Trente-quatrième session

Compte rendu analytique de la 710e séance

Tenue au Siège, à New York, le mardi 24 janvier 2006, à 15 heures

Présidente:Mme Manalo

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial et deuxième et troisième rapports périodiques combinés de l’Érythrée (suite)

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports présentés par les États partiesconformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial et deuxième et troisièmerapports périodiques combinés de l’Érythrée(suite) (CEDAW/C/ERI/1 et 2, CEDAW/C/ERI/1 à 3/Corr.1, CEDAW/C/ERI/Q/1 à 3 et Add.1)

À l’invitation de la Présidente, les membres de la délégation de l’Érythrée prennent place à la table du Comité.

Articles 7 et 8 (suite)

M me  Belmihoub-Zerdani dit qu’elle est heureuse de voir que 30 % des sièges à l’Assemblée régionale sont réservés aux femmes, dans la mesure où l’augmentation du nombre des femmes aux postes d’autorité jouerait un rôle de premier plan dans l’élimination des stéréotypes sexospécifiques. Les parlementaires femmes en particulier pourraient servir d’exemples pour toutes les femmes érythréennes et favoriser l’adoption de lois garantissant les droits des femmes à l’éducation, à l’emploi, à la propriété foncière et dans d’autres domaines.

M me  Arocha Dominguez prend note des réponses écrites concernant l’article 7 (p. 14 à 17), mais demande de plus amples informations sur la représentation des femmes aux niveaux supérieurs de l’administration et du Gouvernement, y compris le bureau politique du parti au pouvoir, les affaires étrangères et les collectivités locales, où se prennent de nombreuses décisions touchant les femmes de près et où les femmes pourraient recevoir une précieuse formation. Elle veut aussi savoir si une campagne publique de sensibilisation politique était en cours ou prévue pour mettre en évidence les activités des femmes, en particulier au niveau des communautés.

M. Giorgio (Érythrée) dit qu’il faut déployer davantage d’efforts pour augmenter le nombre de femmes aux postes de cadres supérieurs des affaires étrangères, dont la plupart sont occupés par des hommes. Au niveau de Secrétaire général, les femmes sont un peu mieux représentées, et il espère qu’avec l’appui de l’administration, des progrès vont être accomplis dans l’augmentation du nombre de femmes à tous les niveaux.

M me  Gebreab (Érythrée) admet qu’il importe de placer les femmes à des postes d’autorité. Les femmes sont encouragées à participer à l’administration, même si elles n’ont pas nécessairement une solide formation universitaire et sont de plus en plus représentées aux niveaux de l’administration centrale et régionale. Le fait que 17,6 % des postes ministériels soient occupés par des femmes est assez positif par rapport à certains autres États. Les femmes devraient aussi jouer un solide rôle au niveau local. Une commission sur le leadership offre des cours aux femmes pour les préparer à assumer des responsabilités accrues au niveau des villages. Ces cours sont déjà disponibles dans près de 10 % de villages.

Son gouvernement s’emploie également à améliorer l’instruction des femmes en accordant des bourses d’études aux filles pour leur permettre de terminer leurs études primaires et secondaires. Étant donné que de nombreuses femmes ont perdu l’occasion de poursuivre des études en raison de leur enrôlement dans l’armée, des cours par correspondance et des cours du soir leur sont offerts. L’Érythrée met également au point des programmes spéciaux pour permettre aux femmes de terminer leurs études en une année. L’efficacité de ces initiatives et du quota de 30 % réservé aux femmes est suivie en coopération avec le Marché commun de l’Afrique de l’Est et australe (COMESA), l’Union africaine et les parlementaires femmes.

Article 9

M me  Khan veut savoir si une femme érythréenne qui épouse un étranger peut transmettre automatiquement la nationalité érythréenne à son époux et à ses enfants, qu’ils soient nés en Érythrée ou non.

M me  Gebreab (Érythrée) répond que, pour le moment, l’époux non érythréen d’une femme érythréenne peut acquérir la citoyenneté érythréenne s’il le désire, de même que leurs enfants. Cela n’a pas toujours été le cas.

Article 10

M me  Arocha Dominguez salue les efforts déployés par l’État partie pour augmenter les taux de scolarisation et réduire les taux d’abandon, en particulier parmi les filles. Elle prend aussi note de la réussite du Programme national d’alphabétisation, dont 90 % des participants sont des femmes, tout en soulignant que, pour faire en sorte que ces femmes ne perdent pas leurs capacités de lecture et d’écriture nouvellement acquises, elles doivent avoir la possibilité de les appliquer. Elle se demande donc si des programmes ou des activités existent ou sont prévus pour compléter et poursuivre les programmes d’alphabétisation et donner aux filles et aux femmes la possibilité de poursuivre leur formation.

M me  Gebreab (Érythrée) dit que son gouvernement est conscient de l’importance de l’alphabétisation et de l’éducation. De nombreuses personnes participant aux programmes d’alphabétisation sont de jeunes femmes qui se sont mariées tôt et le Ministère de l’éducation élabore des programmes pour les aider à terminer leurs études. La priorité dans l’immédiat consiste cependant à former des formateurs qui seront chargés de mettre en œuvre ces programmes.

Article 11

M me  Schöpp-Schilling exprime sa préoccupation face aux résultats de l’enquête citée dans le rapport (p. 29), selon lesquels 46 % des entreprises industrielles préfèrent employer les travailleurs hommes. Cette tendance est d’autant plus inquiétante que près de la moitié de toutes les familles érythréennes sont dirigées par des femmes. Notant que la proclamation sur l’emploi No 118/2001 prévoit un mécanisme permettant aux femmes de porter plainte pour discrimination en matière d’emploi au Ministre du travail et de la prévoyance sociale, elle demande combien de plaintes ont été effectivement déposées et quels en sont les résultats. Elle aimerait également savoir s’il existe des tribunaux spéciaux du travail, si une assistance juridique est disponible et si les femmes ont accès à ces mécanismes dans les mêmes conditions que les hommes.

Il serait intéressant de savoir les mesures que le Ministère du travail et de la prévoyance sociale et l’Union nationale des femmes érythréennes (UNFE) prennent, s’ils en prennent, pour sensibiliser les employeurs et les femmes salariées aux droits des femmes et aux efforts déployés pour réglementer le marché informel du travail; le rôle des femmes sur ce marché; tout harcèlement dont elles peuvent être l’objet de la part des responsables (la police, par exemple, dans le cas d’un marchand ambulant), et tout projet visant à ramener les activités économiques informelles des femmes sur le marché du travail formel. Elle aimerait enfin savoir s’il existe une réglementation relative à la situation des femmes de ménage ou si elles ne bénéficient d’aucune protection juridique.

M me  Gebreab (Érythrée) admet que le taux de chômage est élevé parmi les femmes. Cette situation est imputable en partie à la guerre, qui a fait reculer l’activité économique d’une manière générale. Toutefois, lorsque les hommes érythréens sont allés à la guerre, les femmes érythréennes ont repris des emplois dans des secteurs qui étaient auparavant dominés par les hommes, en particulier la construction. Un programme a été lancé en 2002 pour renforcer et améliorer ces compétences que les femmes ont acquises en cours d’emploi.

Quant à la question de savoir si les femmes étaient victimes de discrimination en matière d’emploi, le droit du travail érythréen prescrit l’égalité de traitement des travailleurs hommes et femmes. Les femmes qui s’estiment victimes de discrimination ont droit de porter plainte auprès du Bureau de la main-d’œuvre, qui examine sérieusement la question et annonce une décision. Les plaintes pour discrimination en matière d’emploi sont parfois portées devant l’Union nationale des femmes érythréennes. Celle-ci collabore avec la Confédération nationale des travailleurs érythréens pour sensibiliser les travailleurs à leurs droits.

Pour ce qui est de la participation des femmes au secteur informel, la plupart des emplois n’exigent pas d’autorisation. Toutefois, si une femme veut vendre ses produits, elle est tenue d’obtenir un permis pour le marché. Le Gouvernement offre une formation et de l’assistance aux femmes en milieu rural en vue d’identifier les marchés et de faciliter l’accès au marché pour les producteurs d’articles d’artisanat et d’autres produits traditionnels.

M me  Patten, rappelant la référence, dans la déclaration d’ouverture de la délégation, aux mesures administratives prises par le Conseil des ministres en novembre 2005, demande quel organe est chargé de former les femmes aux compétences non traditionnelles et quelles mesures concrètes sont envisagées pour faire participer davantage les femmes dans tous les secteurs commerciaux et industriels. Elle se demande aussi comment le Gouvernement envisage de régler la question de la propriété foncière, si une nouvelle législation est en cours de préparation et, si des prêts à faible taux d’intérêt doivent être fournis, qui les fournira.

Elle voudrait savoir combien de plaintes ont été déposées en vertu de l’article 65 de la proclamation sur l’emploi No 118/2001 et devant quel ministre elles ont été portées. Il sera intéressant de savoir si les femmes peuvent s’adresser directement au tribunal. Enfin, elle souhaiterait savoir comment le Gouvernement fait face à la question de la discrimination en matière de recrutement et s’il existe un mécanisme pour prévenir la discrimination, promouvoir le recrutement et limiter les différences de salaires.

M me  Gebreab (Érythrée) notant que la réunion de novembre a constitué un tournant pour les femmes en Érythrée, dit qu’il a été convenu que, lorsque les travaux publics sont concernés, il incombe au Ministère des travaux publics d’assurer la formation quel qu’en soit le secteur. Il a aussi été décidé d’instituer un mécanisme pour l’octroi de prêts à faible taux d’intérêt. Le Ministre des finances présentera des directives sur la manière de mettre en place un tel mécanisme.

Le Gouvernement a aussi accordé à chaque famille de la population active une certaine subvention, ce qui a permis aux femmes d’avoir leur propre argent en main. Les anciennes femmes au foyer utilisent cet argent pour financer divers types d’activités économiques, telles que la vente de produits locaux et d’articles d’artisanat, une preuve que l’argent fourni aux femmes est un argent bien dépensé.

Enfin, elle indique que les plaintes liées spécifiquement au travail, y compris en matière de recrutement, sont portées devant le tribunal du travail. Si le cas présente d’autres implications, il peut être porté à un niveau aussi élevé que celui du Ministre du travail et de la prévoyance sociale.

Article 12

M me  Gabr fait remarquer que les mutilations génitales des femmes représentent une question qui touche les femmes de nombreux pays et que son règlement passe par une réaction collective à l’échelle du continent africain. Elle demande si l’Érythrée collabore au règlement de ce problème au plan régional avec d’autres membres de l’Union africaine ou d’autres organisations régionales. Elle voudrait aussi savoir si l’Érythrée reçoit des organisations internationales et d’autres organismes une aide dans d’autres domaines de la santé, le sida, par exemple.

M me  Pimentel, notant que l’État partie a indiqué dans sa réponse (CEDAW/C/ERI/Q/1 à 3/Add.1) que la stratégie nationale visant à faire face au problème des mutilations génitales des femmes consiste à mettre l’accent sur l’éducation et la sensibilisation, et le félicitant d’avoir adopté une telle démarche, estime qu’il importe de modifier les lois discriminatoires à l’égard des femmes.

En outre, il est indispensable de s’assurer que les actions de sensibilisation intègrent la perspective des droits humains, conformément à la Convention et aux recommandations générales du Comité No 14 sur l’excision féminine et No 19 sur la violence à l’égard des femmes. Elle se demande si les mutilations génitales des femmes sont considérées comme une forme de violence sexospécifique, à savoir la violence dirigée contre les femmes parce qu’elles sont femmes.

M me  Dairiam est heureuse de constater que la mortalité maternelle a baissé depuis la publication du rapport; mais le taux demeure très élevé. Le rapport indique que le Gouvernement a fait de la réduction de la mortalité maternelle un domaine d’intervention prioritaire et qu’il a adopté un programme de maternité sans risques. Elle aimerait en savoir plus sur le contenu de ce programme et la manière dont il s’attaque aux causes de la mortalité maternelle présentées dans le rapport, en particulier le manque d’accès aux services médicaux et de soins obstétriques, l’avortement dangereux, et le mariage de mineurs et les grossesses précoces. En outre, dans ce dernier cas, elle se demande si le Gouvernement envisage de collecter des données sur la prévalence du mariage de mineurs et les grossesses d’adolescentes, qui sont manifestement préjudiciables à la santé des femmes.

Enfin, elle voudrait savoir s’il existe un programme destiné à faire face aux effets traumatiques de la guerre sur les femmes, en particulier celles qui ont été violées ou ont subi d’autres formes de violence durant la guerre et la période suivant la fin de celle-ci.

M me  Šimonović demande si, depuis la présentation de son rapport, l’Érythrée a fait des progrès dans l’accroissement de l’accès aux services de santé pour les femmes.

En ce qui concerne la question des mutilations génitales des femmes, elle se demande si la pratique est perçue comme étant légale. Étant donné que la Constitution nationale proscrit tout acte qui viole les droits humains des femmes, on peut soutenir que les mutilations génitales des femmes sont inconstitutionnelles. Elle encourage le Gouvernement à recourir à cet argument pour modifier l’impression erronée concernant la légalité de cette pratique.

M me  Gebreab (Érythrée) assure le Comité que l’UNFE croit qu’une législation criminalisant cette pratique serait utile. Les résultats obtenus dans d’autres pays africains montrent cependant qu’il ne suffisait pas de promulguer une loi. Il est indispensable de veiller à ce que la loi soit effectivement appliquée. Comme le Comité l’a indiqué à juste titre, il est également nécessaire de collaborer avec d’autres pays afin d’éliminer la pratique dans toute la région. L’Érythrée examine la question avec les pays africains frères et a demandé leur soutien, mais elle n’a pas de projets en bonne et due forme avec l’Union africaine.

Pour ce qui est de l’appui des organisations internationales dans le domaine de la santé, elle fait savoir que l’Érythrée reçoit une assistance du Fonds des Nations Unies pour la population ainsi que de l’Agency for International Development des États-Unis et des ONG.

Des actions sont en cours pour sensibiliser les femmes aux droits que leur donne la Convention. Elle a été traduite en une des langues locales et sera traduite dans d’autres à l’avenir. Des initiatives sont également en cours qui visent à inculquer aux femmes les rudiments du droit pertinents pour les questions qui les concernent. Par exemple, un manuel de notions élémentaires de droit a été préparé et sera mis définitivement au point dans les trois à quatre prochains mois. Une fois terminé, ce manuel servira d’outil d’enseignement des femmes de tous les villages du pays.

En ce qui concerne la mortalité maternelle, le taux a certes chuté à près de 650 pour 100 000 naissances vivantes, bien que ce niveau ne soit nullement acceptable. Étant donné que la santé maternelle subit l’influence de nombreux facteurs, l’Érythrée a décidé d’aborder le problème dans une perspective multisectorielle. Les infrastructures routières et de transport sont améliorées pour faciliter l’accès aux structures de soins de santé, des maisons maternelles sont construites dans diverses régions du pays, notamment celles dont les routes laissent à désirer, et un enseignement dans le domaine des soins obstétriques d’urgence est dispensé aux infirmiers et infirmières à tous les niveaux du système de santé afin qu’ils puissent assurer des soins d’urgence lorsqu’un médecin n’est pas disponible.

M. Desta (Érythrée) dit, à propos des mutilations génitales des femmes, qu’au cours d’une visite effectuée récemment en Suède, il a remarqué que, lorsque les Érythréens qui y vivent trouvent qu’il est impossible de faire procéder à la mutilation en Suède, ils vont simplement ailleurs. Il faudrait les sensibiliser au fait qu’il s’agit d’une mauvaise pratique qui devrait être abolie.

Les cinq dernières années, le Ministère de la santé a obtenu d’excellents résultats en matière de services de santé en Érythrée. De nombreux districts et sous-districts sont désormais desservis par plusieurs centres de santé et quatre hôpitaux centraux régionaux ont été construits ou sont en cours de construction.

M me  Gebreab (Érythrée), se référant à la question de conseils, dit que ce sont les réseaux de protection sociale existant à travers le pays qui ont sauvé les femmes érythréennes au cours des trois décennies de guerre. Peu de femmes sont disposées à parler ouvertement de leur expérience telle qu’en matière de viol, car cela signifierait une perte d’estime de soi, non seulement pour la personne, mais pour l’ensemble du village. De ce fait, la stratégie a consisté à éviter de montrer du doigt les victimes de viol – autrement que pour les inciter à se rendre dans un centre de santé pour subir des tests de maladies sexuellement transmissibles. Des groupes de femmes sont formés au hasard et un soutien et des conseils leur sont offerts de manière traditionnelle, ce qui permet de contourner la pratique normale consistant à ne pas parler de telles questions.

Article 14

M me  Tan, en référence à la description figurant dans la réponse à la liste de points et de questions (CEDAW/C/ERI/Q/1 à 3/Add.1, p. 16) de la Proclamation de 1994 relative à la terre en tant qu’une des pièces maîtresses de la législation pour ce qui est du droit des femmes à la propriété foncière, et la déclaration selon laquelle, pour faire face aux attitudes traditionnelles, 50 juristes ont été formés pour plaider en faveur du droit des femmes à la propriété foncière, voudrait en savoir plus sur les répercussions de cette mesure. Elle demande plus particulièrement s’il y a eu une nouvelle formation de juristes depuis 2002, et s’il existe des données sur le nombre de femmes, par rapport aux hommes, qui ont accédé à la propriété foncière. Elle voudrait également savoir quand la réglementation, qui est actuellement en cours de rédaction, pour mettre en œuvre la proclamation relative à la terre, va être terminée.

M me  Simms se demande si le Gouvernement envisage d’autres méthodes d’irrigation dans les zones rurales, ou d’autres sources d’énergie. En raison de la situation économique du pays, il est certainement très difficile de mettre en place toutes les infrastructures nécessaires, mais elle pense qu’il doit y avoir des moyens de fournir aux populations rurales certains des services dont elles ont besoin.

M me  Gebreab (Érythrée) confirme qu’en elle-même, la proclamation relative aux questions foncières tient compte des considérations sexospécifiques, et donne aux femmes la possibilité d’avoir accès à la terre au même titre que les hommes. La proclamation stipule que chaque personne a droit à une parcelle de terre pour y établir sa résidence, mais étant donné le nombre de demandes non encore satisfaites, la priorité est actuellement accordée aux familles nombreuses, les autres cas devant être réglés plus tard. Conformément à la tradition, un couple reçoit une parcelle dans le village de l’homme ou à son lieu de naissance, mais l’UNFE a plaidé pour que le couple soit autorisé à construire sa maison au lieu de naissance de la femme s’il le désire ainsi. Après de longues discussions, le Ministère a accepté cette proposition. Les femmes, et en particulier celles qui sont chefs de famille, ont reçu 30 % des terres distribuées aux fins d’habitation. Étant donné que cette proportion n’est pas suffisante, suite à des négociations, le Ministère de la terre, de l’eau et de l’environnement a réaménagé les textes d’application de sorte qu’à partir de 2006, si une femme mariée demande un terrain dans son village, il lui sera accordé.

Les 50 femmes qui ont été formées pour donner des conseils juridiques ont fait une contribution positive, donnant aux femmes des conseils sur des questions de base telles que le droit de la famille. Il ne s’agit pas de limiter les connaissances juridiques à un petit nombre de femmes, mais plutôt de donner à chaque femme l’occasion d’acquérir de telles connaissances. Lorsqu’un manuel de droit sera définitivement mis au point, des formateurs seront formés dans chaque région, et les connaissances vont se généraliser.

En réponse à la question relative aux sources d’énergie de remplacement, elle dit qu’on utilise la tourbe sans fumée, qui limite l’utilisation de bois et est moins nuisible à la santé des femmes. Avec l’aide des Pays-Bas, des essais sont également en cours sur un foyer utilisant l’énergie solaire, et d’autres idées sont également à l’étude.

Articles 15 et 16

M me  Coker-Appiah note que la question des pratiques culturelles persistantes a été posée à maintes reprises. Le fait que le Gouvernement s’intéresse à la question de la méconnaissance par les femmes des lois qui les touche est particulièrement louable. Cependant, l’acquisition de notions élémentaires de droit ou la sensibilisation à ces notions ne doit pas constituer une activité unique. Pour amener les gens à changer leurs attitudes il faut les instruire et les sensibiliser constamment. Des séminaires isolés, organisés ici et là, ne suffiront pas pour atteindre les objectifs visés. De même, une fois qu’ils sont sensibilisés au sujet de leurs droits, il importe de mettre en place des infrastructures et des services d’appui, pour aider les femmes dans les efforts qu’elles déploient pour affirmer leurs droits. La politique de formation continue aux rudiments de droit dans les communautés constitue un excellent pas dans cette direction.

Le rapport note que, bien que le viol constitue un acte criminel, tous les viols ne sont signalés à la police et les familles parfois préfèrent que la fille épouse le violeur, plutôt que de révéler l’infraction. Des études ont établi ailleurs que la réticence des victimes de viol et de violence au foyer à signaler les agressions aux forces de l’ordre était parfois attribuable à l’attitude des agents de maintien de l’ordre. Elle demande si l’Érythrée a des programmes visant à éduquer ou sensibiliser la police pour lui permettre de répondre efficacement aux victimes de viol et d’autres abus sexuels.

M me  Patten, abordant la coexistence du droit coutumier et du droit civil, se demande quels efforts sont-ils déployés pour permettre aux femmes de prendre conscience de l’adoption du droit civil qui les protège mieux.

En ce qui concerne l’arbitrage familial avant le divorce, décrit dans le rapport de l’État partie, elle voudrait savoir s’il est obligatoire, et qui l’assure. Remarquant que le comité d’arbitrage n’a pas de membres femmes, elle demande quels efforts sont-ils déployés pour corriger ce déséquilibre. Elle voudrait aussi savoir dans quelle mesure les juges instruisant les cas d’arbitrage sont suffisamment bien formés en ce qui concerne la Convention. Étant donné que la pension alimentaire est un aspect important du mandat du comité d’arbitrage, la participation des femmes est indispensable.

Remarquant que, d’après le rapport, le comité d’arbitrage peut accorder jusqu’à trois quarts des biens communs à un des époux, elle aimerait savoir s’il existe dans la législation érythréenne une disposition légale qui nécessiterait que le comité rende une sentence aussi déséquilibrée.

Elle voudrait aussi en savoir plus sur la représentation des femmes devant le comité d’arbitrage, se demandant si un système d’assistance juridique a été mis en place. Enfin, elle souhaiterait avoir plus de détails sur l’attribution des biens matrimoniaux, et savoir si la législation nationale prévoit différents régimes de biens matrimoniaux et si une femme, en particulier une qui a été victime de violence, peut se voir accorder le droit d’occuper seule la propriété matrimoniale.

M me  Tan note que, d’après le rapport de l’État partie, l’âge légal minimum pour le mariage est de 18 ans pour les hommes et les femmes et le consentement des deux parties est requis, mais il déclare aussi que le mariage de mineurs, le mariage forcé et les fiançailles forcées sont monnaie courante. Les données fournies par l’État partie font état d’une baisse du nombre de filles se mariant avant l’âge de 15 ans, mais elle souhaiterait avoir des données plus récentes. Le Gouvernement semble admettre que, même si des lois sont en place, leur application fait défaut. Elle aimerait donc savoir les mesures que le Gouvernement prend pour sensibiliser le public au respect de l’âge minimum pour le mariage et mettre fin aux mariages forcés.

Les mariages religieux et coutumiers sont des formes reconnues de mariage aux termes du droit civil transitoire de l’Érythrée. Or, dans tous les mariages coutumiers, les lois applicables au mariage et au divorce défavorisent les femmes, et l’État partie n’est pas sans savoir que de telles pratiques constituent également une violation d’un certain nombre des dispositions de la Convention, notamment celles de ses articles 15 et 16. Elle se demande donc si les réformes juridiques entreprises par l’Érythrée vont abolir les aspects discriminatoires des mariages religieux et coutumiers, et si la population rurale est sensibilisée aux conséquences néfastes de telles pratiques pour la communauté dans son ensemble. Enfin, bien que le droit civil ne fasse pas de discrimination en matière d’héritage, elle se demande si cela est vrai dans la pratique, et souhaiterait savoir comment la loi relative à l’héritage protège les femmes, les veuves en particulier.

M. Flinterman dit qu’il est évident que l’État partie est résolument attaché à l’égalité des sexes, mais qu’il se heurte à un certain nombre de difficultés liées aux coutumes et à la tradition. Dans ce contexte, il est quelque peu perplexe devant la disposition qui stipule que, bien que chaque époux a le droit d’exercer le métier de son choix, un époux peut s’opposer au métier de l’autre dans l’intérêt du ménage. Il aimerait savoir si la loi est purement symbolique ou si elle est effectivement appliquée, si les époux peuvent saisir le tribunal en cas de différend et, surtout, si ce désaccord peut constituer pour un homme érythréen, une raison légitime pour empêcher son épouse de travailler, auquel cas, cela constitue une discrimination indirecte.

M me  Gnacadja dit que l’égalité dans le mariage et la famille a toujours constitué un sujet délicat, qui rencontre de la résistance dans tous les pays. Cependant, l’Érythrée devrait peut-être revoir sa stratégie dans ce domaine. Certes les activités de sensibilisation revêtent une importance particulière, mais il faudrait les compléter par des réformes précises.

L’Érythrée a déclaré qu’elle reconnaît trois types de droit – civil, religieux et coutumier. Or, les religions et les traditions servent de fondement à la discrimination parce qu’elles ne sont que partiellement harmonisées et offrent des possibilités d’exceptions. Par exemple, le rapport indique que toutes les formes de mariage (à l’exception de celle de la charia) dans le nouveau projet de code, ont des conditions communes qui les lient et rehaussent les droits des femmes dans les contrats de mariage. Il indique également que les dispositions relatives au divorce seront modifiées, excepté en ce qui concerne les fidèles de la charia. Il semble donc impossible d’harmoniser les restrictions de la charia avec les dispositions de la Convention. L’État partie doit revoir sa démarche parce que les exceptions perpétuent la discrimination et la violation des dispositions constitutionnelles sur l’égalité des hommes et des femmes devant la loi.

M me  Zerdani dit que, d’après le rapport, le mariage est considéré comme un lien juridique entre les époux, et que le régime est monogame, excepté pour les musulmans. Le rapport fait aussi savoir que l’Érythrée tente de trouver les moyens de concilier ses différents droits traditionnel et religieux. À cet égard, elle se demande si le Parlement a adopté le projet de droit civil transitoire. Étant donné que l’Érythrée compte neuf groupes ethniques, chacun ayant ses propres langue indigène, valeurs traditionnelles et droits coutumiers, elle se demande quelle loi s’applique lorsqu’un homme musulman épouse une femme non musulmane, et quel tribunal statue dans les cas de divorce concernant les couples musulmans. Enfin, elle voudrait rappeler à l’État partie que, conformément au Programme d’action de Beijing, les pays pauvres comme l’Érythrée avaient droit de recevoir une aide publique au développement des pays riches, et que l’Érythrée ne devrait donc pas hésiter à demander une telle aide.

M me  Gebreab (Érythrée) dit que, bien que le droit constitutionnel soit le droit suprême de son pays, le Gouvernement s’efforce aussi de prendre en compte les réalités de la société érythréenne. Si une personne demande que son cas soit porté devant le tribunal civil, il sera fait droit à sa requête. Mais les problèmes posés par les mariages célébrés selon la charia sont régis par cette loi. L’Érythrée tente de régler la question par des activités de plaidoyer et de sensibilisation, et ne ménage aucun effort pour réaliser l’égalité des sexes. Elle est attachée à la Convention, mais en raison de la réalité de la situation, une stratégie à long terme s’impose.

En ce qui concerne la procédure d’arbitrage du mariage, l’un ou l’autre des époux peut engager la procédure mais, bien qu’une femme peut choisir de se faire représenter par une femme, dans la pratique, les arbitres sont généralement des hommes. Des efforts sont consentis pour encourager les femmes à faire confiance aux femmes arbitres, mais c’est une œuvre de longue haleine.

Quant à la disposition juridique stipulant qu’un époux peut s’opposer au métier de l’autre époux dans l’intérêt du ménage, elle convient qu’il y a lieu de revoir la disposition aux fins de modifications éventuelles.

En ce qui concerne les questions relatives à l’application de l’âge légal du mariage, elle dit que, bien que des programmes sont prévus pour permettre aux personnes qui occupent des postes de responsabilité de contribuer à l’application de la loi, les démarches traditionnelles continuent souvent de prévaloir; étant donné que la majorité de la population vit dans les zones rurales et traditionnelles, il est certain que de nombreuses femmes se marient avant l’âge légal.

Conformément à la législation érythréenne en matière d’héritage, un héritage doit être réparti également entre les membres survivants de la famille. Un veuf ne peut pas simplement réclamer la totalité de l’héritage à la mort de son épouse. La charia prévoit des dispositions différentes, mais le Gouvernement examine ce problème.

M me  Manalo, récapitulant les échanges de vues entre le Comité et l’État partie, déclare que l’Érythrée doit adopter des mesures concrètes de réforme juridique dans des délais précis et qu’il faudrait mettre un terme aux stéréotypes et aux valeurs paternalistes; les mécanismes nationaux pour la promotion de la condition féminine doivent être convenablement enchâssés dans les structures de l’administration, conformément aux obligations incombant au pays en vertu de la Convention. À présent que l’Érythrée est sortie du conflit et s’oriente vers la consolidation de la paix, c’est l’occasion rêvée pour éliminer les domaines de discrimination et d’inégalité entre les hommes et les femmes. Bien que l’État partie estime à juste titre qu’il faudra du temps pour régler les problèmes du pays, le temps commençait à être long.

M me  Gebreab (Érythrée) remercie le Comité pour ses remarques et réitère l’attachement de son pays à l’égalité des sexes. L’Érythrée va réévaluer le fonctionnement de ses mécanismes nationaux consacrés à la promotion de la femme et les rapports de ceux-ci avec les autres ministères. Toutefois, concernant la question de la promotion de la femme, le Gouvernement est pleinement responsable devant l’Union nationale des femmes érythréennes, qui s’acquitte des obligations lui incombant en vertu de la Convention. Elle exprime le souhait que le Comité reverra la manière dont il remplit sa mission, et qu’il pourrait trouver un moyen de visiter les différents pays déclarants, afin de faciliter un débat basé sur une compréhension partagée des questions.

La séance est levée à 17 h 5.