Dix-neuvième session

Compte rendu analytique de la 387e séance

Tenue au Siège, à New York, le mercredi 24 juin 1998, à 10 h 30

Présidente :Mme Khan

Sommaire

Examen des rapports présentés par les Etats partie conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial de l’Afrique du Sud

La séance est ouverte à 10 h 50.

Examen des rapports présentés par les Etats parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial de l’Afrique du Sud (CEDAW/C/ZAF/1)

A l’invitation de la Présidente, Mme Fraser-Moleketi (Afrique du Sud) prend place à la table du Comité.

Mme Fraser-Moleketi (Afrique du Sud) dit que l’héritage de sous-développement laissé par l’ancien régime apartheid dans son pays apparaît dans les statistiques données dans la première partie du rapport initial de l’Afrique du Sud (CEDAW/C/ZAF/1), qui montrent que la race, la géographie et le sexe ont été les principaux déterminants de la pauvreté. Environ 61 pour cent des noirs, mais seulement 1 pour cent des blancs, vivent dans la pauvreté en Afrique du Sud. Mais, malgré les nombreux défis auxquels se trouve confronté le Gouvernement, la démarginalisation des femmes demeure pour lui une priorité.

L’Afrique du Sud a signé la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes en 1993 et l’a ratifiée sans réserves en 1995. Au cours de la période 1994-1997, le Gouvernement s’est employé à transformer plutôt qu’à réformer les politiques du passé afin d’introduire des changements fondamentaux dans la contexture de la société sud-africaine. Un bureau de la démarginalisation de la femme a immédiatement été créé à l’intérieur du Cabinet du Président pour élaborer une politique de la démarginalisation de la femme. En outre, un secrétariat chargé de la coordination des activités préparatoires et consécutives à la Quatrième Conférence sur les femmes a été mis sur pied. Un vaste processus de consultation a été entrepris en vue d’intégrer la problématique des sexes dans la société et d’étudier les meilleures pratiques à cet égard, ce qui a conduit le Gouvernement à adopter un programme d’action sous la forme d’un mécanisme national consistant, à tous les niveaux de la société, en un ensemble de structures qui fonctionne sur la base du principe selon lequel la transformation des relations entre les sexes fait partie intégrante du processus global de transformation et de reconstruction de la société. Ces structures sont décrites dans le rapport à propos des articles 2 et 3 de la Convention.

Les deux principales structures de ce mécanisme sont le Bureau de la condition de la femme (OSW), qui opère aux niveaux central et décentralisés de l’action de l’Etat pour veiller à ce que l’objectif constitutionnel de l’égalité des sexes se traduise en vrais programmes, et la Commission de l’égalité des sexes (CGE), qui vise à changer les mentalités sociales dans leur ensemble. Depuis janvier 1997, l’OSW a établi un cadre pour l’exécution de son mandat, un projet de document de politique nationale, des plans nationaux et provinciaux d’action, une stratégie de capacité globale, un projet de cadre pour le contrôle de l’égalité des sexes, un cadre pour la compilation d’un rapport biennal sur la condition de la femme et des indicateurs de performance pour ses bureaux nationaux et provinciaux ; il a défini des programmes prioritaires diversifiés et il a engagé un processus de renforcement des capacités pour ses bureaux provinciaux. La capacité et les ressources de l’OSW ont suscité des préoccupations compréhensibles , mais il ne faut pas oublier que l’OSW fait seulement partie d’un réseau bien plus vaste de structures chargées de promouvoir l’égalité des sexes aux niveaux national et décentralisés.

Le Gouvernement sud-africain se félicite de l’examen auquel la communauté internationale soumet les efforts qu’il fait pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes ainsi que du fait qu’une Sud-Africaine ait été élue membre du Comité. L’établissement de son rapport initial a été gêné par l’absence ou la non fiabilité de données dans de nombreux domaines, autre héritage de l’ancien régime auquel il n’a pas encore été entièrement porté remède. Pour illustrer ce à quoi vise l’Afrique du Sud en ce qui concerne la promotion de la femme, le rapport concentre l’attention sur les progrès réalisés depuis 1994.

En ce qui concerne l’article premier de la Convention, la Constitution sud-africaine garantit l’égalité des sexes et interdit la discrimination fondée, notamment, sur le sexe, la gravidité ou la situation matrimoniale. Elle dispose aussi que les dispositions des accords internationaux auxquels l’Afrique du Sud est partie doivent être considérées comme ayant force de loi et que, dans l’interprétation de la législation nationale, les tribunaux sont tenus de préférer les interprétations qui sont conformes au droit international, et notamment à la Convention. En outre, des textes de loi antidiscriminatoires sont en cours de rédaction et l’Afrique du Sud a signé un certain nombre d’autres instruments internationaux relatifs à l’égalité des sexes. Les dispositions de la Constitution ont déjà fait l’objet d’une large publicité et une campagne sur l’égalité des sexes et la Convention va bientôt être lancée.

En ce qui concerne les articles 2 et 3, l’Afrique du Sud a commencé à abroger les lois discriminatoires dès avant les élections de 1994 et elle a adopté des lois sur la violence familiale et la tutelle. Toutefois, l’application de certains textes, comme la loi relative à l’obligation alimentaire, continue à se heurter à des problèmes administratifs. De nouvelles dispositions ont été adoptées et des réformes administratives sont prévues en vue de remédier à cette situation. L’appareil national pour la promotion de l’égalité des sexes étudie tous les textes qui sont en vigueur ou qui sont en instance pour s’assurer de leur conformité à l’exigence d’égalité des sexes. L’OSW envisage d’organiser un contrôle à cet égard afin de recueillir des données de base et de guider l’obligation de prise en compte de l’égalité des sexes dans les services de l’Etat. Il suivra aussi l’évolution des progrès en ce qui concerne les politiques, les programmes, la formation, la recherche et l’action intersectorielle relatifs à la problématique des sexes. La plupart des services de l’Etat recueillent des données ventilées selon le sexe et la race uniquement quand il s’agit d’affaires internes. La nouvelle initiative relative à l’établissement de budgets par sexe vise à y remédier.

En ce qui concerne l’article 4, la Constitution permet de prendre des mesures spéciales pour corriger les déséquilibres. Il en a été incorporé dans les nouveaux textes sur l’emploi et dans la politique gouvernementale en général. Par exemple, le parti politique majoritaire, l’African National Congress (ANC) a adopté un système de quotas au cours des élections de 1994, système en vertu duquel 30 pour cent au moins des représentants élus devaient être des femmes. De plus, de nombreuses administrations se sont fixé des objectifs internes en matière de recrutement des femmes. La fonction publique héritée de l’ancien régime a été marquée par l’inefficacité, la discrimination et les divisions entre races et sexes, de sorte que lui faire gagner en efficacité et en crédibilité n’a pas été une mince affaire. De nouveaux objectifs y ont été fixés pour l’égalité des races et des sexes comme le dispose la nouvelle Constitution, selon laquelle la composition de la fonction publique doit être largement représentative de la société sud-africaine. Des évolutions positives ont déjà eu lieu ; par exemple, on commence à voir davantage de femmes à des postes de responsabilité dans des domaines qui étaient anciennement occupés principalement par des hommes, comme dans les Directions nationale et provinciales de l’agriculture.

En ce qui concerne l’article 5, la société profondément patriarcale de l’Afrique du Sud a donné naissance à une foule d’images stéréotypées des femmes. La Constitution joue un rôle central dans la lutte contre ces stéréotypes en ce qu’elle prévoit l’égalité de préséance en matière de culture et de tradition. L’OSW a lancé, par ses bureaux provinciaux, un programme qui vise à sensibiliser les dirigeants politiques et les cadres supérieurs de direction au niveau des provinces. La CGE a, pour sa part, fait des évaluations et des recommandations au Parlement sur les coutumes, les pratiques et les lois, y compris les lois des populations autochtones. Elle a lancé une campagne publique sur la problématique des sexes dans les medias et elle est parvenue à mener à résipiscence une radio musulmane qui refusait de faire entendre la voix des femmes. Dans le domaine de l’éducation, le National Curriculum Development Committee a lancé, en 1998, un programme qui comprenait des mesures visant à éradiquer, dans l’éducation, les stéréotypes liés à l’un ou à l’autre sexe.

Dans le domaine de la télédiffusion, la chaîne publique South African Broadcasting Corporation a adopté, sur les femmes, une politique qui comprend des principes directeurs concernant la nécessité d’éviter les stéréotypes et le parler sexistes. Bien que la presse écrite appartienne à des intérêts privés et qu’elle édicte ses propres règlements, le tout nouveau Press Ombudsman connaît de plaintes concernant l’image que les medias donnent de la femme. Enfin, la loi de 1996 dite Film and Publications Act interdit de montrer, distribuer ou promouvoir des documents dégradants pour les femmes ou les enfants.

En ce qui concerne l’article 6, Mme Fraser-Moleketi cite les dispositions de la loi de 1957 dite Sexual Offences Act, indiquant toutefois qu’il n’existe pas de dispositions législatives proprement dites réprimant le tourisme sexuel ou le trafic de femmes de part et d’autre des frontières du pays. Les vues les plus diverses ont été émises sur la question de la prostitution et le Tribunal constitutionnel est saisi d’une action mettant en cause les dispositions de la loi relative aux délits sexuels. Des rapports récents font état d’une augmentation inquiétante des affaires d’abus sexuel des enfants, y compris de viol, de sodomie et d’inceste. Une des initiatives lancées pour combattre ce type d’exploitation a consisté à mettre sur pied un groupe multidisciplinaire d’action sous les auspices de la Direction de la protection sociale.

Les femmes ont beaucoup apporté à la vie politique et publique de l’Afrique du Sud. On doit à leur participation à l’Assemblée constitutionnelle l’inclusion , dans la Constitution, de dispositions sur l’égalité des sexes, la discrimination positive et les droits socio-économiques, et la pression qu’elles ont exercée sur les élus a eu des incidences directes sur le vote des lois dites Choice on Termination of Pregnancy Act et Film and Publications Act. Malheureusement, ces degrés élevés de participation ne se sont pas retrouvés au niveau du judiciaire, où on ne trouve que peu de femmes aux échelons les plus élevés.

En ce qui concerne les articles 8 et 9, la deuxième partie du rapport donne un compte détaillé des réunions internationales et régionales de haut niveau auxquelles ont assisté des délégations formées principalement de femmes ainsi que de l’impact des réglementations relatives aux laissez-passer et des entrées en vigueur au temps de l’apartheid. Outre qu’elle a adhéré à plusieurs instruments internationaux, l’Afrique du Sud a préparé des textes de loi sur l’immigration et s’est dotée d’une politique des réfugiés.

En ce qui concerne l’article 10, Mme Fraser-Moleketi dit que le Gouvernement s’efforce d’en finir avec ce qu’il reste d’un système éducatif qui fut racialement divisé. Environ 20 pour cent d’Africaines, contre 14 pour cent d’Africains, n’ont reçu aucune instruction. Des dispositions législatives ont été adoptées et des décisions prises en haut lieu en vue d’améliorer l’infrastructure, la scolarisation, la représentation des femmes au niveau supérieur et le développement de la petite enfance. C’est ainsi qu’a été créé le Tertiary Education Fund of South Africa (TEFSA) avec pour mission de gérer un système d’attribution de bourses ou de prêts d’Etat.

En ce qui concerne l’article 11, le rapport fournit des données de base sur la répartition par sexe de la population économiquement active, les taux d’emploi et les types d’emploi au 31 octobre 1995. Il n’y a que 3 pour cent de l’ensemble des Sud-Africaines à être classées comme personnel d’encadrement, hauts fonctionnaires et 4 pour cent comme cadres, dont une forte proportion est employée par l’Etat comme enseignantes et infirmières.

Mme Fraser-Moleketi appelle l’attention sur la force du mouvement syndicaliste, indiquant que, lors de sa réunion la plus récente, en 1998, la principale fédération syndicale, le Congress of South African Trade Unions (COSATU), a pour la première fois élu une femme comme présidente.

Bien que les taux de chômage soient élevés, moins d’un an après sa création, un programme national de création d’emplois a mis à son crédit la création de plus de 288 000 mois- personnes de travail temporaire et plus de 13 000 personnes ont été employées. Le Gouvernement n’ignore pas que la route est encore longue et il prévoit, avec le concours des autres acteurs économiques, de convoquer un sommet présidentiel pour l’emploi au cours duquel toutes les composantes du marché du travail examineront leur contribution à l’effort pour l’emploi.

La loi de 1995 dite Labour Relations Act et celle de 1983 dite Basic Conditions of Employment Act réglementent, la première, les secteurs de l’agriculture, des extractions minières et du travail domestique, et, la deuxième, les conditions de travail. Plus récemment, le projet de loi dit Basic Conditions of Employment Bill vise à répondre aux besoins spéciaux des femmes enceintes, de celles qui allaitent et de celles qui sont handicapées.

Par ailleurs, une initiative visant à intégrer pleinement les femmes dans l’économie par la promotion des petites, moyennes et micro entreprises a été lancée avec succès par le Ministère du commerce et de l’industrie.

En ce qui concerne l’accès aux soins de santé, Mme Fraser-Moleketi dit qu’il y a encore des déséquilibres. Les principaux problèmes de santé sont liés aux différences d'impact qu’ont sur les sexes la nutrition, la tuberculose, les maladies sexuellement transmissibles, le VIH/sida, le cancer et l’immunisation. L’Afrique du Sud n’a nulle intention de traiter le VIH/sida uniquement comme un problème de santé étant donné la gravité de l’impact que cette maladie a sur tous les secteurs.

Passant à l’article 13, Mme Fraser-Moleketi dit que l’Afrique du Sud a beaucoup progressé dans la transformation de son système de sécurité sociale. La fourniture d’une assistance aux nécessiteux prend une place capitale dans l’action des pouvoirs publics. Le revenu tiré des pensions sociales touche une partie appréciable des secteurs les plus pauvres de la population. Un pourcentage d’environ 22,4 pour cent du revenu rural provient directement des transferts de sécurité sociale, contre 12,4 pour cent dans les zones urbaines. Dans un ménage rural type, qui pourrait compter jusqu’à sept membres, la pension sociale de la femme qui le dirige constitue souvent l’unique source de revenu.

La collaboration internationale passe pour jouer un rôle essentiel dans la mise en place de programmes efficaces d’aide à l’enfance. On a reconnu aussi qu’il est important de lier la sécurité sociale à de plus vastes programmes de développement afin de faciliter la démarginalisation des femmes avec enfants et des pauvres en leur donnant la possibilité de réaliser leur potentiel.

Dans d’autres domaines, des stratégies ont été adoptées pour encourager les femmes à participer à des activités sportives à tous les niveaux ; des fonds ont été accordés pour des projets à but artistique et on cherche de plus en plus, par les micro prêts et le micro crédit, à donner aux femmes la possibilité d’obtenir du crédit sans devoir passer par un intermédiaire de sexe masculin.

Plus de la moitié de la population, principalement des femmes et des enfants, vit dans des zones rurale pauvres sans emploi ni terre, situation que sont venus aggraver le contrôle des entrées, les réglementations relatives aux laissez-passer, les déplacements forcés et le système de travail migratoire.. Leur manque d’accès à de la terre entre pour beaucoup dans l’incapacité où sont les femmes de vaincre la pauvreté. Le Gouvernement a engagé une politique de réforme agraire qui comprend des dispositions de non-discrimination entre sexes en ce qui concerne la communauté de biens, l’utilisation de terres communales et l’accès à une aide directe de l’Etat. On a modifié la définition officielle de « farmer » de manière à y inclure les exploitants précédemment défavorisés, y compris les femmes, et on a examiné les principes de la politique agricole pour s’assurer qu’ils n’ont rien de sexiste ni de discriminatoire.

La loi de 1998 dite Postal Act met l’accent sur l’importance des services postaux en milieu rural et un « Telecentre Pilot Project », qui créerait des centaines de ces centres dans les zones reculées et qui comprend des dispositions explicites pour la démarginalisation de la femme, a été lancé. Les télécommunications permettent également d’améliorer les soins de santé dans les zones rurales qui ne disposent pas sur place de spécialistes et des lignes téléphoniques spéciales ont été mises en place pour les écoles, les dispensaires, les hôpitaux, les bibliothèques et les centres communautaires ainsi que pour les femmes victimes de violence. Parce que les possibilités de recevoir éducation et formation sont rares en milieu rural, un programme-phare pour femmes au chômage mères d’enfants de moins de cinq ans a été lancé dans chaque province afin d’aider les femmes sans travail et leurs jeunes enfants à échapper à la pauvreté et à se rendre moins tributaires des aides de l’Etat.

Bien que la Constitution dise que tous sont égaux devant la loi et ont droit à une égale protection et bien que l’âge de la majorité soit fixé à 18 ans pour les deux sexes, les femmes mariées selon le droit coutumier sont des mineures perpétuelles en vertu de la loi dite « Black Administration Act » ; cette disposition est sur le point d’être abrogée. Dans le passé, parce que l’Etat n’offrait une assistance judiciaire qu’au pénal, les femmes n’y avaient pas droit en cas de divorce, de garde des enfants, d’aide alimentaire ou de violence domestique. Un fonds spécial a été créé pour remédier à ce problème. Un programme intitulé « Justice Vision 2000 : Five Year National Strategy for Transforming the Administration of Justice » reconnaît la situation spéciale et la vulnérabilité des femmes et prévoit des mesures adaptées à leurs besoins.

La physionomie matrimoniale de l’Afrique du Sud traduit la diversité culturelle du pays. Les mariages civils sont fondés sur le droit romain, mais les mariages contractés selon le droit coutumier et religieux sont toujours parfois reconnus. En général, les femmes mariées conformément au droit civil ont davantage de droits que celles qui le sont conformément au droit coutumier ou religieux.

Outre qu’elles sont considérées comme des mineures perpétuelles, les femmes mariées selon le droit coutumier sont soumises à l’autorité de leur mari, qui a le droit de conclure des contrats et d’administrer les biens de la famille comme ils l’entendent. Il existe peu de sauvegardes pour protéger la femme, les dispositions relatives à l’obligation alimentaire ne sont pas claires et le don d’une ou deux vaches ou de leur équivalent monétaire est souvent considéré comme contribution suffisante d’un homme à l’entretien de ses enfants. Les femmes ne peuvent pas hériter directement de leur mari ou père. Des textes de loi sont actuellement envisagés pour remédier à cet ordre de choses.

En droit civil, les hommes et les femmes ont mêmes obligations quant au mariage et au divorce. Les droits et obligations des parents en matière de garde, de droits de visite et d’obligation alimentaire sont déterminés sur la base de l’intérêt bien compris de l’enfant, quel que soit le type de mariage des parents. Jusqu’à une époque récente, les femmes se sont vu reconnaître le droit de garde des enfants nés hors mariage, mais sans être pour autant assurées d’une pension alimentaire. Le tribunal constitutionnel vient de prescrire de nouvelles dispositions législatives à cet égard. Elles reconnaissent les droits génésiques des femmes et prévoient la mise en place de mécanismes de nature à faire de ces droits une réalité. En droit civil, les femmes et les hommes ont les mêmes droits en cas de décès du conjoint ; mais tel n’est pas le cas en droit coutumier et religieux. Ce sont là des inégalités auxquelles il sera remédié.

La Constitution garantit le droit d’être libre de toutes formes de violence de source publique ou privée ainsi que le droit à l’intégrité corporelle et psychologique. La prévention de la violence contre les femmes est un aspect essentiel du projet de plan national d’action en cours d’élaboration conformément à la Déclaration de Vienne. Violence domestique et sexuelle, chasse aux sorcières et harcèlement sexuel sont couverts par la législation pénale et civile, notamment par la loi dite Family Violence Act. Toutefois, le système juridique est inadapté au problème que représente la violence contre les femmes ; les pouvoirs publics reconnaissent que cette violence est ce qui fait le plus obstacle à la jouissance des fruits de la nouvelle démocratie par les femmes et on en a fait un élément essentiel de la National Crime Prevention Strategy. Il va falloir remédier à divers problèmes, comme les lacunes qui existent dans les cadres juridique, législatif, institutionnel et administratif, et les mentalités devront changer. Au nombre des réformes récentes ou prochaines de l’appareil juridique on peut citer l’adoption des lois dites Criminal Law Amendment Act, Criminal Procedure Amendment Act, Criminal Amendment Act et de dispositions législatives relatives à la peine minimum. D’autres réformes d’ordre juridique sont envisagées et des directives concernant la manière de traiter les victimes de délits sexuels ont été édictées en 1997.

Les services ont besoin d’être mieux assurés, ce qui pourrait l’être par des initiatives intersectorielles. Un projet de services d’avant jugement prévoit un service de conseils aux victimes et un système d’information comportant des profils de personnes accusées. Entre autres initiatives on peut citer la mise en place de tribunaux prévenants envers les témoins et des services d’aide aux filles violentées.

Des programmes pilotes sur les délits sexuels et les tribunaux et sur l’idée d’un tribunal de la famille unifié ont été réalisés et des mesures sont prises pour améliorer la coopération et la coordination entre les fournisseurs de services, comme la police, les travailleurs sociaux et le personnel judiciaire, et pour combattre des mentalités perpétuatrices de violence contre les femmes. On ne dispose pas encore de procédures de recours efficaces permettant au public d’exiger le respect des normes de service. La National Crime Prevention Strategy offre un cadre pour assurer et améliorer la responsabilisation des services de l’Etat, lesquels ont aussi des dispositifs de contrôle internes, mais qui ne sont pas toujours efficaces.

Le Gouvernement est résolu à aligner son cadre législatif sur les dispositions de la Convention et il met l’accent sur la fourniture de services de nature à améliorer la qualité de la vie des femmes dans l’ensemble du pays et sur la promotion de l’égalité des sexes par la mise en œuvre du Programme d’action de Beijing. On fait chaque année le point sur les progrès réalisés à cet égard ; durant l’année en cours, la préparation de l’examen, par le Comité, du rapport initial de l’Afrique su Sud, en a pris la place.

La Présidente félicite la représentante de l’Afrique du Sud pour la nature hautement informative et de la bonne structure de son exposé et se plait à noter que le rapport a été envoyé avec lettre de couverture du Président Mandela.

Mme Abaka dit que c’est un fait méritoire d’avoir placé le Bureau de la condition de la femme si haut dans la hiérarchie de l’appareil gouvernemental et que des OSW soient en train d’être créés au niveau des provinces. Dans un système décentralisé, il est particulièrement important de disposer de mécanismes efficaces en prise directe sur les communautés. Mme Abaka espère que le prochain rapport fournira des informations émanant de toutes les zones provinciales. En tant qu’instance indépendante directement comptable devant le Parlement, la Commission de l’égalité des sexes est un modèle en soi. Le Comité pourrait recommander la création, dans l’ensemble de la région Afrique, d’organismes de même nature qui viendraient s’ajouter aux organismes nationaux. Mme Abaka demande quelle place prend le financement de la Commission dans le budget national.

Elle se félicite de la création d’un bureau de l’égalité des sexes à l’intérieur du service statistique national et elle espère que d’autres administrations en feront autant.

Mme Bernard félicite l’Afrique du Sud pour les gros efforts qu’elle fait pour corriger les injustices que des années d’apartheid lui ont léguées. Comme le rapport le montre, il reste encore beaucoup à faire pour améliorer la condition de la femme. Le nombre élevé de viols d’enfants et de fillettes est un problème auquel il faut s’attaquer ; Mme Bernard se demande s’il ne faudrait pas en voir la cause profonde dans des mentalités d’ordre culturel. Le Gouvernement est à féliciter d’avoir rédigé une constitution dans des termes libres de tout sexisme et de l’avoir fait traduire dans les 11 langues en usage en Afrique du Sud, y compris en braille, exemple que pourraient bien suivre d’autres pays.

Mme Bernard se félicite d’apprendre que les femmes représentent environ un quart des membres du Parlement élus en 1994, mais elle remarque qu’elles sont bien moins nombreuses au niveau des administrations locales. Il est inquiétant de savoir qu’en droit coutumier les femmes sont toujours considérées comme des mineures perpétuelles. On ne peut que féliciter le Gouvernement des efforts qu’il fait en vue d’y mettre fin et d’extirper des coutumes et mentalités profondément enracinées dans la tradition.

Mme Ferrer dit que le rapport ne laisse planer aucun doute sur le fait que le Gouvernement sud-africain est résolu à intégrer un refus du sexisme dans toute son action grâce à la mise en place d’un système de gestion de la problématique des sexes opérant à tous les niveaux. Elle demande comment ce système va être contrôlé et elle aimerait en savoir davantage sur les pouvoirs exercés par le mécanisme national ainsi que sur son personnel et son financement. Elle se demande si le Bureau de la condition de la femme est habilité à mettre en place des bureaux de même nature à des niveaux inférieurs, notamment dans les provinces, et comment il se rattache à d’autres paries du mécanisme national.

La Présidente fait observer que la constitution de l’Afrique du Sud n’a pas d’égale pour l’interdiction de la discrimination à l’égard des femmes, ce que vient conforter l’existence d’un cadre législatif appuyé sur la National Women’s Empowerment Policy. Les mesures temporaires spéciales, qui comprennent la fixation d’objectifs à atteindre en matière d’emploi des femmes dans la fonction publique, traduisent la volonté nationale de promotion de la femme. La plus grande partie de l’appareil visant à réaliser l’égalité des sexes est maintenant en place, notamment l’existence d’une Commission de l’égalité des sexes. Toutefois, la situation réelle du pays ne laisse pas de faire apparaître l’existence d’une discrimination largement répandue, ce qui montre que les mesures adoptées n’ont pas encore atteint toute leur efficacité et la Présidente demande quel budget est prévu pour permettre au mécanisme national de fonctionner et quel personnel est affecté aux services en question. Ce personnel est-il assez bien formé pour s’acquitter de ses fonctions ? Certaines des mesures mises en place, comme celles qui concernent la répartition des revenus, pourraient avoir un impact négatif, les femmes pauvres travaillant principalement dans les secteurs non rémunérés ou informels ne pouvant en bénéficier. La Présidente fait remarquer que, bien que la Constitution garantisse aux femmes l’égalité, les textes législatifs correspondants n’ont pas encore paru et elle se demande quand cela se fera. La violence contre les femmes est un sujet particulièrement préoccupant.

Notant qu’en cas de conflit entre la Constitution et le droit coutumier, c’est la Constitution qui prime, la Présidente demande si les personnes qui se marient selon le droit coutumier perdent les avantages du mariage civil. Dans le domaine de l’éducation, il semblerait que les mentalités patriarcales issues de la tradition n’ont pas disparu et on peut se demander pourquoi les mesures dont il est fait état dans le Livre blanc du Gouvernement ne sont pas encore pleinement efficaces.

Parmi tout ce que le rapport a de positif, la Présidente retient en particulier les efforts des organisations non gouvernementales pour faire connaître la Convention par la réalisation d’un manuel qui a été traduit dans les langues locales.

Il semble qu’il y ait un certain manque de coordination au niveau national entre les mécanismes préposés à la promotion de la femme. Un contrôle plus énergique s’impose, en particulier au niveau rural.

Article 2

Mme Cartwright dit que, bien que l’Afrique du Sud soit pour les autres pays un exemple pour la mise en place d’un système vraiment démocratique, le rapport ne jette pas suffisamment de lumières sur les rapports entre la Constitution et l’appareil législatif. Si, comme elle pense, la Charte des droits fait partie intégrante de la Constitution, alors ses dispositions concernant l’égalité devraient avoir un impact significatif sur l’interprétation des lois par les tribunaux. Ce qui manque à la Charte, c’est une définition de la discrimination entre sexes. Si cette définition, fondée sur l’article premier de la Convention, était ancrée dans un texte de loi, les femmes pourraient s’en prévaloir pour porter plainte pour discrimination directe ou indirecte dans n’importe quel domaine.

La séance est levée à 13 heures.