à l’égard des femmes

Quarante-troisième session

Compte rendu analytique de la 878e séance

Tenue au Palais des Nations, à Genève, le jeudi 29 janvier 2009, à 10 heures

Présidente  :Mme Zou Xiaoqiao (Vice-Présidente)

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties en application de l’article 18 de la Convention (suite)

Deuxième r apport périodique et troisième, quatri ème et cinquième rapports périodiques combinés d e la Jamahiriya arabe libyenne

En l’absence de Mme Gabr, Mme Zou Xiaoqiao, Vice-Présidente, prend la présidence.

La séance est ouverte à 10 h 10.

Examen des rapports présentés par les États parties en application de l’article 18 de la Convention (suite)

Deuxième rapport périodique et troisième, quatrième et cinquième rapports périodiques combinés de la Jamahiriya arabe libyenne (CEDAW/C/ LBY / 2 et CEDAW/C/ LBY /Q / 2 et  Add.1)

À l’invitation de la Présidente, les membres de l a délégation d e la Jamahiriya arabe libyenne pren nent place à la table du Comité.

M meHuda Ben Amer (Jamahiriya arabe libyenne), introduisant le deuxième rapport périodique de son pays et les troisième, quatrième et cinquième rapports périodiques combinés (CEDAW/C/LBY/2 et 5), dit que, en application des instruments internationaux pertinents qu’elle a ratifiés, la Jamahiriya arabe libyenne est fondée sur l’égalité entre les hommes et les femmes à l’égard de tous les droits fondamentaux de l’homme. La législation libyenne, qui procède du Coran, accorde une grande importance au respect de ces droits et de l’égalité entre les sexes et, de ce fait, se conforme pour la plupart aux dispositions de la Convention, dans l’esprit et la lettre de cette-ci.

Le devoir essentiel d’un État est d’instaurer un ordre juridique juste et de protéger les droits de l'homme. La Déclaration Constitutionnelle de 1969, la Déclaration de l’établissement de l’Autorité populaire de 1977, la Grande Charte verte des droits de l'homme à l’ère des masses de 1988, la loi no 20 de 1991 sur le renforcement de la liberté et la Charte des femmes de la Grande Jamahiriya de 2008 proclament que tous les citoyens libyens, les hommes comme les femmes, sont égaux en tous points. En fait, les garanties de l’égalité entre les sexes qui figurent dans la législation interne vont au-delà des exigences de la Convention. En vertu de l’article 5 de la Déclaration Constitutionnelle, les Libyens sont tous égaux devant la loi. Aucune loi n’interdit aux femmes d’exercer leurs droits politiques, économiques, culturels et sociaux.

Le présent rapport a été établi sous la direction de la section du Secrétariat du Congrès populaire général chargée des affaires féminines, par un comité d’experts appartenant à divers secteurs, dont la société civile.

Les femmes ont le droit de se voir confier les mêmes tâches et de bénéficier des mêmes prestations et services que les hommes. Elles possèdent également une entière capacité juridique et le droit de maintenir des avoirs financiers distincts comme de gérer leurs propres finances. Le Gouvernement a introduit un certain nombre de mesures spéciales visant à aider les femmes à venir à bout des stéréotypes culturels et à avoir accès à des domaines qui jusqu’à présent leur étaient fermés. La Jamahiriya arabe libyenne a été l’un des premiers pays musulmans à permettre aux femmes d’occuper une fonction judiciaire. Les femmes peuvent servir dans l’armée, la police et autres forces de sécurité.

Sur le plan politique, la Jamahiriya arabe libyenne a fait œuvre de pionnier en mettant les femmes en mesure de participer au processus de prise de décisions et ce en ouvrant les portes des congrès populaires de base, seule source de l’autorité politique dans le pays, à tous les hommes et toutes les femmes âgés d’au moins 18 ans.

En matière économique, la législation libyenne interdit la discrimination sous toutes ses formes. Les femmes ont accès au crédit sur un pied d’égalité et sont libres de disposer de leurs biens comme elles l’entendent. Les politiques de renforcement des capacités menées par l’État ont permis d’élever la part des femmes sur le marché du travail de près d’un tiers dès 2001. La proportion des femmes inscrites dans des établissements d’enseignement et de formation à tous les niveaux a dépassé 74 % déjà en 2001, tandis qu’en 2003 les femmes représentaient un peu plus de la moitié des élèves et étudiants inscrits dans de tels établissements ou participant à des programmes de formation. Le Gouvernement a de plus mis au point une législation qui traite des besoins particuliers des femmes. Les femmes ont droit à un congé de maternité et les femmes détenues enceintes bénéficient d’un traitement spécial. Des mesures temporaires spéciales ont également été introduites pour accroître la participation des femmes dans divers domaines, notamment l’appareil judiciaire.

Afin de faire évoluer les attitudes discriminatoires à l’égard des femmes, le Gouvernement a introduit des mesures visant à modifier les coutumes et pratiques sociales préjudiciables aux femmes, tout en renforçant celles qui sont utiles à la société et en encourageant les femmes à travailler dans des domaines qui leur conviennent. Les associations de femmes ont pour mandat de sensibiliser les femmes aux réalités sociales et culturelles du pays et de les encourager à s’acquitter de leur rôle social au sein de la famille et sur le marché du travail. Les préceptes musulmans et les traditions sociales libyennes interdisent toute pratique qui ferait de la femme une marchandise ou qui servirait à l’exploiter par la prostitution. La loi islamique traite la femme équitablement et interdit les atteintes à son corps et les affronts à son honneur.

Le libre accès à l’éducation a donné aux femmes les compétences requises pour participer à la population active à tous les niveaux. Aujourd’hui, les femmes travaillent dans le service diplomatique; elles représentent leur pays auprès de diverses instances internationales et lors de conférences internationales et régionales. Depuis sa création, en 1970, l’Institut supérieur des relations internationales du Comité populaire général pour les relations extérieures et la coopération internationale a préparé des hommes et des femmes à servir dans le corps diplomatique. De ce fait, le nombre de femmes dans ce corps s’est considérablement élevé au cours des trois dernières décennies.

La loi sur la nationalité permet aux hommes comme aux femmes de transmettre leur nationalité à leurs enfants. En outre, une femme libyenne qui épouse un étranger retient son nom de famille et son statut financier distinct.

L’éducation secondaire est obligatoire pour les garçons et les filles. L’accès aux instituts techniques ou de formation professionnelle est ouvert aux deux sexes. Au niveau universitaire, l’enseignement est gratuit pour tous. Il n’est fait aucune distinction quant au sexe dans les services offerts aux étudiants, les manuels ou les examens. Le Gouvernement n’entretient aucune idée préconçue touchant l’enseignement scientifique dispensé aux garçons et aux filles; ces dernières participent à toutes les actions sportives, dans la mesure qu’elles fixent elles-mêmes.

La loi sur le travail et la loi sur la fonction publique veillent à ce que les femmes reçoivent une rémunération égale pour un travail égal, tandis que la loi sur la sécurité sociale vise à ce qu’elles touchent les mêmes prestations que les hommes lors du départ à la retraite, en cas de maladie ou de handicap et dans la vieillesse. Les femmes ont également droit à une indemnité de grossesse; une somme forfaitaire leur est versée lors de l’accouchement; elles ont accès, sur une base d’égalité, aux prestations familiales. L’espérance de vie des femmes s’est élevée et la mortalité maternelle a diminué du fait des soins de santé offerts gratuitement.

La condition des femmes rurales s’est améliorée rapidement, comme suite à la création de centres d’enseignement et de centres de formation professionnelle. Les congrès populaires de base ont permis aux femmes rurales de participer à la formulation et à la mise en œuvre des plans de développement à tous les niveaux et dans tout le pays. Les femmes ne diffèrent pas des femmes urbaines en ce qui concerne le niveau d’instruction ou la formation reçue. Elles ne sont par ailleurs soumises à aucune restriction quant à l’obtention de crédit; elles ont droit à la propriété foncière et peuvent disposer de leurs biens fonciers.

La loi sur la fonction publique accorde un statut égal aux hommes et aux femmes. Elle dispose en effet que toute personne qui a atteint l’âge de la majorité est pleinement capable juridiquement. La législation libyenne fixe l’âge de la majorité à l’âge de 18 ans. Tout adulte – homme ou femme – a le droit de conclure des contrats, de gérer des biens et d’ester en justice; il/elle jouit de la liberté de mouvement et de la liberté de résidence.

Nul ne peut être contraint de se marier contre sa volonté; les tuteurs ne peuvent donner des mineurs en mariage sans le consentement de ceux-ci. La loi no 10 de 1984 relative au mariage et au divorce accorde des droits différents aux maris et aux femmes et fixe l’âge minimum du mariage à 20 ans. Les femmes jouissent des mêmes droits que les hommes en ce qui concerne la garde des enfants et la tutelle des orphelins.

Articles 1 à 6

M me Jaisingdit que les réserves formulées par l’État concerné à l’article 2 et aux alinéas c) et d) du paragraphe premier de l’article 16 sont incompatibles avec l’objet et les buts de la Convention et donc qu’en vertu de l’article 28, elles ne sont pas autorisées. Elle se demande pourquoi ces réserves n’ont pas été retirées et si l’État partie a l’intention de le faire. Elle s’étonne par ailleurs qu’un rapport parallèle n’ait pas été présenté par les organisations non gouvernementales.

M. Flin t erman note que le présent Comité a bien été informé du fait que la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes faisait partie intégrante de l’ordre juridique interne et donc qu’elle pouvait être invoquée directement par les tribunaux. En revanche, le Comité des droits de l'homme a exprimé sa préoccupation quant au statut du Pacte international relatif aux droits civils et politiques à cet égard. La délégation doit expliquer pourquoi le statut de ces deux instruments diffère apparemment l’un de l’autre. Il souhaite également savoir si la Convention prévaut en cas de dispositions législatives internes contradictoires, que ces dispositions aient été promulguées avant ou après la ratification de la Convention, quelle devrait être l’attitude d’un juge face à une divergence entre le droit interne et la Convention et si les juges sont tenus de s’assurer que le droit interne est bien conforme à la Convention.

Il serait également utile d’avoir des précisions sur l’action qu’engage le Gouvernement pour faire mieux connaître la Convention et le Protocole facultatif s’y rapportant et par là pour veiller à ce que les femmes et les organisations féminines se rendent bien compte qu’il leur est possible de soumettre au Comité des plaintes relatives à des violations des droits accordés par la Convention. Rappelant la remarque faite par l’État concerné selon laquelle les dispositions législatives internes ne contiennent aucune définition précise de la discrimination, l’orateur souligne que l’expression « discrimination à l’égard des femmes » doit être interprétée conformément à l’article premier de la Convention. Enfin, l’État concerné n’a formulé aucune réserve à l’égard des clauses relatives à l’égalité et à la non-discrimination qui figurent dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques : il devrait examiner les incidences de cette position par rapport aux réserves qu’il a exprimées à l’égard de la Convention sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes.

M me Gabr demande à la délégation de donner des précisions sur les raisons pour lesquelles des réserves ont été émises à l’égard de la Convention, sur le rôle de la section du secrétariat du Congrès populaire général chargée des affaires féminines ainsi que les pouvoirs et les ressources qui sont attribuées à celle-ci et sur ses relations avec d’autres organes gouvernementaux, de même que les liens entre les congrès populaires de base et les organisations féminines, et, en dernier lieu, les raisons pour lesquelles le Gouvernement n’a pas adopté de mesures temporaires spéciales telles que les quotas de représentation pour accélérer la promotion de la femme.

M me  Popescu souligne tout d’abord combien il est important de présenter des rapports dans les limites de temps alloués au titre de l’article 18 de la Convention, puis note que, si le rapport contient des informations abondantes sur la législation se rapportant aux droits de la femme, il ne fournit, si dans son contenu ni dans les réponses à la liste des questions, de renseignements sur les mesures pratiques prises pour mettre en œuvre ladite législation. Rappelant les dispositions de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing, elle demande à la délégation de faire savoir si la section du secrétariat du Congrès populaire général chargée des affaires féminines a rédigé des programmes ou des plans d’action qui s’assurent que la législation promulguée est bien mise en œuvre et, dans l’affirmative, de bien vouloir expliquer les priorités établies, les obstacles rencontrés et les progrès réalisés à cet égard.

S’agissant du rôle jouée par la société civile dans la promotion des droits de la femme, il serait bon de savoir dans quelle mesure la section des affaires féminines collabore avec les organisations non gouvernementales, combien d’associations féminines la Jamahiriya arabe libyenne compte, si les lois régissant les organisations féminines s’appliquent également aux associations masculines et aux associations professionnelles telles que la Ligue des écrivains et auteurs libyens et si cette dernière organisation compte des femmes parmi ses membres.

Le Comité serait également désireux de savoir si la Charte des femmes contient une définition de la discrimination à l’égard des femmes, de quelle manière le Gouvernement en surveille l’application et comment elle se rattache à la Grande Charte verte des droits de l'homme. Enfin, elle prie instamment le Gouvernement de mettre en place une institution nationale indépendante des droits de l'homme conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l'homme.

M meHuda Ben Amer (Jamahiriya arabe libyenne) fait observer que les pays ne perdent pas leurs caractéristiques culturelles propres par le simple fait qu’ils ratifient certains instruments internationaux. Il n’est pas juste de juger tous les peuples et toutes les cultures selon les mêmes critères, notamment lorsque les instruments internationaux des droits de l'homme proclament le droit qu’ont les peuples de conserver leurs coutumes propres.

Le débat fait apparaître, lui semble-t-il, une certaine insistance pour que son Gouvernement adopte une définition de la discrimination à l’égard des femmes. Une telle définition, qui s’impose à l’évidence dans les pays où une telle discrimination existe, n’est pas nécessaire en Jamahiriya arabe libyenne, dont les lois ne font pas de discrimination entre les hommes et les femmes. La seule discrimination qui existe serait peut être une discrimination positive, dont le seul objet est de veiller à ce que les femmes puissent remplir leur rôle dans la société.

La discrimination sur la base du sexe est interdite par l’Islam, le Coran, et les doctrines sur lesquelles l’État est fondé. Les hommes et les femmes jouissent de droits égaux et d’une protection égale devant la loi, sans discrimination. Toutes mesures spéciales adoptées par le Gouvernement pour accélérer l’intégration des femmes sont temporaires par nature et ne constituent d’aucune manière une discrimination à l’égard des hommes.

M me  Anbar (Jamahiriya arabe libyenne) ajoute que les réserves formulées par son pays à l’égard de la Convention ont pour objet de s’assurer que la mise en œuvre de la Convention ne porte pas atteinte aux droits garantis par la loi islamique. S’agissant de l’héritage, les non-musulmans pensent à tort que les héritiers mâles reçoivent dans tous les cas une part plus importante des biens du défunt que les femmes. En vertu de la Charia, les biens de la succession sont répartis en vertu d’un certain nombre de facteurs, dont la relation de l’héritier et du défunt. La part de l’héritage est d’autant plus grande que la relation est plus proche, quel que soit le sexe de l’héritier. Il arrive que les jeunes filles ou femmes héritières reçoivent une part plus grande des biens que les héritiers mâles. Enfin, le fait que l’Islam impose aux hommes de soutenir financièrement le ménage n’est pas un signe de discrimination à l’égard des femmes mais montre bien le respect dans lequel les femmes sont tenues.

M meHudaB en Amer (Jamahiriya arabe libyenne) indique que toutes les organisations de la société civile sont établies sur la base de la liberté d’association. Tout groupe de personnes désireux d’œuvrer pour une cause commune peut créer une telle organisation. Deux membres de la délégation appartiennent à une organisation de la société civile. Ces organisations ont joué un rôle important dans l’établissement du rapport. Dans la plupart des systèmes politiques dans lesquels un groupe donné de personnes exercent le pouvoir au nom du peuple ou pour son compte, les organisations de la société civile offrent au peuple un moyen essentiel de défendre ses droits et d’exprimer ses opinions. La société civile joue un rôle moins important dans des pays de démocratie directe tels que la Jamahiriya arabe libyenne. Étant donné que chaque aspect de la gouvernance et de la planification nationales repose sur les congrès populaires de base et que chaque citoyen libyen âgé d’au moins 18 ans est membre d’un congrès, le besoin d’organisations de la société civile est moins pressant en Jamahiriya arabe libyenne que dans d’autres pays. La Ligue des écrivains et auteurs libyens, de même que de nombreuses autres organisations de la société civile, les syndicats et les associations professionnelles comptent des femmes parmi leurs membres, certaines occupant des postes de direction.

La section des affaires féminines du Congrès populaire général participe à la rédaction des lois et à la planification. Les femmes sont également actives dans les congrès populaires de base. Ceux-ci tiennent des réunions ouvertes uniquement aux femmes dans les zones où la société est conservatrice de manière à leur assurer une participation maximale. Les femmes sont toujours libres d’assister aux sessions ordinaires, mixtes, si elles le désirent.

À la suite de la promulgation de la Charte des femmes en 2008, le Gouvernement a mis au point un plan d’action d’exécution. Il a été procédé à un examen de toutes les lois internes; celles qui contenaient des clauses discriminatoires ont été renvoyées aux congrès populaires de base aux fins d’examen et d’amendement. Il est prévu que les congrès se réuniront en février 2009. Le Gouvernement a par ailleurs lancé une campagne visant à mieux faire connaître ces lois aux femmes de manière qu’elles puissent participer aux congrès en pleine connaissance de cause.

Le Comité populaire général pour les affaires sociales, dont la majorité des membres sont des femmes, gère le Fonds de prévoyance sociale. Ce sont les femmes qui mettent au point et gèrent tous les programmes se rapportant aux femmes, à la famille et aux enfants. Ce sont également elles qui élaborent les budgets se rapportant à ces activités.

Enfin, le long intervalle qui s’est écoulé entre le rapport initial de son pays et les rapports actuels est imputable en grande partie au blocus imposé à la Jamahiriya arabe libyenne. Son gouvernement s’efforcera à l’avenir de respecter strictement les exigences du Comité en ce qui concerne la présentation des rapports.

Mme Elayeb (Jamahiriya arabe libyenne) fait observer qu’une fois que la loi ratifiant la Convention a paru au Journal officiel, la Convention est devenue un instrument s’imposant à tous les tribunaux et toutes les autorités administratives. Selon l’article 23 du Code civil, les instruments internationaux l’emportent sur les lois internes et peuvent être invoqués à l’occasion de toute affaire invoquée devant les tribunaux. Du fait que les lois libyennes sont conformes à la Convention, celle-ci n’a jamais eu à être invoquée devant un tribunal.

Selon la loi no10 de 1984 sur le mariage et le divorce, un homme peut demander à un tribunal de prendre une deuxième épouse, à la condition que sa première femme l’y autorise devant le tribunal. La première femme peut interjeter appel même si le tribunal fait droit à la demande du mari.

Mme Wafa (Jamahiriya arabe libyenne) précise que les diverses sections du Secrétariat du Congrès populaire général sont chargées d’appliquer la Convention chacune dans leur domaine propre. Elles sont de plus tenues d’aider les femmes à parvenir à l’égalité en prenant le cas échéant des mesures qui les favorisent. Le Comité populaire général des affaires sociales et la section du Secrétariat du Congrès populaire général affectée à la culture et à l’information ont pour tâche de faire mieux connaître la Convention et son Protocole et de sensibiliser le public aux droits des femmes. En coopération avec soit le Gouvernement soit les organisations des droits de l'homme, les organisations non gouvernementales participent à cette action. Le Gouvernement a lui-même fait paraître et diffusé de nombreuses brochures sur ces mêmes sujets ainsi que sur les questions intéressant les femmes aux fins d’information.

M meHuda Ben Amer (Jamahiriya arabe libyenne) fait observer que les femmes libyennes comprennent que ce sont elles qui doivent revendiquer leurs droits et que tout ce qui se gagne facilement, se perd facilement. Elles continuent de lutter contre leur retard, les attitudes culturelles et l’interprétation radicale et fausse de l’Islam. Les femmes libyennes sont plus déterminées que jamais à faire valoir leurs droits.

La date à laquelle la Charte des femmes a été signée n’est pas célébrée annuellement. C’est toutefois pour les femmes dans tout le pays l’occasion de faire le bilan de la situation en ce qui concerne leur condition, les progrès réalisés et les difficultés à surmonter.

L’action entreprise pour élever le nombre de femmes qui occupent des positions de direction n’a donné que peu de résultats, la raison en étant que les femmes ne connaissent pas les droits que leur confère la loi. Le Gouvernement se doit de redoubler d’efforts à cet égard. Avec l’assistance des congrès populaires locaux, il procède actuellement à la mise en place d’une base qui rassemble des données sur le niveau d’instruction et les qualifications professionnelles des femmes de tout le pays, l’objectif étant d’élever la proportion des femmes occupant des postes à un niveau élevé de telle sorte qu’elle corresponde à la proportion des femmes dans la population.

M meSafia Ben Amer (Jamahiriya arabe libyenne) dit que le Bureau des femmes et des affaires familiales du Comité général populaire pour les affaires sociales est l’organe officiel chargé des questions se rapportant aux femmes. L’une des missions essentielles du Bureau, qui a une femme à sa tête et dont le personnel est constitué de professionnels qualifiés, est de réaliser des études portant sur la condition de la femme et de la famille afin de faire apparaître les problèmes et de proposer des solutions. Le Bureau examine également les lois qui relèvent de son mandat, en coopération avec le Service juridique.

Mme Jaising déplore le fait que le rapport ne contienne pas de données statistiques; elle demande que des informations plus détaillées soient fournies sur la violence dans la famille et les recours dont ses victimes disposent. Le tribunal auquel elles doivent s’adresser n’est pas indiqué clairement. Il n’est pas non plus précisé s’il existe une loi traitant spécifiquement de cette forme de violence.

Selon les informations reçues par le Comité, les femmes victimes de la violence, y compris les femmes violées, sont placées dans des institutions ou dans des centres de détention de manière à ce qu’elles ne soient pas stigmatisées par la société. L’expérience montre que de telles mesures n’ont jamais donné de bons résultats. Les femmes dont il s’agit doivent être réinsérées dans la société et non traitées comme les victimes de crimes dits d’honneur. Dans ces conditions, elle est désireuse de savoir si l’État concerné envisage de faire le point de cette manière d’aborder le problème et si des mesures sont prises actuellement pour que les victimes puissent revenir dans leur foyer et à leur famille.

M me  Halperin-Kaddari demande à la délégation de bien vouloir répondre à l’allégation selon laquelle avant d’être placées dans des centres de détention, les femmes victimes de la violence sont soumises à des tests de virginité dégradants. Elle souhaite également savoir s’il est vrai que ces femmes sont enfermées indéfiniment sans que la mesure ait fait l’objet d’une mesure judiciaire et qu’elles ne peuvent sortir de leur condition que par le mariage à un homme qui n’est pas de la région et qui s’adresse à un centre pour trouver une épouse, s’il est vrai que les centres fonctionnent sans supervision, et si l’État concerné a donné suite aux observations finales du Comité des droits de l'homme au sujet de ces centres.

La délégation doit indiquer les infractions qui tombent sous le coup du chapitre du Code pénal consacré aux infractions pénales intrafamiliales Elle doit également préciser si les textes prévoient l’adoption d’injonctions d’urgence contre les partenaires violents et si les victimes du viol conjugal peuvent demander réparation à un tribunal – la question se pose du fait que le viol conjugal n’est pas considéré comme une infraction pénale et que les incidents qui s’y rapportent sont traités informellement.

Enfin, il serait utile que l’on sache si l’auteur d’un viol peut échapper à la justice en épousant sa victime, si le Code pénal contient des dispositions qui permettent les crimes dits d’honneur, et si l’État concerné envisage de rapporter la loi no 70 de 1973 qui réprime les relations sexuelles extramaritales.

Mme Poperscu dit que les stéréotypes ne sont pas éliminés simplement parce qu’une certaine législation a été adoptée; des mesures pratiques s’imposent. À l’évidence, la société libyenne considère que les femmes ne sont que des mères et non le partenaire à part entière des hommes. Il appartient au Gouvernement de prendre les mesures voulues pour dissiper ce stéréotype et d’autres tout aussi préjudiciables aux femmes.

L’oratrice félicite l’État concerné des mesures qu’il a déjà prises touchant la traite des personnes, mais regrette que le rapport ne contienne pas d’informations sur la stratégie adoptée pour lutter contre ce problème. Elle souhaiterait savoir quelle est l’action engagée pour viser les causes fondamentales de cette traite et de la prostitution et pour en protéger les victimes, si les agents des services de répression reçoivent une formation spécialisée à cet égard, si une protection est offerte aux victimes en échange de leur témoignage, et quelle action a été entreprise pour réadapter les victimes et aider les femmes qui souhaitent sortir de la prostitution. Elle apprécierait également de recevoir des données sur la traite des personnes.

Enfin, et au vu de l’information reçue par le Comité touchant les sévices auxquels les migrants sont exposés, notamment les migrants sans papiers et les demandeurs d’asile, elle aimerait recevoir des précisions sur les mesures que le Gouvernement a prises pour protéger les travailleuses migrantes.

Mme Chutikul rend hommage à l’État concerné pour sa législation sur la prostitution, qui est très complète. Elle regrette toutefois qu’il ne soit pas fourni de précisions sur les mesures pratiques prises pour lutter contre la prostitution. Elle prie instamment le Gouvernement de combler cette lacune dans son prochain rapport. Il serait également utile que le Comité sache combien de cas ont donné lieu à des poursuites et combien d’agents des services de répression traitent de la prostitution et de la traite des personnes, si la loi inclut la demande de services sexuels, et si l’État concerné a donné suite à la recommandation formulée par le Comité des droits de l’enfants aux termes de laquelle il devrait mener des recherches sur la prostitution. En dernier lieu, elle souhaite savoir si le Gouvernement a l’intention de définir la traite des personnes et si la Jamahiriya arabe libyenne coopère avec d’autres États au sujet de la traite internationale.

M meHuda Ben Amer (Jamahiriya arabe libyenne) explique que pour bien comprendre la société libyenne, les membres du Comité doivent se rappeler que la notion de famille et les relations sociales dans les pays arabes sont très différentes dans les pays arabes et les pays occidentaux. Les sociétés arabes et les sociétés occidentales ont une notion opposée de la virginité des femmes, et ce en raison de patrimoines culturels complètement différents.

Elle rejette l’allégation implicite selon laquelle les centres de réhabilitation sont des centres de détention. Les femmes qui se sont livrées à la prostitution ou qui ont commis un adultère sont placées dans les centres en question afin qu’elles ne soient pas tuées par des membres masculins de leur famille. Pour être placées dans un tel centre, ces femmes doivent tout d’abord avoir été reconnues coupables d’une infraction pénale et condamnées par un tribunal. De plus, seules les femmes qui font l’objet d’une enquête judiciaire sont tenues de se prêter à un test de virginité. Les centres accueillent également des veuves et autres femmes qui se trouvent dans l’incapacité de vivre seules, afin de les remettre sur pied et de les réinsérer dans la société. Le Comité ne semble pas comprendre que certains comportements qui sont parfaitement acceptables dans les sociétés occidentales ne le sont absolument pas dans la société libyenne.

Elle termine en précisant que les tribunaux ont eu à connaître de 900 cas impliquant des infractions sexuelles en 2008.

M me  Elayeb (Jamahiriya arabe libyenne) dit que la loi libyenne interdit toutes les formes de violence et sanctionne sévèrement tout acte qui menace la vie, la sécurité physique, les biens ou la liberté d’une personne. Elle réprime également les agressions sexuelles et le harcèlement sexuel; les sanctions sont plus sévères si les victimes sont des mineurs ou des personnes souffrant d’un handicap mental ou physique, même si l’auteur est un agent des services de répression ou un membre de l’ordre judiciaire.

Bien que le viol conjugal ne soit pas explicitement criminalisé, un mari qui attaque sa femme peut être tenu légalement de répondre d’une agression ou de dommages causés à sa famille au titre du Code pénal. De plus, la loi qui régit le mariage et le divorce interdit à un mari d’infliger des blessures physiques ou psychologiques à sa femme. Diverses lois, y compris la Déclaration Constitutionnelle et la Grande Charte verte donnent à tous les citoyens le droit à un procès équitable par une juridiction indépendante. En outre, les femmes ont droit à demander réparation devant les tribunaux pour tout acte de discrimination commis à leur égard.

M meHuda Ben Amer (Jamahiriya arabe libyenne) ajoute qu’une femme qui demande réparation pour une infraction pénale commise à son égard peut tout d’abord faire appel à d’autres membres de la société, dont sa famille. De nombreux griefs sont ainsi résolus. La nature de la société libyenne et la force des liens familiaux signifient qu’un homme qui brutalise sa femme devra répondre lourdement de ses actes.

Si la victime ne peut résoudre son problème par des moyens privés, elle peut porter son affaire devant l’un des 20 tribunaux pour femmes du pays. Les affaires concernant les femmes sont entendues séparément de celles des hommes de sorte que les femmes échappent à l’attitude réprobatrice de la société que susciterait leur apparition devant le tribunal, en même temps peut-être que des criminels parfois violents. Actuellement, seules Tripoli et Benghazi disposent de tribunaux pour femmes. Le Gouvernement toutefois a l’intention d’en ouvrir d’autres dans tout le pays. Lorsqu’elle craint les répercussions dans la société de sa décision de s’adresser à un tribunal, une femme peut chercher refuge dans un centre de réadaptation.

En cas de viol, une femme peut aussi accepter d’épouser l’homme qui l’a violée puis divorcer quelques mois plus tard. Elle évite ainsi d’être stigmatisée par la société et recouvre ses espoirs de remariage. Une telle solution est parfaitement acceptable dans la société libyenne.

M me Elayeb (Jamahiriya arabe libyenne) explique qu’un homme qui s’est rendu coupable de viol ou d’adultère n’est pas tenu en droit d’épouser la femme concernée. Cela étant, conformément à une pratique sociale acceptée, les fonctionnaires chargés de l’application de la loi et les tribunaux peuvent l’y contraindre, alors même que la relation sexuelle n’avait pas été imposée. Un homme et une femme accusés d’adultère demandent fréquemment aux tribunaux d’épouser le partenaire concerné soit parce que le mariage était déjà prévu soit pour éviter une condamnation.

M meHuda Ben Amer (Jamahiriya arabe libyenne) ajoute que l’une des raisons pour lesquelles on insiste pour que le viol ou l’adultère débouche sur le mariage tient à la nécessité d’établir la paternité, aspect très important pour la société libyenne.

M me  Wafa (Jamahiriya arabe libyenne) précise que les fonctionnaires chargés de l’application des lois reçoivent une formation spécialisée sur la manière de traiter les femmes victimes de violence par le biais de programmes organisés en coopération avec la Ligue des États arabes et l’Organisation des Nations Unies. De plus, la Jamahiriya arabe libyenne a récemment conclu deux accords de coopération technique avec l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, qui prévoient une composante formation sur l’assistance à prêter aux victimes d’agressions sexuelles et sur les moyens de prévenir l’extension du VIH/sida. Actuellement, près de 150 juges libyens, hommes et femmes, suivent au Royaume-Uni une formation portant sur des questions d’intérêt international. Par la suite, après leur retour en Libye, ils formeront leurs collègues.

Les recherches sur les questions touchant les femmes sont une priorité absolue pour les institutions scientifiques. Des études sont entreprises dans un certain nombre de domaines, dont la violence à l’égard des femmes et le travail des enfants. Par sa participation aux réunions d’organisations internationales, son gouvernement espère mieux comprendre les méthodes internationalement acceptées de collecte et de présentation des données.

M meHuda Ben Amer (Jamahiriya arabe libyenne) déclare que les femmes libyennes n’ont pas besoin de se prostituer car l’économie libyenne est forte et que la pauvreté n’existe pas. En outre et du fait de la nature des activités économiques dans la Jamahiriya arabe libyenne, il n’est pas demandé aux femmes libyennes de se servir de leur corps comme d’un panneau publicitaire. Elle condamne l’exploitation croissante des femmes entraînée par la mondialisation économique et fait appel aux femmes qui vivent dans les sociétés développées pour qu’elles rejettent l’exploitation du corps féminin et recouvrent leur humanité.

M me  Anbar (Jamahiriya arabe libyenne) fait remarquer que si la traite des personnes n’existe pour ainsi dire pas en Jamahiriya arabe libyenne, le pays fait face au problème de l’exploitation des nombreux migrants illégaux qui traversent son territoire pour se rendre dans d’autres États. La Jamahiriya arabe libyenne a conclu des accords bilatéraux avec un certain nombre d’État, l’Organisation internationale pour les migrations et l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures dans le but de trouver une solution au problème de la migration illégale. Elle est également partie à un certain nombre d’instruments internationaux portant sur la traite des être humains.

M me  Ibrahim (Jamahiriya arabe libyenne), prenant la parole au nom de l’Association Hana pour la protection des femmes, explique que l’objet de son organisation est de protéger les droits des femmes et d’offrir aux femmes une assistance juridique. Les représentants aux congrès populaires de base font rapport sur les difficultés auxquelles les femmes font face. Dans un certain cas, l’Association a aidé une jeune femme qui avait été violée et par la suite désavouée par sa famille à engager des poursuites et s’inscrire dans l’Académie de police où elle vit et étudie en ce moment. La jeune femme espère entrer dans la police et ainsi aider d’autres jeunes femmes à ne pas devenir les victimes d’agressions sexuelles.

M meHuda Ben Amer (Jamahiriya arabe libyenne) fait observer qu’il n’est pas réaliste de s’attendre à ce que le Gouvernement d’un pays aussi vaste que la Jamahiriya arabe libyenne mette un terme aux migrations illégales qui s’effectuent au travers de ses frontières. Les mouvements migratoires ne peuvent être contrôlés que par des efforts menés en coordination par les pays de transit et les pays de destination et d’une assistance au développement accrue fournie aux pays d’origine. Les membres du Comité doivent demander instamment à leur gouvernement de prendre la migration illégale au sérieux. Le fait pour le Gouvernement de fournir une éducation et des soins de santé gratuits à tous les migrants imposent une lourde charge aux institutions de l’État. Les pays de destination doivent apprécier le sacrifice de la Libye et œuvrer avec elle pour arrêter ce phénomène.

Articles 7 à 9

Mme  Belmihoub-Zerdani s’enquiert des raisons pour lesquels, étant donné le nombre élevé de femmes éduquées et qualifiées, 4 % seulement des membres du Congrès populaire général sont des femmes et pourquoi si peu de femmes accèdent à des fonctions publiques et diplomatiques. Les valeurs islamiques ne semblent pas avoir empêché les femmes d’être présentes dans ces secteurs dans d’autres pays musulmans. L’État concerné devrait suivre leur exemple et exécuter pleinement tous les articles de la Convention à l’égard desquels il n’a pas formulé de réserves.

M. Flinterman, relevant une divergence entre les réponses à la liste des questions et les observations liminaires de la délégation, demande des éclaircissements sur le point de savoir si une femme libyenne mariée à un étranger peut transmettre sa nationalité à ses enfants.

M me  Elayeb (Jamahiriya arabe libyenne) répond que, en vertu de la loi no 18 de 1980 relative aux dispositions de la loi sur la nationalité, les enfants nés d’un homme libyen ou d’une femme libyenne mariés à un non-Libyen peuvent demander la nationalité libyenne lorsqu’ils atteignent l’âge de la majorité. La loi fait actuellement l’objet d’une révision de sorte que les enfants nés dans les conditions qui viennent d’être décrites puissent acquérir la nationalité libyenne à la naissance. En 2002, la réglementation directrice pertinente a été amendée pour permettre aux Libyens de posséder une double nationalité, sous réserve de l’approbation préalable du Secrétaire du Comité populaire général pour la justice.

La séance est levée à 1 2 h 55 .