à l’égard des femmes

Quarante-quatrième session

Compte rendu analytique de la 904e séance

Tenue au Siège à New York, le lundi 3 août 2009, à 15 heures

Présidente :Mme Gabr

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18de la Convention (suite)

Rapport unique valant rapport initial, deuxième, troisième, quatrième, cinquième et sixième rapports périodiques de la Guinée-Bissau (suite)

La séance est ouverte à 15 heures.

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport unique valant rapport initial, deuxième, troisième, quatrième, cinquième et sixième rapports périodiques de la Guinée-Bissau (suite) (CEDAW/C/GNB/6, CEDAW/C/GNB/6/Rev.1 et CEDAW/C/GNB/Q/6/Add.1)

À l’invitation de la Présidente, les membres de la délégation de la Guinée-Bissau prennent place à la table du Comité.

La Présidente invite les représentants de la Guinée-Bissau à poursuivre leurs réponses aux questions soulevées lors de la séance précédente en liaison avec l’article 5 de la Convention.

Article 5 (suite)

M me do Rosário (Guinée-Bissau), répondant à une question liée à l’article 5 de la Convention, déclare que le gouvernement de la Guinée-Bissau a mis en place une commission chargée de lutter contre la traite des personnes, et réunissant des membres des ministères concernés et d’organisations non gouvernementales (ONG). À l’heure actuelle, des enfants sont victimes de traites en direction du Sénégal et de la Gambie – prétendument pour leur permettre d’étudier le Coran; un projet de loi a été déposé à l’Assemblée nationale en vue de soutenir le plan national de lutte contre la traite des personnes – y compris les jeunes gens des deux sexes.

Les mariages précoces forcés existent bel et bien en Guinée-Bissau, mais constituent un délit pénal – autrement dit un crime. Le ministère en charge des questions féminines, l’Institut de la Femme et de l’Enfant, un certain nombre d’ONG et l’Assemblée nationale collaborent actuellement afin de mettre un terme à ce type de mariage. En ce qui concerne les victimes de viols, le pays n’a pas encore créé de centres qui leur soient destinés, mais ces personnes peuvent bénéficier d’une assistance juridique.

Par ailleurs, des stations de radio communautaires, qui diffusent des émissions dans les différentes langues pratiquées dans le pays, donnent des informations au sujet de la lutte contre les violences domestiques; d’autre part, la justice traite, dans ce domaine, toutes les affaires portées devant les tribunaux. La population connaît ces questions de violence domestique – en particulier dans les zones urbaines.

M. Ferreira (Guinée-Bissau) déclare que les mariages précoces, les mutilations génitales ou autres et les violences à l’égard des femmes sont considérés comme des crimes par le Code pénal; cependant, l’application des dispositions du Code pénal dans ce domaine se heurte aux stéréotypes et autres obstacles d’ordre culturel. Il est fréquent que les victimes de ce type de violences ne déposent pas de plainte contre leurs auteurs.

la police a mis en place des services de protection des femmes victimes de viols ou de violences domestiques; d’autre part, il existe, à l’échelle nationale, un réseau de lutte contre la violence à l’égard des femmes – réseau qui organise des campagnes de sensibilisation des femmes aux droits qui sont les leurs.

Article 6

M me Begum, évoquant l’article 6 de la Convention, se demande s’il existe, en Guinée-Bissau, des plans visant à permettre aux personnes qui pratiquent les mutilations génitales de femmes de gagner leur vie d’une autre manière.

M me Rasekh se dit préoccupée par le fait que le rapport contienne très peu d’informations au sujet des traites de personnes, et notamment de femmes. L’oratrice souhaite savoir si la traite des personnes sera sanctionnée dans le cadre du projet de loi sur la violence domestique, ou s’il existe une loi indépendante sur ce sujet, et si, dans le cadre des textes de loi en question, les femmes et les enfants sont traités ensemble.

Le Comité s’intéresse à tout dispositif de formation des personnels de police judiciaire et de police des frontières en matière de lutte contre les trafics et traites; le Comité souhaite également des informations au sujet d’éventuels centres destinés à accueillir les femmes ayant pu échapper à la traite. Dans ce domaine, la Guinée-Bissau devrait rechercher le soutien de l’Organisation internationale pour les migrations (l’OIM).

M me Chutikul demande à la délégation de la Guinée-Bissau de préciser si les crimes ou délits de violence domestique et de traite des personnes sont traités dans le cadre d’une seule et même loi – ce qui ne serait pas conforme à la norme; l’oratrice se demande également si la définition des traites de personnes à laquelle se réfère la Guinée-Bissau est la même que celle donnée par le Protocole de Palerme.

Le Comité demande également des informations au sujet des activités de la commission composée d’imams et de représentants d’ONG, et opérant dans le domaine de la lutte contre la traite des personnes. Des conclusions doivent être tirées des études effectuées à Cacheu et dans d’autres régions du pays au sujet de la prostitution; les cas de prostitution doivent être poursuivis en justice; et il convient également de mettre en œuvre un plan de lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants, tel qu’il est proposé par le Comité des droits de l’enfant. Enfin, le prochain rapport de la Guinée-Bissau devra proposer des chiffres concernant les traites de personnes et la prostitution.

M. Fernandes (Guinée-Bissau) déclare que, dans le cadre d’une directive ministérielle récente, a été créée une commission nationale pour la prévention de la traite des personnes, et en particulier des enfants. Cette instance rassemble des représentants de l’État et d’ONG opérant dans ce domaine et reflétant la très grande diversité culturelle du pays. Cette commission a d’abord assuré la formation des policiers opérant aux frontières et dans les services de douanes, afin de les initier à la lutte contre les traites de personnes; cela a d’ores et déjà permis de sauver des jeunes, dans les zones frontalières.

M. Fernandes ajoute que la définition de la traite des personnes sur laquelle se fonde la Guinée-Bissau s’inspire effectivement de celle du Protocole de Palerme. Aux termes du Code pénal de la Guinée-Bissau, la traite des personnes est poursuivie au chapitre de crimes tels que les enlèvements; un projet de loi portant spécifiquement sur la traite des personnes sera effectivement débattu à l’Assemblée nationale en octobre 2009. Par ailleurs, la Guinée-Bissau a signé, avec des pays voisins, des accords bilatéraux sur la traite des personnes. Aux termes de ces accords, les parents doivent signer un document autorisant leurs enfants mineurs à voyager.

D’après les données dont on dispose dans ces domaines, la plupart des traites de personnes concernent en fait des enfants – et non pas des femmes. De nombreux enfants quittent effectivement le pays pour étudier le Coran, et les adultes n’ont pas toujours conscience de ce qui est l’intérêt supérieur de l’enfant. Certaines ONG ayant réuni des informations au sujet des enfants qui ont pu échapper aux traites procèdent à une harmonisation de leurs méthodes de collecte de données. Les autorités de la Guinée-Bissau coopèrent avec le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et avec des ONG afin de veiller au respect des normes internationales en matière de mise en place et de fonctionnement des camps destinés aux enfants ayant échappé à la traite; dans ces camps, les enfants doivent bénéficier d’une aide psychologique en vue de leur réinsertion dans la société.

M. Ferreira (Guinée-Bissau) déclare que la prostitution – qui avait augmenté depuis la crise de juillet 1999 – est combattue dans son pays : les autorités indiquent aux prostituées des filières d’emploi plus acceptables.

M me do Rosário (Guinée-Bissau) ajoute que les projets de loi sur la traite des personnes et sur la violence domestique sont des textes indépendants et autonomes.

Questions de suivi

M me Hayashi déclare qu’avant d’adopter de nouvelles lois, il conviendrait d’appliquer les textes existants, tels que la loi de 1997 sur la protection des femmes et des enfants. Le Comité demande des précisions au sujet du nombre de projets de loi en cours d’élaboration en ce qui concerne les droits des femmes.

M me Begum souhaite savoir ce qui est fait dans le sens d’une réduction de la demande de prostituées, et quelles autres possibilités d’emploi peuvent être offertes aux femmes qui se prostituent. Mme Begum demande également à être informée au sujet de la réhabilitation et de la réinsertion des personnes ayant finalement échappé aux traites dont elles ont été les victimes, dans un premier temps.

M me Popescu demande si le viol, et notamment le viol conjugal, sont considérés comme des crimes, et si le projet de loi sur les violences sexuelles contient des dispositions concernant le viol et le viol conjugal. Des informations sont également nécessaires au sujet de la réhabilitation des victimes des viols perpétrés de manière systématique lors du conflit qu’a connu le pays.

M me Rasekh, notant que la mutilation génitale des femmes est généralement considérée comme une obligation liée à la religion, souhaite être informée des mesures prises par le gouvernement en vue d’inverser cette croyance. Mme Rasekh souhaite également savoir s’il existe des groupes religieux qui s’efforcent de faire comprendre à chacun qu’une pratique telle que les mutilations génitales n’est en aucun cas une obligation religieuse – quelle que soit la religion considérée.

M me do Rosário (Guinée-Bissau) déclare que plusieurs projets de loi ont été soumis dans le cadre de la présente législature, au sujet, respectivement, de la mutilation génitale des femmes, de la santé procréative et de la traite de femmes et d’enfants. Il n’existe pas de statistiques au sujet de la traite ou de l’exploitation sexuelle des femmes; toutefois, le gouvernement de la Guinée-Bissau a pris de nombreuses initiatives en vue d’aider d’anciennes prostituées à réintégrer la société « normale » : cela a pu consister dans des cycles de formation et un accès au crédit en vue de créer sa propre entreprise. Dans ce contexte, les ex-prostituées ont continué à bénéficier d’un suivi, et se sont vu rappeler les effets néfastes de leur ancienne activité sur la santé de leurs enfants et leur propre état de santé. La Guinée-Bissau est tout aussi préoccupée que le Comité par la pratique des mutilations génitales de femmes, et reconnaît que la loi islamique n’impose nullement une telle pratique. Le Conseil national islamique, le Haut Conseil islamique, le Groupe des Jeunesses islamiques et certaines ONG contribuent ensemble à la sensibilisation de la population à ces questions et aux effets négatifs de telles pratiques – notamment par des émissions de radio et des réunions avec des groupes qui se sont fait les avocats de la mutilation génitale des femmes.

M. Ferreira (Guinée-Bissau) précise que la violence conjugale n’est pas traitée dans le cadre de la loi; cependant, une disposition sur ce sujet pourrait être incluse dans un ensemble de textes de loi.

Articles 7 et 8

M me Murillo de la Vega souhaite être éclairée sur les raisons expliquant l’absence regrettable de femmes ministres et d’ONG féminines. Elle ajoute que l’on apprécierait également des précisions au sujet des mesures prises par le gouvernement pour lutter spécifiquement contre la discrimination à l’égard des femmes dans les instances décisionnaires.

M me Ameline est bien consciente des difficultés créées par l’instabilité du pays au niveau politique; mais elle ajoute que, pour instaurer une véritable gouvernance démocratique, il faut non seulement une volonté politique mais aussi des réglementations claires et des ressources appropriées; de plus, la gouvernance démocratique exige la présence des femmes à tous les niveaux de décision. Dans ce contexte, Mme Ameline se demande si le principe d’un quota de 40% de femmes au sein des instances décisionnaires a été inscrit dans un projet de loi, et, si tel est le cas, s’il s’appliquera également à la fonction publique. Il serait également intéressant de savoir si des initiatives ont été prises pour encourager les femmes à être candidates aux prochaines élections locales. L’oratrice demande enfin de quelle manière la Guinée-Bissau envisage d’appliquer la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité.

M me Belmihoub-Zerdani déclare que, si la Guinée-Bissau a effectivement réalisé quelques progrès en ce qui concerne la participation des femmes aux niveaux décisionnaires, le pays doit encore progresser dans ce domaine. Se félicitant de la ratification du Protocole facultatif par la Guinée-Bissau, l’oratrice demande instamment aux autorités de ce pays d’inciter davantage les partis politiques à accroître le rôle des femmes dans la société guinéenne – par exemple en n’accordant d’aide financière qu’aux seuls partis politiques qui agissent dans le sens de l’application des dispositions de la Convention.

M me do Rosário (Guinée-Bissau) précise qu’il y en fait une ONG qui assiste à la session actuelle : il s’agit de la Ligue nationale des droits de l’homme, qui représente donc l’ensemble des ONG de Guinée-Bissau à la présente session.

Pour la période 2004-2008, l’Assemblée nationale populaire comptait 3 députées et 87 députés masculins. Il n’y a pas encore de projet de loi concernant d’éventuels quotas de femmes à imposer aux partis politiques; toutefois, la réduction du déséquilibre hommes/femmes dans la vie politique reste une préoccupation majeure du gouvernement. Mme do Rosário ne doute pas un seul instant d’une participation importante des femmes aux prochaines élections locales; il importe tout particulièrement de responsabiliser les femmes rurales. Mais, pour parvenir à une représentation égale des femmes au sein des instances décisionnaires, il est capital que la Guinée-Bissau retrouve une paix et une stabilité durables – une telle situation dépendant par ailleurs du maintien de l’aide des partenaires du développement.

Article 9

M. Flinterman demande si une femme ayant la nationalité de la Guinée-Bissau et ayant épousé un ressortissant étranger a droit à la double nationalité – si elle souhaite prendre également celle de son époux –, et si elle a également le droit de transmettre sa nationalité à ses enfants.

M. Ferreira (Guinée-Bissau) déclare qu’aux termes de la législation sur la nationalité, tout enfant né sur le territoire national a droit à la nationalité du pays; de même, tout enfant né à l’étranger d’un père ou d’une mère ayant la nationalité de la Guinée-Bissau a également droit à cette nationalité. Le conjoint d’une personne ayant la nationalité de la Guinée-Bissau peut être naturalisé à l’issue de trois ans de mariage ou d’un an de résidence en Guinée-Bissau au sein d’un couple marié – à la condition que le conjoint en question renonce à sa nationalité d’origine. Des propositions ont été faites en vue d’autoriser la double nationalité; mais leur examen a été différé. Enfin, le gouvernement de la Guinée-Bissau reconnaît que sa législation sur la nationalité doit être mise en conformité avec les conventions internationales pertinentes.

Article 10

M me Hayashi, évoquant l’article 10 de la Convention, demande des précisions sur les taux d’alphabétisation des femmes – sur la base des données disponibles actuellement. Elle souhaite également connaître les mesures prises par la Guinée-Bissau depuis la publication des observations finales que le Comité des droits de l’enfant faisait en 2002 en vue d’évaluer la situation des enfants non scolarisés et de mettre en œuvre – sur la base de cette évaluation – des mesures de protection des enfants vis-à-vis de toute forme d’exploitation. Il serait également souhaitable d’indiquer clairement quel est le calendrier des initiatives visant à améliorer le taux de scolarisation des filles.

M me Bailey déclare que le taux d’achèvement de la scolarité primaire reste un sujet très préoccupant, et demande de plus amples informations sur les raisons majeures de l’abandon scolaire des filles, et sur les projets du gouvernement pour y remédier. Mme Bailey souhaite également savoir si le Plan national « Education pour tous » (datant de 2004) a été approuvé, et, si tel n’est pas le cas, pour quelles raisons. Notant que, dans l’ensemble, les instituteurs de Guinée-Bissau étaient peu formés, Mme Bailey demande encore si le gouvernement prend des initiatives en vue d’encourager les femmes à s’inscrire dans les instituts de formation des maîtres. Par ailleurs, étant donné le pourcentage élevé d’enseignants masculins, Mme Bailey demande s’il y a des cas de harcèlement sexuel des élèves-filles, et, dans l’affirmative, de quelle manière le gouvernement aborde ce problème. En ce qui concerne l’enseignement post-secondaire, il serait appréciable de disposer de données ventilées par sexe au sujet du nombre d’étudiants recevant une formation professionnelle et du type de formation dont il s’agit.

M me do Rosário (Guinée-Bissau) déclare qu’avec le concours de ses partenaires de développement et des ONG, la Guinée-Bissau s’efforce de résoudre le problème de la scolarisation des filles et de leur maintien jusqu’au terme de la scolarité : les autorités le font notamment par des campagnes de sensibilisation ou des éléments attractifs, tels que la mise en place de cafétérias, des cours d’alphabétisation et l’octroi de microcrédits aux parents. Alors que 40% des enseignants seulement ont reçu une formation, le gouvernement est conscient de l’importance de ladite formation, et recherche des ressources en vue d’améliorer la compétence des enseignants.

Article 11

M me Patten, notant que le rapport examine conjointement les articles 11 et 12 de la Convention, demande instamment à l’État partie de suivre les directives en matière de rapports et d’examiner chaque article de manière autonome. Les préoccupations du Comité vont au-delà des aspects formels de l’égalité entre les femmes et les hommes, pour examiner de plus près les réalisations concrètes du pays en question et la mise en place effective de garanties juridiques. Après avoir pris connaissance du marché du travail des femmes en Guinée-Bissau, tel que le décrit le rapport, Mme Patten considère que ce marché se caractérise par une ségrégation à la fois horizontale et verticale : en effet, les femmes ne peuvent pas accéder à certains niveaux de postes ou à certains métiers et sont essentiellement employées dans le secteur informel, avec tous les risques et l’absence de protection que cela entraîne. L’oratrice demande s’il existe une inspection du travail ou toute autre instance qui puisse vérifier la conformité des pratiques avec la législation relative au travail, et prévenir toute discrimination dans les secteurs public, privé et informel. Mme Patten demande également quelle est l’action des autorités de Guinée-Bissau dans le sens de l’émancipation économique des femmes et de l’égalité de leurs droits en matière de propriété (notamment foncière) et d’accès à l’emploi, à la promotion, au crédit, aux moyens de production, aux nouvelles technologies et à la formation. Enfin, il serait également utile d’être mieux informé au sujet de l’état d’avancement du nouveau projet de loi sur le travail, et de savoir notamment si ce texte contient des dispositions visant à interdire spécifiquement toute forme de harcèlement sexuel sur le lieu de travail.

M. Bruun demande si l’État partie a obtenu une assistance technique de la part de l’Organisation internationale du travail (l’OIT) afin de mettre en œuvre les conventions de l’OIT ratifiées par la Guinée-Bissau, et concernant, respectivement, l’égalité de rémunération et le travail des enfants. Notant par ailleurs qu’un grand nombre de jeunes filles quittent l’école pour entrer dans le secteur informel de l’économie, M. Bruun demande quelles mesures prend le gouvernement de Guinée-Bissau pour remédier à cette situation et protéger les droits des femmes et des jeunes filles dans ce secteur informel.

M me do Rosário (Guinée-Bissau) déclare qu’il existe, dans son pays, une commission d’inspection du travail, chargée de contrôler le respect des lois et réglementations dans ce domaine. En ce qui concerne plus particulièrement les femmes, des associations féminines, telles que la Commission nationale des travailleuses, sont très actives dans le domaine économique : elles permettent aux femmes d’accéder à des prêts pour créer une petite entreprise ou acquérir un logement; ou encore, ces associations organisent des ateliers et séminaires sur les questions spécifiquement féminines et l’ensemble des protections dont les femmes peuvent bénéficier. Divers projets de loi sont en cours d’élaboration au sujet de la protection des droits de la femme – notamment un texte sur le harcèlement sexuel sur le lieu de travail, et un autre projet de loi concernant les congés de maternité. D’autre part, une nouvelle loi porte sur la propriété foncière et les droits des femmes dans ce domaine. Enfin, la stratégie nationale de réduction de la pauvreté s’attaque également au problème de la pauvreté des femmes – notamment par le développement de l’éducation.

M. Ferreira (Guinée-Bissau) souligne qu’en dépit du fait que les femmes constituent la majorité de la population du pays, leur niveau global d’instruction et de compétence reste faible et doit augmenter si l’on veut que la participation des femmes à la prise de décisions se développe également. L’Institut de la Femme et de l’Enfance déploie des efforts considérables en vue de promouvoir le rôle des femmes dans la société. D’autre part, le département juridique de la Commission nationale des travailleuses contrôle l’application des conventions de l’OIT relatives au travail des femmes.

Article 12

M me Pimentel déclare que les problèmes d’infrastructures et les contraintes dans ce domaine – par exemple, la distance importante qui sépare les personnes du centre de santé le plus proche – affectent de toute évidence la situation déjà fragile dans le domaine des soins de santé; l’oratrice demande, par conséquent, quels sont les projets du gouvernement de Guinée-Bissau pour améliorer les choses dans ce secteur. Notant d’autre part que les jeunes filles et les femmes victimes d’un viol faisaient souvent l’objet d’un ostracisme de la part de leur famille, Mme Pimentel demande de plus amples informations au sujet des mesures visant à protéger les victimes de viols et à changer la mentalité des familles à cet égard. Enfin, notant que le projet de loi sur les mutilations génitales des femmes n’a pas encore été adopté, l’oratrice souhaite être informée de l’action du gouvernement en faveur de l’adoption de ce texte.

Notant que des jeunes filles ont trouvé la mort à la suite du rituel lié aux mutilations génitales, M me  Rasekh demande si des auteurs de cette pratique ont été poursuivis en justice, dans la mesure où de tels cas constituent un homicide pur et simple. Certes, la pratique des mutilations génitales est, semble-t-il, illégale; mais les autorités ne se mobilisent guère pour empêcher concrètement de tels agissements. Mme Rasekh demande quelle sera l’action des autorités en vue d’éliminer ces pratiques néfastes, et de quels services bénéficient les victimes.

M me Arocha Domínguez demande instamment à la Guinée-Bissau de compléter les données du rapport par une analyse et une évaluation plus approfondies – concernant notamment les tendances actuelles et les dispositions visant à résoudre ces problèmes. Le taux de mortalité maternelle reste assez élevé; par conséquent, Mme Arocha Domínguez demande au gouvernement de la Guinée-Bissau quelle action il envisage pour renforcer les services d’urgence de gynécologie et de santé procréative. Notant d’autre part l’augmentation du taux de natalité et l’usage peu répandu des moyens de contraception, l’oratrice demande encore à la Guinée-Bissau si elle envisage de renforcer les services de planification familiale.

M me do Rosário (Guinée-Bissau) déclare que l’accès à des soins de santé adéquats et notamment à des services de santé procréative satisfaisants reste insuffisant, en raison du manque de personnel qualifié et de matériel moderne, mais également en raison des ravages causés par un conflit qui a duré plusieurs années. Les victimes de viols – et notamment les plus jeunes d’entre elles - sont suivies par des médecins et des psychologues dans la mesure du possible; dans ce contexte, on demande instamment aux familles que la jeune fille concernée puisse rester au domicile familial. Quant aux auteurs des viols, ils sont déférés devant les autorités judiciaires. Le projet de loi sur les mutilations génitales des femmes – texte approuvé par le gouvernement et la société civile – doit être de nouveau présenté au Parlement. Aux termes de la législation du pays, les auteurs de pratiques traditionnelles préjudiciables s’exposent à des poursuites judiciaires. Dans une grande partie du pays – et notamment dans les secteurs les plus isolés -, il n’existe pas de services de conseil pour les victimes de violences psychologiques, et ce, en raison d’un manque de ressources et des distances géographiques, dans certains cas. Des campagnes de planification familiale ont fait la promotion de l’utilisation des préservatifs, et se sont efforcées de sensibiliser la population au risque de maladies sexuellement transmissibles. Cependant, la pauvreté qui règne dans le pays empêche la réussite de toute stratégie de planification familiale.

Article 13

M me Murillo de la Vega demande si les femmes doivent avoir l’autorisation de leur mari pour obtenir un crédit ou un prêt, ou encore pour acheter ou vendre des biens; l’oratrice demande également si les femmes peuvent être formées en matière de gestion financière ou commerciale. Il serait également utile de savoir dans quelle mesure les coutumes du pays, les allégeances tribales ou encore la religion peuvent influer sur le processus d’obtention d’un prêt ou de création de sa propre entreprise.

M me do Rosário (Guinée-Bissau) déclare que, dans son pays, les femmes ont le droit de demander et d’obtenir un crédit sans l’autorisation de leur époux. D’autre part, on n’a pas encore créé de formation des femmes à la gestion financière ou commerciale; mais la « Banque de solidarité nationale » travaille actuellement dans cette direction – en faveur de l’octroi de crédits aux femmes et de leur formation.

M. Ferreira (Guinée-Bissau) déclare que certaines ONG accordent des microcrédits aux femmes, et que cela s’accompagne souvent d’une formation. Il arrive même que l’une des conditions du microcrédit, pour une mère, soit la scolarisation de tous ses enfants. Cependant, les coutumes et comportements qui y sont liés peuvent être encore un obstacle à l’accès des femmes au crédit et aux possibilités, pour elles, d’avoir une activité commerciale. Le Code civil, hérité de la période coloniale portugaise, et, souvent, tout à fait réactionnaire sur ces sujets, fait actuellement l’objet d’une révision.

Article 14

M me Zou Xiaoqiao fait observer que le rapport ne contient aucune information précise sur la situation des femmes rurales – et notamment leur participation à l’activité agricole, leur accès à l’éducation, aux soins de santé, ou encore leur participation à la vie publique. L’oratrice demande que le prochain rapport fournisse davantage d’informations différenciées par sexe sur le sujet.

Si le rapport fournit effectivement des informations sur les projets de certaines ONG en vue de lutter contre la pauvreté en zone rurale, il ne fait aucune mention, en revanche, d’éventuelles initiatives du gouvernement dans ce domaine – en dehors du fait que les zones rurales fassent l’objet d’une attention particulière dans le cadre de la stratégie nationale de réduction de la pauvreté. Le Comité apprécierait de plus amples informations dans ce domaine – notamment au sujet des priorités fixées dans le cadre de cette stratégie nationale, et d’une éventuelle dimension sexospécifique de cette stratégie, ou encore d’un éventuel soutien spécifique des femmes rurales (y compris les mères célibataires et les membres de minorités ethniques); le Comité souhaiterait savoir en particulier si des objectifs précis ont été définis en conformité avec les Objectifs du Millénaire pour le développement. Mme Zou Xiaoqiao souhaiterait également être informée du mode de mise en œuvre de la stratégie de réduction de la pauvreté, et du nombre de femmes rurales qui ont pu en bénéficier depuis l’adoption de cet instrument.

Enfin, étant donné l’importance de l’analphabétisme chez les femmes rurales et la faiblesse du processus de scolarisation en zone rurale (par rapport au reste du pays), il serait appréciable de connaître les mesures prises en vue de supprimer le fossé entre zones rurales et zones urbaines dans ce domaine, ainsi qu’entre filles et garçons. L’oratrice demande également si les autorités de Guinée-Bissau ont mis en place des programmes d’alphabétisation ou de formation technique des femmes rurales.

M me Begum demande des précisions sur la situation des femmes en matière de droit à la propriété – étant donné que les réponses écrites à la liste de questions indiquent que le droit coutumier du pays ne donne aux femmes – dans un certain nombre de régions - aucun accès à la propriété des biens familiaux. Si c’est effectivement le cas, cela est contraire aux principes de la Convention et constitue une violation des droits fondamentaux de la femme à la propriété et à l’héritage. Le Comité souhaiterait également davantage d’informations sur tout projet visant à répondre aux besoins de santé et financiers des femmes rurales âgées ou handicapées. Mme Begum demande également si les femmes rurales réfugiées ou déplacées sont incluses dans les processus de planification des autorités.

M me Ameline demande si le gouvernement de la Guinée-Bissau envisage une stratégie nationale globale en matière d’agriculture – en s’inspirant éventuellement des expériences réussies des ONG dans ce domaine, et étant donné qu’une telle approche serait le meilleur moyen de garantir la sécurité alimentaire. Il importe également de former les femmes actives dans le secteur agricole, afin de leur permettre d’améliorer leur productivité. Les dispositifs de protection sociale sont également importants pour donner, dans le domaine de la santé, des garanties à tous ceux et celles qui se situent au cœur du développement économique du pays.

La communauté internationale est préoccupée par le commerce des stupéfiants dans cette région du monde, et craint que la pauvreté ne conduise certaines personnes à se livrer à ce type d’activité. Il conviendrait de renforcer les secteurs de l’agriculture et de la pêche pour tenter d’éviter ce danger – puisque les secteurs en question sont reconnus comme ayant un fort potentiel.

M me do Rosário (Guinée-Bissau) déclare que son pays a effectivement élaboré un plan national de développement de l’agriculture. Les services médicaux sont également importants, et le pays compte aussi des centres offrant gratuitement des conseils de planification familiale, entre autres services. Le gouvernement reconnaît que la pauvreté constitue un grave problème dans le pays; dès lors, les autorités ont mis en place des stratégies et politiques pour y remédier. Cependant, tous ces dispositifs de développement sont encore entravés par le manque de stabilité au niveau politique.

La stratégie nationale – poursuit Mme do Rosário – bénéficie à la main-d’œuvre rurale, constituée en majeure partie de femmes. Les femmes rurales ont accès au crédit, mais manquent d’équipements agricoles, ainsi que de formation et d’éducation de base. Les femmes de Guinée-Bissau travaillent énormément pour faire vivre leur famille; mais elles ont besoin d’être aidées. Dès lors, la déléguée de la Guinée-Bissau lance un appel au Comité, afin qu’il fournisse l’assistance nécessaire.

Le gouvernement est conscient de la faiblesse du pays en termes de scolarisation des jeunes filles rurales; cependant, les autorités et les ONG font tout ce qui est en leur pouvoir pour améliorer la situation dans ce domaine. Des cours d’alphabétisation ont été mis en place pour aider les femmes rurales.

Le nouveau ministère de la Solidarité sociale, de la Famille et de la Réduction de la pauvreté a entrepris une étude qui permettra de s’attaquer au problème de la pauvreté des femmes âgées ou handicapées.

La planification familiale est également une question importante en ce qui concerne les zones rurales, étant donné le régime de polygamie qui y règne. Cette situation fait que l’on doit redoubler d’efforts, et notamment faire adopter le projet de loi sur la planification familiale. D’une manière plus générale, il faut concentrer tout particulièrement l’action de l’État sur les zones rurales, afin de remédier à la situation précaire en matière de sécurité alimentaire – situation due à l’instabilité du pays. Le simple fait de créer des équipements pour la garde des enfants aiderait déjà les femmes rurales qui travaillent.

M. Ferreira (Guinée-Bissau) déclare que les femmes sont encore mal informées au sujet de leurs droits à la propriété et à la propriété foncière en particulier; cependant, une campagne de sensibilisation se prépare sur ce sujet. C’est le faible niveau d’instruction des femmes qui les empêche de concrétiser leurs droits à la propriété foncière ou d’améliorer la production agricole locale. Etant donné que c’est une agriculture de subsistance qui prédomine, la création de petites coopératives aiderait les femmes à mieux tirer profit de leur travail et à sortir de la pauvreté. Le plan de l’État pour l’agriculture est mis en œuvre avec le concours des partenaires sociaux; il prévoit notamment la fourniture de graines aux agricultrices, afin de permettre une augmentation globale des niveaux de production.

Articles 15 et 16

M me Awori déclare que, aux termes de l’article 15 de la Convention, les États parties ont l’obligation d’instaurer l’égalité des femmes et des hommes devant la loi. Le Comité a demandé davantage d’informations au sujet de toute législation en vigueur et visant à annuler les dispositions discriminatoires du Code civil de la Guinée-Bissau, et à appliquer ainsi, en particulier, le paragraphe 3 de l’article 15. Les explications apportées dans le cadre des réponses à la liste de questions ne sont pas claires. Par conséquent, Mme Awori demande à la délégation de la Guinée-Bissau de préciser le lien entre, d’une part, les articles du Code civil cités dans ces réponses, et, d’autre part, l’article 25 de la Constitution, ainsi que le mode d’application des textes en question dans le sens de la protection des droits des femmes à égalité avec les hommes. On a pu noter que le Code civil était un reliquat de la période coloniale, et que, de ce fait, il contenait des dispositions discriminatoires – mais que celles-ci avaient été abolies dans le cadre de l’article 25 de la Constitution. En dépit de ce fait, Mme Awori demande si la Guinée-Bissau a adopté une loi visant spécifiquement à remédier à cette situation discriminatoire, et à mettre la législation du pays en conformité avec l’article 15 de la Convention – étant donné qu’en l’occurrence, la primauté de la Constitution ne semble pas avoir été suffisante.

M me Halperin-Kaddari se déclare tout aussi préoccupée que sa collègue par les dispositions discriminatoires du Code civil, qui semble toujours en vigueur sous sa forme actuelle.

L’oratrice ajoute que, si l’on en croit le rapport, l’union libre a une existence de fait dans le pays; cependant, les réponses écrites font également mention du mariage traditionnel; dès lors, Mme Halperin-Kaddari demande combien de types d’unions différentes il existe en Guinée-Bissau. Elle demande également si un mari peut chasser son épouse à la suite d’un conflit entre les deux conjoints – et si cela peut se faire dans le cadre de n’importe quel type d’union matrimoniale, ou uniquement aux termes du droit coutumier. Le Comité souhaiterait également davantage d’informations au sujet des droits de la femme en matière d’héritage, selon les différents types d’union – étant donné que les réponses écrites indiquent qu’une veuve peut être déshéritée si elle ne se remarie pas avec un parent du mari défunt. Enfin, des précisions seraient les bienvenues au sujet des mariages d’enfants ou de très jeunes gens – et en particulier au sujet de l’âge minimum légal pour le mariage.

M. Ferreira (Guinée-Bissau) déclare que le mariage civil est le seul type d’union reconnu par la loi. Un couple ayant des enfants et dont les deux membres vivent ensemble depuis trois ans peut demander la reconnaissance de fait de son union – ce qui revient à reconnaître ces deux personnes comme un couple marié, et leur permet de jouir des droits liés au mariage à dater du début de l’union en question. Quant à l’âge légal minimum pour se marier, il est de 18 ans. Dans le cas de l’émancipation officielle d’un adolescent, cet âge peut être abaissé à 16 ans. – mais il y a, en l’occurrence, des restrictions au droit de propriété et autres droits jusqu’à l’âge de 18 ans.

Toutes les anciennes dispositions discriminatoires à l’égard des femmes ont été abrogées aux termes de l’article 25 de la Constitution. Le Code civil est toujours appliqué en l’état, mais doit être interprété conformément à la Constitution, et ne doit pas être contraire aux principes généraux de la législation du pays. Le principe de rejet d’une veuve qui refuse d’épouser un parent de son ex-mari relève des coutumes de certaines tribus, mais n’est pas reconnu par la loi. M. Ferreira dit enfin que la Guinée-Bissau est consciente qu’il y a encore des progrès à faire dans ce domaine, et qu’il convient notamment de mieux faire connaître les droits des femmes.

M me Hayashi déclare que l’on ne comprend toujours pas clairement si l’article 1686 du Code civil a été abrogé ou s’il doit seulement être interprété à la lumière des principes de la Constitution.

M me Awori demande instamment à la Guinée-Bissau d’adopter de nouveaux textes de loi afin de soutenir et de renforcer l’article 25 de la Constitution – à défaut de quoi, ajoute l’oratrice, le Code civil restera discriminatoire à l’égard des femmes.

M. Cabral (Guinée-Bissau) déclare que, de toute évidence, la Guinée-Bissau doit se doter d’un nouveau Code civil, et qu’aucun membre de la délégation de ce pays ne conteste ce fait. Cependant, comme il est dit dans le rapport, l’esprit de l’article 25 de la Constitution fait que toute pratique discriminatoire est désormais interdite; cet article constitutionnel instaure précisément l’égalité des époux dans le mariage.

M me do Rosário (Guinée-Bissau) remercie le Comité de l’occasion qui a été offerte d’examiner pour la toute première fois les problèmes des femmes en Guinée-Bissau. La délégation de ce pays aura été ainsi convaincue qu’il y a encore des progrès à faire. Les problèmes évoqués vont être abordés avec conviction, d’autant plus que chacun sait que de nombreuses femmes de Guinée-Bissau soutiennent ce processus.

La Présidente déclare que le dialogue constructif de la présente séance a été très utile pour toutes les parties concernées. Elle encourage la délégation de la Guinée-Bissau à veiller à l’élaboration du prochain rapport périodique conformément aux lignes directrices formulées dans ce domaine, et à faire en sorte que ce rapport fournisse davantage de données analytiques. La Présidente prend acte des difficultés que connaît la Guinée-Bissau, mais demande instamment aux autorités de ce pays de se concentrer sur l’application des dispositions de la Convention et l’adoption de nouveaux textes de loi au niveau national. Divers projets de loi sur les droits de la femme ont été examinés; le Comité attend avec intérêt l’adoption de ces textes. Enfin, la Présidente encourage la Guinée-Bissau à ratifier les autres instruments de protection des droits de l’être humain.

La séance est levée à 18 heures.