation est en partie imputable à l’ignorance où sont les femmes de leurs droits et des efforts sont faits pour y porter remède, notamment par l’organisation de campagnes de sensibilisation.

L’amendement qu’il est proposé d’apporter aux dispositions législatives relatives aux services diplomatiques a pour but d’accroître le nombre de femmes servant dans des missions diplomatiques à l’étranger et au Ministère des affaires étrangères au moyen d’un système de quota. Quant à la question de la citoyenneté, le droit yéménite autorise la double nationalité. La législation actuelle sur la nationalité n’empêche pas une Yéménite mariée à un non Yéménite de transmettre sa nationalité à ses enfants dans certaines circonstances, mais il reste encore des efforts à faire pour veiller à ce que les amendements proposés à cette législation, dont le Parlement est actuellement saisi, soient adoptés. Les non-Musulmans qui souhaitent épouser une Yéménite doivent se convertir à l’Islam avant de contracter mariage, sans quoi le mariage est invalidé.

Articles 10 à 14

Mme Dairiam souligne l’importance cruciale de l’éducation pour la pleine participation des femmes au développement. D’après le rapport, l’écart entre sexes dans le domaine de l’éducation est imputable, notamment, à des classes surchargées, au manque de professeurs femmes et à l’insuffisance du nombre d’écoles de filles. Le mariage précoce contribue aussi au taux élevé d’abandons scolaires chez les filles. Malheureusement, la situation ne paraît pas s’être améliorée au cours des six années écoulées depuis la présentation du cinquième rapport périodique. Mme Dairiam saurait gré à la délégation de fournir un complément d’information sur les mesures prises pour surmonter ces obstacles et sur les résultats de ces mesures. Il serait particulièrement utile d’en savoir plus concernant les fonds budgétaires prévus pour améliorer l’infrastructure.

Mme Zou Xiaoqiao dit que le rapport mentionne un certain nombre de stratégies conçues pour améliorer le taux de scolarisation des filles, mais ces stratégies ne semblent pas avoir porté de fruits et c’est pourquoi elle demande quels obstacles s’y opposent.

Comme les garçons et les filles ont tendance à fréquenter des écoles séparées, l’État partie devrait indiquer si tous les élèves, quel que soit leur sexe, suivent le même programme. Le rapport semble dire que des ressources financières sensiblement supérieures sont affectées aux écoles de garçons. Mme Zou Xiaoqiao se demande si le Gouvernement est conscient de cette anomalie et, si oui, s’il a pris ou envisagé de prendre des mesures pour redresser ce déséquilibre. Enfin, il est clair que la plupart des établissements éducatifs, y compris les universités, visent principalement à répondre aux besoins des étudiants de sexe masculin. Il serait intéressant de savoir si des études ont été faites pour déterminer les effets de ce phénomène sur l’employabilité des femmes qui entrent sur le marché de l’emploi.

Mme Schopp-Schilling est tout à fait pour la conversion en ministère du mécanisme national de l’État partie pour la promotion des femmes. Comme les gouvernements sont les signataires de la Convention et que leur incombe en dernier ressort l’application de ses dispositions, porter le Comité national des femmes au statut de ministère permettrait de faire en sorte que le Gouvernement yéménite soit tenu comptable des efforts en vue de promouvoir la condition de la femme dans le pays.

Dans ses observations finales sur le cinquième rapport périodique, le Comité s’était dit préoccupé par l’écart entre sexes dans le secteur de l’éducation. Il y a certes eu quelques progrès depuis, mais il reste beaucoup à faire. Mme Schopp-Schilling se demande si le Gouvernement comprend bien la notion de discrimination structurelle et l’obligation où il se trouve de l’éradiquer. L’adoption, conformément au premier paragraphe de l’article 4 de la Convention, de mesures spéciales temporaires visant à accélérer l’égalité de fait entre les hommes et les femmes permettrait aux autorités d’affecter davantage de crédits aux écoles de filles.

Faute d’adopter de telles mesures, Mme Schopp-Schilling ne voit pas comment le Yémen pourrait arriver à atteindre l’objectif du Millénaire pour le développement concernant l’universalisation de l’éducation primaire pour 2015. Elle appelle à cet égard l’attention sur deux publications qu’ont fait paraître le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) précisant les liens qui existent entre les objectifs du Millénaire pour le développement et les droits énoncés dans les divers traités relatifs aux droits de l’homme et elle souligne le fait que la Convention fournit le fondement juridique pour la réalisation de ces objectifs.

Mme Patten dit que ce qui est dit sur l’emploi des femmes dans l’État partie est clair : les femmes représentent en moyenne 22,8 pour cent de la population active, mais ce chiffre est plus faible en milieu urbain. Malheureusement, le rapport ne fait pas état de mesures conçues pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes sur le marché du travail et la situation réelle contraste fortement avec les dispositions législatives énoncées dans le code du travail. C’est pourquoi Mme Patten se demande si le Gouvernement comprend pleinement les obligations que lui fait l’article 11 de la Convention, dont elle souligne que le but est l’égalité des résultats.

L’un des objectifs définis dans le troisième plan quinquennal pour le développement socioéconomique (2006-2010) est de faire que les femmes soient plus présentes sur le marché du travail à raison d’une augmentation de 5 pour cent par an. Il serait intéressant de savoir comment cet objectif sera atteint et si l’augmentation de 5 pour cent vaut à la fois pour le secteur privé et le secteur public. Mme Patten demande aussi quels mécanismes sont en place pour assurer la bonne application du code du travail. L’État partie devrait indiquer si des sanctions sont prévues pour non-application et si une inspection du travail a été créée.

D’après le rapport, les entreprises publiques et privées qui emploient plus de 50 femmes sont légalement tenues de prévoir des équipements de soins aux enfants. Il serait utile de savoir si le décret ministériel définissant les conditions applicables à ces équipements a été promulgué. Enfin, Mme Patten se demande si l’opinion exprimée par certains prédicateurs selon laquelle la place de la femme est au foyer influe sur les attitudes à l’égard des femmes sur les lieux de travail. Y a-t-il eu des cas de violence ou de harcèlement sexuel et le code du travail interdit-il de telles pratiques ?

Mme Kaid (Yémen) dit que l’écart entre les sexes s’est sensiblement réduit depuis quelques années, ce qui est dû en particulier à l’augmentation spectaculaire des filles dans les établissements d’éducation de base. Néanmoins, les taux d’abandon dans les écoles secondaires et les universités demeurent élevés en raison des mariages précoces et de la persistance de mentalités traditionnelles. Des organisations nationales et internationales, dont l’UNICEF et le Programme alimentaire mondial, ont pris des mesures pour promouvoir l’éducation des filles, notamment au moyen de fournitures alimentaires et scolaires.

Les garçons et les filles suivent le même programme de base, mais les activités extrascolaires sont parfois conçues pour l’un ou l’autre sexe. La population du Yémen est diffuse, de sorte qu’il est difficile et coûteux de construire une école dans chaque communauté. Cela dit, il serait possible d’envisager d’assurer le transport des filles. L’éducation est la pierre angulaire du développement, sans parler du fait que c’est un droit fondamental de l’être humain et le Gouvernement est résolu à faire tout son possible pour assurer la réalisation du deuxième objectif du Millénaire pour le développement. A cette fin, une budgétisation sensible aux attentes des deux sexes dans le secteur de l’éducation constituera une priorité au cours des prochaines années.

Passant au code du travail, Mme Kaid dit qu’il existe deux codes séparés, un pour la fonction publique et un pour le secteur privé. Le secteur privé montre une certaine réticence quant à l’engagement de femmes, ce qui peut être dû aux prestations de maternité auxquelles les femmes ont droit. Néanmoins, le Comité national des femmes a demandé au Gouvernement d’encourager le secteur privé à employer des femmes, du fait que le chômage touche les deux sexes. En ce qui concerne la fonction publique, l’État s’est engagé en faveur d’un quota de 8 pour cent de femmes dans la santé et l’éducation. Dans les zones rurales, le Conseil suprême des femmes a proposé un quota minimum de 30 pour cent. L’augmentation des investissements et la reprise économique amélioreront les perspectives d’emploi tant pour les hommes que pour les femmes.

En ce qui concerne les prédicateurs qui pensent que les femmes ne devraient pas prendre aux hommes les possibilités limitées d’emploi qui leur sont offertes, le Comité national des femmes n’est pas de cet avis et demande aux prédicateurs d’encourager les femmes à travailler. Les femmes ont reçu instruction et formation et ont droit au travail comme droit fondamental de l’être humain ; d’ailleurs, les veuves et les divorcées sont obligées de travailler, n’ayant personne pour subvenir à leurs besoins.

Mme Arocha-Dominguez reconnaît que le Gouvernement a adopté des stratégies et que des progrès ont été faits en ce qui concerne l’amélioration de la santé des femmes, mais elle note que le rapport périodique et les réponses à la liste des questions ne font pas état de changements assez rapides ni importants. Par ailleurs, les sources d’information utilisées ne sont pas entièrement fiables. Par exemple, l’information sur la mortalité maternelle a été établie au moyen d’un questionnaire, et la forme de questionnaire a ses limites. Certaines statistiques couvrent uniquement la période qui va jusqu'à 2005. Mme Arocha-Dominguez demande comment il serait possible d’intégrer la collecte de données dans les stratégies afin d’évaluer objectivement les progrès accomplis.

Le rapport est plutôt avare d’information sur la question du VIH/sida. Les femmes ne représentent qu’un tiers des victimes du sida, mais les taux annuels d’infection sont à peu près les mêmes pour les hommes et pour les femmes. La possibilité d’un rapport entre la propagation de la pandémie au Yémen et l’arrivée de réfugiés en provenance de la Corne de l’Afrique est à examiner de plus près.

Mme Pimentel souligne le fait qu’il faut considérer la mutilation génitale féminine comme une atteinte à l’intégrité physique du corps, conformément à la recommandation générale 19 du Comité sur la violence contre les femmes (1992) qui définit « gender-based violence » comme une violence qui est dirigée contre une femme parce que c’est une femme ou qui touche les femmes d’une façon disproportionnée. Cela comprend des actes qui causent un mal ou une souffrance d’ordre physique, mental ou sexuel ou la menace de tels actes, la coercition et autres privations de liberté. Mme Pimentel émet aussi l’avis que le projet de loi sur la prohibition de la mutilation génitale proposé par le Conseil suprême de la maternité et de l’enfance devrait s’inspirer largement de la recommandation générale 14 du Comité sur la circoncision féminine.

D’après un rapport fourni par une organisation non gouvernementale de femmes, les femmes ne sont pas autorisées à opter pour un accouchement par césarienne ou à obtenir des contraceptifs sans le consentement de leur époux. On aimerait des éclaircissements sur ce point. Il faudrait aussi un complément d’information sur toutes stratégies spéciales concernant la fourniture de soins et de logements aux femmes âgées et invalides.

Mme Kaid (Yémen) dit que le Comité national des femmes reconnaît que les taux de mortalité maternelle, qui sont actuellement de 366 décès pour 100 000 naissances, sont très élevés. En dépit des efforts de l’État, le secteur de la santé ne reçoit que 4 pour cent du budget national. Le secteur privé, qui devrait participer aussi à la prestation des services de santé, est à incriminer étant donné que les femmes pauvres ne pourront pas avoir accès aux services qu’il propose. Le ministère de la santé ne possède pas de moyens modernes de collecte des statistiques, et la plupart des statistiques citées dans le rapport remontent en fait à 2005. Néanmoins, les chiffres sont actuellement en cours d’actualisation. Si les questionnaires ne couvrent pas l’ensemble de la population, ils sont organisés dans diverses régions du pays et donnent de ce fait une bonne approximation des réalités de la situation actuelle.

Si l’infection par le VIH/sida est très limitée et rarement signalée, tous les cas exigent un soutien médical et psychologique. Le plan gouvernemental de lutte contre le VIH/sida prend cette maladie très au sérieux et le dépistage de la maladie chez les personnes nouvellement arrivées dans le pays a été considéré comme une option. La plupart des cas signalés depuis le rapport périodique de 2000 concernaient des immigrants venus de la Corne de l’Afrique, dont certains étaient des Yéménites, mais très peu de femmes du Yémen.

La mutilation génitale féminine est principalement un problème dans les cinq provinces côtières le plus proches de l’Afrique. Elle est généralement peu pratiquée au Yémen. Le Gouvernement yéménite y est opposé et il possède un plan pour en réduire l’incidence de 30 pour cent d’ici 2012 grâce à des campagnes de sensibilisation. Elle est interdite dans les centres publics de santé et cette interdiction concerne aussi sa pratique dans les foyers.

Il est vrai que les femmes enceintes nécessitent le consentement de leur époux pour opter pour un accouchement par césarienne. En ce qui concerne le consentement de l’homme à la contraception, Mme Kaid indique que les décisions de planification de la famille se prennent habituellement par les deux partenaires eu égard à leur commune responsabilité. La pauvreté fait qu’il est difficile de subvenir aux besoins de familles nombreuses. En raison du chômage des femmes et de leur niveau élevé d’instruction, les familles urbaines ont en moyenne quatre enfants et les familles rurales deux fois autant.

Mme Shugaa Addin (Yémen) dit qu’il est procédé tous les cinq ans à une enquête sur les mères et les enfants et que la prochaine aura lieu en 2009. On ne dispose que de peu d’information sur les taux d’infection par le VIH/sida au Yémen et le peu qui en existe a été obtenu par hasard. Il existe probablement un lien entre l’incidence de la maladie et l’immigration en provenance de la Corne de l’Afrique; toutefois, quelques cas ont été découverts par dépistage dans les aéroports et les individus ont été déportés. Il existe bien des programmes gouvernementaux en faveur des femmes invalides et âgées, ce qui donne un nouvel espoir aux femmes après la ménopause.

Mme Simms se dit préoccupée par la situation des femmes rurales, qui supportent la plus grande partie de la charge que représente la production agricole. Elles ont davantage d’enfants que leurs homologues des villes parce que la domination de l’homme et le manque d’accès aux services les obligent à la fois à travailler dur et à avoir beaucoup d’enfants. De plus, les femmes sont toujours marginalisées et rendues victimes de pratiques comme les meurtres d’honneur. Parce que les hommes sont plus prisés par la société, une femme serait traitée plus durement pour avoir tué un homme au motif qu’il a commis un adultère.

S’il est vrai que c’est une bonne idée d’assurer le transport scolaire des filles qui vivent dans des régions éloignées, c’est le contenu de l’éducation qui leur est dispensée qui compte le plus; il est urgent de passer à un rôle émancipateur pour l’éducation afin d’ en finir avec le patriarcat. Les filles choisissent des matières d’ordre ménager parce que l’éducation patriarcale qu’elles reçoivent les y encourage.

L’asservissement des femmes rurales indique que la Convention n’est pas appliquée. Le Comité national des femmes devrait exiger que l’on porte une attention spéciale à leurs besoins en construisant des routes et des écoles et en mettant en place des services dans leurs localités. Les femmes rurales ne devraient pas avoir à rechercher ce type de services de base dans des centres urbains; c’est plutôt l’infrastructure qui devrait venir à elles. Une économie en développement repose sur la production agricole et, au Yémen, la production agricole repose dans une large mesure sur les femmes.

Mme Tan dit que le Gouvernement du Yémen est à féliciter d’avoir réalisé six projets et activités pour les femmes rurales entre 2000 et 2005 et elle demande combien d’entre elles en ont bénéficié et si une évaluation a été faite de leurs résultats. En ce qui concerne le crédit agricole, 1 873 femmes ont bénéficié de prêts du Crédit agricole pour un total de 186 920 rials, ce qui ne paraît pas beaucoup. C’est pourquoi il serait intéressant de savoir de quels autres prêts elles peuvent disposer et combien d’entre elles possèdent des terres agricoles.

Mme Patten demande de quelles données on dispose concernant les travailleuses informelles, dont les activités se cachent souvent derrière leur rôle public de ménagères. Il faudrait des éclaircissements sur les mesures prises pour chiffrer le travail domestique et agricole des femmes et inclure celles-ci dans l’emploi formel et le système de protection sociale. Il serait intéressant aussi de savoir quelles mesures on envisage pour accroître l’accès des femmes rurales à la terre et au crédit et pour les inclure dans le processus de prise des décisions. Il faudrait un complément d’information sur le point de savoir dans quelle mesure les femmes rurales ont accès aux tribunaux et dans quelle mesure elles ont conscience de leurs droits.

Mme Kaid (Yémen) dit que les femmes des campagnes travaillent dur et que la plus grande partie de la production agricole repose sur elles. Elles vivent dans des conditions très différentes de celles des villes; il leur faut souvent parcourir de grandes distances à pied pour faire cuire le pain de la famille ou pour prendre de l’eau et beaucoup d’entre elles manquent de nourriture, de logement et d’accès à une éducation de base. L’un des principaux objectifs du plan quinquennal de développement (2006-2010) est d’améliorer l’infrastructure dans les zones rurales par la construction de routes, de dispensaires et de systèmes d’alimentation en eau en vue de permettre aux filles d’aller à l’école. Les projets et activités destinés aux femmes rurales sont dirigés par des femmes hautement compétentes qui occupent de hautes fonctions dans l’Administration et dont il n’est pas douteux qu’elles amélioreront les conditions de vie des femmes rurales.

Il est vrai qu’il se commet des crimes d’honneur dans les zones rurales, mais aucune étude n’a été faite à ce sujet et il est rare que les journaux en parlent. Il est difficile d’en évaluer le nombre, mais ils sont certainement moins communs au Yémen que dans d’autres pays de la région.

L’accès au crédit et à la terre est garanti en droit islamique, source de toutes les lois du Yémen. Il y a cependant eu quelques problèmes en ce qui concerne la possession de terres et les questions d’héritage étant donné que certains hommes ont des pratiques qui ne sont pas conformes à la charia. La délégation du Yémen n’est pas en mesure de renseigner sur le nombre exact de femmes qui possèdent de la terre, mais il est clair que beaucoup d’entre elles jouissent du droit d’en recevoir par héritage et de les mettre en valeur. Il convient toutefois de noter que la plupart de exploitations sont petites et qu’il est courant de voir toute une famille ou tribu travailler une même terre.

En général, les femmes travaillent dans le secteur informel sans guère ou même rien gagner. Les femmes qui travaillent pour le Ministère de l’agriculture sont payées pour prodiguer des conseils agricoles à celles qui travaillent la terre. Il y a aussi des femmes qui travaillent dans le secteur informel des zones urbaines ; ces femmes ont toutefois tendance à devenir partie du secteur formel du fait de la croissance des entreprises pour lesquelles elles travaillent. Pour promouvoir la participation des femmes au secteur formel, la Chambre du commerce du Yémen a créé, pour les femmes d’affaires, un bureau qui les encourage à participer aux conférences sur leur profession.

Le Gouvernement encourage aussi les femmes à prendre des prêts à des conditions avantageuses afin de leur permettre d’échapper au cycle de la pauvreté. En ce qui concerne la question de savoir dans quelle mesure les femmes des campagnes ont accès aux tribunaux et sont conscientes de leurs droits, même les femmes qui sont instruites n’ont pas conscience de leurs droits. Le Gouvernement essaie d’y remédier par une action de promotion de la connaissance de ces droits par les medias.

Mme Simms déplore le phénomène des mariages temporaires et touristes qui permettent à de riches Saoudiens d’avoir des relations sexuelles avec de jeunes Yéménites sous couleur de mariage. Une distorsion si barbare du développement humain ne devrait trouver place dans aucun cadre juridique. Le fait qu’une pratique soit légale ne la rend pas morale. Mme Simms s’élève fortement contre ce type de mariages, qui légalise des actes immoraux, y compris le viol marital. Elle se dit préoccupée par les abus sexuels commis sur la personne de l’enfant et elle se demande quel type de femmes ces enfants deviendront.

Mme Halperin-Kaddari dit que le sixième rapport périodique ne fournit pas de données claires sur le nombre de femmes qui travaillent dans l’appareil juridique ; il faudrait des données plus précises sur le nombre de femmes qui travaillent dans le département du ministre de la justice et comme juges. Comme il existe très peu de possibilités d’emploi pour les femmes dans le domaine du droit, elle aimerait savoir si un plan de discrimination positive a été mis en place pour y remédier. En ce qui concerne la garde des enfants, il faudrait des éclaircissements sur le point de savoir lequel des parents en reçoit la garde physique et juridique.

Le rapport dit que la garde des enfants ainsi que les droits et devoirs relatifs à la tutelle ne sont reconnus à la mère que si le père meurt et qu’il n’y a pas de grand-père paternel. Pareille situation n’est pas conforme aux dispositions de la Convention et il faudrait en savoir davantage sur ce point. Par ailleurs, il faudrait clarifier le point de savoir si les femmes jouissent de droits égaux aux biens à la dissolution du mariage.

Mme Hayashi dit que le sixième rapport périodique ainsi que les réponses de la délégation montrent que le Gouvernement est résolu à faire appliquer la Convention, mais il est clair qu’il reste un certain nombre de lois et de pratiques discriminatoires. En ce qui concerne les meurtres d’honneur en cas d’adultère, il serait utile d’avoir des données sur le nombre de femmes qui ont été tuées par leur mari et le nombre de maris qui ont été condamnés avec sursis ou qui ont reçu une amende. Des précisions devraient être données concernant toute intention gouvernementale de changer cette législation.

En ce qui concerne les mariages d’enfants, Mme Hayashi accueille avec satisfaction le projet de loi dont est saisi le Parlement proposant de porter à 18 ans l’âge minimum au mariage. Toutefois, la recommandation générale No 21 du Comité demande aux États parties de spécifier l’âge minimum au mariage et de rendre obligatoire l’enregistrement des mariages dans un bureau de l’état civil. Il serait donc utile de savoir si le projet de loi contient des dispositions relatives à l’enregistrement des mariages et si d’autres mesures sont prises pour éviter l’exploitation sexuelle de l’enfant par le mariage.

Mme Tan dit que la loi sur le statut de la personne est naturellement très importante en ce qui concerne l’article 16 de la Convention. Elle croit comprendre que tous les changements proposés par le Comité national des femmes ont été examinés par le Ministère des affaires juridiques et communiqués au Parlement, mais que les modifications proposées rencontrent, semble-t-il, de la résistance. Elle se demande en quoi réside le problème et elle aimerait savoir ce que le Comité peut faire pour en faciliter le processus.

En ce qui concerne les mariages polygames, l’État partie devrait indiquer quels efforts fait le Gouvernement pour satisfaire à l’article 16 de la Convention, s’il existe un organisme gouvernemental chargé de faire respecter les conditions mises à la polygamie - comme de s’assurer qu’un mari subvient dans des conditions d’égalité aux besoins de toutes ses femmes et s’il est prévu des sanctions dans le cas contraire - et s’il existe des données et des statistiques d’état civil sur les mariages polygames et les divorces. Mme Tan aimerait savoir aussi si, en cas de décès du mari, toutes les femmes impliquées dans un mariage polygame ont un droit égal à l’héritage et s’il en va de même pour leurs enfants, que leur mère ait été la deuxième, troisième ou quatrième épouse. En cas de divorce, la délégation devrait dire pendant combien de temps la pension de famille est payable et dans quelle mesure une épouse peut saisir les tribunaux en vue de se faire verser la pension alimentaire ou de faire valoir ses droits matrimoniaux.

Mme Kaid (Yémen) dit qu’en principe c’est la mère qui garde les enfants en cas de divorce ou de décès du mari, mais il peut y avoir des cas, qui sont les plus courants en milieu rural, où la mère est financièrement incapable de s’occuper des enfants et est obligée de retourner chez ses parents. Au Yémen, le partage des biens après divorce ne se fait pas à raison de 50 pour cent pour chaque époux comme dans certains pays. Chaque époux conserve ses propres biens et tous cadeaux, comme des bijoux, acquis durant le mariage. Le tribunal décide du montant de la pension alimentaire à verser à la femme et aux enfants en fonction des revenus du mari.

L’une des modifications proposées à la loi sur le statut de la personne est de faire que la durée de la garde soit de 15 ans pour les enfants des deux sexes et que la femme divorcée soit autorisée à vivre dans la résidence du mari pendant la durée de la garde. Une femme peut être répudiée à cause de certaines maladies ou pour manquement à ses obligations maritales; dans ce cas également, le juge détermine le montant de la pension alimentaire.

L’article 232 du Code pénal est mentionné comme autorisant une peine réduite pour un mari qui a tué sa femme pour adultère. Le Comité national des femmes demande instamment l’abrogation de cette loi. La charia, qui dit que l’adultère doit être puni, ne dit pas qu’un mari ou une femme a le droit de tuer l’autre. Il faut encourager l’époux à porter plainte devant les autorités nationales. Mme Kaid ne possède pas de statistiques sur les meurtres pour adultère, mais elle pense que la fréquence de ces cas est faible. De son expérience en tant que membre de la Cour suprême pour les femmes, elle n’a jamais rencontré de cas de femme tuée pour adultère.

Le Gouvernement reconnaît qu’il faut faire un étude sur la nature des mariages temporaires. Il a mis en place des mesures pour arrêter la pratique des mariages « touristes », et les familles savent que cette pratique n’est pas souhaitable. Une des raisons de l’opposition du Gouvernement aux mariages temporaires est que les femmes en question sont laissées sans avenir faute de pouvoir trouver un autre mari.

L’adoption d’un âge minimum au mariage est un sujet de grande préoccupation pour le Conseil national des femmes. Il va y avoir un nouveau Parlement au cours de l’année qui vient et Mme Kaid espère qu’il y aura une plus grande proportion de femmes députées pour travailler à l’adoption des amendements.

La polygamie au Yémen a un aspect religieux. Cependant, si un mari souhaite prendre une autre femme, son épouse peut demander le divorce si elle ne veut pas faire partie d’un ménage polygame. Il n’y a pas de statistiques sur le nombre de mariages polygames, mais ils sont certainement plus nombreux en milieu rural, où les femmes pauvres ont moins de choix. Dans les villes, les femmes sont plus instruites et la polygamie y est moins acceptée. L’obligation où se trouve le mari de traiter toutes ses femmes à égalité est prévue par la loi, mais il n’y a pas d’organisme gouvernemental chargé d’en contrôler l’application.

Mme Mohammed (Yémen) dit qu’en 2007 le nombre de femmes juges est monté à 76 dans toutes les branches du judiciaire. Comme l’indique le rapport, en 2005 les femmes ont été acceptées pour la première fois dans l’Institut suprême de la justice pour y recevoir une formation de juge; il y en a eu quatre au cours de l’année 2005-2006, cinq en 2006-2007, mais trois seulement en 2007-2008 en dépit d’efforts vigoureux de la part du Comité national des femmes et d’organisations de la société civile pour encourager les diplômées en droit à s’inscrire.

En ce qui concerne le logement d’une femme après divorce, malheureusement, si une femme est contrainte par la pauvreté de retourner chez ses parents, elle est obligée aussi de laisser ses enfants aux parents de son mari. C’est pourquoi le Comité national des femmes s’emploie tellement à faire adopter par le Parlement un amendement permettant à une femme d’être assurée d’un logement afin de pouvoir conserver la garde de ses enfants jusqu’à leur majorité. Toute assistance à cet égard sera fortement appréciée.

Dernières questions

Mme Pimentel dit que, s’il était possible de modifier la définition du mariage pour en faire un contrat en vertu duquel mari et femme auraient des droits et des obligations réciproques, cela pourrait conduire à introduire d’autres importants changements nécessaires dans la législation du pays.

Mme Neubauer dit qu’en raison de tout ce qu’il faudrait d’efforts pour changer la société yéménite au point de permettre le plein respect de la Convention et en raison du besoin urgent de ressources pour appliquer le programme d’action de Beijing, elle voudrait savoir comment le Gouvernement fait entrer le financement de l’égalité des sexes dans ses négociations avec les dispensateurs internationaux de financement pour le développement.

Mme Kaid (Yémen) dit que la formation des ressources humaines est particulièrement nécessaire au succès des programmes en faveur des femmes. La budgétisation attentive aux besoins des deux sexes a commencé par susciter des résistances, mais le Ministère des finances en est venu à accueillir avec satisfaction les projets proposés par le Comité national des femmes et la présence de ce dernier dans les commissions budgétaires. Mme Kaid espère que toutes les institutions des Nations Unies, comme le Programme alimentaire mondial et le Fonds des Nations pour l’enfance, apporteront leur concours en faisant valoir la nécessité d’une budgétisation sensible aux attentes des deux sexes dans les projets dans lesquels elles interviennent.

Toutes les précieuses observations et recommandations du Comité seront portées à l’attention du Premier Ministre et du Parlement et des conférences de presse auront lieu pour en assurer la publicité. Mme Kaid espère que, lorsque le prochain rapport du Yémen sera examiné, la délégation yéménite sera en mesure de faire état de changements dans la condition des femmes tant en droit que dans la réalité.

La Présidente dit qu’il est en effet important que la délégation prenne très au sérieux les observations finales du Comité et qu’elle les communique au Gouvernement et au Parlement étant donné qu’il est clair qu’au bout de 24 ans la Convention est toujours considérée au Yémen comme une déclaration plutôt que comme un instrument juridiquement contraignant. Il est important que le Gouvernement harmonise la législation du pays avec la Convention et qu’il collabore à son application avec les organisations non-gouvernementales. La Présidente espère que le prochain rapport fera état de progrès pour toutes les couches de la population. Le Yémen, qui fait partie des pays les moins avancés, a besoin de mobiliser toutes ses ressources humaines, y compris les femmes, pour son développement.

La séance est levée à 17 h 10.