Trente-septième session

Compte rendu analytique de la 764e séance (salle B)

Tenue au Siège, à New York, le lundi 19 janvier 2007, à 15 heures

Président e:Mme Šimonović

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en vertu de l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport unique des Maldives valant deuxième et troisième rapports périodiques (suite)

La séance est ouverte à 15 heures.

Examen des rapports présentés par les États parties en vertu de l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport unique des Maldives valant deuxième et troisième rapports périodiques (suite) (CEDAW/C/MDV/2-3, CEDAW/C/MDV/Q/3 et Add.1)

À l’invitation de la Présidente, la délégation des Maldives prend place à la table du Comité.

Articles 10 à 14

M me Zou Xiaoqiao demande, au sujet de l’éducation, quelles mesures le Gouvernement a prises depuis le dernier rapport en vue de freiner le mariage précoce des filles, qui se traduit par un taux élevé d’abandon scolaire et de médiocres perspectives d’emploi, d’améliorer le niveau d’instruction des filles dans les zones rurales et insulaires, de faire en sorte que les programmes de formation professionnelle ne soient pas quasiment exclusivement réservés aux hommes, d’offrir davantage de bourses universitaires aux femmes et d’orienter les femmes vers des secteurs d’activité non traditionnels où les hommes sont majoritaires, parallèlement à une campagne de sensibilisation visant à venir à bout des stéréotypes au sein de la société.

M me Gumede Shelton demande à la délégation d’expliquer dans quelle mesure le taux d’abandon scolaire dans les régions rurales est dû au manque de pensionnats de filles, si les médias du pays contribuent à combattre les stéréotypes et dans quels domaines non traditionnels il subsiste des disparités entre les sexes, par rapport aux secteurs dans lesquels des progrès ont été constatés. Elle souhaite savoir si le programme de discrimination positive visant à aider les femmes à aller à l’université et à suivre une formation technique et bénéficier de conseils d’orientation professionnelle, décrit lors de la séance précédente, a véritablement commencé et si les statistiques relatives à l’éducation figurant dans le rapport (CEDAW/C/MDV/2-3, par. 22, 24 et 25) représentent la proportion de femmes par rapport aux hommes ou la proportion d’une catégorie donnée de femmes par rapport à l’ensemble des femmes.

M me Patten demande, au sujet de l’article 11, si le nouveau projet de loi sur le travail mentionné à la séance précédente a déjà été présenté au Majlis spécial (rapport, par. 9) et si ce projet de loi, ou le Code pénal, comporte des dispositions sur le harcèlement sexuel au travail, régit les conditions de travail et prévoit des mécanismes de règlement des plaintes pour discrimination salariale et des inspections régulières des lieux de travail. Elle souhaite obtenir des informations supplémentaires sur la façon dont le Gouvernement combat la discrimination au travail : le Ministère des questions sexospécifiques et de la famille coopère-t-il, par exemple, avec le Ministère du travail pour garantir une rémunération égale pour un travail égal, interdire la discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe, la situation matrimoniale ou la grossesse, garantir l’égalité des chances en matière de formation, de promotion, de santé et de sécurité au travail et de protection sociale et fournir aux femmes des services d’appui à un prix raisonnable, en matière de garde d’enfants par exemple? Mme Patten demande également si le Gouvernement modifie l’échelle des salaires dans les domaines à prédominance féminine, comme l’enseignement, afin d’accroître les revenus des femmes et s’il aide celles qui occupent des emplois peu rémunérés dans le secteur lucratif du tourisme à trouver des emplois mieux rémunérés dans des hôtels.

M me Didi (Maldives) dit qu’il n’existe aucune disparité entre les sexes dans l’enseignement primaire ou secondaire; le taux d’abandon scolaire des filles est en réalité plus faible que celui des garçons et leur taux de réussite plus élevé. Le Gouvernement s’emploie sans relâche à assurer un enseignement de qualité dans l’ensemble du pays. Par rapport à la situation en 1982 – deux écoles privées en milieu rural, aucune école publique et plusieurs madrasas islamiques qui dispensaient des cours d’arabe et un enseignement sur le Coran jusqu’à la troisième année d’étude primaire – les 90 îles disposent presque toutes aujourd’hui d’une bonne école publique jusqu’à la septième année d’études et l’enseignement secondaire est obligatoire lorsqu’un établissement compte plus de 100 élèves. Le nombre d’établissements secondaires demeure problématique, mais on en dénombre 20 dans l’ensemble du pays et un dans la quasi-totalité des atolls.

Les disparités entre les sexes sont apparentes, bien entendu, dans l’enseignement supérieur mais des progrès ont été faits en ce qui concerne les bourses et les possibilités d’inscription et de formation offertes aux femmes. Dans les écoles hôtelières, par exemple, le pourcentage de femmes est presque égal à celui des hommes. C’est dans le domaine de l’emploi, après la formation, que les véritables inégalités existent. Bien sûr, on compte actuellement plus de femmes que d’hommes parmi les enseignants, bien que cela n’ait pas toujours été le cas, et les postes d’enseignant restent bien rémunérés. On ne trouve cependant aucune femme parmi le personnel des stations touristiques, qui sont gérées par le secteur privé. L’environnement n’est guère propice aux femmes dans l’industrie touristique : les stations touristiques sont situées dans des régions isolées, seul le logement du personnel masculin est assuré et les hommes détiennent les emplois les mieux rémunérés, même dans les secteurs où les femmes sont généralement majoritaires. La discrimination positive est sans aucun doute nécessaire dans l’industrie touristique.

M. Anil (Maldives) dit que le projet de loi sur le travail a en effet été présenté en février 2006, débattu en séance plénière et renvoyé en commission et qu’il devrait être adopté en 2007. Il traite de la plupart des aspects de la discrimination évoqués par les membres du Comité et prévoit, pour la première fois aux Maldives, des tribunaux du travail où siégeront des spécialistes et la création de syndicats. Le projet de loi ne comporte pas de dispositions sur le harcèlement sexuel, que le Gouvernement espère inclure dans un projet de loi distinct plutôt que dans le Code pénal. Les plaintes pour discrimination en matière d’emploi et pour conditions de travail inadéquates peuvent être examinées par la Commission des droits de l’homme, le Bureau des réclamations, voire le système judiciaire. Il faut cependant signaler que peu de plaintes de ce type ont été déposées et que le Gouvernement doit redoubler d’efforts afin de réglementer ce domaine.

M me Rafiu (Maldives) fait observer que les chiffres indiqués au paragraphe 24 du rapport et en annexe ne portent que sur les bourses octroyées par le Gouvernement, et que de nombreuses subventions sont accordées par des organismes privés pour des études à l’étranger. Les bourses universitaires sont toujours accordées au mérite, et puisque les garçons ont de meilleurs résultats à l’université, ils obtiennent davantage de bourses.

M me Tan demande si les jeunes filles enceintes peuvent poursuivre leur scolarité. Il s’agirait dans le cas contraire d’une forme de discrimination les privant de la possibilité de s’instruire.

M me Begum souhaite savoir si les questions relatives à l’égalité des sexes et à la santé de la reproduction font partie des programmes d’études des établissements d’enseignement secondaire et pourquoi les garçons sont plus nombreux que les filles à abandonner leurs études primaires et secondaires.

M me Patten demande ce que fait le Gouvernement pour promouvoir l’emploi des femmes dans des secteurs à prédominance masculine autres que le tourisme. Il serait intéressant de savoir si un projet de loi distinct sur le harcèlement sexuel a des chances d’être adopté rapidement. En outre, en l’absence de loi sur la question, les tribunaux ou la Commission des droits de l’homme ont-ils été saisis d’affaires de discrimination en matière d’emploi?

S’exprimant à titre personnel, la Présidente demande quels types de congés de maternité sont prévus et si les femmes sous contrat de travail temporaire ont droit à un congé de maternité. Elle souhaite également en savoir plus sur les mesures prises pour combattre les stéréotypes dans l’éducation, dans les manuels scolaires et ailleurs.

M me Didi (Maldives) dit que, pour l’instant, les filles enceintes ne peuvent retourner à l’école car, en vertu de la loi sur les droits de l’enfant, une fille devient adulte dès lors qu’elle met un enfant au monde. Elle n’ignore pas cependant que la grossesse peut résulter d’un viol ou de « négligence » et non d’un choix. La délégation a pris note des observations des membres du Comité et s’emploiera à faire amender la loi afin que les filles qui se trouvent dans cette situation puissent reprendre leurs études.

Les chiffres indiqués au paragraphe 24 du rapport portent sur les pourcentages de bourses accordés aux filles dans les premier, deuxième et troisième cycles universitaires. Tout le monde peut faire une demande de bourse. La commission des bourses ne fait aucune distinction entre les filles et les garçons et accorde les bourses en fonction du mérite des étudiants, car tel est le critère d’admission dans les universités étrangères. Elle a refusé le système de quotas demandé par le Ministère des questions sexospécifiques et de la famille, arguant qu’une candidate ayant de meilleures notes qu’un candidat obtiendrait automatiquement une bourse.

Les programmes de discrimination positive et d’orientation professionnelle mentionnés par Mme Didi dans sa déclaration liminaire font référence à des mesures que le Gouvernement prévoit de prendre à l’avenir.

Le taux d’abandon scolaire est plus élevé parmi les garçons car, même sans qualifications, ils peuvent aisément obtenir un travail bien rémunéré dans le secteur du tourisme. Cela va cependant changer du fait de la nouvelle loi sur le travail, qui établit un âge minimum pour l’emploi (18 ans). Il faut espérer que cette loi réduira l’emploi des jeunes âgés de 14 à 16 ans et, partant, le taux d’abandon scolaire des garçons.

Certaines employées de l’administration engagées à titre temporaire n’ont pas obtenu de congé de maternité. Le Ministère des questions sexospécifiques et de la famille a informé le Cabinet du Président qu’il s’agissait d’une discrimination. Le problème ne se posait pas auparavant car la plupart des contrats temporaires étaient accordés à des hommes, mais puisque les femmes en ont aussi maintenant, tout doit être fait pour remédier à la situation. Il n’existe aucune réglementation obligeant les entreprises du secteur non structuré à accorder à leurs employés les mêmes conditions d’emploi que celles garanties par le Gouvernement. Le principe de salaire égal pour un travail égal s’applique cependant au secteur structuré aussi bien qu’au secteur non structuré.

M. Anil (Maldives) dit que le harcèlement sexuel est interdit par la loi et est considéré comme une infraction tant dans le nouveau Code pénal que dans le projet de loi sur le travail. Ce dernier prévoit également des voies de recours. Cependant l’inclusion dans le projet de loi de toutes les formes de harcèlement, directes et indirectes, aurait entraîné des retards considérables. Le harcèlement sexuel est une question complexe qui doit faire l’objet d’un examen approfondi afin d’être appréhendée correctement.

Il existe déjà un certain nombre de mécanismes permettant d’enquêter sur les allégations de harcèlement sexuel, dont le Bureau des réclamations, la Commission nationale des droits de l’homme et des mécanismes internes du Ministère de l’emploi et du travail et du Ministère des questions sexospécifiques et de la famille. Il est cependant extrêmement difficile au public de saisir ces mécanismes et, à la connaissance de l’orateur, seuls quelques cas ont été signalés. Parallèlement aux lois, des moyens plus pratiques et plus accessibles d’obtenir réparation en cas de harcèlement sexuel doivent être mis en place et il faut espérer que le nouveau projet de loi sur le travail et le nouveau tribunal du travail rempliront cet office.

M me Mohamed (Maldives) signale que, en vertu des réglementations en vigueur et tant que le projet de loi sur le travail n’aura pas été adopté, les femmes ont droit à 45 jours de congé de maternité.

S’il convient de faire davantage pour combattre les stéréotypes, des efforts ont été faits afin de diversifier les perspectives d’emploi, notamment dans le cadre de la Campagne OUI, qui réserve aux filles 40 % des possibilités de formation, et du Défi annuel pour la jeunesse du Ministère de la jeunesse et des sports, qui permet aux jeunes de s’informer sur les emplois dans différents secteurs.

M me Rafiu (Maldives) dit que le programme d’études secondaires ne comprend actuellement pas de volet consacré à la santé de la reproduction. Un programme périscolaire a cependant été organisé pour divers groupes d’âges. En outre, le Ministère de la santé et le Ministère de l’information et des arts font un gros travail de sensibilisation, notamment en ayant recours aux médias pour informer la population sur des points précis. En 2007, tous les programmes scolaires seront évalués sous l’angle de l’égalité des sexes.

M me Didi (Maldives) dit que les élèves du primaire sont sensibilisés à la question du VIH/sida dans le cadre de diverses disciplines mais que les questions relatives à l’égalité des sexes ne sont pas abordées en tant que telles. Comme sa collègue vient de le dire, les élèves du secondaire peuvent suivre un programme périscolaire de préparation à la vie portant entre autres sur l’égalité des sexes et la santé en matière de reproduction. Mais ce programme n’existe que dans certaines régions du pays. Les programmes scolaires seront modifiés en fonction des recommandations formulées au terme de l’évaluation qui sera effectuée en 2007, la première depuis 1983.

M me Arocha Domínguez souhaite savoir si le Gouvernement fournit également des services de santé décentralisés et affecte des professionnels de la santé qualifiés dans tous les îlots habités. Si tel est le cas, ces services relèvent-ils du Ministère des questions sexospécifiques et de la famille et du Ministère du développement des atolls?

D’après les réponses de l’État partie (par. 25), il ressort de l’enquête par grappes à indicateurs multiples réalisée en 2001 que plus de 51 % des Maldiviennes sont anémiques. Des programmes particuliers de nutrition ont-il été mis en place depuis, afin d’améliorer l’état nutritionnel des femmes, notamment de celles en âge de procréer.

Il est également indiqué dans les réponses (par. 17) que la prostitution est en hausse, en particulier parce que la toxicomanie augmente dans le pays. L’État partie devrait donner des précisions sur l’ampleur du problème et ses liens avec la prostitution et, éventuellement, avec le tourisme.

Il ressort clairement des commentaires de l’État partie que les femmes et les filles maldiviennes n’ont qu’un accès limité aux services de planification familiale et à l’éducation sexuelle. Cependant, comme l’ont constaté divers observateurs, le manque d’éducation sexuelle aux Maldives est à l’origine de graves problèmes, dont le viol et les sévices sexuels. Une jeune fille enceinte risque de se faire avorter clandestinement, de se suicider ou de tuer son enfant, en plus d’être exclue de l’école et rejetée par sa famille et la société. Dans sa déclaration liminaire, le chef de la délégation a indiqué que le Ministère des questions sexospécifiques et de la famille avait engagé des consultations sur la légalisation de l’avortement pour les mineures victimes de viol ou de sévices sexuelles. Mais cela ne remédierait pas à la cause profonde du problème, à savoir le manque d’éducation sexuelle. Il faudrait donc avoir des précisions sur les mesures prises dans le cadre de la Stratégie nationale en matière de santé de la procréation (2005-2007) et les résultats qu’elles ont donnés. Dans ses réponses (par. 26), l’État partie s’est contenté d’exposer les objectifs de la Stratégie.

M me Tan aimerait savoir si les progrès considérables réalisés en matière d’accès aux soins de santé ont bénéficié également aux femmes des régions rurales, notamment à celles qui vivent dans les îles les plus reculées. Quel est le nombre de centres de santé et quels services assurent-ils? Lorsque ces services sont payants, les personnes qui ne disposent pas de moyens suffisants peuvent apparemment demander à bénéficier d’une aide publique. Combien de femmes des régions rurales l’ont-elles demandée? Les soins obstétriques de base n’étant dispensés qu’à l’échelon régional, il est difficile pour les femmes des régions rurales d’y avoir rapidement accès. Que fait le Gouvernement pour rendre ces services abordables et accessibles? L’accès à ces services réduirait davantage le taux de mortalité maternelle.

Des services de planification familiale adéquats réduiraient le nombre de grossesses non désirées, d’avortements clandestins, et donc le taux de mortalité maternelle. Aussi Mme Tan aimerait-elle savoir si le Gouvernement compte proposer des services de planification familiale à tous les adolescents, qu’ils soient mariés ou non, et notamment à ceux qui vivent en milieu rural. Par ailleurs, elle a appris que les femmes qui sont enceintes à la suite d’un viol ou de sévices sexuels sont considérées comme « ayant eu volontairement des relations sexuelles » et sont flagellées. Il est surprenant à notre époque que des femmes célibataires enceintes aient à subir de telles indignités.

M me Didi (Maldives) explique que le secteur de la santé a été décentralisé au début des années 80. Toutes les îles habitées comptent au moins un dispensaire, une sage-femme dûment formée et une infirmière. À partir d’un certain nombre d’habitants, les îles sont dotées d’un centre de santé et d’un médecin. Il y a un hôpital dans chaque région.

Le Gouvernement s’est employé à remédier au taux d’anémie des femmes, avec l’appui du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF). À la suite de la publication de l’enquête par grappes à indicateurs multiples réalisée en 2001, une stratégie a été définie en matière de nutrition. Mme Didi ne dispose pas d’informations sur l’efficacité de cette stratégie, mais elle sait que le Ministère de la santé et l’UNICEF n’ont pas ménagé leurs efforts pour réduire le taux d’anémie chez les femmes et le rachitisme et l’émaciation parmi les enfants.

La toxicomanie est le principal problème de la société maldivienne. Elle concerne tous les atolls, toutes les îles et toutes les familles. Il s’agit d’un problème intérieur indépendant du tourisme : la drogue vient d’autres pays de la région. En 2006, le Gouvernement a essayé de synchroniser les mesures prises pour remédier à la situation. Le Président a pris un décret spécial afin que les toxicomanes puissent quitter la voie publique pour entrer dans des centres de désintoxication. On s’est efforcé de considérer la toxicomanie non comme un problème juridique, mais comme un problème de santé. Le programme de désintoxication mis en place par les pouvoirs publics a récemment été examiné et ouvert à la coopération internationale. Une entreprise américaine possédant de nombreuses années d’expérience a remporté l’appel d’offres il y a une semaine. Son action devrait rendre le programme plus professionnel et plus efficace.

L’éducation sexuelle n’est pas enseignée en tant que telle dans les écoles, situation qu’il serait difficile de changer. Le Gouvernement prévoit cependant de mener dans toutes les écoles de Malé une campagne visant à enseigner aux jeunes enfants à dire non au harcèlement sexuel et à la maltraitance. Cette campagne, en faveur de laquelle il a été demandé à l’UNICEF d’apporter son soutien l’année prochaine, a déjà fait la preuve de son efficacité en Australie, et le Gouvernement engage actuellement des consultants australiens pour l’adapter à la situation des Maldives. Il vaut mieux prévenir que guérir. Si l’on arrive à apprendre aux enfants eux-mêmes à dire non, de nombreux problèmes ne se poseront même pas. Si le Comité recommande l’introduction de l’éducation sexuelle à l’école, le Gouvernement des Maldives fera bien sûr de son mieux pour mettre en œuvre cette recommandation, mais cela ne se fera pas du jour au lendemain.

Mme Didi croit savoir que l’avortement pourrait éventuellement être autorisé par la loi islamique jusqu’au quatre-vingt-dixième ou au cent vingtième jour de la grossesse. La pratique varie d’un pays musulman à l’autre; certains spécialistes l’acceptent, d’autres non. Le Ministère des questions sexospécifiques et de la famille a saisi le Conseil suprême des affaires islamiques des Maldives, mais n’a pas obtenu de réponse favorable. En coopération avec le Ministère de la justice, il s’efforce actuellement de déterminer si l’avortement peut être légalisé pour les mineures victimes de viol et de sévices sexuels. La possibilité de donner la « pilule du lendemain » aux filles victimes de violence sexuelle est également envisagée. Techniquement, cela n’est pas considéré comme un avortement, mais comme une prévention de la grossesse. Mais certains médecins refusent même cette solution.

Il serait très difficile de légaliser l’avortement pour les femmes mariées et les femmes âgées de plus de 18 ans. Pour l’instant, l’avortement n’est autorisé par la loi que dans deux cas : à tout stade de la grossesse si les jours de la mère sont en danger; et jusqu’au cent vingtième jour si l’un des parents ou les deux sont porteurs du trait thalassémique et si un médecin confirme que le fœtus est atteint de thalassémie majeure. Cependant, il n’existe aux Maldives aucun centre où effectuer ce test. La seule possibilité est de se rendre dans un autre pays, ce qui est coûteux.

S’agissant de la Stratégie nationale en matière de santé de la procréation (2005-2007), Mme Didi n’est pas en mesure de fournir les renseignements demandés, mais se fera un plaisir de distribuer un exemplaire de la Stratégie aux membres du Comité.

Pour ce qui est de comparer les soins de santé en milieu rural et en milieu urbain, la situation diffère d’île en île. Les îles peu peuplées sont généralement moins équipées, notamment si elles comptent moins de 500 habitants. À Malé, les patients doivent payer les soins hospitaliers, alors que les services de santé sont gratuits dans les îles. Lorsque la vie d’une femme enceinte est en danger, le chef de l’atoll peut demander qu’elle soit transportée par voie aérienne à l’hôpital régional, aux frais du Ministère des questions sexospécifiques, de la famille et de la sécurité sociale.

Offrir à tous les mêmes services est un défi constant que le Gouvernement a essayé de résoudre en lançant en 1998 un programme de regroupement volontaire de la population. Ce programme vise à amener les habitants d’îles peu peuplées et économiquement non viables à aller vivre sur des îles plus grandes et mieux équipées. Faute de moyens suffisants, le Gouvernement n’a pas toujours été à même de mettre en œuvre ce programme; de nouvelles ressources ont cependant été récemment allouées à cette fin.

En ce qui concerne la question des services de planification familiale, le fait que seules les femmes mariées peuvent avoir accès à des moyens de contraception fait l’objet d’un débat depuis une dizaine d’années. Officiellement, les femmes doivent présenter un certificat de mariage pour obtenir leur ordonnance, mais les pharmacies respectent rarement cette règle.

En réponse à la question sur la flagellation, M me  Mohamed (Maldives) dit que cette peine est imposée et par la charia, et par le droit national aux personnes qui ont eu des relations sexuelles hors mariage, même si elles ont moins de 18 ans. En pratique, toutefois, elle est rarement exécutée.

M. Anil (Maldives) dit que les services de planification familiale ne sont proposés qu’aux couples mariés car les relations sexuelles entre personnes non mariées constituent un acte délictueux. En ce qui concerne les peines infligées, le nouveau projet de code pénal élimine à la fois la flagellation et le bannissement. Il comporte également des recommandations sur les peines à prononcer, qui peuvent être des peines de substitution.

S’agissant de l’article 14, M me Begum voudrait savoir si la population rurale a accès à des services de garde d’enfants à un prix abordable. Elle demande également s’il y a des femmes parmi les chefs d’atoll et si les annonces de filles à marier constituent une pratique courante en milieu rural.

M me Arocha Domínguez constate un net progrès dans le domaine de la santé infantile; elle aimerait cependant savoir si les filles continuent d’être victimes de discrimination en ce qui concerne l’accès à une nutrition adéquate. En outre, l’éducation sexuelle n’étant pas dispensée dans les écoles, le Gouvernement envisage-t-il d’autres stratégies?

M me Patten note avec préoccupation que, d’après le rapport d’une ONG, les offres d’emploi sont souvent de nature sexiste et les femmes ne perçoivent pas un salaire égal pour un travail égal. En ce qui concerne la pratique de la flagellation, elle souhaite savoir si ce châtiment est infligé aux garçons aussi bien qu’aux filles.

M me Zou Xiaoqiao aimerait des précisions sur l’action menée par le Gouvernement pour remédier à la mortalité maternelle due aux avortements non médicalisés. Elle demande également si les moyens de contraception sont distribués gratuitement.

M me Didi (Maldives) dit que les services de garde d’enfants ne posent pas de problème aux Maldives car les enfants des mères qui travaillent sont généralement pris en charge par d’autres membres de la famille. Il n’y a d’ailleurs que deux crèches dans le pays, qui se trouvent toutes deux dans la capitale.

M me Mohamed (Maldives) ajoute que, d’après une enquête réalisée par le Ministère des questions sexospécifiques et de la famille, la majorité de la population déclare ne pas avoir besoin de crèches. La plupart des parents n’ont pas les moyens d’envoyer leurs enfants à la crèche et l’idée de confier leurs enfants à des étrangers les dérange.

M me Didi (Maldives) dit qu’il n’y a actuellement aucune femme parmi les chefs d’atoll. Elle n’est pas en mesure de fournir plus de précisions sur les annonces de filles à marier, car il s’agit d’un phénomène relativement récent, et les mariages arrangés sont peu courants.

S’agissant de la question de l’alimentation, il est vrai que, selon la tradition, les filles ne peuvent manger qu’après avoir servi les garçons et les parents. Cette coutume commence cependant à évoluer grâce à l’école : les filles et les garçons allant à l’école ensemble, ils sont généralement nourris en même temps.

La question de l’éducation sexuelle à l’école est délicate et le Gouvernement n’a pas encore tenté de définir une autre stratégie. Il serait cependant intéressant de savoir quelles sont les stratégies qui ont donné de bons résultats dans d’autres pays islamiques ou pays dans lesquels les relations sexuelles hors mariage constituent un acte délictueux.

Malheureusement, les offres d’emploi à caractère sexiste restent courantes. Des agents du Ministère vérifient régulièrement les annonces dans les journaux et n’hésitent pas à contacter directement les employeurs en cas d’offre d’emploi sexiste. Mais en l’absence de politique officielle réglementant le secteur non structuré, le Gouvernement ne peut intenter de poursuites judiciaires.

En ce qui concerne la santé de la reproduction, la majorité des moyens de contraception sont gratuits. Le Gouvernement s’efforce résolument de réduire le taux de mortalité maternelle en fournissant le matériel, les ressources et le personnel qualifié nécessaires. Le Ministère de la santé alloue des ressources aux îles en fonction de la taille de leur population, mais la plupart des centres de santé sont maintenant en mesure de fournir des soins obstétriques de qualité, y compris des accouchements par césarienne.

M. Anil (Maldives) dit que les hommes aussi bien que les femmes sont flagellés en cas d’infraction grave, par exemple de relations sexuelles hors mariage. Les infractions moins graves sont punies par le bannissement. Il rappelle cependant que ces deux pratiques sont abolies par le nouveau projet de code pénal.

M me Mohamed (Maldives) précise que les femmes sont en fait flagellées plus souvent que les hommes simplement parce qu’il est plus facile de prouver qu’elles ont eu des relations sexuelles hors mariage.

En ce qui concerne la discrimination salariale, Mme Mohamed est persuadée que le projet de loi garantissant un salaire égal pour un travail égal sera adopté par le Parlement.

Articles 15 et 16

M me Belmihoub-Zerdani souhaite savoir la nature exacte des réserves de l’État partie à l’article 16 de la Convention. En ce qui concerne l’examen en cours du Code de la famille des Maldives, elle aimerait savoir si l’âge minimal du mariage est le même pour les hommes et pour les femmes et si les femmes doivent obtenir l’assentiment d’un tuteur pour se marier. Cette obligation irait à l’encontre des dispositions de la Convention, selon lesquelles aucune discrimination ne doit s’exercer à l’égard des femmes dans toutes les questions découlant du mariage et dans les rapports familiaux. En outre, l’institution du wali, ou gardien de la mariée, ne se fonde pas sur le Coran et devrait être abolie.

Mme Belmihoub-Zerdani voudrait savoir si une dot doit être versée à la mariée et s’il est possible d’établir un contrat de mariage mettant la mariée à l’abri de la polygamie. Le Comité souhaiterait également savoir si, en cas de divorce, la mère et le père obtiennent la garde partagée des enfants et si la femme peut demander le divorce en cas de polygamie. La polygamie n’est pas reconnue par le Coran et devrait être abolie. Enfin, le Ministère des questions sexospécifiques et de la famille devrait insister pour que le pays se dote d’un code de la famille s’inspirant de ceux qui ont été adoptés par l’Algérie et la Tunisie.

M me Tan est heureuse que l’État partie ait l’intention de retirer ses réserves aux articles 7 a) et 16 de la Convention, et de tenir compte de l’esprit de l’article 16 dans l’amendement au Code de la famille et qu’il ait donné l’assurance que des mesures plus énergiques avaient été prises pour restreindre la pratique de la polygamie. Elle souhaite savoir dans quels délais il est prévu de réviser le Code de la famille, quelles modifications seront apportées, si les associations de femmes et autres organismes seront consultés, si les modifications apportées seront diffusées à grande échelle afin d’informer les femmes et d’accroître leur pouvoir d’action, et si la nouvelle version du Code comportera des dispositions sur la violence familiale, qui constitue manifestement un problème important aux Maldives. L’ajout de dispositions relatives à la violence familiale permettrait à l’État partie d’adopter une approche globale des relations familiales. L’État partie devrait également préciser dans quels autres domaines le contexte socioculturel et politique et l’interprétation qu’il fait de la charia feraient obstacle à la pleine application de l’article 16.

L’État partie a signalé que le Tribunal de la famille avait demandé que soient évalués 32 cas de mariage de garçon ou de fille n’ayant pas atteint l’âge minimal de 18 ans et que le Conseil national de protection des droits de l’enfant avait rendu un avis favorable dans 5 de ces cas. Mme Tan souhaite savoir si les 27 autres affaires ont été classées, si des poursuites judiciaires ont été intentées dans le cas des mariages contractés sans l’assentiment préalable du fonctionnaire de l’état civil, si les affaires de ce type sont plus fréquentes en milieu rural qu’en milieu urbain et si tous les mariages doivent être obligatoirement enregistrés à l’état civil. L’État partie devrait indiquer si la hausse du nombre de mariages précoces est due à une progression du fondamentalisme religieux et si, le cas échéant, le Gouvernement dialogue avec les chefs religieux pour décourager cette pratique. Il devrait également préciser si la femme reçoit une pension alimentaire en cas de divorce, ou une pension lorsque la garde des enfants lui est confiée et si le Gouvernement a mis en place un dispositif de sécurité pour la femme lorsque le mari ne s’acquitte pas de l’obligation alimentaire. Enfin, les femmes et les enfants victimes de violence familiale bénéficient-ils d’une protection individuelle sous une forme ou une autre?

M me Didi (Maldives) dit que l’âge minimal du mariage est de 18 ans pour les garçons comme pour les filles, mais qu’un garçon ou une fille âgé de 16 à 18 ans peut être autorisé à se marier dans des circonstances exceptionnelles. L’assentiment du wali, ou tuteur, est obligatoire pour tous les mariages. Le mari verse une dot, dont le montant est cependant symbolique. La possibilité du contrat de mariage est prévue par le Code de la famille, mais les couples sont peu nombreux à s’en prévaloir. Le Gouvernement maldivien sait que le Coran ne reconnaît pas la polygamie, et des mesures ont été prises pour restreindre cette pratique. Le Ministère compte consulter les ONG et d’autres organismes dans toute la mesure possible lors de la révision du Code de la famille.

L’étude sur la santé et la vie des femmes a révélé des statistiques très inquiétantes sur la violence familiale, et le Ministère informera le Comité des mesures qu’il envisage pour remédier à la situation dans son prochain rapport. Il envisage également d’incorporer au nouveau code de la famille des dispositions sur la violence familiale. La planification familiale est un domaine dans lequel la pleine application de la Convention risque de poser problème, notamment parce que les relations sexuelles hors mariage sont considérées comme un acte délictueux. Le Gouvernement examine attentivement l’article 16 afin de déterminer les domaines dans lesquels l’harmonisation des lois est possible. Mme Didi espérait annoncer au Comité que la réserve avait été retirée, mais le processus nécessite encore des négociations.

M me Jameel (Maldives) dit que 13 mariages précoces ont été refusés par le Conseil national de protection des droits de l’enfant, 7 demandes sont en cours d’examen et 4 ont été retirées. L’évaluation est un long processus, car toutes les parties doivent se présenter au Ministère des questions sexospécifiques et de la famille. L’augmentation du nombre de mariages précoces est peut-être due en grande partie à la montée de l’extrémisme islamique et au fait que les mariages ne sont généralement pas arrangés aux Maldives mais sont des mariages « d’amour » et que les parents attachent beaucoup d’importance à la chasteté. Le Ministère devrait cependant étudier la question de plus près pour déterminer avec certitude les véritables raisons de cette augmentation.

M me Mohamed (Maldives) dit que l’augmentation du nombre de mariages précoces s’explique également par le fait que l’actuel Ministre de la justice ne souhaite pas, contrairement à ses prédécesseurs, exercer un contrôle direct sur l’autorisation de ces mariages par les tribunaux. Le Ministère sait que le Coran n’autorise pas la polygamie, mais la population n’est généralement pas de cet avis. Le Ministère sait également que le Code de la famille n’est pas impartial et y a donc proposé des amendements. Les contrats de mariage sont possibles et peuvent restreindre la polygamie, mais ils ne sont pas courants, peut-être par manque d’information. Contrairement aux pratiques en vigueur dans d’autres pays, la dot est à verser à l’homme, et non à la femme.

En cas de divorce, la garde des enfants est confiée aux deux parents mais, si l’enfant a moins de 7 ans, la préférence est accordée à la mère. S’il a plus de 7 ans, c’est à lui que revient la décision, mais les tribunaux tiennent également compte de son intérêt supérieur. La femme peut demander une pension pour l’entretien de l’enfant et une pension alimentaire, mais elle le fait rarement étant donné que les sommes en jeu sont très faibles et qu’il n’est pas facile de les obtenir. De nouvelles mesures administratives ont été prises pour faciliter l’obtention de ces pensions. Enfin, il est question de confier à des services professionnels de consultation matrimoniale les services d’aide à la réconciliation fournis par les tribunaux et d’introduire des consultations prénuptiales.

La Présidente dit que le dialogue entre l’État partie et le Comité a lieu au bon moment, car le Gouvernement des Maldives est en train de réviser le Code de la famille et d’autres lois et d’amender la Constitution. Il faut espérer que ce dialogue donnera au Ministère de nouvelles idées quant à la façon d’harmoniser son droit interne avec la Convention et les autres grands instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et d’appliquer la Convention plus efficacement. La version révisée du Code pénal et du Code de la famille devrait comporter des dispositions sur la violence familiale et la protection des femmes. Il est très important que les Maldives retirent leurs réserves aux articles 7 a) et 16 de la Convention.

M me Didi (Maldives) dit que le dialogue avec le Comité est un remarquable processus d’apprentissage et une solide base de réflexion. Le Comité a prouvé que ses conseils pouvaient être utiles à tout État membre. Le Gouvernement des Maldives n’a pas beaucoup communiqué avec le Comité par le passé, car il ne savait pas qu’il pouvait dialoguer avec lui en dehors du mécanisme officiel de présentation des rapports. Mme Didi voudrait cependant savoir comment cette communication pourrait s’intensifier à l’avenir et serait heureuse d’inviter un membre du Comité à se rendre aux Maldives. En qualité de Ministre des questions sexospécifiques et de la famille, elle fera tout ce qui est en son pouvoir pour veiller à la pleine application des recommandations du Comité.

La séance est levée à 17 h 20.