Trente-quatrième session

Compte rendu analytique de la 717e séance

Tenue au Siège, à New York, le mardi 31 janvier 2006, à 10 heures

Présidente:Mme Belmihoub-Zerdani (Vice-Présidente)

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Deuxième, troisième, quatrième et cinquième rapports périodiques combinés du Mali

En l’absence de M me  Manalo, Mme Belmihoub-Zerdani, Vice-Présidente, assume la présidence.

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports présentés par les États partiesconformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Deuxième, troisième, quatrième et cinquièmerapports périodiques combinés du Mali (CEDAW/C/MLI/2 à 5 et CEDAW/C/MLI/Q/2 à 5 et Add.1)

Sur invitation de la Présidente, les membres de la délégation malienne prennent place à la table du Comité.

M me  Diallo Sene (Mali) dit que le Mali a ratifié la Convention en 1985 et a également ratifié son protocole facultatif. Il a présenté son rapport initial en 1998, mais pour des raisons indépendantes de sa volonté, n’a pas pu faire rapport une nouvelle fois jusqu’à la session en cours. Le rapport a été élaboré dans le cadre d’un processus de participation qui a associé la société civile.

Depuis l’avènement du pays à l’indépendance en 1960, trois régimes politiques se sont succédé au pouvoir au Mali, aboutissant à des élections présidentielles démocratiques en 1992 et au système pluraliste dynamique actuel. Tous ces régimes ont fait du progrès des femmes et des enfants une priorité et il a toujours existé un mécanisme officiel chargé du progrès social, économique et juridique des femmes, aboutissant à l’établissement en 1997 du Ministère de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille. La coopération continue entre le Gouvernement, les associations et ONG féminines et le mouvement syndical féminin ont été un facteur important dans le progrès des femmes. La société civile a été associée étroitement à l’élaboration et à l’exécution des plans d’action résultant de la Conférence mondiale sur les femmes tenue à Beijing.

La Constitution de 1992 consacre le principe de l’égalité des droits des femmes et des hommes, de la non-discrimination et de la liberté individuelle, et de nombreuses dispositions du Code pénal, du Code du travail et du Code de la famille permettent de protéger et de mettre en œuvre ces droits et ces libertés.

Des mesures préférentielles et des mesures spéciales en faveur du progrès des femmes ont également été prises dans plusieurs domaines. En matière d’éducation, la politique en faveur de la scolarisation des filles a permis de tripler le nombre de filles fréquentant l’école entre 1990 et 2004, portant leur pourcentage de 19 à 59,9 %. On a fourni des incitations afin que les filles fassent des études dans des disciplines scientifiques et techniques, entrent à l’école militaire et continuent leurs études jusqu’à l’université en augmentant le score des filles lors des examens pour l’obtention de bourses, et il n’est plus possible d’obliger les filles enceintes à quitter l’école.

Des stratégies novatrices adoptées dans le domaine de la santé de la procréation et de la planification familiale ont incorporé des prestations de maternité et des examens gratuits de dépistage des cancers du col de l’utérus et du sein. Le Mali a ratifié le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, relatif à la femme en Afrique, qui exige l’adoption de lois interdisant l’excision. La stratégie actuelle consiste à conduire des campagnes d’éducation et de sensibilisation intenses concernant le danger posé par la pratique afin de changer l’opinion publique avant l’introduction d’une loi à cet égard.

En matière d’emploi, le Code du travail stipule un salaire égal pour un travail égal. Des programmes destinés aux femmes entrepreneurs et des programmes en faveur de l’accès des femmes au crédit dans le secteur non structuré ont également aidé à accroître le pouvoir économique des femmes. Conformément au Code commercial révisé, les femmes n’ont plus besoin de l’autorisation de leur mari pour travailler et un Code fiscal favorable aux femmes vient d’être adopté. Bien que la représentation des femmes dans la vie publique et dans le Gouvernement soit en augmentation (15 femmes députées, 5 ministres et 3 ambassadeurs), elles sont toujours sous-représentées au sein des organes de décision. Les femmes rurales bénéficient de programmes d’alphabétisation qui, ajoutés au réseau des associations de femmes rurales en gestation, augmentent l’accès des femmes aux postes de prise de décisions. Conformément à la loi, les femmes ont un accès égal aux ressources agricoles et foncières et peuvent tirer parti des programmes d’action préférentiels pour acquérir des terres. La prostitution est illégale au Mali, et des associations volontaires facilitent la réinsertion des anciennes prostituées dans la société.

Malgré les progrès accomplis en ce qui concerne le progrès des femmes, le fardeau imposé aux femmes par la société, la pauvreté, l’application insuffisante des lois existantes et le manque de fonds affectés à la solution des problèmes des femmes les empêchent toujours d’exercer pleinement leurs droits. Toutefois, les nombreux programmes d’information, de sensibilisation et d’éducation lancés par des ONG, des associations féminines et des institutions officielles ne manqueront pas d’avoir une incidence positive sur la situation des femmes au Mali.

Articles 1 à 6

M. Flinterman dit que, conformément à la Constitution, les accords internationaux l’emportent sur les lois nationales, mais à ce jour, la Convention n’a pas été invoquée par les tribunaux. Il voudrait savoir quel est le type d’affaires examinées par la Cour constitutionnelle et si la Convention a été citée dans une de ses décisions. Comme la Constitution ne contient pas de définition de la discrimination, il se demande si la définition figurant à l’article premier de la Convention sera reflétée dans la législation. Il félicite le Mali d’être parmi les premiers pays à ratifier le Protocole facultatif; le renforcement des recours internes devient donc d’autant plus important. Il s’intéresse aux mesures prises pour renforcer les ressources matérielles et humaines du système judiciaire pour le rendre plus accessible.

Enfin, l’orateur suggère que, dans son prochain rapport, le Mali se réfère à la recommandation générale Nº25 concernant l’article 4, qui établit une distinction entre les mesures temporaires spéciales en faveur des femmes et les politiques en général.

M me  Gnacadja souligne que les campagnes de sensibilisation ne suffisent pas à concrétiser les engagements pris par le Gouvernement; il faut surmonter les difficultés qu’il y a à parvenir à un consensus dans un pays où 90 % des habitants sont des musulmans en vue d’adopter des lois.

Notant que l’article 58 du Code pénal de 2000 n’interdit pas spécifiquement la discrimination fondée sur le sexe, l’oratrice voudrait savoir si le Gouvernement envisage de modifier cette disposition ou d’adopter des lois appropriées conformément à l’alinéa b) de l’article 2 de la Convention.

Appelant l’attention sur les articles 15 et 16 de la Convention, l’oratrice voudrait savoir si des progrès ont été accomplis en ce qui concerne l’élimination de la discrimination dans le domaine du mariage, de la famille et de la tutelle qui semble cautionnée par la loi. Des informations additionnelles concernant les obstacles rencontrés dans la réforme du système juridique seraient utiles. Elle voudrait savoir comment le Livre blanc, mentionné dans la réponse du Gouvernement à la question 4 (CEDAW/C/MLI/Q/2 à 5/Add.1, p. 3), est utilisé pour élaborer de nouveaux textes et abroger des dispositions discriminatoires.

L’oratrice attire l’attention sur les 16 pratiques préjudiciables à la santé (CEDAW/C/MLI/2 à , p. 45 et 46) et voudrait savoir si Gouvernement entend les éliminer toutes en modifiant les lois pertinentes. Se référant spécifiquement à la pratique de l’excision et à la réponse du Mali à la question 23 (CEDAW/C/MLI/Q/2 à 5/Add.1, p. 20), elle propose que le Gouvernement tire parti de l’expérience des autres pays de la région qui ont adopté des dispositions pour éliminer cette pratique.

Tout en reconnaissant que le Mali fait de gros efforts pour appliquer l’article 3 de la Convention, elle voudrait connaître l’impact réel de ces mesures sur le progrès des femmes.

M me  Patten soutient M. Flinterman qui a évoqué ce qui semble être un malentendu quant à la nature des mesures temporaires spéciales. Ces mesures sont différentes de celles décrites dans le rapport, et l’oratrice se demande si le Gouvernement a adopté des politiques équivalentes, peut-être sous une autre appellation. En tout état de cause, elle demande instamment au Gouvernement d’inclure dans la Constitution une disposition permettant l’adoption de mesures temporaires spéciales en vue de surmonter les nombreux obstacles rencontrés dans la réalisation de l’égalité de fait des femmes dans des domaines comme l’éducation, la politique et l’emploi.

Abordant les mesures destinées à accroître la scolarisation des filles, elle voudrait savoir combien de filles ont bénéficié du point additionnel dans leur demande d’une bourse, quelle est l’ampleur du budget de financement spécial pour les écoles de filles et combien d’écoles ont bénéficié de ce financement dans les zones rurales et urbaines.

M me  Gaspard note que, malgré la détermination du Gouvernement à mettre en œuvre les dispositions de la Convention, les stéréotypes et les coutumes traditionnelles sont toujours à l’origine de la discrimination à l’égard des femmes, en particulier en ce qui concerne les mutilations sexuelles féminines, le traitement des veuves et la violence familiale.

Elle signale qu’à la différence des autres pays africains qui ont pris des mesures vigoureuses pour combattre l’excision, le Mali semble agir avec beaucoup d’hésitation. Elle voudrait savoir quels ont été les résultats des campagnes destinés à reconvertir les personnes qui pratiquent l’excision et des célébrations organisées au moment où elles ont déposé leurs couteaux. Il serait utile de disposer de renseignements additionnels concernant les efforts destinés à inciter le personnel médical à encourager les familles à abandonner la pratique. Bien que le Mali ait ratifié le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la femme en Afrique, il devrait également adopter ses propres lois en la matière. L’oratrice voudrait connaître les plans du Gouvernement à cet égard.

La situation des veuves est particulièrement déplorable (elles sont considérées comme la propriété de la famille du mari et sont fréquemment maltraitées), et la tolérance de la violence familiale fait qu’il leur est encore plus difficile d’obtenir de l’aide. L’oratrice voudrait savoir si le Gouvernement entend adopter des politiques ou des lois pour régler ce problème.

En dernier lieu, l’oratrice attire l’attention sur la situation des jeunes filles qui se font engager comme employées domestiques pour réunir les fonds nécessaires à la constitution de leur trousseau, et qui sont souvent violées ou victimes de harcèlement sexuel. Elle voudrait savoir si le Gouvernement entend prendre des mesures pour aider ces filles.

M me  Coker-Appiah, se référant aux réponses du Gouvernement concernant la question 10 (CEDAW/C/MLI/Q/2 à 5/Add.1, p. 10), signale que toutes les formes de violences mentionnées sont le résultat d’une idéologie patriarcale et sont justifiées par des coutumes traditionnelles. En outre, la violence est souvent considérée comme une affaire privée et, en tant que telle, n’est même pas reconnue par l’État. Il faut une approche pluridisciplinaire pour modifier les coutumes traditionnelles, sensibiliser la population et, en fin de compte, adopter les lois nécessaires. Se référant à la réponse du Mali à la question 11 (CEDAW/C/MLI/Q/2 à 5/Add.1, p. 11), l’oratrice voudrait savoir si les nouvelles lois mentionnées ont une chance d’être adoptées et si elles traiteront de toutes les formes de violence, y compris le viol conjugal. Elle pose également la question de savoir si l’État soutient la société civile et des organisations individuelles qui fournissent une assistance aux victimes. Elle attire l’attention sur la nécessité qu’il y a à impartir une formation spéciale à la police quant à l’aide à apporter aux victimes, car l’attitude négative de certains agents de police empêche les femmes de dénoncer les abus.

L’Afrique occidentale, y compris le Mali et le pays de l’oratrice, le Ghana, n’a pas été épargnée par le problème de la traite des personnes, qu’elle se fasse aux fins du service domestique, du mariage ou de la prostitution, et l’oratrice rend hommage au Gouvernement malien d’avoir ratifié de nombreux instruments internationaux destinés à combattre ce fléau. À ce propos, elle demande des informations sur le cas du Nigérian poursuivi pour s’être livré à la traite. Elle voudrait également savoir ce que l’on fait pour aider les victimes de l’exploitation sexuelle, par exemple par le biais de l’assistance juridique gratuite et des soins de santé. Appelant l’attention sur l’article 229 du Code pénal, elle voudrait savoir combien de personnes ont été jugées en vertu de cette disposition et quels ont été les résultats.

M me  Diallo Sene (Mali) dit qu’il est temps de réviser la Constitution actuelle du Mali, adoptée en 1992, afin de combler certaines lacunes, en particulier en introduisant une définition de la discrimination.

M me  Maiga (Mali) dit que la Constitution de 1992 condamne la discrimination à l’égard des femmes, mais sans la définir. Toutefois, elle stipule que tous les traités internationaux ratifiés par le Mali l’emportent sur la législation nationale. Cela comprend non seulement la Convention, mais également le Protocole à la Charte des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la femme en Afrique, qui reprend la définition donnée dans la Convention. Pendant une certaine période, tous les magistrats maliens n’avaient pas accès au texte de ces traités. En collaboration avec le Ministère de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille, le Ministère de la justice a donc organisé des séminaires de formation à l’intention des magistrats afin de les sensibiliser aux problèmes concernant les femmes et de développer la jurisprudence dans ce domaine. Des progrès ont également été accomplis en ce qui concerne les tribunaux eux-mêmes, en particulier grâce à l’informatisation de leurs dossiers. En outre, on a créé des centres où les femmes peuvent obtenir un soutien psychologique.

Répondant à la question concernant la réforme du Code de la famille, l’oratrice dit que celle-ci a été retardée. Le Code a été adopté en 2002 par ordonnance législative, mais a été retiré par la suite en raison des réserves exprimées par l’Assemblée nationale. À la suite de l’examen par une commission, on est parvenu à un consensus; le Code doit être soumis prochainement une nouvelle fois à l’Assemblée nationale.

M me  Diallo Sene (Mali) évoque les difficultés rencontrées dans les efforts destinés à mettre fin à l’excision. L’instauration de la démocratie a permis la création de nombreuses associations féminines et la défense des intérêts des femmes; mais dans le même temps, elle a permis à des groupements religieux intégristes de constituer des organisations qui poursuivent leurs propres ordres du jour. Il faut beaucoup de temps pour modifier les coutumes; en plus de la sensibilisation, il faut des mesures législatives qui relèvent de la responsabilité de l’État. L’un des objectifs du projet de code de la famille consiste à garantir l’égalité des femmes et des hommes. De même, le Code pénal de 2001, qui ne contient aucune référence spécifique à la violence sexiste, sera modifié pour couvrir le viol, la bigamie, l’abandon du foyer et des enfants et la violence familiale.

M me  Kante Toure (Mali) dit que la prochaine conférence sous-régionale permettra au Mali de tirer les enseignements de l’expérience des pays voisins quant aux moyens de surmonter la résistance aux efforts destinés à décourager l’excision. Il faut également une nouvelle loi pour établir des peines appropriées. L’oratrice met en relief l’ampleur du problème existant au Mali ou 9 femmes sur 10 ont subi l’excision qui est profondément enracinée dans la culture de la population. Cette pratique remonte si loin dans le passé que même ses origines ne sont pas connues et on ne peut pas s’attendre à ce qu’elle disparaisse d’un jour à l’autre. Les premiers efforts de sensibilisation reposaient sur des arguments d’ordre médical; toutefois, cette approche s’est avérée insuffisante et a été remplacée par une approche socioéconomique et éducationnelle qui cible les croyances et les mythes populaires. Une fois qu’il a été démontré que cette pratique n’est pas fondée, une loi sera acceptée plus facilement, sinon la pratique deviendra clandestine. L’oratrice dit que la cérémonie instituée 10 ans plus tôt, dans le cadre de laquelle les femmes pratiquant l’excision ont déposé les instruments de leur métier, n’a pas en fait apporté un changement réel. Certaines femmes ont cessé de pratiquer l’opération en raison de leurs propres problèmes de santé; elles ont été remplacées par des femmes plus jeunes. Les efforts actuels ne ciblent pas ces dernières, mais ceux qui demandent leurs services, à savoir les parents et les grands-parents, qui doivent être persuadés à cesser la pratique.

Les ONG ont joué un rôle très actif en défendant les droits des employés domestiques. Le Ministère de l’emploi a collaboré dans ce domaine avec le Ministère de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille, en particulier par le biais de l’établissement d’un programme local de placement, de cours de formation, de la prévention du VIH/sida et de la fourniture d’une assistance dans la défense des droits des femmes.

M me  Maiga (Mali) dit que la prostitution n’est pas une infraction punissable au Mali, en revanche c’est le cas du proxénétisme et de l’exploitation des femmes. Les efforts de la société civile, appuyés par le Gouvernement, ont abouti au démantèlement des réseaux transfrontières. Le Secrétariat exécutif de la coalition ONG contre la traite des femmes, établi à Bamako, s’est employé à trouver des logements pour les victimes et, en collaboration avec d’autres pays, à alerter la police, en particulier la police des frontières, au cas de traite. On a mis en place un système d’alerte qui aide les victimes de la traite et de la prostitution forcée. Le Gouvernement s’est montré disposé à soutenir la coalition, en particulier grâce à l’établissement de centres d’accueil, et contribue d’ores et déjà aux activités de soutien psychologique et de réadaptation sociale.

M me  Soumare Diallo (Mali) dit que depuis l’accession du Mali à la souveraineté nationale, ses autorités ont bénéficié du soutien actif de la société civile, à laquelle elles ont apporté un soutien financier et matériel. Les ONG féminines ont contribué à leur tour à l’élaboration des politiques et stratégies du Gouvernement; elles ont attiré son attention sur des cas de violation des droits des femmes et des enfants. Le Ministère de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille, ainsi que les Ministères de l’intérieur et de la justice ont collaboré dans la lutte contre les violations. Cela est conforme à la position générale du Gouvernement en matière de droits de l’homme; le Mali observe l’anniversaire de l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme le 10 décembre de chaque année.

M me  Maiga (Mali), répondant à la question concernant la lutte contre les stéréotypes, dit que les femmes elles-mêmes résistent aux efforts déployés à cet égard. Il est donc important d’accroître la scolarisation des filles, qui fait que les filles épousent plus facilement des attitudes modernes et la cause des droits des femmes. Par conséquent, on a adopté un ensemble de mesures qui incluent l’éducation et l’autonomisation économique, en vue de mettre les femmes à même de défendre leurs droits et de combattre les stéréotypes.

M me  Assitan Diallo (Mali) reconnaît également qu’il faut adopter une approche multisectorielle pour parvenir à une modification générale des attitudes. Une telle approche doit inclure la sensibilisation et des campagnes d’information à la base, avec l’aide des communicateurs traditionnels. La radio et la télévision nationales ont également un rôle important à jouer dans la lutte contre les stéréotypes en développant une image positive des femmes et en créant une masse critique de femmes informées dans toute la société.

M me  Maiga (Mali) signale que la violence familiale est couverte à la fois par le Code pénal et le Code du mariage et de la tutelle. Les femmes peuvent compter sur une assistance juridique à tous les stades de la procédure civile, allant de l’enquête de police à l’obtention d’un certificat médical confirmant les blessures infligées par le mari; toutefois, les pressions exercées par la famille mettent souvent fin à la procédure civile. Il est toujours possible d’intenter des poursuites pénales, mais en l’absence d’une affaire civile, les femmes n’ont aucune chance d’être indemnisées pour les blessures subies. Le plan national d’action concernant la violence familiale pour la période 2006-2011 a pour but de mettre en place une approche unifiée à la formation du personnel de police, du personnel sanitaire et des juges en vue de rendre le problème plus visible et de l’affronter d’une manière cohérente.

M me  Shin se demande pourquoi des représentants de la société civile se sont présentés devant le Comité dans le cadre de la délégation, alors que c’est le Gouvernement malien qui est responsable de l’application de la Convention.

M me  Gabr met en relief l’importance de l’islam, religion de 90 % des Maliens, pour connaître l’image des femmes dans la société. L’islam est équitable à l’égard des femmes, mais il existe des coutumes traditionnelles africaines qui sont souvent confondues avec l’islam, et il est essentiel d’entamer un dialogue avec les chefs religieux pour éviter les malentendus.

M me  Šimonović explique la démarche à suivre pour appliquer la Convention et voudrait savoir si l’égalité entre les hommes et les femmes est déjà consacrée dans la Constitution malienne, ou dans le projet de code de la famille. Elle apprécierait des informations quant aux peines imposées dans les affaires de discrimination à l’échelon national depuis la ratification du Protocole facultatif. Elle voudrait également savoir si le Mali considère les mutilations sexuelles féminines comme une violation des droits énoncés par la Convention.

M me  Tavares da Silva dit qu’il serait utile d’adopter une stratégie conformément à laquelle les mutilations sexuelles féminines et d’autres pratiques traditionnelles sont considérées comme une atteinte au droit fondamental à l’intégrité physique et mentale, voire, dans certains cas, comme une atteinte au droit à la vie.

M me  Diallo Sene (Mali) explique que, puisque les représentants de la société civile ont joué un rôle aussi important dans l’élaboration du rapport et dans les réponses fournies à la liste de problèmes et de questions, il semblait logique de les faire venir dans le cadre de la délégation, bien que le Gouvernement soit seul responsable de l’application de la Convention.

M me  Kante Toure (Mali) signale que l’islam, à l’instar des autres religions monothéistes, a libéré les femmes de la condition de simples objets et leur a donné des droits. Des problèmes se posent quand l’islam est interprété de manière erronée, par exemple par ceux qui affirment que l’excision est exigée par la religion, et il est important que le clergé dissipe ce malentendu. Le Ministère de la promotion de la femme, de l’enfant est de la famille a conduit une étude sur l’islam et la violence à l’encontre des femmes, qui a également tenu compte de l’avis des hommes. Les conclusions de l’étude ont aidé à définir les politiques adoptées dans ce domaine.

M me  Maiga (Mali) explique que le Département juridique du Ministère des affaires étrangères est responsable de l’application de la Convention et de la suite à y donner; il collabore avec les ministères compétents tels que le Ministère de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille, puis fait rapport sur les mesures prises par les ministères et la société civile. L’égalité des droits et des obligations constitue le fondement même de la Constitution et inspire tous les efforts du pays en faveur de l’égalité et la lutte contre la discrimination. Il est manifeste que la tutelle continue du mari sur sa femme constitue une discrimination, et il existe d’autres problèmes qui doivent retenir l’attention. Parfois, la discrimination est sanctionnée, mais parfois elle est tolérée et les autorités sont lentes à réviser les textes discriminatoires et à former le personnel du système judiciaire. Les avocats peuvent se réclamer de la Convention dans leurs plaidoiries et les juges sont tenus de l’appliquer, bien que ceux qui n’ont pas reçu une formation spéciale manquent souvent de le faire. Une décision sur cette question est pendante à la Cour suprême, et si tous les recours internes sont épuisés, le recours constitué par le Protocole facultatif est toujours disponible.

M me  Kante Toure (Mali) décrit les complexités socioculturelles qui empêchent de traiter les mutilations sexuelles féminines comme des simples cas de blessures causées à une enfant. Une mère qui soumet sa fille à l’excision s’imagine qu’elle commet une bonne action, pensant qu’une fille qui n’a pas subi cette pratique ne trouvera jamais un mari et qu’elle risque de mourir en couches, le clitoris bloquant le passage de la tête du bébé. Une telle enfant est donc victime de l’ignorance plutôt que d’une agression criminelle, et c’est contre l’ignorance que la société malienne doit se battre. En érigeant l’excision en infraction pénale, on rendra simplement la pratique clandestine.

M me  Assitan Diallo (Mali) ajoute qu’il est difficile de faire comprendre la notion de droits universels, mais la société civile réussit progressivement à transformer les mentalités. Adoptant une approche participative à la lutte contre l’excision, elle diffuse des cassettes vidéo et des disques compacts qui établissent un lien entre le droit des fillettes à jouer en tant qu’enfant à leur droit à la vie lui-même et qui incluent des messages émanant de victimes de la pratique que la population peut comprendre.

Articles 7 à 9

M me  Gaspard dit que la participation des femmes à la prise de décisions dépend, non pas du niveau de développement d’un pays, mais de la volonté de son gouvernement. Par exemple, le Rwanda figure en tête de liste en ce qui concerne la participation des femmes au Parlement, avant même la Suède. L’Union africaine a également manifesté un engagement solide en faveur de la parité, en élisant cinq hommes et cinq femmes à ses postes suprêmes en 2003. De par ses visites au Mali, l’oratrice sait que les Maliennes sont très dynamiques et jouent un rôle clef dans la société, bien que cela soit le cas le plus souvent dans la société non structurée. Toutefois, les femmes sont toujours sous-représentées dans les assemblées élues et aux niveaux les plus élevés du Gouvernement. S’agissant de la loi qui prévoit l’octroi de fonds publics additionnels aux partis politiques qui comptent des femmes députées ou conseillers, l’oratrice dit que le Mali doit aller encore plus loin et adopter une politique de quotas en fixant pour chaque élection un nombre minimum de candidats des deux sexes. L’introduction de quotas pour les assemblées municipales profiterait en particulier aux femmes rurales. L’excuse fréquemment avancée que beaucoup de femmes sont analphabètes n’est pas valable, puisque de nombreux hommes le sont également, ce qui ne les empêche pas d’être élus. Cela vaut également pour l’affirmation que les femmes ne souhaitent pas se présenter, comme l’expérience du pays de l’oratrice l’a montré. Les femmes doivent participer à la prise des décisions dans leurs propres communautés, car c’est à ce niveau-là qu’elles connaissent le mieux les questions et sont le mieux armées pour proposer des solutions. Enfin, l’oratrice se féliciterait si le prochain rapport du Mali contenait des informations sur le nombre de femmes occupant des postes diplomatiques.

M me  Coker-Appiah note que, conformément à la loi portant création du Code de la nationalité, un homme passe automatiquement sa nationalité à ses enfants, mais une femme ne peut le faire que dans certains cas concrets, par exemple si le père est apatride ou si sa nationalité n’est pas connue (CEDAW/C/MLI/Q/2 à 5/Add.1, p. 31). Elle voudrait savoir si une Malienne peut transférer sa nationalité à un mari étranger. Conformément aux réponses du Mali à la liste des problèmes et questions (CEDAW/C/MLI/Q/2 à 5/Add.1, p. 11), le Gouvernement examinera la question de la nationalité dans le cadre de la révision de la loi connexe, qui fait partie du projet de code de la personne et de la famille. Conformément au Code en vigueur, le mari, en sa qualité de chef de famille, est seul habilité à prendre des décisions concernant ses enfants. L’oratrice voudrait savoir si le nouveau Code de la personne et de la famille reconnaîtra le droit de la femme à prendre des décisions concernant ses enfants.

M me  Diallo Sene (Mali) pense, elle aussi, que les Maliennes sont très actives et jouent un rôle essentiel dans la société; pourtant, elles sont sous-représentées. Elle peut signaler que certains progrès ont été accomplis quant à l’établissement de quotas. Conformément à la nouvelle loi électorale, aucun sexe ne peut représenter plus de 70 % des candidats inscrits sur les listes électorales. Il s’agit de garantir qu’au moins 30 % des candidats sont des femmes. Cette règle s’appliquera également à la Commission nationale électorale. Le projet de loi a été examiné par le Cabinet du Premier Ministre et est en cours d’achèvement en vue de sa présentation au Conseil des ministres.

M me  Maiga (Mali) dit que la question des quotas a été discutée avec la société civile. Les réseaux de femmes députées et ministres jouent un rôle important à cet égard. La loi relative aux partis politiques, conformément à laquelle les partis comptant des femmes députées ou conseillers reçoivent des fonds publics additionnels, n’est qu’un exemple de ce qui a été réalisé à cet égard. Toutefois, il est manifeste que la question doit être examinée plus avant. Les quotas sont importants, non seulement pour les postes pourvus par élection, mais également pour les postes administratifs. Ils peuvent aider à corriger la situation actuelle où les femmes députées ne sont pas toujours réélues ou n’ont pas les moyens pour poser une nouvelle fois leur candidature et poursuivre les initiatives qu’elles ont lancées quand elles étaient en fonction. Pourtant, pour parvenir à un niveau de représentation plus élevé, il est également essentiel de développer la prise de conscience et la solidarité parmi les femmes au sein des partis politiques. Le fait que le Mali compte 85 partis politiques rend cette tâche plutôt ardue. Toutefois, chaque parti à une section féminine et un mouvement féministe qui sont censés sensibiliser les membres à la nécessité de créer des quotas au sein de chaque parti et d’encourager les femmes à faire campagne en faveur des candidates.

S’agissant de la nationalité, l’oratrice dit qu’à l’heure actuelle, quand un Malien épouse une étrangère, celle-ci acquiert automatiquement la nationalité. Toutefois, quand une Malienne épouse un étranger, ce dernier doit demander la nationalité auprès du Ministère de la justice; il doit prouver qu’il compte au moins deux années de résidence dans le pays et doit se soumettre à une enquête sur sa moralité. Le nouveau Code de la personne et de la famille corrigera cette situation discriminatoire en permettant aux hommes et aux femmes de transmettre leur nationalité à leur conjoint automatiquement et dans les mêmes conditions. On corrigera également dans le nouveau Code la disposition en vigueur conformément à laquelle une femme peut transférer sa nationalité à ses enfants uniquement quand celle du père n’est pas connue.

M me  Diallo Sene (Mali) dit que, conformément au nouveau Code, une veuve ou une divorcée peut devenir chef de ménage et prendre des décisions concernant ses enfants. Précédemment, le fils aîné devenait chef du ménage en pareilles circonstances.

M me  Maiga (Mali) dit que, comme cela est expliqué dans le rapport, conformément au Code en vigueur, le mari est le chef de famille (CEDAW/C/MLI/2 à 5, p. 63). La femme peut être chef de famille uniquement dans certains cas concrets, par exemple en cas d’absence prolongée et injustifiée du mari. Le nouveau Code confirme le statut de chef de famille du mari, mais la clause relative à l’obédience de la femme a été supprimée. En outre, le mari et la femme se partageront désormais la responsabilité en ce qui concerne le choix du domicile familial et l’éducation des enfants. Le remplacement de la patria potestas par la notion d’autorité parentale donnera aux hommes et aux femmes des droits égaux à l’égard de leurs enfants et dans l’exercice de la tutelle.

M me  Saiga dit qu’elle apprécierait des éclaircissements concernant le transfert de la nationalité de la mère à son enfant lorsque le père de l’enfant est un étranger. En outre, la règle applicable à une Malienne qui a épousé un étranger dont elle a un enfant est-elle la même que celle qui s’applique à un Malien qui épouse une étrangère dont il a un enfant?

M me  Maiga (Mali) dit que, conformément au Code en vigueur, la nationalité est transférée par le père. Si le père est un étranger, il y a un problème. Cette disposition a été identifiée comme discriminatoire et sera corrigée dans le nouveau Code.

Articles 10 à 14

M. Flinterman rend hommage à l’État partie pour les mesures prises en matière d’éducation. Il se félicite en particulier de ce que le taux brut de scolarisation des filles au premier cycle de l’enseignement fondamental ait atteint près de 60 % en 2004 (CEDAW/C/MLI/Q/2 à 5/Add.1, p. 13), et que les filles enceintes peuvent désormais poursuivre leurs études (CEDAW/C/MLI/2 à 5, p. 21). Toutefois, beaucoup reste encore à faire. Par exemple, le Mali a-t-il fixé un calendrier pour la réalisation de l’objectif du Millénaire pour le développement concernant l’éducation primaire universelle et recherche-t-il une assistance internationale à cet égard? A-t-il fixé un calendrier concernant l’augmentation de la participation des filles à l’éducation secondaire et postsecondaire? Conformément au rapport, le taux de réussite des filles est inférieur à celui des garçons, et les filles sont plus nombreuses à abandonner l’école. L’orateur voudrait savoir pourquoi il en est ainsi, étant donné que dans de nombreux autres pays les filles réussissent souvent mieux que les garçons quand elles ont l’occasion de participer à l’éducation. À ce propos, il est curieux de connaître l’impact du système consistant à accorder un point additionnel aux filles dans l’octroi de bourses, et voudrait savoir si le Gouvernement entend étendre ce système à d’autres domaines.

M me  Tavares da Silva rend hommage au Gouvernement pour les mesures qu’il a prises en matière de santé, mais déplore l’écart considérable entre la vision du Gouvernement et la réalité sur le terrain. Le rapport a été très franc en reconnaissant l’existence de cet écart, en mentionnant ouvertement des problèmes tels que les taux élevés de morbidité et de mortalité maternelle et infantile; le taux élevé de fécondité; le fait que les femmes sont enceintes fréquemment et à des intervalles rapprochés; le niveau insuffisant des soins prénataux et postnataux; l’absence de connaissances en matière de planification familiale; le faible nombre de femmes utilisant la contraception; et le problème des avortements clandestins.

L’oratrice a aussi été frappée par la longue liste des pratiques nuisibles citées dans le rapport (CEDAW/C/MLI/2 à 5, p. 45), dont certaines paraissent très cruelles et préjudiciables à la santé physique et mentale des femmes. Conformément au rapport, on a accordé une attention particulière aux mutilations sexuelles féminines (CEDAW/C/MLI/2 à 5, p. 46); toutefois, ce n’est pas la seule pratique qui pose un risque pour la santé. L’oratrice se demande si des mesures ont été prises pour éliminer d’autres pratiques nuisibles. Alors qu’elle comprend les raisons qui expliquent la lenteur des progrès, elle dit que le droit des femmes à la santé sera réalisé uniquement lorsque ces pratiques seront combattues et éliminées.

Enfin, conformément au rapport (CEDAW/C/MLI/2 à 5, p. 45), le taux d’infection par le VIH/sida est plus élevé chez les femmes que chez les hommes; cela n’est pas le cas dans de nombreux pays. Par conséquent, l’oratrice encourage le Gouvernement à intensifier ses programmes d’information et d’éducation concernant la santé de la procréation et le VIH/sida en particulier.

La séance est levée à 13 heures.