Trente et unième session

Compte rendu analytique de la 659e séance

Tenue au Siège, à New York, le jeudi 15 juillet 2004, à 15 heures

Président :Mme Açar

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention ( suite)

Cinquième rapport périodique de la République dominicaine (suite)

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Cinquième rapport périodique de la République dominicaine (suite) (CEDAW/C/DOM/5, CEDAW/BSWG/2004/II/CRP.1/Add.2 et CEDAW/BSWG/2004/ II/CRP.2/Add.1)

À l’invitation de la Présidente, les membres de la délégation de la République dominicaine prennent place à la table du Comité.

La Présidente invite les membres du Comité à reprendre leurs questions et leurs observations.

Articles 10 à 14

M me Khan note que 35 % des personnes porteuses du VIH ou atteintes du sida en République dominicaine sont des femmes et qu’un pourcentage élevé de jeunes femmes est victime de maladies sexuellement transmissibles, situation qui est le résultat direct de la discrimination qui s’exerce à l’égard de leur sexe – du fait que les femmes n’ont pas accès à l’information, de l’incapacité où elles sont de faire accepter un rapport sexuel sans danger et de leur exposition à la violence et à la prostitution. Dans ses conclusions finales sur le précédent rapport de l’État partie, le Comité soulignait la nécessité de multiplier les actions d’éducation sexuelle pour les garçons et pour les filles et de revoir les textes de loi relatifs aux droits sexuels et génésiques, notamment en ce qui concerne l’avortement, la planification familiale et la lutte contre la propagation du VIH/sida. Mme Khan aimerait des informations concernant les mesures que prennent les pouvoirs publics à cet effet.

Selon des informations émanant de sources diverses, le test de dépistage du VIH/sida est exigé pour obtenir un emploi dans le tourisme et la zone franche et il faut en plus, dans celle-ci, se soumettre à un test de grossesse. On aimerait que la délégation dise si une discrimination pour cause de grossesse est illégale. Le Code du travail ne dit rien de précis sur ce point.

M me Ferrer Gómez dit que le fait que la population active du pays compte 42,8 % de femmes de plus de 10 ans (CEDAW/BSWG/2004/II/CRP.2 /Add.1) ne cadre pas avec les initiatives d’éradication du travail des enfants. Il serait utile de connaître l’âge minimum qu’il faut avoir en République dominicaine pour travailler ainsi que les conclusions chiffrées de l’enquête nationale sur le travail des enfants. On aimerait aussi savoir ce que font les pouvoirs publics pour protéger le très fort pourcentage de femmes sans emploi (près de trois fois plus élevé que celui des hommes), pour leur trouver d’autres sources de revenu et pour remédier à la disparité entre les hommes et les femmes. Il est déconcertant d’apprendre que le Ministre du travail déclare ne pas connaître les raisons de cette disparité ni les mesures qui sont prises pour y remédier. Mme Ferrer Gomez aimerait recevoir des explications de la forte chute de l’emploi dans le secteur du tourisme (dont les employés comptent 50 % de femmes) entre 2002 et 2003 (CEDAW/BSWG/2004/II/CRP. 2/Add.1) et savoir quels secteurs sont gros employeurs de femmes dans la zone franche. Compte tenu du fait que l’on continue à refuser d’engager et à licencier des femmes enceintes, à exiger des demandeuses d’emploi qu’elles se soumettent à un test de grossesse, des risques professionnels, de la faiblesse des salaires et du harcèlement sexuel dans la zone franche, il serait bon de savoir si les pouvoirs publics y contrôlent les conditions de travail et ce qu’ils font pour les améliorer.

Enfin, Mme Ferrer Gomez souhaite être informée des initiatives qui sont prises pour faire connaître les droits des employés de maison, dont 97 % sont des femmes.

M me Morvai ajoute que, par définition, les droits sont à appliquer, et elle demande si l’État partie a des inspecteurs du travail. Si les droits du travail ne sont appliqués qu’à la discrétion de l’employeur et s’ils sont pratiquement inconnus des 7 000 femmes engagées comme employées de maison, ce ne sont pas là des droits.

On peut aussi se demander si l’on peut classer la prostitution comme travail. L’expérience professionnelle accroît normalement la valeur du travailleur sur le marché du travail, mais il ne fait pas de doute que les 35 000 jeunes prostitués que compte la République dominicaine sont bien plus demandés que leurs homologues d’un certain âge ou d’un âge encore plus avancé. On voit mal aussi comment un syndicat de 500 membres peut représenter comme il convient les 150 000 prostitués du pays et la question se pose aussi de savoir si les 7 000 employés de maison ont leur propre syndicat et, s’il y en a un, quelle en est l’efficacité.

M me Coker-Appiah craint que soient exclues des services de dépistage précoce du cancer cervical et du cancer de l’utérus dispensés dans le cadre du sous-programme de soins maternels et périnatals les femmes qui ne sont plus à l’âge d’avoir des enfants ou qui n’en ont pas (CEDAW/PSWG/2004/II/CRP.2/Add.4, réponse à la question 29). Comment ces femmes peuvent-elles se voir assurer l’accès à ces services?

M me Šimonović dit qu’il est regrettable que la délégation n’ait pas pu renseigner les membres du Comité sur les conditions de travail et la discrimination salariale dans la zone franche et que les préoccupations déjà exprimées par le Comité lors de l’examen du précédent rapport de l’État partie n’aient pas été dissipées. Soulignant qu’il est interdit en vertu de l’alinéa a) du deuxième paragraphe de l’article 11 de la Convention de licencier une femme pour cause de grossesse, elle demande s’il est prévu des sanctions appropriées, y compris des amendes, pour décourager cette pratique. Elle se demande aussi si les travailleuses et les demandeuses d’emploi savent comment s’y prendre pour porter plainte pour cause de discrimination à l’égard de leur sexe.

M me Balcacer (République dominicaine) dit, en réponse aux questions des membres du Comité, que le VIH/sida touche environ 1 % de la population, que son Gouvernement est extrêmement inquiet à l’idée que l’infection pourrait s’étendre et que des mesures à grande échelle sont mises en place par des organismes d’État ainsi que par des entités non gouvernementales pour instruire les jeunes, les hommes et les femmes et les professionnelles du sexe sur les précautions à prendre à cet égard. Le Secrétariat d’État à l’éducation a entrepris d’inscrire l’éducation sexuelle aux programmes des écoles et les grands hôpitaux de province dispensent conseils, soins et soutien aux femmes, et en particulier aux femmes enceintes, qui sont porteuses du VIH ou qui sont atteintes du sida. Le Secrétariat l’État à la santé publique prend, lui aussi, des mesures spéciales de distribution de médicaments aux secteurs pauvres de la population.

M me Diaz (République dominicaine) dit que la protection de la maternité est garantie à la fois par la Constitution et par le Code du travail. Les plaintes pour cause de discrimination fondée sur le sexe peuvent être entendues par le Secrétariat d’État au travail, qui veille au respect de la législation relative à la maternité. L’employeur est tenu de payer six mois de salaire (représentant les trois mois d’avant et les trois mois d’après la naissance) d’indemnisation pour atteinte à la législation.

Le Secrétariat d’État au travail ne ménage aucun effort pour mettre une fois pour toutes fin au travail des enfants. En prenant pour base de son action l’enquête nationale et les questionnaires, il met en œuvre cinq programmes qui visent à éradiquer le travail des enfants, dont un programme réalisé avec la participation de l’Organisation internationale du travail (OIT) dans la municipalité de Constanza, dans le cadre duquel 456 enfants ont pu être arrachés à des plantations, et un projet de formation pour des enfants arrachés à des plantations de riz dans la province de Duarte. Éducation, conseils et, dans la province de Duarte, une petite somme d’argent en compensation pour perte de revenu subie ont été fournis aux familles dans le but d’éradiquer cette pratique invétérée.

Bien que le Secrétariat d’État au travail ait établi un salaire minimum applicable aux deux sexes, la réalité est que ce qui se passe dans le secteur privé lui échappe; toutefois, sa division de l’égalité des sexes organise des campagnes de sensibilisation à la question. En réponse à une autre question, Mme Diaz dit que l’emploi dans le secteur du tourisme a chuté à la suite des attaques du 11 septembre 2001. Le Gouvernement et le Secrétariat d’État au travail sont au courant des nombreuses violations aux règles d’hygiène et de santé dont se rend coupable la zone franche et les employeurs délinquants se voient infliger une amende.

Le harcèlement sexuel sur le lieu de travail n’entre pas dans le champ d’application du Code du travail de 1992. La loi no 2497 de 1997 permet aux femmes de porter plainte devant le Secrétariat d’État au travail sans préjudice de toute autre action qu’elles pourraient vouloir engager. Le Secrétariat d’État en réfère aux tribunaux. Jusqu’ici, le nombre de plaintes ne s’élève qu’à cinq; mais des initiatives sont prises en vue de rendre les femmes plus conscientes de leurs droits à cet égard.

Les employés de maison engagés par des sociétés ou des particuliers ont droit à un congé annuel et à un bonus de Noël en vertu d’un amendement de 1999 au Code du travail. Le Secrétariat d’État au travail dresse un état quotidien des plaintes portées par des employés de maison à propos de prestations ou de salaire, mais il reste beaucoup à faire pour faire prendre conscience aux intéressés de ces droits relativement nouveaux.

Le Secrétariat d’État au travail s’emploie à faire en sorte que les prostituées et les professionnelles du sexe officiellement employées comme serveuses, cuisinières ou auxiliaires dans les bars, les restaurants et les hôtels aient connaissance de leurs droits et bénéficient de prestations en vertu de leur relation de travail avec les propriétaires de ces établissements. Les professionnelles du sexe n’ont pas de syndicat reconnu, mais elles ont une association. Mme Diaz a elle-même représenté le Secrétariat d’État au travail à des conférences organisées pour informer les professionnelles du sexe des droits que leur confère leur condition de travailleuses.

M me Nivar (République dominicaine) dit que, puisque les femmes sont souvent moins conscientes de leurs droits que le reste de la population, les associations de femmes et le Secrétariat d’État à la condition féminine n’épargnent aucun effort pour diffuser les textes de loi relatifs aux droits des femmes. La question de Mme Morvai concernant la classification de la prostitution comme travail sera examinée de près.

M me Saiga demande s’il existe des textes de loi fixant l’âge minimum à avoir pour travailler. Notant que 10 % des enfants ne vont jamais à l’école et que 30 % seulement (CEDAW/PSWG/2004/II/CRP.2/Add.1, p. 33) vont jusqu’au bout du cycle primaire, elle demande si les pouvoirs publics font quelque chose pour inciter les parents à envoyer leurs enfants à l’école.

M me Manalo maintient que les textes de loi ne sont pas suffisants pour protéger les intérêts des femmes que l’on oblige à se soumettre à un test de grossesse dans la zone franche. Dans quelle mesure les femmes sont-elles en réalité conscientes des procédures de recours prévues par la loi et combien de fois ont-elles abouti? On aimerait aussi connaître le nombre de femmes qui n’ont pas porté plainte, les conséquences des violations dont se sont rendus coupables des employeurs et les mesures éventuellement prises par les pouvoirs publics pour mettre fin à cette pratique.

M me Shin se demande si, outre la question relative à l’obligation du test de grossesse imposée aux demandeuses d’emploi, des études auraient révélé l’existence d’un problème de harcèlement sexuel ou de viol de femmes qui travaillent dans les zones franches. L’expérience d’autres pays, comme la Corée, montre que, pour attirer les investissements dans les zones franches, les gouvernements peuvent être tentés de faire des entorses à la législation du travail, d’interdire toute activité syndicale, par exemple, et de ne pas faire preuve de rigueur dans l’application des lois. On aimerait donc que le prochain rapport renseigne sur les conditions de travail dans les zones franches et sur ce que font éventuellement les pouvoirs publics en vue de les améliorer.

M me Belmihoub-Zerdani note que le rapport fournit des statistiques détaillées sur l’étendue de la pauvreté dans le pays, pauvreté qui touche 52 % de la population et qui revêt un caractère particulièrement grave dans les ménages ruraux qui ont à leur tête une femme. Il ne fait pas de doute que les programmes gouvernementaux de réduction de la pauvreté et l’application, en République dominicaine, des recommandations issues de l’évaluation du Programme d’action de Beijing appellent une aide de la communauté internationale. Il serait intéressant de savoir, compte tenu des engagements pris par les pays développés dans le cadre du Programme d’action de Beijing et à la vingt-troisième session extraordinaire de l’Assemblée générale de consacrer 0,7 % de leur produit national brut à l’aide publique au développement, quelle aide financière a été reçue, pour faire reculer la pauvreté et lancer des programmes pour les femmes, des fonds, programmes et institutions spécialisées des Nations Unies, de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international ainsi que de pays donateurs. Le Comité aimerait que le prochain rapport donne des indications chiffrées à cet égard.

M me Achmad dit qu’en dépit du fait que le rapport indique que les femmes entrent pour 70 % dans les inscriptions aux cours d’enseignement technique et professionnel, le chômage est trois fois plus élevé chez les femmes que chez les hommes et particulièrement grave chez les femmes de moins de 24 ans. Cela étant, elle se demande si, dans le cadre des programmes de réduction de la pauvreté, des analyses ont été faites concernant les structures du chômage et des possibilités d’emploi afin de faire de l’instruction un outil plus efficace de lutte contre la pauvreté, en milieu rural comme en milieu urbain. Enfin, elle se joint à ses collègues pour souligner l’importance de l’éducation sexuelle et génésique ainsi que des mesures de lutte contre le travail des enfants.

M me Balcacer (République dominicaine) dit que son pays n’a de toute évidence pas consacré à l’éducation sexuelle et génésique les ressources que cela nécessite, mais qu’un début a été fait. L’éducation sexuelle est inscrite dans les programmes scolaires de base; une action conçue pour prévenir les grossesses d’adolescentes et pour aider les adolescentes qui sont enceintes a été engagée, coordonnée par le Secrétariat d’État à la condition féminine et le Cabinet de la Première Dame; enfin, un manuel d’éducation sexuelle et génésique, résultat des efforts d’un certain nombre d’organismes publics et d’organisations non gouvernementales, va bientôt être sous presse.

La République dominicaine a de tout temps été un pays essentiellement agricole, mais la situation a changé au cours des deux dernières décennies par l’effet d’un fort mouvement de migration rurale vers les villes, phénomène dû en particulier aux jeunes. Néanmoins, la situation des femmes en milieu rural demeure un important sujet de préoccupation. Tout au long de l’année 2003, le Secrétariat d’État à la condition féminine a organisé une série de consultations avec les femmes des campagnes, dans le cadre desquelles il leur était demandé de dire ce qu’étaient leurs principaux problèmes, leurs causes et ce qui pourrait être fait pour les résoudre. Il en est sorti un document qui en présente les conclusions pour servir de base à une action des pouvoirs publics. En outre, avec le concours du Secrétariat d’État à la santé publique, des campagnes de dépistage du cancer du col de l’utérus et d’autres problèmes de santé des femmes sont organisées dans les zones rurales. Le financement des petites entreprises agricoles ou de services dirigées par des femmes en milieu rural peut être assuré dans le cadre d’un programme organisé, au Secrétariat d’État à l’agriculture, par le Bureau du secteur agricole des femmes avec une aide du Gouvernement de la province chinoise de Taiwan. En outre, le Secrétariat d’État à la condition féminine a conclu un accord avec le Secrétariat d’État au travail aux termes duquel une partie de ses fonds de création d’emplois sera affectée à l’emploi des femmes en milieu rural comme en milieu urbain.

Bien qu’il soit vrai que l’application de l’accord de confirmation signé avec le Fonds monétaire international lui a causé de graves difficultés, le pays n’en a pas moins reçu des fonds substantiels du FMI et de la Banque mondiale pour lutter contre la pauvreté et relever le niveau de l’éducation. Le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) a, lui aussi, beaucoup fait en République dominicaine en faveur des programmes d’éducation sexuelle et de santé génésique, notamment dans les zones suburbaines et rurales.

M me Cubilete (République dominicaine), rappelant que des questions ont été posées sur les enfants qui ne sont pas scolarisés, dit que le Gouvernement est très préoccupé par les effets préjudiciables du manque d’instruction, non seulement pour les individus eux-mêmes, mais aussi pour la productivité nationale. Grâce aux réformes du système éducatif entreprises dans les années 80, le taux de fréquentation scolaire atteint maintenant 97 % au niveau de la scolarité obligatoire, qui est de huit ans. Au niveau secondaire, où la scolarité n’est plus obligatoire, ce taux est de 75 %. Il y a aussi, principalement pour les parents qui travaillent, des centres préscolaires où on peut laisser les jeunes enfants dans un environnement propre à l’acquisition du savoir.

M me Diaz (République dominicaine), répondant à des questions sur l’emploi, dit que l’âge minimum à avoir pour travailler est de 14 ans, mais que le Code du travail met des restrictions aux conditions d’emploi des moins de 16 ans, lesquels ne peuvent pas être employés pour travailler la nuit, par exemple, ou pour plus de six heures par jour. On ne dispose pas, malheureusement, de données sur les cas de harcèlement sexuel des femmes qui travaillent dans les zones franches. Toutefois, le Secrétariat d’État au travail a mis en chantier un projet pour étudier le marché du travail pour les femmes, et la délégation transmettra à son Gouvernement les préoccupations du Comité. Il existe un système d’inspection du travail sur l’ensemble du territoire et le Secrétariat au travail a mis en place un programme d’assistance judiciaire gratuite à l’intention des femmes qui souhaitent porter plainte devant les tribunaux du travail.

En ce qui concerne le chômage, le Secrétariat d’État au travail a en place trois grands projets. L’un est conçu pour assurer une formation professionnelle aux jeunes, lesquels sont choisis sur la base de l’égalité des sexes, et de les placer comme apprentis. Un autre consiste à proposer aux femmes une formation pour les initier à la manière de monter et de diriger une petite affaire, formation assortie de programmes d’attribution de petits prêts de départ. Un troisième consiste à passer, avec d’autres pays, des accords aux termes desquels ils s’engagent à recevoir et à former des travailleurs dominicains; il en est un qui a été conclu avec l’Espagne et un autre est en discussion avec le Canada.

Articles 15 et 16

M me Gonzalez Martinez rappelle qu’il y a déjà quelque temps que le Comité demande instamment au Gouvernement de la République dominicaine de réformer sa loi sur la famille, mais, s’il y a eu des propositions tendant à modifier le Code civil, les choses n’ont en fait pas changé. Il est de la plus haute importance que la loi contienne des dispositions concernant les droits des femmes qui vivent en union maritale de facto, étant donné que plus de 60 % de celles qui vivent avec un compagnon se trouvent dans une telle union consensuelle. Par ailleurs, en raison du rôle de premier plan que la République dominicaine a toujours joué dans le domaine des droits de la femme, il est inconcevable que des Dominicaines qui sont mariées ne puissent pas, dans l’état actuel de la législation, administrer leurs biens personnels.

M me Balcacer (République dominicaine) déplore la lenteur de la réforme du Code civil. On peut noter quand même que des propositions de réforme de ce code sont inscrites à l’ordre du jour du Congrès; seulement, malgré les efforts que font le Secrétariat d’État à la condition féminine et les organisations de femmes pour élaborer des propositions et pour faire pression en faveur de la réforme, la décision dépendra de l’actuelle composition du Congrès.

M me Henriquez de Sanchez Baret (République dominicaine) fait remarquer que la composition du Congrès national a, tout au long de son histoire et jusqu’à aujourd’hui, été majoritairement masculine. Les femmes n’y ont jamais été en nombre suffisant pour y faire adopter leurs propositions de lois. Les avancées législatives qui ont été réalisées – comme l’adoption de la loi no 24-97 sur la violence domestique et les lois prescrivant un quota minimum pour les élections législatives et municipales – l’ont été parce que les membres féminins du Congrès ont su saisir le moment propice aux alliances stratégiques. Le projet de réforme du code pénal fera beaucoup pour en finir avec des comportements de machisme qui existent toujours dans le pays, et il en va de même des changements à apporter au Code civil. Cela dit, le Secrétariat d’État à la condition féminine s’emploie à faire pression et à établir des plans stratégiques et d’intervention d’urgence pour pouvoir, non seulement présenter un projet de loi, mais pour arriver, en fin de compte, à doter le pays d’un Code civil en harmonie avec les principes d’égalité consacrés par sa Constitution.

M me Nivar (République dominicaine) dit que le Secrétariat d’État à la condition féminine prépare des propositions de réforme du Code civil dans l’espoir que cette question sera inscrite à l’ordre du jour du Congrès, mais il ne pourra pas, d’ici là, faire avancer ses propositions. En ce moment, le Congrès étudie des amendements au Code pénal, de sorte que c’est sur cette question que portent naturellement les efforts de lobbying. Cependant, une récente décision de la Cour suprême en faveur des droits d’une femme impliquée dans une union consensuelle a ouvert la voie à d’autres femmes désireuses d’engager, elles aussi, une action en justice pour faire reconnaître leurs droits.

La Présidente invite les membres du Comité à poser d’autres questions.

M me Khan aimerait des éclaircissements sur deux points relatifs à la nationalité. Il est dit, à propos de la question 24 des réponses écrites à la liste des questions (CEDAW/PSWG/2004/II/CRP.2/Add.1), que des facteurs culturels déterminants font obstacle à une application équitable du principe de jus soli et empêchent des descendants d’Haïtiens nés en République dominicaine de se voir délivrer des documents de nationalité, alors que des enfants sans certificats de naissance sont assurés d’un accès à l’éducation. Mme Khan voudrait des précisions sur la manière dont se manifestent les « facteurs culturels déterminants » et sur ce qui empêche les enfants de se voir délivrer des papiers d’identité.

M me Morvai, faisant observer qu’il incombe aux pays riches de faire don de fonds pour le développement, voudrait avoir des précisions sur la manière dont la communauté internationale aide la République dominicaine à financer les programmes qu’elle met en place pour les femmes. Elle se dit préoccupée par la situation des femmes qui travaillent dans les zones franches et se demande si le problème ne tiendrait pas au fait que les sociétés représentées dans ces zones sont des sociétés étrangères, et notamment américaines.

M me Ferrer Gómez demande s’il y a eu évaluation du Plan national pour l’équité entre sexes et, dans ce cas, quelles en sont les conclusions. Elle se pose la question de savoir si le Gouvernement ne pourrait pas envisager de cesser d’autoriser le recours à la médiation dans les cas de violence à l’égard des femmes du fait que cela pourrait être utilisé comme moyen d’échapper à des poursuites au pénal.

M me Henriquez de Sánchez Baret (République dominicaine) dit que la République dominicaine répondra par écrit aux précédentes questions dans quelques jours

M me Balcacer (République dominicaine) dit que la première phase du traité de libre-échange a été négociée mais que les États-Unis ne l’ont pas encore ratifiée. Des études sont actuellement en cours concernant l’impact que pourrait avoir le traité sur l’emploi des femmes.

L’effet du Plan national pour l’équité entre sexes sur les différents secteurs de l’économie n’a pas été évalué pour cause de difficultés de mise en application. Cette évaluation a été reportée jusqu’au début de l’année 2005 comme faisant partie du plan de travail du Secrétariat d’État à la condition féminine.

Pour ce qui est du recours à la médiation dans les cas de violence à l’égard des femmes, la culture dominicaine y est pour beaucoup. Malgré toute l’aide judiciaire et celle d’autres services qu’elles peuvent recevoir, les victimes ne portent souvent plainte que pour la retirer plus tard.

M me Henriquez de Sánchez Baret (République dominicaine) souligne que la médiation n’est pas vraiment codifiée; elle est, en fait, contraire aux lois en vigueur.

M me Cubilite (République dominicaine) fait observer que les enfants sans certificats de naissance ont droit à l’instruction et bénéficient des services sociaux. On procède actuellement à l’établissement de papiers pour 125 000 enfants dominicains et étrangers.

La Présidente dit qu’il ne suffit pas d’avoir ratifié le Protocole facultatif, il faut encore que la société civile et le monde de la justice le comprennent bien afin d’aider les femmes à s’en prévaloir. Le Comité reconnaît que le Gouvernement a fait des efforts pour faire face aux pressions sociales et économiques de la pauvreté et du développement ainsi que des réalités culturelles d’une société patriarcale. Il se déclare satisfait en particulier de son action dans le domaine crucial qu’est celui de la réforme du système juridique. Le Code pénal et le Code civil actuellement en vigueur contiennent de nombreuses dispositions qui sont incompatibles avec les principes de la Convention. On est donc particulièrement heureux d’apprendre que de nouveaux Codes sont en préparation et que le Secrétariat d’État à la condition féminine prend une part active à la rédaction du nouveau Code pénal. Il est instamment demandé au Gouvernement de redoubler d’efforts pour veiller à ce que le nouveau Code protège pleinement les droits humains des femmes. Il est important de faire savoir à la société que les comportements de violence à l’égard des femmes sont un grave délit dont les coupables méritent d’être sévèrement punis.

La République dominicaine est à feliciter de l’utilisation qui y est faite des médias pour sensibiliser le public au problème de la violence à l’égard des femmes. Si l’adoption de la loi sur la violence domestique représente manifestement un pas dans la bonne direction, il reste que le pays ne dispose pas de structures complémentaires telles que refuges et programmes de protection et de réadaptation psychologique et sociale des victimes. Il est instamment demandé au Gouvernement d’y affecter des fonds. Les Églises ont commencé à inclure au nombre de leurs préoccupations la violence à l’égard des femmes et la violence domestique et leur action s’avère efficace. Le fait que réconciliation et médiation interviennent encore dans les cas de violence domestique ne laisse pas d’être préoccupant. La violence à l’égard des femmes est une violation flagrante de la Convention qui ne se prête pas à réconciliation ou médiation; il faut en finir avec elle par des mesures de prévention et de protection, par la réadaptation psychologique et sociale de la victime et par le châtiment du coupable.

Il faut des actions plus efficaces pour combattre le trafic des femmes et pour trouver remède à la pauvreté et à la violence qui mènent à la prostitution.

Il est instamment demandé à la République dominicaine d’observer et d’évaluer l’impact de sa politique et d’en informer le Comité dans son prochain rapport. Les données statistiques contenues dans le cinquième rapport périodique sont insuffisantes; on prie la délégation de fournir, dans son prochain rapport, des données statistiques ventilées par sexe.

En ce qui concerne la question de l’équité par rapport à l’égalité, le Comité tient à redire que la Convention ne parle que d’égalité entre les hommes et les femmes. L’égalité dans les plans, les programmes et les mesures mis en place est de la plus haute importance pour l’information de la société par un message clair et pour l’éducation de ceux qui exécutent les plans ainsi que du public en général .

M me Henriquez de Sánchez Baret (République dominicaine) fait observer que le Code civil et le Code pénal remontent aux Codes Napoléon et que leur modernisation est un processus qui demande du temps et de la peine. Dans le cadre des efforts qu’elle a faits pour recueillir l’information contenue dans le rapport, la délégation a consulté les universités dominicaines et leur a demandé d’inscrire à leurs programmes un cours obligatoire intitulé « Résolution des conflits par la non-violence ».

La séance est levée à 17 heures.