Vingt-huitième session

Compte rendu analytique de la 606e séance

Tenue au Siège, à New York, le lundi 27 janvier 2003, à 15 heures

Président e :Mme Ferrer Gómez

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États Parties en application de l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial et deuxième, troisième, quatrième et cinquième rapports périodiques combinés du Congo

En l’absence de Mme Açar, Mme Ferrer Gómez, Vice-Présidente, assure la Présidence.

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports présentés par les États Parties en application de l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial et deuxième, troisième, quatrième et cinquième rapports périodiques combinés du Congo (CEDAW/C/COG/1-5 et Add.1)

1.À l’invitation de la Présidente, Mme Emmanuel-Adouki et Mme Mavoungou-Makaya (République du Congo) prennent place à la table du Comité .

2.Mme Emmanuel-Adouki (République du Congo) dit que bien que la République du Congo soit partie à la Convention depuis 1982, elle n’a pas encore présenté de rapport. Le Ministre chargé de la promotion de la femme a vivement tenu à réparer cette omission.

3.La promotion des femmes et des filles s’inspire du Programme d’action de Dakar et de la Déclaration de Beijing. Malgré les progrès enregistrés en République du Congo, les contraintes économiques et les conflits récurrents ont fragilisé les femmes.

4.La population de la République du Congo est extrêmement jeune; 75 pour cent des habitants sont âgés de moins de 45 ans, et 45 pour cent de moins de 15 ans; les femmes représentent 52 pour cent de la population; celle-ci est à 57 pour cent urbaine. La Constitution du 20 janvier 2002, adoptée par référendum, a introduit un Parlement bicaméral et interdit la discrimination fondée sur l’origine, la situation sociale ou matérielle, les appartenances sociales, ethniques ou géographiques, le sexe, l’éducation, la langue, la philosophie ou le lieu de résidence.

5.En vertu de la Constitution, les conventions internationales auxquelles le pays est partie l’emportent sur le droit interne. Cela étant, en ce qui concerne l’égalité entre les hommes et les femmes, la discrimination en droit et en fait perdure, et ce du fait des dispositions législatives et du droit coutumier. Au plan juridique, c’est l’homme qui est le chef de la famille, c’est lui qui choisit la résidence de la famille; il peut empêcher sa femme d’exercer une profession et peut accuser sa femme d’adultère. La polygamie est légale. En matière fiscale, les femmes mariées bénéficient d’un traitement plus favorable que les hommes; elles n’ont pas le droit d’effectuer un travail de nuit et ont le droit à un repos de 11 heures consécutives par jour. C’est la coutume qui détermine comment les femmes doivent se comporter et qui impose un rituel strict aux veuves, autorise le mariage de lévirat et expose les femmes à la violence. Les femmes mariées ne sont pas tenues de prendre la nationalité de leur époux.

6.La loi donne aux garçons et aux filles un accès égal à l’éducation, et l’enseignement est libre, gratuit et obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans. Cependant, les conflits armés ont fait chuter la fréquentation scolaire. Le nombre de filles fréquentant un établissement secondaire a baissé à cause des obstacles psychologiques, des coutumes, des grossesses précoces et de la pauvreté. Les femmes sont sous représentées dans l’enseignement supérieur. Les enseignantes sont nombreuses dans l’enseignement primaire mais leur nombre chute à chaque niveau successif du système scolaire. La République du Congo assure un accès égal aux bourses, et les agences de développement et le Gouvernement s’efforcent de trouver des crédits pour financer la scolarité secondaire et universitaire de filles de milieux à faible revenu. À l’issue d’une longue période de conflit, les programmes d’alphabétisation pour adultes ont repris, et l’infrastructure des écoles, endommagée, est en cours de reconstruction. L’enseignement des enfants, et notamment des filles, de minorités est un grand sujet de préoccupation.

7.Avant 1992, le Ministère des affaires sociales était celui qui avait la charge des questions ayant trait aux femmes. Le Ministère chargé de promouvoir la participation des femmes au développement a été créé en 1992. Dans la structure actuelle, on compte un Secrétariat d’État à la promotion des femmes et à la participation des femmes au développement dans le cadre du Ministère de l’agriculture, de l’élevage et des pêches, avec des antennes dans chaque département du pays. Le Secrétariat d’État travaille en étroite collaboration avec 450 ONG et les agences de développement. Un plan d’action gouvernemental a été introduit en 1999; au nombre de ses priorités figurent la promotion des droits des femmes, la lutte contre la violence, la lutte contre la pauvreté et l’amélioration de la santé et de l’environnement. L’évaluation du plan d’action est en cours d’examen.

8.La prostitution est illégale. Le Gouvernement et les ONG s’efforcent de sensibiliser la population - et notamment les prostituées, qui tendent à être de plus en plus jeunes - aux maladies sexuellement transmissibles et au VIH/sida. Bien que la Constitution garantisse l’égalité, et que le nombre de candidates aux élections ait progressé grâce aux efforts de sensibilisation déployés par le Gouvernement et les ONG, on ne compte que 89 femmes à l’Assemblée nationale, au Sénat et au Gouvernement, central ou local, et très peu de femmes dans les missions diplomatiques et les organisations internationales.

9.En vertu de la loi congolaise et des traités internationaux auxquels le pays est partie, les hommes et les femmes jouissent d’un droit égal à l'emploi, ainsi que de l'égalité des droits en ce qui concerne la promotion et la rémunération. Cependant, dans la fonction publique, leur absence de qualifications freine l'évolution de la carrière des femmes, qui représentent pourtant un tiers du personnel. Les femmes ont droit à un congé de maternité mais il leur est interdit de travailler la nuit ou dans des professions dangereuses. Les femmes représentent 70 pour cent des travailleurs agricoles et assurent la plus grande partie de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles.

10.Les maladies de l'appareil génital constituent le motif le plus fréquent de consultation d'un médecin. Les soins pré et post natals sont peu développés. Le recours à la contraception est faible, soit d'environ 3 pour cent. Une loi du 31 juillet 1920 interdit l'avortement et toute publicité pour la contraception, mais le nombre d'avortements reste élevé, comme l’est le taux des complications. Le Parlement examine actuellement un projet de loi qui annulerait la loi de 1920.

11.Les femmes hésitent à déposer une plainte en cas de violence physique ou verbale dont elles auraient été victimes. Du fait du conflit armé qui a sévi dans le pays, le Gouvernement, les ONG et les agences de développement ont mené des campagnes de sensibilisation pour assurer un traitement médical et psychologique ainsi qu'une aide juridique aux victimes de violences sexuelles. De nombreuses personnes des deux sexes, âgées de 10 ans et plus, ont été interviewées dans les centres de santé maternelle et infantile. Il n'y a eu confirmation de viol que dans quelques rares cas. En revanche, tous ces viols ont eu lieu sans préservatif et avec recours aux drogues.

12.L'engagement personnel du chef de l'État et du Ministre chargé de la promotion des femmes, doublé des moyens mobilisés par les ONG, les groupes de femmes et les agences de développement ont fait prendre conscience aux femmes congolaises de leurs droits; elles sont désormais plus visibles et participent davantage à la vie politique. Il reste beaucoup à faire, mais les femmes et les chefs du pays ne permettront pas un retour en arrière.

Articles 1 et 2 de la Convention

13.Mme Shin souhaite savoir si le Gouvernement a l'intention de concrétiser la notion de discrimination dans la loi nationale, étant donné que les traités internationaux l'emportent sur le droit interne. Le rapport de la République du Congo et la présentation orale rendent compte d'une discrimination en droit et en fait, mais la reconnaissance des problèmes ne suffit pas : pour respecter la Convention, il convient de mettre en œuvre des programmes et politiques pour s'attaquer aux problèmes. Mme Shin demande les projets du gouvernement en ce sens. Elle demande également des détails sur le rôle des ONG dans l'établissement du rapport et demande s'il y a eu consultation publique, soit dans les médias, soit dans le Journal officiel.

14.Mme Kwaku rappelle que la République du Congo a pris 20 ans pour présenter un rapport au Comité. Certes, le pays a traversé des crises politiques et autres, mais elle souhaite savoir si l'État sait qu'une aide est disponible pour l'établissement des rapports. Elle espère que le Gouvernement fera appel à cette assistance afin d'éviter tout retard à l'avenir. Elle demande également pourquoi la promotion des femmes relève du Ministère de l'agriculture, de l'élevage et des pêches.

15.Mme Tavares da Silva est troublée du fait que le rapport, par ailleurs exhaustif, donne des statistiques et fait preuve d'une attitude critique, sans pour autant montrer le moindre engagement de la part du Gouvernement pour rectifier ce qu'il reconnaît pourtant être des situations de discrimination. On constate une forte contradiction entre les principes consacrés dans la Constitution et la réalité au Congo, où la discrimination des femmes ne peut que frapper. Pourquoi, par exemple, tolère-t-on des pratiques telles que le harcèlement sexuel des filles par leurs enseignants; pourquoi l'abolition de la polygamie est-elle toujours reportée? Le manque de préparation de l'opinion publique est invoquée comme explication, mais le Gouvernement est tenu de modifier les mentalités en même temps que les lois, et d'assurer la protection des droits de la personne, quelles que soient les mentalités.

16.M. Melander constate que bien que les traités internationaux l'emportent sur le droit national au Congo, de nombreuses lois discriminatoires restent en vigueur. Il a l'impression que la Convention n'est pas du tout connue dans le pays, et voudrait savoir si le Gouvernement a l'intention d’assurer une formation aux magistrats, aux députés et à d'autres groupes essentiels sur les dispositions de la Convention. Il voudrait également savoir si la Convention a déjà été invoquée, et les résultats éventuels. Le Gouvernement devrait envisager de renforcer l’interdiction générale de la discrimination en intégrant la définition de la Convention énoncée dans la Convention.

17.Mme Kapalata note que la valeur des lois se mesure à leur application, étape qui semble faire défaut au Congo. Le Gouvernement semble faire preuve d’une aimable indifférence et être paralysé par la tradition et les tabous qui pourraient bien prendre des années avant de disparaître. Il conviendrait de communiquer les mesures immédiates que le Gouvernement est prêt à prendre pour commencer à sensibiliser le public à la nature discriminatoire de tant de pratiques traditionnelles et pour faire connaître les principes de la Convention à la population. Par exemple, le texte pourrait en être traduit en lingala et en français.

18.Mme Kapalata aimerait connaître l'organe chargé de la promotion des femmes : s'agit-il du Ministère de l'intégration des femmes ou du Ministère de l'agriculture, de l'élevage, des pêches et de la promotion des femmes? Le problème réside peut-être partiellement dans l'absence d'autorité claire en la matière.

19.Mme Morvai dit que les dispositions du Code pénal relatives à l'adultère et à l'assassinat de l'épouse adultère (CEDAW/C/COG/1-5, p. 25) constituent une discrimination flagrante et sont en violation de la Convention. Elle demande à connaître la peine prévue en cas d'adultère et le nombre de personnes condamnées pour adultère au cours des dix années écoulées. Elle voudrait également savoir si l'un ou l'autre des trois pouvoirs de l'État a pris ou a l'intention de prendre des mesures pour supprimer la criminalisation de l'adultère ou pour justifier l'assassinat d'une épouse. Étant donné notamment ce qui s'est passé depuis peu dans d'autres pays africains ayant des lois similaires, Mme Morvai n'est pas très optimiste lorsqu'elle observe les objectifs à court terme et à long terme du Gouvernement (rapport, page 137) qui ne prévoient aucun plan de réforme de la législation pénale.

20.Bien que dans le rapport il soit implicitement reconnu que la fréquence du harcèlement sexuel constitue une discrimination (page 36), la manière dont la chose est dite semble faire apparaître une certaine complicité de l'État, voire un certain préjugé contre les femmes de la part des auteurs du rapport. Il faudrait davantage préciser les obstacles auxquels l'État est confronté dans ses tentatives de modifier les lois discriminatoires, indépendamment de l'opposition du public.

21.Mme Šimonović demande un complément d'information sur la manière dont le Gouvernement a appliqué le Programme d'action de Beijing et les conclusions de Beijing + 5, s'agissant notamment de l'appel aux mesures spéciales pour supprimer les lois discriminatoires d'ici 2005. Ayant admis que le Code pénal du Congo était discriminatoire, notamment les lois relatives à l'adultère, le Gouvernement prévoit certainement de prendre des mesures.

22.Mme Gnacadja a du mal à comprendre pourquoi la réforme juridique prend tant de temps et pourquoi le rapport ne dit rien de la question étant donné que le Gouvernement  - fort d'une proclamation en faveur de l'égalité énoncée dans la Constitution et de la préséance des traités internationaux - est en bonne position pour modifier les lois.

23.La délégation a évoqué l'importance des progrès des arrangements structurels en faveur des femmes, mais Mme Gnacadja ne voit dans le rapport (page 19) qu'une régression : création d'une Direction de l'intégration de la femme au développement, devenue brièvement ministère pour redevenir Département de la promotion de la femme rattaché à un autre ministère; ce ministère chargé de la promotion de la femme semble avoir organisé des conférences et des débats, mais n'a pris aucune véritable mesure. Il serait utile de se voir expliquer ce renversement, et communiquer des informations sur le pourcentage du budget national affecté aux femmes, le volume de l'assistance étrangère dont bénéficie le Congo, etc. Un rapport descriptif ne saurait suffire car le Comité doit comprendre pourquoi la condition des femmes ne fait que stagner. Les coutumes d'un pays ne sont pas immuables et le Gouvernement doit faire pression pour que les lois soient changées, créant ainsi la transformation.

Article 3

24.Mme Saiga observe que le Ministère de l'agriculture, de l'élevage, des pêches et de la promotion des femmes n'apparaît pas dans le rapport comme faisant partie de l'appareil d'État.

25.Mme Shin se dit elle aussi très préoccupée par la question des mécanismes nationaux en faveur de la promotion des femmes. D'une manière générale, l'orientation des mesures gouvernementales semble être axée sur la promotion des femmes dans le développement, c'est-à-dire sur la création de revenus et l'intégration des femmes dans le développement, plutôt que sur des programmes visant à mettre en place l'égalité entre les sexes et à éliminer la discrimination à l'égard des femmes, comme le veut la Convention - l'article 3 en particulier. Mme Shin demande combien de personnes travaillent au Département de la promotion des femmes et les ressources dont celui-ci dispose.

Article 4

26.Mme Kapalata dit avoir l'impression que la délégation pense que les mesures spéciales visent simplement à compenser la différence biologique entre les sexes, par exemple les mesures relatives au congé de maternité. Or, l'article 4 de la Convention prévoit l'adoption d'une mesure temporaire spéciale pour accélérer l'instauration d'une égalité de fait entre les hommes et les femmes, question que le rapport n'aborde pas du tout. Le recours aux quotas, tel que préconisé à l'article 4, paragraphe 1, est un outil que le Gouvernement pourrait envisager pour assurer l'égalité dans les domaines de l'éducation, de la santé et de l'emploi.

27.M. Flinterman fait observer que les prestations de maternité dont il est question dans le rapport (p. 33) ne peuvent être considérées comme mesures temporaires spéciales au sens où l'entend le paragraphe 1 de l'article 4, mais plutôt comme des mesures de protection spéciales visées au paragraphe 2. Il aimerait des exemples de mesures temporaires spéciales effectives prises en vertu de l'article 4 ou de tout autre article.

28.Mme Kwaku dit les mesures positives prises en vertu de l'article 4 sont l'un des outils les plus efficaces qu'un Gouvernement africain peut utiliser pour les femmes, alors que le Congo n'a pas du tout adopté cette démarche;t elle se demande s'il a l'intention de le faire.

Article 5

29.M. Melander demande les projets spécifiques du Gouvernement pour modifier la vision très stéréotypée du rôle incombant à l'un et l'autre sexes au Congo.

30.Mme Tavares da Silva dit que le rapport (à partir de la page 36) décrit très bien les différents stéréotypes de nature sexiste dans un certain nombre de domaines, culminant avec la description des formes épouvantables de violence infligées aux femmes au nom de ces stéréotypes. Il est dit ailleurs dans le rapport (page 104) que les violences tendent à s’accentuer quand la femme est enceinte; Mme Tavares da Silva aimerait des précisions à ce sujet.

31.Il y a donc largement de quoi faire pour les services d'appui aux victimes, secteur que le Gouvernement semble laisser aux organisations non gouvernementales. Or, le Gouvernement est à même de sanctionner les agresseurs, qui sont apparemment fort nombreux. La violence constitue une violation fondamentale des droits de la personne.

32.Mme Shin dit qu'étant donné que le Gouvernement est conscient du problème que représentent les stéréotypes, elle aimerait voir des projets à court et à long terme pour lutter contre la violence et l’éliminer

Article 6

33.Mme Gaspard note que les lois relatives à la prostitution prévoient des sanctions sévères pour les prostituées et les proxénètes (rapport, page 38); mais, en vertu de la Convention - qui préconise la suppression de l'exploitation des femmes - cela pose problème de traiter de la même manière prostituées et proxénètes. Le rôle des organisations non gouvernementales est évoqué dans le rapport dans le cadre de la lutte contre la prostitution et l'aide à la réintégration des femmes, mais rien n'est dit des mesures prises par le Gouvernement. Mme Gaspard demande si effectivement des prostituées ont été incarcérées et ce qui a été fait pour les réintégrer dans la société.

34.Dans le contexte de la violence à l'égard des femmes, le rapport ne traite pas la question de l'impact de la guerre sur les femmes ou le rôle que jouent les femmes dans le processus de paix et de reconstruction. Mme Gaspard aimerait des renseignements également sur les femmes réfugiées, nombreuses au Congo, mais souvent victimes de discrimination, d'exploitation et de trafics à des fins de prostitution.

35.Mme Tavares da Silva demande les sanctions prévues pour les clients des prostituées qui, après tout, sont les seuls vraiment responsables de la prostitution. Le rapport préconise l'aide aux victimes de l'exploitation, mais le Plan national d'action ne prévoit aucun engagement explicite envers cet objectif.

Article 7

36.Mme Belmihoub-Zerdani estime que le nouveau Président de la République pourrait donner un nouvel élan à la participation des femmes à la vie politique en s'assurant que les femmes sont représentées aux instances les plus élevées du Gouvernement et constituent une présence forte au sein de son propre parti politique. La nomination de sénateurs par le pouvoir exécutif, comme cela se fait dans le système canadien, contribuerait beaucoup à mieux équilibrer le nombre d'hommes et de femmes au sein du Gouvernement. Le Président pourrait faire un effort conscient pour nommer des femmes aux postes diplomatiques et nommer des femmes juges; on pourrait donner des incitations aux partis politiques pour qu'ils proposent des candidates. Considérant la vaillance des femmes durant les années de guerre, celles-ci devraient avoir la possibilité de prendre leur place en temps de paix et inspirer les générations de femmes plus jeunes. Enfin, notant que les femmes sont les premières à perdre leur emploi à la suite de l'ajustement structurel, Mme Belmihoub-Zerdani propose de solliciter l'aide des organisations internationales pour résoudre les problèmes macroéconomiques et les problèmes liés à la dette du pays.

37.M. Flinterman note que, d'après la section du rapport intitulée « la représentativité de la femme congolaise », les femmes ont toujours été sous-représentées dans les organes de prise de décisions, dont le Parlement, la fonction publique et la magistrature.

38.Évoquant les contraintes qui freinant l’action gouvernementale, M. Flinterman relève que si certaines de ces contraintes sont de nature structurelle et pourraient disparaître avec le temps, d’autres - notamment l’intolérance et l’absence d’appui, d’encouragement et de solidarité entre les femmes, l’absence de motivation des femmes à assumer des postes de décision, la peur des femmes d’échouer lorsqu’elles occupent ce genre de poste (manque de confiance en elles) et le manque de compétitivité de la part des femmes qui occupent des postes de décision - pourraient trouver une solution dans le court terme. M. Flinterman demande s’il existe des programmes mis en place par l’État pour faire acquérir aux femmes des compétences de direction et de gestion dans le but de favoriser leur participation à la vie politique.

39.Mme Tavares da Silva demande des précisions sur un passage du rapport dans la section intitulée « des perspectives » : « ... dans notre pays, il y a certes beaucoup d’opportunités pour les femmes. Néanmoins, celles-ci ne conduisent pas toujours à l’adoption de mesures volontaristes » . Elle se demande pourquoi au titre des perspectives, sur la même page, on parle de donner une culture démocratique aux femmes, alors qu’il n’est pas question des hommes; on ne saurait établir une véritable démocratie tant que les hommes dominent dans les organes de prise de décisions. Mme Tavares da Silva voudrait savoir si des mesures ont été prises pour modifier la culture politique congolaise, mesures susceptibles d’avoir des effets au niveau des partis politiques et de la société tout entière, mesures qui iraient plus loin que d’ouvrir un petit peu la clique des hommes aux femmes? Mme Tavares da Silva félicite par ailleurs l’État Partie de la participation accrue des femmes à la vie politique et espère que cette évolution va se poursuivre, pour le bien de tous.

Article 8

40.Mme Kapalata est contente d’apprendre que les femmes, aux XVe et XVIe siècles, ont assumé les fonctions de conseillères auprès des chefs de tribus et que le pays comptait trois femmes ayant rang d’ambassadeur dans les années 1980. Elle se demande pourquoi il n’y a pas de femmes ambassadeurs ou de conseillers ministériels en ce moment. Cette situation est-elle imputable à la guerre, au nouveau régime, à la Constitution? Il serait intéressant de connaître les mesures que le Gouvernement prend pour nommer des femmes aux fonctions diplomatiques. Mme Kapalata recommande l’application de l’article 4 de la Convention à cette fin.

Article 9

41.Mme Kapalata, appuyée par Mme Kuenyehia, dit que malgré l’absence apparente de discrimination entre les hommes et les femmes en ce qui concerne la nationalité, il n’est pas évident que les hommes congolais mariés à des femmes étrangères jouissent des mêmes droits à cet égard.

42.Mme Saiga demande elle aussi également des précisions en ce qui concerne le statut d’un étranger épousant une Congolaise. Devient-il lui-même ressortissant congolais? Elle aimerait une information complémentaire sur la nationalité des enfants. La condition pour l’attribution de la nationalité, « né d’un père né au Congo et d’une mère congolaise » pourrait-elle également se lire « né d’un père congolais ou d’une mère congolaise »?.

Article 10

43.Mme Achmad regrette infiniment que l’État, partie à la Convention depuis 20 ans, ne l’applique pas. La persistance des stéréotypes et d’attitudes discriminatoires, décrites à la section intitulée « les inégalités de fait » et des contraintes dont il est question aux pages 85 et suivantes sont choquantes. La franchise de la délégation à ce propos constitue en revanche une première étape admirable sur la voie de la réforme.

44.Mme Achmad aimerait disposer d’informations complémentaires sur les mesures envisagées par le Gouvernement congolais pour procéder à une réforme du système éducatif. Les statistiques montrent que certains progrès ont été atteints en ce qui concerne l’enseignement des sciences et de la technologie; cela dit, la suppression des stéréotypes vise également le grand public (parents, enseignants, médias, chefs communautaires et agents chargés de l’exécution de la loi) si l’on veut changer les mentalités. Mme Achmad demande si une formation formelle ou informelle est dispensée dans cette optique.

45.M. Flinterman s’inquiète du taux d’abandon scolaire particulièrement élevé chez les étudiantes en droit, notant que les femmes juristes jouent le plus souvent un rôle vital s’agissant de veiller à ce que la législation tienne compte des spécificités de l’un et l’autre sexes. Le Gouvernement congolais prend-il des mesures spécifiques pour faire progresser le nombre d’étudiantes à tous les niveaux du système scolaire, y compris dans les universités, et ce dans le contexte des perspectives énoncées à la page 88 du rapport?

46.Mme Patten, évoquant le taux élevé de grossesses non désirées, la progression des maladies sexuellement transmissibles - et notamment du VIH/sida - et la fréquence de la violence à l’égard des femmes, demande s’il existe des programmes de prise de conscience pour filles et garçons, organisés par l’État. Il serait intéressant de savoir s’il existe des garderies d’enfants et d’autres services d’appui pour les femmes souhaitant poursuivre leurs études, ou de structures souples de formation ou de reprise d’études pour que les femmes puissent à tout moment réintégrer le système scolaire. Évoquant l’écart entre l’abondance des lois sur l’éducation des femmes et la jouissance concrète de ces droits, Mme Patten demande une information sur les mesures spécifiques prises par le Gouvernement pour améliorer les possibilités d’emploi offertes aux jeunes femmes et aux femmes qui réintègrent le marché du travail, ou pour former les femmes ayant peu ou pas de bagage scolaire, les femmes handicapées, les femmes réfugiées et les femmes déplacées.

Article 11

47.Mme Khan trouve fort regrettable que les femmes ne jouissent que d’une manière très limitée de leurs droits fondamentaux dans les domaines du travail, des salaires et des conditions de travail. Après tout, les femmes constituent le pivot de l’économie congolaise, représentant 46 pour cent de la population active, 70 pour cent de la main-d’œuvre agricole et 100 pour cent des personnes qui procèdent à la transformation artisanale des produits agricoles. Les contraintes pesant sur le travail des femmes sont déjà reconnues dans le rapport; y figurent également des suggestions de mesures à prendre. Mme Khan ne donne qu’une recommandation : réformer la législation nationale et l’appliquer immédiatement.

48.Le rapport n’indique pas si le Code du travail ou l’Acte fondamental s’applique aux femmes extrêmement nombreuses à travailler dans le secteur informel, notamment en ce qui concerne leur rémunération et les horaires de travail. Revenant sur la question posée par Mme Kwaku, Mme Khan demande si le Gouvernement a intégré la responsabilité de la promotion des femmes au Ministère de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche parce que les femmes constituent une part tellement importante de la main-d’œuvre agricole. À ce propos, elle se demande si le plan d’action visant l’amélioration de l’agriculture favorise également la promotion des femmes.

49.La délégation devrait faire connaître les mesures à long terme prises pour améliorer la situation des femmes rurales, qui doivent parcourir de longues distances pour aller chercher de l’eau potable et de l’eau pour l’irrigation et qui n’ont aucun accès aux équipements sanitaires. Elle se demande s’il n’y a pas manque de volonté politique d’améliorer la condition de la main-d’œuvre féminine. Les agences correspondantes prennent-elles réellement des initiatives dans ce domaine; les organisations non gouvernementales (ONG) du pays protestent-elles contre l’exploitation de la main-d’œuvre féminine, notamment en ce qui concerne les rémunérations et les avantages sociaux? Enfin, Mme Khan se demande si les femmes vivant en milieu rural ont accès au crédit agricole ou au crédit pour petites entreprises sans avoir à fournir de garanties, puisque les femmes sont si peu nombreuses à posséder des terres en leur nom.

50.Mme Patten, notant que l’État Partie fait valoir que les femmes préfèrent le secteur informel de l’économie, estime qu’étant donné l’accès limité des femmes à l’éducation, leur tendance à intégrer le secteur informel traduit moins une préférence qu’une absence de choix. Elle se demande ce que le Gouvernement en pense et s’il envisagerait de revoir sa politique de l’emploi ou de prendre des mesures visant à renforcer le potentiel de gain des femmes rurales en facilitant leur accès au crédit et aux ressources productives, dont la terre et le capital. Existe-t-il une politique officielle visant à garantir l’égalité des chances aux entrepreneurs hommes et femmes ou à dispenser une formation dans des domaines tels que la technologie, le financement abordable, la production, le contrôle de la qualité, la commercialisation ainsi que les aspects juridiques de la gestion d’une entreprise? Le Gouvernement devrait mettre en place des programmes de vulgarisation dans ces domaines pour les femmes à faible revenu vivant en zone rurale et dans les zones reculées.

Article 12

51.Mme Belmihoub-Zerdani note que les pays en développement sont tous confrontés aux problèmes que sont le manque de planification des familles, la croissance démographique galopante et, inévitablement, la pauvreté. Elle prie instamment l’État Partie de solliciter une aide bilatérale ou multilatérale au développement pour la construction d’une usine de fabrication de contraceptifs pour toute la région. Cette mesure s’alignerait sur le Programme d’action de Beijing, qui invite instamment les pays développés à aider les pays en développement dans le domaine de la promotion des droits des femmes. L’Organisation de la santé (OMS), le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUP), l’Institut international de recherche et de formation pour la promotion de la femme (INSTRAW) et le Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM) pourraient être priés d’affecter des moyens à cette fin. Les femmes retenues pour mobiliser l’appui du public et des médias pour ce projet devront faire preuve de courage et être capables de contester les tabous et de constituer un modèle d’identification pour les autres.

52.Mme Khan, notant que le taux de mortalité maternelle au Congo est un des plus élevés du monde et que l’espérance de vie des femmes est à la baisse, demande si de véritables mesures ont été prises pour assurer des soins de santé primaires à la population. Elle voudrait également savoir si les chiffres de la mortalité maternelle ne font concernent que les femmes mortes de complications lors de l’accouchement ou s’il est également tenu compte des maladies en cours de grossesse, dont le sida. Étant donné le taux de fécondité élevé et le grand nombre de grossesses chez les adolescentes, elle aimerait également savoir si le Congo a envisagé de supprimer l’interdiction de faire de la publicité pour les contraceptifs. Le taux d’avortement, lui, est élevé : ces avortements sont-ils illégaux? Enfin, Mme Khan demande à l’État Partie d’effectuer une enquête nationale sur la santé et d’en examiner les conclusions dans le rapport périodique suivant.

Article 13

53.Mme Kwaku relève que rien n’est dit dans le rapport sur d’éventuels programmes ou projets conçus pour donner un certain pouvoir économique aux femmes; elle se demande si le Ministère chargé de la promotion des femmes va s’y atteler. Le rapport mentionne en revanche la création récente d’une banque pour femmes. Elle voudrait en connaître le nom, savoir si elle existe encore, comment elle fonctionne, si les clients sont effectivement uniquement des femmes et le nombre de femmes auxquels la banque est venue en aide.

Article 14

54.Mme Kwaku voudrait savoir comment les directions régionales pour la promotion des femmes sont établies, leur fonctionnement et si elles aident les femmes rurales à participer à la prise de décisions.

Article 15

55.Mme Kuenyehia s’inquiète de l’absence d’âge minimum pour le prémariage. Elle se demande également les mesures prises pour veiller à ce que les couples de fiancés aient des droits en matière d’héritage. Il serait utile également de savoir les lois en matière d’héritage qui affectent les femmes mariées. Enfin, Mme Kuenyehia se dit troublée d’apprendre qu’au moment du choix du domicile des époux, c’est l’homme qui décide. Il n’y aurait donc égalité ni en droit ni dans les faits.

56.Mme Gnacadja rappelle qu’il existe un Code de la famille au Congo et que la Convention est d’application directe. Selon elle, ces dispositions représentent des avantages considérables par rapport à d’autres pays africains, et il conviendrait d’en faire bon usage. Le Code de la famille a été adopté à l’issue d’une lutte; la nécessité de procéder à des changements est aussi impérative qu’elle l’était à l’époque. Bien qu’un certain travail de sensibilisation s’impose, le Gouvernement devrait tout simplement appliquer les textes : il n’y a pas lieu de craindre de déstabiliser la société.

57.Mme Gnacadja aimerait savoir si les juges appliquent strictement les dispositions juridiques protégeant le droit des femmes, ou s’ils pratiquent volontiers des entorses. À ce sujet, le Congo devrait mener une enquête sur les relations entre le droit et la réalité. Cette enquête aiderait le Gouvernement à déterminer les changements possibles dans le court terme et ceux appelant un effort plus conséquent, par exemple en ce qui concerne la pratique de la polygamie.

58.Mme Kapalata aimerait une information sur les conditions d’obtention du divorce et sur le partage des biens à l’issue du divorce. Elle aimerait également savoir si le Code de la famille prévoit des sanctions à l’encontre d’un mari qui n’obtient pas le consentement de sa première épouse avant d’en prendre une deuxième.

59.Mme Gaspard estime qu’il faut réviser le Code de la famille pour qu’il soit conforme aux dispositions de la Convention. Tel qu’il existe, on y trouve encore des vestiges du Code napoléonien (âge minimum de mariage différent pour les filles et les garçons, les filles pouvant se marier plus tôt; désignation du mari comme chef de famille). Mme Gaspard aimerait également savoir, si tant est qu’elles existent, les obligations des parents envers leurs enfants au cas où le prémariage se termine par une séparation. Enfin, elle voudrait savoir si la polygamie est reconnue par la loi, ou simplement tolérée. Étant donné que la polygamie est contraire à la Convention, le Gouvernement a la responsabilité d’en abolir la pratique et de l’interdire par une loi.

60.Mme Gnacadja se demande si le consentement à la polygamie doit intervenir par écrit ou simplement oralement.

61.Mme Gonzalez dit qu’il est manifeste que le Code de la famille ne protège pas le droit des femmes en vertu des articles 15 et 16, et qu’aucune mesure n’est prévue pour modifier cette situation. Elle comprend bien que le Congo connaît de graves problèmes qui affectent le développement, la sécurité et le maintien de la paix. Le pays ne peut toutefois sortir de ces problèmes si les femmes se voient refuser une participation égale à la vie sociale. Pour ne citer qu’un exemple parmi tant d’autres, elle se demande pourquoi les veuves n’ont aucun droit à la propriété ou à une pension. Il serait bon d’en savoir plus sur la volonté politique du Gouvernement de s’attaquer à la discrimination qui sévit.

62.Mme Saiga demande quelles mesures à court terme le Congo prend pour fixer un âge minimum pour le prémariage et pour que les lois en matière d’héritage s’appliquent à de telles unions.

63.Mme Kwaku fait valoir que d’après le rapport l’État Partie est bel et bien conscient que le prémariage est contraire aux dispositions de la Convention. Il y est dit que l’on envisage de fixer l’âge minimum pour ce genre d’union à 18 ans. Elle voudrait savoir si cette mesure s’appliquerait aux garçons comme aux filles. En plus, elle voudrait savoir dans quelles conditions le procureur peut déroger à l’âge minimum de mariage.

64.Mme Adouki (Congo) veut bien expliquer les nombreuses raisons pour lesquelles le Congo n’a pas soumis de rapport au Comité depuis les 20 ans qu’il est partie à la Convention. Remerciant les membres de leur questionnements et de leur intérêt, elle fait savoir que la délégation sera contente de répondre aux questions à une séance ultérieure.

La séance est levée à 17 h 45.