Trente-sixième session

Compte rendu analytique de la 740e séance (Chambre A)

Tenue au Siège, à New York, le mardi 8 août 2006 , à 15 heures

Président :Mme Schöpp-Schilling (Vice-Présidente)

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 18 de la Convention (suite)

Cinquième et sixième rapports périodiques combinés de Cuba (suite)

En l’absence de Mme Manalo, Mme Schöpp-Schilling, Vice-Présidente, prend la Présidence.

La séance est ouverte à 15 heures.

Examen des rapports soumis par les États partiesen application de l’article 18 de la Convention (suite)

Cinquième et sixième rapports périodiques combinés de Cuba (suite) (CEDAW/C/CUB/5-6; CEDAW/C/CUB/Q/6 et Add.1)

À l’invitation de la Présidente, les membres de la délégation de Cuba prennent place à la table du Comité.

Articles 7 à 9

M me Coker-Appiah félicite le Gouvernement cubain de ses efforts en vue d’améliorer la situation des femmes à Cuba et en particulier des progrès réalisés dans le domaine de la participation des femmes à la vie politique et publique. Toutefois le paragraphe 277 du rapport (CEDAW/C/CUB/5-6) laisse entendre que les stéréotypes discriminatoires continuent d’exister. Dès lors elle demande des renseignements supplémentaires sur les mesures prises pour les éradiquer.

Si un nombre significatif de femmes sont employées dans le secteur public à Cuba, les études réalisées dans différents pays ont montré que la participation accrue des femmes dans des secteurs non traditionnels tend à dévaloriser les professions en question et éventuellement à faire baisser les salaires. Elle aimerait savoir comment l’État partie envisage de lutter contre ce phénomène.

M me Gaspard dit que si l’Union interparlementaire a placé Cuba au septième rang dans le monde s’agissant de la participation des femmes à l’assemblée parlementaire, il est surprenant que peu de femmes soient impliquées dans la politique locale. En vertu de l’article 4 de la Convention, il serait possible d’adopter des mesures spéciales temporaires visant à accélérer l’égalité de facto entre les femmes et les hommes afin de remédier à la situation. Elle se demande si le Gouvernement envisage de prendre de telles mesures à l’échelon local.

S’agissant de l’article 8 de la Convention, elle reconnaît les progrès réalisés par l’État partie au vu de l’augmentation du nombre de femmes occupant des postes de cadres dans la fonction publique mais elle note que seulement 13,7 % des ambassadeurs du pays sont des femmes. Des mesures ont-elles été prises pour remédier à cette situation?

M me Saiga dit que le rapport ne fournit pas de renseignements adéquats sur les dispositions prises pour conférer la nationalité cubaine aux enfants nés d’un père et d’une mère étrangers. Elle aimerait des éclaircissements à cet égard.

M me Simms demande si aux termes de la Constitution de Cuba il est possible qu’une femme devienne Présidente.

M. Moreno (Cuba), répondant aux questions posées par le Comité, souligne que les efforts en vue d’éliminer la discrimination à l’égard des femmes à Cuba sont déployés depuis une période relativement courte - 47 ans pour être précis - et que, si des progrès considérables ont été réalisés, les changements culturels nécessaires pour renverser les préjugés profondément ancrés dans la société demandent du temps.

S’agissant de la féminisation et de la dévalorisation subséquente de certaines professions, c’est l’utilité sociale globale de ces professions qui est le premier facteur déterminant de leur valeur, plutôt que le sexe auquel appartiennent les salariés. Le Ministère des affaires étrangères est très au fait de la nécessité d’accroître le nombre de femmes employées dans les services extérieurs et a pris un certain nombre de dispositions à cet effet. En réalité, sur les 29 ambassadeurs nommés en 2006, 11 sont des femmes. Enfin, si l’élection d’une femme à la Présidence est certainement possible, il est très peu probable que cela se fasse dans un proche avenir.

M me Martínez Pití (Cuba) dit que, si des mesures significatives ont été prises pour promouvoir la pleine participation des femmes dans la vie publique et politique, il reste encore beaucoup à faire. La promotion des femmes dépend uniquement de leur niveau d’éducation et il faut les encourager à s’engager dans des filières non traditionnelles, telles que l’industrie du fer et de l’acier ou encore le secteur des transports.

Elle reconnaît l’importance de la participation des femmes aux processus décisionnels à tous les échelons et souligne que le Conseil, l’organe décisionnaire le plus élevé du pays pendant les périodes entre les sessions législatives, se félicite de compter cinq femmes parmi ses membres. Toutefois, bien que des progrès aient été réalisés à l’échelon local, il est clair que d’autres efforts doivent être engagés pour accroître le nombre de femmes dans les conseils municipaux. S’agissant des mesures spéciales temporaires, une décision a récemment été prise afin qu’il y ait au moins une candidate à chaque nomination à un poste de haut niveau du Conseil des ministres.

M me Ferrer Gómez (Cuba) souligne qu’à la suite des élections municipales de 2005, le pourcentage de femmes déléguées dans les conseils municipaux est passé de 23,37 % à 28,19 %.

M me González Ferrer (Cuba), répondant à la question posée par Mme Saiga, dit qu’aux termes de l’article 29 de la Constitution, tous les enfants nés sur le territoire national sont considérés comme des citoyens cubains de naissance, à l’exception des enfants d’étrangers au service de leur Gouvernement ou d’une organisation internationale. La Loi relative à la citoyenneté donne davantage de détails sur l’acquisition de la nationalité.

Articles 10 à 14

M me Šimonović rappelle qu’aux termes de la Loi de 2003 relative à la maternité des travailleuses, les familles peuvent décider quel parent prendra le congé postnatal avec le versement de 60 % du salaire. Si elle félicite l’État partie de l’adoption de cette Loi, elle le prie instamment de collecter des données afin de déterminer si ce sont les hommes ou les femmes qui sont le plus susceptibles de profiter de cette opportunité. Malheureusement, étant donné que les salaires des hommes sont généralement plus élevés, elle soupçonne que davantage de femmes que d’hommes restent à la maison pour éviter une diminution drastique du revenu familial. Pour cette raison la législation stipulant spécifiquement un congé de paternité semble être un moyen plus efficace d’encourager les hommes à rester à la maison avec leurs enfants.

Elle est préoccupée du fait que l’avortement devienne une forme acceptée de contrôle des naissances à Cuba, même si le Programme d’action de Beijing a souligné que l’avortement ne doit pas être pratiqué à cet effet. Elle demande alors quelles mesures ont été prises par le Gouvernement cubain pour lutter contre ce phénomène.

M me Simms remercie la délégation des statistiques relatives aux femmes ayant un niveau élevé d’éducation, mais elle se demande si le contenu des programmes scolaires cubains est adapté pour changer les attitudes à l’égard des femmes, par exemple faire comprendre aux garçons que l’enseignement est une carrière intéressante pour un homme. Les positions stéréotypées à l’égard de la masculinité doivent être combattues aussi bien dans les établissements scolaires qu’à la maison, et les hommes ont besoin d’être présentés comme des modèles et non pas seulement comme des figures autoritaires à la maison et sur le lieu de travail.

La Présidente, parlant en tant que membre du Comité, félicite la délégation de Cuba d’être consciente de l’importance de l’interaction enseignant-élève, mais elle demande davantage de renseignements spécifiques, s’agissant de l’article 11, sur la différence de rémunération entre les hommes et les femmes dont il faut bien convenir qu’elle reste faible. La délégation a parlé de salaire égal pour un « travail égal » alors que le texte de la Convention parle de salaire égal pour un « travail de même valeur ». Elle se demande comment Cuba définit ce qu’elle appelle la « valeur sociale » des différents métiers. Si Cuba a échappé à la tendance si souvent observée dans d’autres pays, à savoir que les secteurs à dominance féminine souffrent d’une baisse de considération et de rémunération, il convient alors de diffuser son expérience au-delà des frontières comme un exemple à suivre. Elle demande également une définition plus explicite de que signifient les termes de « professions techniques ».

M me Saiga s’enquiert des réactions des collègues de travail si un homme demande à pendre son congé de paternité.

M me Enríquez Charles (Cuba), répondant aux questions relatives à l’article 11, souligne qu’au titre du Code de la famille de 1975, les mères et les pères ont l’égalité de la responsabilité à l’égard de la garde des enfants. La possibilité de prendre un congé de paternité tout comme un congé de maternité fait partie de la politique cubaine visant à pleinement intégrer les hommes et les femmes dans la vie de la société. Quant aux différences de rémunération, les niveaux de salaire dépendent des fonctions occupées et non pas du sexe de la personne qui les assume. Les statistiques montrent que les femmes gagnent légèrement moins parce qu’elles sont plus souvent absentes du travail, par exemple pour s’occuper d’un enfant malade, et non pas parce qu’elles sont moins payées. Le prochain rapport de Cuba inclura davantage de détails sur les structures salariales : si les hommes et les femmes sont égaux, les emplois ne le sont pas; par exemple un scientifique n’est pas un travailleur agricole. Les emplois « techniques » constituent l’une des 5 catégories d’emploi à Cuba, chacune ayant ses propres caractéristiques.

M me Santana (Cuba), revenant sur l’avortement, assure le Comité que les recommandations qu’ils a formulées en 2000 ont été examinées avec beaucoup de sérieux, non seulement par le Ministère de la santé publique mais également par le pays dans son ensemble. Tous les avortements sont pratiqués par des spécialistes dans des établissements de santé agréés; le nombre d’avortements pour 1 000 naissances est passé de 23 en 2000 à 19 en 2005. Toutefois il n’en demeure pas moins ce que cela reste un problème, auquel le pays répond de deux manières : sensibiliser les femmes et leurs partenaires à leur responsabilité face à la question de la grossesse et informer aussi bien les hommes que les femmes, notamment dans les groupes à haut risque, que l’avortement est une intervention qui n’est pas sans risque et qui n’est en aucun cas un moyen de contrôle des naissances. Les moyens contraceptifs sont utilisés par 77,1 % de la population concernée, un chiffre qui pourrait être amélioré si les contraceptifs offerts étaient de meilleure qualité. L’objectif des autorités est de réduire l’usage des DIU (dispositifs intra-utérins) à 30 ou 35 %, et d’augmenter le nombre des vasectomies (actuellement 1 %) et celui des utilisateurs de contraceptifs par voie interne.

M. Fraga (Cuba) dit que l’avortement n’est pas le premier moyen de contrôler les naissances à Cuba et qu’en 2005, seules 2 femmes sont décédées de complications post-avortement.

M me Moya Richard (Cuba) souligne l’importance du contexte dans l’analyse des statistiques. Si, dans de nombreux pays, les hommes ne prennent pas de congé de paternité en raison des conséquences sur les revenus de la famille, à Cuba c’est souvent la femme qui est le principal soutien de famille, donc si les hommes ne profitent pas eux-mêmes de l’opportunité offerte, c’est pour des raisons différentes. Il existe un autre stéréotype qui ne s’applique pas à Cuba : si dans beaucoup de pays la féminisation d’un secteur aboutit à une baisse en termes de rémunération et d’image, à Cuba ce sont les filières innovantes telles que la biotechnologie et l’informatique qui sont en train de se féminiser.

M me Martínez Pití (Cuba), revenant sur le sujet de l’éducation, dit que 40 % des enseignants de l’école primaire cubaine sont des hommes et que la population de Cuba dans son ensemble bénéficie d’un haut niveau d’éducation. On dénombre plus de 1 000 écoles rurales isolées avec 5 élèves ou moins encore, un signe explicite de l’engagement du pays à offrir une éducation à tous ses citoyens. Les écoles primaires ont un effectif maximal de 20 élèves par classe, et les écoles intermédiaires un maximum de 15. S’agissant de l’enseignement supérieur, on compte 938 institutions municipales pour 233 000 étudiants. L’une des initiatives pédagogiques dont Cuba se félicite le plus est cependant la méthode d’alphabétisation intitulée « Yo sí puedo » (oui je peux) développée par une Cubaine et utilisée avec succès par plus de 5 millions de personnes dans toute l’Amérique latine et les Caraïbes.

M. Moreno (Cuba) ajoute que la méthode est tellement flexible qu’elle a été adaptée à l’apprentissage du créole à Haïti, de différents langages africains et du maori en Nouvelle Zélande.

M. Fraga (Cuba) dit que l’une des raisons expliquant que la majorité des enseignants du primaire soit des femmes est qu’elles sont traditionnellement considérées comme des enseignants plus aptes à exercer cette activité. S’agissant du salaire, il souligne que les augmentations de salaire 2004-2005 ont commencé dans l’éducation et la santé, deux secteurs à dominance largement féminine de l’économie cubaine. Les femmes représentent 64 % des enseignants dans les classes intermédiaires et la majorité des directeurs d’écoles primaires. À Cuba, environ 81 % des enseignants en section d’éducation spécialisée sont des femmes.

M me Ferrer Gómez (Cuba), répondant à la question de Mme Saiga sur la réaction des collègues sur le lieu de travail si un homme demande à prendre un congé de paternité, reconnaît que le changement des comportements traditionnels demande du temps. Si le souhait d’un père d’être présent aux côtés de son enfant hospitalisé ou d’assister à une réunion de parents d’élèves à l’école est accepté depuis longtemps, le congé de paternité et un phénomène plus récent et il faut encore s’employer à sensibiliser la société au fait qu’il s’agit également d’un droit fondamental des pères.

M me Santana (Cuba) dit que l’État cubain a décidé de verser des salaires aux personnes qui peuvent s’occuper sur le long terme de personnes âgées ou handicapées. En permettant aux membres d’une famille de recevoir un salaire décent pour s’occuper des membres de leur famille âgés ou handicapés, cette décision promeut l’intégration sociale et le développement culturel des hommes et des femmes.

M me Tan félicite Cuba de sa réforme agricole à grande échelle mais elle se demande si les comportements liés au patriarcat empêchent les femmes d’avoir accès dans les mêmes conditions que les hommes à la terre, au crédit et à l’assistance technique ainsi qu’à la formation. Selon le rapport, les femmes représentent seulement 9,3 % de tous les propriétaires individuels de fermes ou de terres. Pourquoi ce pourcentage est-il si bas? Elle demande à la délégation de faire précisément état de statistiques ou de plaintes connues de la Fédération des femmes cubaines, du Gouvernement ou d’autres organisations, qui sont concernés par l’accès des femmes à la terre et aux services connexes. Si aucune étude n’existe encore pour recueillir ces informations, elle souhaite savoir quand le Gouvernement envisage de s’atteler à cette tâche.

Le rapport établit que tous les travailleurs de l’industrie sucrière peuvent suivre des formations et recevoir une éducation, et que l’État leur garantit l’intégralité de leurs rémunérations et de leurs droits. Cela signifie-t-il que l’État les paie durant les périodes de formation? Elle aimerait également savoir si les femmes et les filles rurales extérieures à l’industrie sucrière peuvent bénéficier d’une assistance technique et d’une formation selon les mêmes modalités et, le cas échéant, quel pourcentage de ces femmes a participé à des formations.

Enfin, elle serait curieuse de savoir si les femmes et les filles rurales ont des emplois mieux payés et davantage de chances de promotion du fait de ces formations ou si les préjugés culturels constituent toujours une entrave à ces opportunités économiques. Si tel est le cas, quelle est la nature de ces préjugés et que fait le Gouvernement pour les combattre?

M me Zou s’interroge sur l’ampleur de la pauvreté chez les femmes rurales; elle se demande si des politiques de réduction de la pauvreté sont mises en œuvre pour les aider; si elles bénéficient des services de soins de santé et de planification familiale garantis au chapitre II de la Constitution, et s’il leur est facile d’avoir accès à ces services.

Elle aimerait également que la délégation explique comment les femmes rurales deviennent membres d’une coopérative. Selon le rapport, celles qui offrent de la terre peuvent être membres d’une coopérative ainsi que leurs conjoints, leurs enfants et d’autres membres de la famille. À un autre endroit toutefois, le rapport semble laisser entendre qu’il existe une limite quant aux femmes qui deviennent membres d’une coopérative. Elle aimerait savoir si l’appartenance des femmes rurales à une coopérative est soumise à des critères spécifiques et connaître les bénéfices qui résultent du fait d’être membre d’une coopérative.

M me Simms dit que l’industrie sucrière est très symbolique en raison de l’histoire des plantations et des esclaves essentiellement africains. Si 47 ans n’ont pas suffi pour briser les stéréotypes sexuels ou raciaux, elle se demande si ces stéréotypes ont changé de manière significative sous le Gouvernement actuel.

Elle déplore l’absence de données sur les femmes cubaines de descendance africaine et espère que le prochain rapport présentera l’interface race-sexe, avec une attention particulière pour les zones rurales, les changements intervenant dans le secteur agricole et l’accès aux coopératives. Il est très important que les femmes rurales puissent gagner leur vie afin de ne pas devoir migrer vers les centres urbains. Elle demande quelles sont les mesures spéciales qui ont été prises pour les femmes rurales, notamment celles qui sont d’origine afro-caraïbe.

M. Moreno (Cuba) dit que le rapport n’établit pas de différence entre les femmes de descendance africaine et les autres femmes parce qu’il n’y a aucune différence. Cuba a encore un long chemin à parcourir pour éliminer la discrimination raciale, mais un long chemin a déjà été parcouru. Il n’existe aucune discrimination à ce titre à Cuba. La discrimination raciale a diminué beaucoup plus vite que la discrimination fondée sur le sexe, essentiellement parce quelle était beaucoup plus vive au moment de la Révolution.

M. Fraga (Cuba) dit que la population rurale représente 24 % de l’ensemble de la population. La première réalisation des Espagnols en Amérique latine a été la construction de villes; dès lors, Cuba est avant tout un pays urbain. Et conséquence de son capital humain considérable, Cuba est devenue une économie de service, après de nombreuses années d’économie agricole.

La pauvreté est une notion relative et il l’associe avant tout à une absence d’opportunités, tant pour les hommes que pour les femmes. À Cuba, les opportunités sont les mêmes.

Il n’existe aucune discrimination concernant l’accès aux services de planification familiale. En fait, selon les études nationales relatives à la fécondité menées dans les années 90, l’usage de contraceptifs est plus élevé chez les femmes rurales, alors que le taux d’avortement est plus élevé chez les femmes urbaines. C’est la raison pour laquelle Cuba a socialisé son système de soins de santé d’abord dans les zones rurales. Des médecins ont été envoyés dans ces zones rurales, apportant avec eux la culture de l’usage de contraceptifs.

Environ 10 % de la population est d’origine africaine et environ 25 % est métissée.

Enfin il offre quelques données spécifiques à la durée de scolarisation à Cuba, ventilées par sexe et par zone rurale/urbaine, afin de montrer les progrès réalisés dans l’élimination de la pauvreté et l’amélioration de l’éducation et des soins de santé. Les taux sont extrêmement positifs pour un petit pays qui a été soumis à un embargo si long, même dans les zones rurales. Le défi est d’amener les zones rurales au même niveau que les zones urbaines.

M me Columbié Matos (Cuba) dit que la première personne à avoir bénéficié de la propriété de terres en vertu de la Loi relative à la réforme agraire en 1959 a été une femme noire d’origine caraïbe. Aux termes de ladite Loi les terres ont été retirées aux gros propriétaires terriens et redistribuées entre les paysans qui travaillaient sur ces terres. Les hommes et les femmes bénéficient des droits de succession, y compris en ce qui concerne les terres. Toutefois la plus grande partie des terres est détenue par l’État.

En vertu de la législation pertinente, les femmes ont en effet le droit de faire partie de coopératives de production agricole et de coopératives de crédit et de service si elles possèdent des terres et souhaitent l’offrir aux autres membres de la coopérative. Les coopératives de production agricole sont des copropriétés; dans le cas des coopératives de crédit et de service toutefois, la terre reste une propriété individuelle mais le travail et le fruit des récoltes sont partagés. Tout membre d’une coopérative a droit à une assistance technique.

S’agissant de la pauvreté dans les zones rurales, elle fait état du Plan Turquino pour le développement des zones montagneuses de Cuba. Les femmes jouissent des pleins droits au titre des différents programmes du Plan, y compris l’accès à l’assistance médicale, aux services sociaux et aux installations de loisirs. Enfin, en raison de leur difficile situation économique, les populations qui vivent dans les régions de production sucrière, dont beaucoup sont d’origine africaine, bénéficient de programmes d’éducation et de formation.

Articles 15 et 16

M me Bokpé-Gnacadja exprime son admiration pour les efforts de Cuba en vue de mettre en œuvre la Convention. Certains pays qui connaissent une situation économique et politique comparable ont pu mettre en avant leurs difficultés comme excuse pour remettre à plus tard leurs efforts de promotion de la femme. Partant, toutes les préoccupations qu’elle exprime sont formulées dans un esprit d’encouragement de faire mieux encore à l’avenir.

Elle note que le Code de la famille a fixé l’âge minimum du mariage à 18 ans, mais que l’âge peut être abaissé à 16 ans pour les garçons et à 14 ans pour les filles en présence de certaines circonstances. Elle demande ce que sont ces circonstances et pourquoi des âges minimum différents ont été spécifiés pour les garçons et les filles. Les dispositions de cette nature sont généralement fondées sur la croyance erronée, qui s’appuie sur une soi-disant différence de développement physique entre les garçons et les filles, selon laquelle les filles sont mûres pour le mariage bien avant les garçons. Le rapport mentionne bien qu’une condition préalable au mariage est l’expression d’un consentement, mais une fille de 14 ans n’est pas encore en mesure d’exprimer librement et en toute responsabilité une volonté de contracter un mariage et d’assumer toutes les responsabilités qui y sont associées.

Sa deuxième préoccupation vient du besoin urgent, mentionné dans le rapport, d’établir des Chambres spécialisées dans le droit de la famille dans les tribunaux. Compte tenu de la non-existence de tribunaux de la famille, elle demande comment il est remédié à cette lacune et comment les conflits familiaux sont résolus.

Enfin elle s’enquiert de l’influence persistante de la culture patriarcale et des stéréotypes dans le mariage. Elle demande notamment comment la culture patriarcale influe sur la mise en œuvre du seul arrangement économique autorisé dans le mariage, à savoir la propriété conjointe des biens de la communauté? Les femmes agissent-elles réellement comme les administrateurs des biens communautaires avec la même liberté que les hommes?

M me Coker-Appiah revient également sur la question de la communauté des biens, demandant ce qui se passe à cet égard dans le cas d’un divorce par consentement mutuel. Elle demande si la Loi indique comment ces biens doivent être répartis et si cette répartition est contrôlée par les tribunaux. De même, si un conjoint n’a pas d’activité rémunérée et que le mariage est rompu, quels sont les droits dont dispose ce conjoint à l’égard des biens acquis? Enfin elle demande si des renseignements peuvent être fournis sur quelques-unes des raisons de l’augmentation apparente de nombre de cas de divorce à Cuba.

M me Tan revient sur les rapports relatifs à l’augmentation du nombre de femmes assassinées et agressées à Cuba. En particulier elle a lu un rapport sur Internet selon lequel 16 femmes ont été assassinées et 20 autres blessées dans une petite ville. Elle demande s’il y a eu une augmentation des incidents liés à la violence dans la famille et demande combien de cas de telle violence ont été examinés aux termes de la Loi actuelle et des amendements proposés au Code de la famille et au Code pénal. La définition de la violence dans la famille intégrée dans les amendements aux Codes inclura-t-elle l’intimidation, le harcèlement permanent, l’entrave à la volonté de la victime ou la traque? Elle demande également quels sont les mécanismes juridiques à la disposition des femmes et des filles pour obtenir une protection par rapport à la violence qui semble pouvoir s’exercer contre elles, même si elles n’ont pas encore été victimes de violence. Elle demande également s’il existe des dispositions juridiques permettant aux tribunaux d’ordonner des consultations ou une rééducation obligatoires pour les auteurs de violence contre les femmes et les filles.

M. Moreno (Cuba) souligne qu’un nombre si élevé de meurtres dans une telle petite ville aurait été un scandale à l’échelon national, mais que lui, membre du Gouvernement, n’a jamais entendu parler d’un seul de ces meurtres. Il met en garde contre le fait de croire tout ce que rapportent les médias, particulièrement lorsque cela vient de sources voulant déformer la situation à Cuba.

M me González Ferrer (Cuba) confirme ce qui a été dit sur les différences d’âge du mariage. L’une des propositions les plus importantes pour amender le Code de la famille, actuellement au stade final de discussion et d’élaboration, est de fixer l’âge de ces autorisations exceptionnelles de mariage à 16 ans pour les deux sexes, pour les raisons avancées plus haut : à 14 ans une fille n’est ni biologiquement ni psychologiquement prête à se marier et à fonder une famille. Il convient de rappeler qu’avant la promulgation du Code de la famille actuel de 1975 l’âge minimum du mariage en présence de circonstances exceptionnelles était de 12 ans pour les filles.

Actuellement, les affaires ou les conflits familiaux relèvent de la Loi relative aux procédures civiles, administratives et du travail. Les autorités envisagent d’établir soit une Loi séparée soit une section spéciale dans cette Loi pour couvrir les affaires spécifiquement familiales. Elles envisagent également d’établir des Chambres spécialisées en droit familial, dans lesquelles les juges pourront suivre la formation requise pour traiter les délicates affaires de famille. Les détails techniques de ce projet sont actuellement en cours d’étude par une commission spéciale.

L’accord sur les biens de la communauté est applicable lorsque le mariage est officiel et il reste en vigueur jusqu’à la dissolution éventuelle du mariage. La Loi prévoit alors la séparation de biens entre les biens personnels et les biens de la communauté, et elle autorise une période d’un an durant laquelle le couple divorcé peut déterminer ce qu’il fera des biens de la communauté. Dans le cas spécifique du domicile, la Loi générale relative au logement prévoit que même si la propriété du domicile est assignée au mari, il n’a pas le droit d’en expulser son ex-femme si elle a des enfants mineurs.

S’agissant de la pension alimentaire, l’article 56 du Code de la famille stipule que lorsque les époux ont vécu ensemble pendant plus d’une année, ou ont eu des enfants pendant le mariage, le tribunal, au prononcé du divorce, ordonnera qu’une pension alimentaire soit versée à celui des époux qui n’a pas d’emploi rémunéré ou de moyens de subsistance.

M me Gaspard observe que le taux de naissance à Cuba est très bas, 1,6 enfant par femme, et demande comment on en est arrivé là et si les femmes et les couples de Cuba ont autant d’enfants qu’ils le souhaiteraient.

M. Moreno (Cuba) dit qu’il y voit un lien entre le niveau de développement d’un pays et son taux de naissance.

M. Fraga (Cuba) dit que de nombreuses études ont été conduites sur cette question à Cuba qui est pratiquement le seul pays en développement dont le taux de naissance soit en dessous du seuil de remplacement depuis 1978. La situation présente de multiples aspects et trop de complexité pour être examinée ici de manière exhaustive compte tenu du temps qui nous reste, mais le faible taux de naissance n’est certainement pas en relation avec une quelconque situation de crise des femmes cubaines. Selon lui, les raisons tiennent plutôt à l’éducation, à la santé et à la sécurité sociale, mais surtout à la promotion des femmes à Cuba. Les femmes autonomes et mieux éduquées sont davantage susceptibles d’utiliser des moyens contraceptifs afin de décider du nombre d’enfants et de l’espacement entre eux qu’elles souhaitent.

La séance est levée à 17 heures.