Quarante-troisième session

Compte rendu analytique de la 875e séance

Tenue au Siège, à New York, le , à Genève, le mercredi 27 janvier 2009 à 15 heures.

Président :Mme Gabr

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18de la Convention (suite)

Rapports périodiques conjoints (du premier au septième) de Haïti (suite)

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Rapports périodiques conjoints (du premierau septième) de Haïti (suite) (CEDAW/C/HTI/7, CEDAW/C/Q/7 et Add.1)

À l’invitation de la Présidente, la délégation de Haïti prend place à la table du Comité.

M. Jean (Haïti), répondant aux questions posées lors de la 874e séance, indique que son gouvernement a été clair au sujet de la définition acceptée du terme de « trafic », qui comporte un élément de contrainte et suppose que des individus ont été forcés à effectuer certains travaux contre leur gré. Conformément à cette définition, on trouve un élément de contrainte dans les travaux que l’on attend d’un grand nombre des « restavek », enfants chargés de tâches domestiques en échange d’une éducation; de plus, ces mêmes enfants risquent d’être forcés à faire d’autres activités ou vendus comme travailleurs forcés à la frontière avec la République dominicaine voisine.

M me Merlet (Haïti) déclare que des lois-cadres sur la violence à l’encontre des femmes et sur l’égalité sont en cours d’élaboration dans son pays. Il est encore trop tôt pour en dire davantage sur le contenu de la loi sur l’égalité, si ce n’est que son titre reprendra les termes « femmes » et « égalité ».

M me Lassegue (Haïti) déclare que le budget national est insuffisant pour répondre à tous les besoins exprimés et à toutes les priorités fixées; le Ministère a donc fait appel à la coopération extérieure pour lui permettre de mettre en œuvre ses divers dispositifs d’égalité. Mais les priorités en matière de coopération de ces partenaires ne correspondent pas toujours à celles du secteur en question, ce qui peut constituer un obstacle. Le Ministère doit également faire en sorte que les projets de loi qu’il estime prioritaires figurent bien au programme législatif, et l’assistance du Comité à cet égard serait bienvenue.

M. Bastien (Haïti) déclare que le gouvernement s’attache actuellement en priorité aux projets de loi concernant l’annulation de la dette, qui devraient être examinés à la session de janvier de l’Assemblée nationale. Les projets de loi sur le plaçage (ou unions libres) et la paternité responsable ont été placés à l’ordre du jour de la session parlementaire de mars-avril 2009, les autres textes soumis par le Ministère devant être examinés d’ici la fin de la session de mai. Il existe depuis longtemps un certain nombre de tensions entre la branche exécutive et la branche législative du pouvoir en Haïti, mais les deux parties s’emploient à définir l’agenda législatif de manière consensuelle.

M me Lassegue (Haïti) précise que les victimes de viols peuvent bénéficier d’un certain nombre de services, notamment la fourniture à titre gracieux d’un certificat médical et la consultation d’un centre national d’accueil où elles peuvent recevoir une assistance médicale, juridique et psychologique.

M me Merlet (Haïti) déclare que la loi proposée sur la violence à l’encontre des femmes englobe toutes les formes de violence, depuis la violence domestique jusqu’au harcèlement sexuel sur le lieu de travail. Elle prévoit des sanctions pénales ou la réhabilitation pour les auteurs de telles violences, de même qu’elle comporte des dispositions relatives aux soins prodigués aux victimes.

M me Chancy (Haïti) poursuit en indiquant que le débat concernant la préparation du rapport, en particulier les réponses à la liste de questions du Comité, a clairement montré au gouvernement qu’il serait impossible de faire de nouveaux progrès dans l’émancipation de la femme sans une politique nationale exhaustive en matière d’égalité, comportant une loi sur l’égalité entre hommes et femmes et un plan d’action national. L’élaboration d’une telle politique, de nature à toucher les femmes marginalisées et associant toutes les institutions en tant que parties prenantes, constitue la priorité actuelle du Ministère de la condition féminine et des droits de la femme.

M me Lassegue (Haïti), en réponse aux questions sur la coopération avec la Mission des Nations pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), déclare que le Bureau pour l’égalité des sexes soutient l’action du Ministère et autres organisations féminines. Le Ministère a fait en sorte de mieux faire connaître l’action de ce Bureau dans la société. Dans les cas où des femmes ont vu leurs droits bafoués par des contingents de soldats, Mme Lassegue a travaillé en collaboration avec le Groupe chargé de la conduite et de la discipline pour s’efforcer de régler les problèmes et de veiller à ce que justice soit faite.

M. Jean (Haïti) déclare que c’est un manque de moyens plus que de volonté politique qui empêche le gouvernement d’achever la ratification et la transposition en droit national d’un grand nombre des instruments internationaux auxquels le pays est devenu partie.

Articles 7 et 8

M me Neubauer déclare que les Haïtiennes sont pour ainsi dire absentes de la vie politique. Une étude sur la participation des femmes à la vie politique a été menée en 1999, et elle demande quelles mesures ont été prises pour remédier aux obstacles que cette étude recensait, concernant surtout la culture patriarcale et les perceptions du rôle de la femme dans la société. Il conviendrait de s’intéresser de plus près à la participation des femmes aux plus hauts niveaux du processus de décision; le gouvernement se doit de donner l’exemple lorsqu’il s’agit de modifier les postulats culturels concernant le rôle des femmes dans la société. Mme Neubauer demande si la politique en matière d’égalité des sexes fixera des objectifs concrets concernant le renforcement de la participation des femmes au processus de décision au niveau national, départemental ou municipal. Elle demande par ailleurs quelles conséquences la Loi sur les élections prévoit dès lors que le nombre de candidates inscrites sur les listes de partis n’atteint pas les 30 %, et s’il est prévu d’introduire et de faire appliquer des mesures spéciales temporaires dans ce domaine. La faible représentation des femmes au sein du service diplomatique souligne la nécessité de mettre en œuvre des initiatives visant à promouvoir les femmes dans les missions diplomatiques et au ministère des Affaires étrangères. Enfin, elle aimerait en savoir davantage sur la participation des femmes à la reconstruction post-conflit d’une société démocratique en Haïti.

M me Merlet (Haïti) déclare que, malgré tous les efforts déployés, les résultats obtenus en matière de participation des femmes à la vie politique ne correspondent pas aux attentes, et des obstacles subsistent, tant s’agissant de la perception qu’ont les femmes de leur rôle qu’au niveau des structures politiques. Le Ministère et les organisations féminines travaillent avec un groupe de candidates pour réfléchir à la question de savoir comment on pourrait inverser ces tendances et préparer les femmes à assumer la place qui est légitimement la leur.

M me Lassegue (Haïti) précise que ces difficultés tiennent également aux responsabilités trop importantes que les femmes doivent assumer en tant que chefs de famille. De plus, les candidates à des mandats politiques n’ont que peu d’expérience du financement d’une campagne. Le gouvernement devrait adopter une loi instaurant des quotas en matière de participation féminine afin de garantir aux femmes une représentation importante dans la vie politique; le soutien du Comité sur ce point serait précieux dans la mesure où il permettrait d’atteindre la masse critique nécessaire à tous les niveaux.

Haïti n’est pas à proprement parler en situation de post-conflit, puisqu’aucune guerre ne s’y est déroulée, hormis les troubles civils ayant sévi pendant de longues années. Les femmes jouent un rôle déterminant dans la société civile et dans les associations de défense des droits de l’homme oeuvrant à faire triompher la tolérance au sein de la société haïtienne.

Article 9

M. Flinterman demande des précisions quant aux lois en matière de nationalité, en particulier la possibilité donnée à un ressortissant haïtien, homme ou femme, de détenir une double nationalité en cas de mariage avec un étranger. Il aimerait également savoir quelle section de la législation haïtienne donne clairement à une Haïtienne le droit de transmettre sa nationalité à son enfant si le père est ressortissant étranger.

M. Jean (Haïti) déclare qu’Haïti applique la règle du jus sanguinis ou droit du sang dans le domaine de la nationalité; un parent doit lui-même posséder la citoyenneté haïtienne pour que son enfant puisse l’acquérir. Le droit haïtien ne permet pas actuellement la double nationalité, et l’enfant d’un Haïtien ou d’une Haïtienne doit faire le choix de la nationalité haïtienne à sa majorité.

M. Bastien (Haïti) déclare que la Constitution haïtienne n’autorise pas la double nationalité, mais que de longues discussions ont eu lieu au Sénat et à l’Assemblée nationale sur la possibilité de modifier le texte sur ce point. La question doit être abordée lors de la session législative de juin à septembre 2009.

Article 10

M me Zou Xiaoquiao demande comment le gouvernement garantit que l’accès à l’enseignement primaire gratuit concerne aussi les régions rurales et si l’on dispose de statistiques quelconques sur les fruits des efforts déployés en vue d’améliorer l’accès à l’éducation. Elle aimerait également savoir si des études ont été menées sur le taux particulièrement élevé de décrochage scolaire des filles, sur le nombre de filles quittant l’école pour cause de grossesse et sur les aides éventuelles dont ces jeunes femmes bénéficient pour terminer leurs études. On constate d’importantes disparités en matière de financement de l’enseignement entre régions urbaines et régions rurales, et Mme Zou Xianquiao aimerait savoir comment le gouvernement compte s’y prendre pour combler cet écart et, si les fonds le permettent, renforcer l’enseignement en régions rurales, notamment en matière d’alphabétisation féminine. Enfin, elle sollicite un complément d’information sur le nombre de jeunes hommes et de jeunes femmes inscrits dans l’enseignement universitaire et sur les filières choisies.

M me Pimentel relève les résultats positifs enregistrés grâce à l’accent mis sur la formation des maîtres dans la Stratégie de 2007 en matière d’éducation. Elle aimerait savoir si les autorités progressent dans la lutte contre les stéréotypes sexuels dans les manuels scolaires, de même qu’elle aimerait connaître la mesure dans laquelle l’État pourrait également intervenir s’agissant des manuels scolaires réalisés par des éditeurs du secteur privé. Les médias pourraient jouer un rôle très utile pour faire en sorte d’intégrer une perspective sexospécifique aux programmes pédagogiques.

M me Lassegue (Haïti) déclare que l’éducation est une priorité du gouvernement, et que l’intégration d’une perspective sexospécifique dans le domaine de l’éducation fait partie du Plan national en matière d’enseignement. De nouveaux manuels scolaires révisés pour tenir compte de cette la prise en compte de cette dimension sont en train d’être introduits en Haïti, d’abord dans l’Ouest du pays, puis progressivement vers l’Est. Bien que les entreprises chargées d’imprimer ces manuels soient dans le secteur privé, le contenu des ouvrages reste sous la tutelle du Ministère de l’Éducation. Il existe des programmes et des bourses destinés à aider les jeunes mères à continuer leur scolarité; en fait, en vertu du protocole que le Ministère de Mme Lassegue a signé avec le Ministère de l’Éducation, les chiffres montrent que 55 % des bourses ont été accordées à des filles.

Le nombre de femmes poursuivant des études universitaires est passé de 1 étudiante pour 7 étudiants ces temps derniers à une femme sur deux plus récemment, même si ces étudiantes restent cantonnées à des domaines d’études traditionnels comme la pédagogie. Mme Lassegue souligne qu’il faudrait moyens et soutien de la part des partenaires de coopération d’Haïti, afin d’améliorer l’accès à l’éducation, compte tenu de la priorité que le gouvernement accorde à cette question.

M me Merlet (Haïti) déclare que les données récentes montrent que, dans les lycées professionnels, les filles optent le plus souvent pour des matières telles que la comptabilité et le stylisme, alors que les garçons choisissent le génie électrique et la construction. Les partenariats avec les organisations de la société civile visent principalement à faire en sorte que les filles restent à l’école, à les encourager à poursuivre des études supérieures et à les inciter à s’orienter vers des filières non traditionnelles pour elles.

M me Sincimat (Haïti) déclare que le Ministère de l’Éducation s’efforce de donner une dimension sexospécifique à ses programmes officiels à tous les niveaux. Au niveau universitaire, un cours d’études universitaires démographiques supérieures intégrant une perspective sexospécifique a été créé à l’intention des professionnels de la population, de la famille et du développement. Sur quelque 70 000 étudiants universitaires, les statistiques actuelles montrent qu’environ 64 % sont des hommes, contre 36 % de femmes; la comparaison est à peu près la même dans les trois cycles.

M. Bastien (Haïti) déclare que des facteurs financiers aussi bien que géographiques influent sur l’accès à l’éducation. Quatre-vingt pour cent des établissements d’enseignement sont privés, ce qui lie l’accès à l’éducation à la capacité de payer. Actuellement, huit pour cent du budget national est consacré à l’éducation, alors qu’il en faudrait 25 % pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement en matière d’éducation. Soucieux de combler les disparités d’accès entre villes et campagnes, le gouvernement concentre ses efforts sur la construction d’un plus grand nombre d’écoles publiques en régions rurales.

Article 11

M me Patten relève que le taux de chômage féminin est élevé, surtout en régions rurales, et demande quelles mesures l’Inspection du travail met en œuvre face à l’évidente discrimination dont les femmes sont victimes sur le marché de l’emploi. Les femmes occupent surtout des emplois mal rémunérés et dans le secteur informel de l’économie, et Mme Patten aimerait savoir s’il existe une politique nationale concernant la protection sociale des 90 % de travailleurs employés dans le secteur informel. Elle aimerait aussi savoir si de quelconques efforts sont déployés pour amener les femmes à s’orienter vers des emplois non traditionnels pour elles.

Ni le Code pénal, ni le Code du travail ne mentionnent le harcèlement sexuel sur le lieu de travail. Même si la question doit être abordée par la Loi sur la violence à l’encontre des femmes, il semble à Mme Patten qu’elle devrait également figurer dans le Code du travail.

M. Bruun demande si les travailleuses indépendantes bénéficient des protections prévues par le Code du travail pour les salariées en cas de grossesse et, sinon, s’il est prévu de les en faire bénéficier à l’avenir. Puis, au sujet du travail des enfants, M. Bruun déclare que 75 % des « restavek » sont des filles, la plupart n’allant pas à l’école. Il demande si les autorités ont sollicité l’aide de l’Organisation internationale du travail (OIT) pour remédier à ce problème.

M me Garçon (Haïti) déclare qu’aux termes du Code du travail, c’est l’Inspection du travail des femmes qui enquête sur les cas de discrimination sexuelle et de violation des droits des femmes en matière d’emploi et qui accompagne les femmes ayant saisi le tribunal des prud’hommes pour licenciement abusif. Bien que le harcèlement sexuel ne soit pas couvert par le Code du travail, l’Inspection du travail contraint les employeurs à observer les dispositions pénales dans ce domaine et elle a contribué à poursuivre les contrevenants à ces textes de loi.

Eu égard aux « restavek », Mme Garçon est heureuse de rapporter qu’en 2007, le Parlement a adopté à l’unanimité la Convention no 138 de l’OIT concernant l’âge minimum d’admission à l’emploi et la Convention no 182 de l’OIT sur les pires formes du travail des enfants. Un effort est en cours afin de diffuser des informations concernant ces deux conventions.

Le Ministère des Affaires sociales veille à ce que toutes les femmes employées dans le secteur formel bénéficient du congé payé de maternité auquel elles ont droit. Si la plupart des femmes dans le secteur informel n’ont pas cette protection, elles ont la possibilité de contribuer à des régimes d’assurance privés qui leur garantissent une certaine couverture.

L’OIT a recommandé un examen du Code du travail, et le Ministère des affaires sociales a obtenu des fonds dans le cadre de la coopération afin de procéder à cette étude, menée sous la tutelle du Comité consultatif tripartite.

M. Jean (Haïti) dit que l’annulation d’un contrat de travail pour des raisons liées à la couleur de la peau, de la religion ou du sexe de la personne concernée peut donner lieu à une action en justice pour licenciement abusif.

M me Lassegue (Haïti) indique que le gouvernement s’efforce actuellement de relever les salaires féminins dans les usines et les emplois domestiques. Afin d’assurer l’égalité de traitement dans le secteur public, des conventions ont été signées avec les ministères des travaux publics et de l’Agriculture pour favoriser l’embauche de femmes dans des secteurs non traditionnels. Les bureaux départementaux vont bientôt proposer aux femmes des programmes de formation leur donnant accès à des emplois non traditionnels.

Article 12

M me Arocha Dominguez, au sujet de la santé des femmes, demande les raisons pour lesquelles leur taux de mortalité dépasse celui des hommes. Elle souhaiterait également savoir s’il existe des structures de soins de santé pour les femmes qui ne soient pas liées à la maternité et à la reproduction.

La hausse du taux de mortalité maternelle constitue un autre motif de préoccupation, la progression de ce chiffre entre 2000 et 2005 méritant une explication. Elle demande quelle incidence l’avortement illégal et pratiqué dans des conditions dangereuses pourrait avoir sur le taux de mortalité maternelle. Même s’ils ont baissé, les taux de fécondité restent relativement élevés en Haïti; elle aimerait bénéficier d’un complément d’informations concernant l’accès à la contraception et son utilisation dans la population rurale et chez les personnes moins instruites.

Elle demande si le taux de prévalence du VIH/SIDA, qui est de 15 % chez les femmes, s’est stabilisé ou s’il continue de progresser, si le viol et les violences à l’encontre des femmes ont un impact sur le taux de prévalence et s’il est facile de se procurer des préservatifs.

M me Coker-Appiah, au sujet du faible taux d’utilisation des contraceptifs au sein de la catégorie des personnes démunies, demande ce que les pouvoirs publics font pour rendre les moyens de contraception plus abordables et plus faciles à trouver. Elle aimerait savoir si de quelconques études ont été menées sur les liens éventuels entre l’avortement pratiqué dans des conditions dangereuses et le taux élevé de mortalité maternelle, et s’il est prévu de dépénaliser l’avortement. Elle aimerait également connaître les facteurs sociaux, économiques et culturels expliquant le taux élevé de prévalence du VIH/SIDA chez les femmes. Elle s’interroge sur l’efficacité de la démarche « ABC » (Abstinence-Fidélité-Préservatif) pour enrayer la propagation du virus du SIDA, surtout dans une société où les femmes n’ont que peu de marge de manœuvre en matière de négociation sexuelle; elle demande s’il existe d’autres stratégies de prévention mises en oeuvre.

M. Timothé (Haïti) déclare que le taux élevé de mortalité maternelle, ajouté aux autres facteurs économiques et éducatifs, explique le fait que le taux de mortalité maternelle soit élevé. Ce taux de mortalité de maternelle, qui est actuellement de 636 pour 100 000 naissances vivantes, est le plus élevé de l’hémisphère occidental; l’avortement pratiqué dans des conditions dangereuses est certainement un des facteurs d’explication, tout comme des problèmes tels que les retards dans l’accès aux soins d’urgence en cas de complications de l’accouchement, puisque la plupart des Haïtiennes continuent d’accoucher à la maison plutôt qu’à l’hôpital.

L’avortement est toujours illégal, mais les complications peuvent en être traitées sans qu’il y ait de sanctions, et des discussions ont démarré sur la possibilité de proposer une interruption de grossesse en cas de viol ou pour sauver la vie de la mère. M. Thimothé souligne aussi que la trousse d’urgence en cas de viol dont disposent centres médicaux et commissariats de police contient une « pilule du lendemain » qui, au sens le plus strict du terme, peut être assimilée à une forme d’avortement. Á certains égards, on peut dire que la loi n’a pas encore rattrapé la pratique.

Des contraceptifs sont distribués gratuitement dans les dispensaires de santé, et des préservatifs sont également en vente à un coût modeste, voire distribués gratuitement; il n’existe donc aucune barrière économique à l’usage des préservatifs. La « féminisation » croissante du VIH/SIDA est due au fait que la maladie passe de plus en plus par une transmission hétérosexuelle. Bien que le taux global d’infection ait régulièrement baissé de 1993 à 2006, la pauvreté et l’ignorance sont deux facteurs qui contribuent à expliquer les taux de contamination élevés chez les femmes.

M me Merlet (Haïti) précise que les études effectuées sur l’avortement et ses liens avec la planification familiale et les valeurs culturelles incitent à la dépénalisation, qui est également plébiscitée par une majorité de la population, du moins en cas de viol ou lorsqu’une grossesse menacerait la vie de la mère. Un projet de loi sur la dépénalisation de l’avortement fait actuellement l’objet d’une seconde série de consultations de la société civile, l’objectif étant de trouver un consensus avant de soumettre le texte au Parlement.

Article 13

M me Awori demande quelles stratégies sont prévues pour offrir des prestations de sécurité sociale aux 90 % de personnes employées dans le secteur informel de l’économie qui, actuellement, ne touchent rien. Elle souhaiterait par ailleurs avoir davantage d’informations sur la réalité de l’accès des femmes au crédit et savoir si les femmes peuvent bénéficier du micro-crédit sans obligation de nantissement.

M. Jean (Haïti) déclare que, dans la situation économique où se trouve son pays actuellement, où le nombre de chômeurs dépasse celui des travailleurs, il n’est pas vraiment possible de parler d’un système de sécurité sociale. Les salariés de la fonction publique comme ceux du secteur privé contribuent aux régimes d’assurance et de retraite, mais les risques couverts sont limités. Le Code du travail contient des dispositions obligeant les employeurs à verser jusqu’à un an de salaire à titre de dédommagement en cas d’accident du travail.

M me Merlet (Haïti) déclare que les Haïtiennes ont accès au crédit sans avoir besoin de fournir une autorisation, mais elles ont toujours du mal à obtenir des prêts bancaires traditionnels du fait de l’obligation de nantissement. Des programmes de crédit pour les femmes administrés par des organisations non gouvernementales (ONG) ont été mis au point pour donner aux femmes chefs d’entreprise la possibilité d’accéder aux fonds et au crédit. Les Haïtiennes employées dans le secteur privé ou dans la fonction publique ont droit à trois mois de congé de maternité payés.

Article 14

M me Zou Xiaoquiao déclare qu’il est regrettable que le rapport ne fasse état d’aucune politique ou stratégie axée sur les besoins des femmes en régions rurales. Elle demande si la stratégie nationale de développement de 2007 contient une composante sexospécifique et si un calendrier de mise en œuvre a été fixé. Elle aimerait également savoir combien de femmes participent aux programmes visant à favoriser l’entreprenariat féminin dans le plan de développement 2008-2009.

Il serait important de savoir combien de femmes possèdent des terres, si les femmes ont les mêmes droits que les hommes en matière d’héritage foncier et l’influence des lois sur la réforme foncière sur les droits des femmes en régions rurales.

M me Ameline déclare que les droits civils et politiques sont liés aux droits économiques, sociaux et culturels s’agissant des femmes rurales vivant en union libre (plaçage) qui n’ont aucun droit à la co-propriété. Si leur relation prend fin, ces femmes perdent à la fois leur maison et leur gagne-pain; elle demande si un quelconque effort a été déployé en vue de remédier à cette situation. Elle demande par ailleurs s’il est prévu d’officialiser le statut des ouvrières agricoles pour leur permettre de toucher des prestations sociales.

M me Lassegue (Haïti) répond que les femmes vivant en union libre sont la majorité en Haïti, et la loi visant à répondre à cette situation devrait être soumise à l’Assemblée nationale très prochainement, une après les lois relatives aux employés domestiques et à la paternité responsable. Les femmes rurales sont une priorité pour le Ministère, qui a renforcé sa présence sur le terrain en ouvrant des bureaux dans chacun des dix départements du pays. Le Ministère s’emploie à contourner l’obstacle du manque de données sur les femmes rurales grâce à un effort de coordination et à des actions de formation du personnel dans les bureaux départementaux en matière de collecte de données; des statistiques seront disponibles dans le prochain rapport. Les femmes sont également visées par les réformes agraires. Le programme ayant pour but de stimuler la production agricole en partenariat avec le Ministère de l’Agriculture vise à enrayer l’exode rural en donnant à la population la possibilité de rester sur la terre.

M me Merlet (Haïti) déclare que les lois relatives à l’héritage ne font pas de discrimination à l’égard des femmes, bien qu’il subsiste effectivement certaines pratiques discriminatoires. Il est important de donner aux femmes la maîtrise des moyens de production.

Articles 15 et 16

M me Awori demande à ce qu’on lui confirme que l’absence de président de la Cour suprême n’a pas d’incidence sur le rythme de réforme des lois touchant aux droits de la femme. Elle demande également à ce qu’on lui confirme qu’au terme de dix ans d’une large consultation de la société, les projets de loi sur les droits des employés domestiques, la paternité responsable et les unions libres vont être prioritaires lors des prochaines sessions législatives, puisqu’ils auront une incidence importante sur l’avancement des femmes en Haïti.

Passant au thème du mariage, elle demande à ce qu’on lui explique pourquoi l’âge minimum du mariage est de 15 ans pour les femmes et de 18 pour les hommes. Elle aimerait également connaître l’étendue de la pratique du mariage forcé après un viol et savoir si des mesures ont été prises visant l’élaboration d’une loi exhaustive sur les délits à caractère sexuel, distincte de la loi sur la violence à l’encontre des femmes.

M. Jean (Haïti) déclare que l’absence de président de la Cour suprême n’a aucune incidence sur la cadence de la réforme législative, puisque les deux branches du gouvernement sont entièrement distinctes. De plus, suite au décret de 2005 érigeant le viol en infraction pénale, il n’est plus possible à un juge d’ordonner à un violeur d’épouser sa victime sans devenir pénalement responsable lui aussi ce qui, dans les faits, a mis fin à la pratique du mariage forcé. Quant à l’âge légal minimum du mariage, il a été fixé à 21 pour les femmes et à 25 ans pour les hommes en 1938, mais la Constitution de 1980 a fixé l’âge de la majorité pour tout acte civil, dont le mariage, à 18 ans pour les hommes comme pour les femmes. Les travaux sur une loi distincte en matière de violences sexuelles doivent commencer après l’adoption de la loi relative à la violence domestique.

M me Pimentel déclare que les lois sur le viol et autres délits sexuels sont très récentes, et qu’il faut encore beaucoup de travail pour sensibiliser les femmes à leurs droits en vertu de ses textes législatifs.

M me Patten déclare qu’en l’état, l’article 133 du Code civil fixe l’âge minimum du mariage à 15 ans pour les femmes et à 18 pour les hommes; tant que cette disposition ne sera pas modifiée, cet article prévaudra. Il existe d’autres dispositions discriminatoires dans le Code civil également, et elle demande s’il est prévu de les modifier.

M me Lassegue (Haïti) indique que des campagnes d’information sur la nouvelle législation sont organisées dans les médias locaux afin de fournir aux femmes l’information dont elles ont besoin pour faire valoir leurs droits légaux.

M. Bastien (Haïti) déclare que la disposition de la Constitution de 1987 fixant l’âge de la majorité en matière civile à 19 ans a ainsi abrogé les dispositions contraires du Code civil.

M. Jean (Haïti) déclare que, de la même manière, le décret de 1982 abolissant le principe selon lequel le domicile du mari est le domicile conjugal a remis en question l’autorité patriarcale et parentale, du moins en vertu de la loi. La prochaine loi sur les unions libres cherche à corriger une injustice et donner aux femmes vivant en union libre des droits à la copropriété.

M me Merlet (Haïti) déclare qu’il reste certaines législations discriminatoires, et le défi consiste pour le gouvernement à rédiger une loi exhaustive en matière d’égalité qui interdise explicitement la discrimination et abolisse toutes les lois discriminatoires encore en vigueur.

M me Lassegue (Haïti) précise que la préparation du rapport, malgré des urgences nationales et les catastrophes naturelles, a montré qu’Haïti avait les moyens de relever un défi, avec le soutien du Comité et de la communauté internationale. Le fait que les femmes participent aussi peu aux décisions et à la vie politique, compte tenu des responsabilités énormes qu’elles ont dans tous les autres domaines de la vie du pays, constitue le principal défi qu’il reste à relever.

La Présidente déclare que la préparation du rapport a été un processus positif à la fois pour le gouvernement et pour la société. Elle espère que le processus qui a démarré en Haïti va se poursuivre, par le biais de modifications législatives et par la fourniture de services sociaux essentiels pour les femmes.

La séance est levée à 17 h 25.