à l’égard des femmes

Quarante-troisième séance

Compte rendu analytique de la 882e séance

Tenue au Palais des Nations, Genève, le mardi 3 février 2009, à 10 heures

Présidente :Mme Gabr

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18de la Convention (suite)

Septième rapport périodique du Guatemala

La séance est ouverte à 10 h 10.

Examen des rapports présentés par les États parties en vertu de l’article 18 de la Convention (suite)

Septième rapport périodique du Guatemala (CEDAW/C/GUA/7, CEDAW/C/GUA/Q/7 et Add.1)

Sur l ’ invitation de la Présidente, les membres de la délégation guatémaltèque prennent place à la table du Comité.

M me Escobedo (Guatemala), présentant le septième rapport périodique du Guatemala (CEDAW/C/GUA/7), précise que l’économie guatémaltèque repose depuis longtemps sur la production et les exportations agricoles et qu’au fil des années, elle a connu des périodes de crise en dépit des politiques du Gouvernement. Ce modèle économique a créé au sein de la société des relations économiques, sociales et culturelles qui sont totalement inégales et qui excluent du développement les populations indigènes et rurales. Actuellement, cinquante-et-un pour cent de la population vit dans la pauvreté, dont 15,2 % dans la pauvreté absolue; les femmes représentent 51% de la population, et 33% des femmes sont des indigènes.

Le Gouvernement actuel, qui est au pouvoir depuis 2008, s’emploie à mettre en œuvre un nouveau modèle de développement politique, social, économique et culturel axé sur le développement durable pour tous les citoyens et sur la fin de la marginalisation. Depuis son arrivée au pouvoir, le Gouvernement s’efforce en priorité de répondre aux besoins essentiels de la population rurale et des personnes marginalisées en zones urbaines. Le nouveau Gouvernement s’efforce de concevoir les politiques publiques sous l’angle des droits de la femme, qui représente un changement important par rapport aux administrations précédentes. Au nombre de ses premières lois, le Gouvernement a confirmé et renforcé les mandats des mécanismes nationaux de promotion de la femme, dont le Bureau national de la femme, le Secrétariat présidentiel à la condition féminine (SEPREM), le Bureau de la défense de la femme autochtone (DEMI) et l’Organe national de coordination pour la prévention de la violence familiale et de la violence à l’égard des femmes (CONAPREVI). La coordination interinstitutionnelle entre ces organes afin d’unir leurs efforts et de leur permettre de s’entraider constitue une priorité.

En tant qu’organisme gouvernemental suprême chargé de la promotion de la femme, le Secrétariat présidentiel à la condition féminine (SEPREM) a défini plusieurs axes d’action stratégiques. L’un d’entre eux consiste à renforcer le consensus entre les organisations féminines de la société civile, conformément au Plan « Cent jours pour les femmes » introduit en mars 2008. Il œuvre par ailleurs à faire du Plan national pour la promotion et le développement complet de la femme (PNPDIM) la feuille de route de l’action du Gouvernement au chapitre des droits de la femme. Un autre objectif important consiste à faire avancer un processus d’adoption de textes législatifs ayant fait l’objet d’un consensus entre institutions et société civile et visant à retirer de la législation en vigueur les dispositions contraires à la Convention et autres instruments internationaux sur les droits de la femme, ainsi qu’à défendre le projet de plan relatif à l’égalité des chances. Il conviendrait par ailleurs que la contribution des femmes à l’économie soit plus reconnue et qu’elle figure dans la comptabilité nationale. Enfin, l’action du Gouvernement vise à éliminer à la discrimination à l’encontre des femmes par la lutte contre les stéréotypes sexistes et un changement des comportements et des mentalités au sein de la société.

Dans le cadre des efforts déployés pour lutter contre la pauvreté, la pauvreté extrême et l’exclusion sociale, la stratégie de sécurité alimentaire et de nutrition axée sur les communautés locales les plus vulnérables s’est accompagnée d’un programme supplémentaire consistant à fournir directement aux femmes aide alimentaire et subventions en espèces afin de leur permettre de nourrir leurs familles. Un autre programme a été mis au point pour les femmes âgées, les veuves et les familles nombreuses les plus exposées au risque de l’insécurité alimentaire. Dans les « cuisines communautaires », on prépare des repas et on prodigue soins dentaires et médicaux aux femmes démunies, aux enfants de la rue ou qui travaillent et à d’autres groupes marginalisés et vulnérables en zones urbaines.

Dans le cadre d’un autre processus important, des efforts sont déployés afin de mettre en œuvre une stratégie associant les femmes du secteur de la production, en collaboration avec le Ministère de l’agriculture et le ministère de l’Économie et des Finances. Des coopératives agricoles de femmes ont été formées, et une assistance technique est fournie à 16 000 femmes. Le ministère du Travail a organisé une série de débats et d’ateliers nationaux pour les femmes dans l’industrie du vêtement.

La violence dont elles sont victimes constitue pour les femmes le principal obstacle à leur autonomisation. Aucune femme ne peut participer à la vie de la société et y occuper des postes de leadership dès lors qu’elle vit dans la peur. La violence sexiste est le pire fléau de la société guatémaltèque, et sa manifestation la plus extrême, qui est le féminicide, a placé le pays dans une situation de crise. Grâce aux efforts de l’Organe national de coordination pour la prévention de la violence familiale et de la violence à l’égard des femmes (CONAPREVI), la Rapporteuse spécial des Nations Unies sur la question de la violence contre les femmes s’est rendu au Guatemala en 2004. Elle a recommandé que les institutions étatiques chargées des droits de la femme soient renforcées, que les mandats des mécanismes nationaux de promotion de la femme soient clairement définis afin d’éviter les doublons et que la coordination soit améliorée; enfin, elle a demandé à ce que le Plan national de prévention et d’éradication de la violence familiale 2004-2014 et que le PNPDIM 2008-2023 soient coordonnés et harmonisés. Le Gouvernement actuel a procédé à une analyse de la situation afin de définir les mesures à prendre dans l’avenir. L’adoption en avril 2008 de la Loi contre le féminicide et autres formes de violence à l’égard des femmes constitue une formidable avancée. Le fait de savoir que le Congrès de la République a pris des mesures pour garantir leur droit à la vie, à la liberté et à l’intégrité a été un encouragement pour les femmes. Le Gouvernement compte bien faire en sorte que cette loi ne reste pas lettre morte; en effet, elle doit être un instrument vivant qui va changer la vie des femmes. Ce texte fait du CONAPREVI l’institution de coordination et de tutelle des mesures de lutte contre la violence familiale et contre la violence à l’égard des femmes; il a d’ailleurs déjà commencé à dispenser des formations de sensibilisation aux membres du pouvoir judiciaire et de la fonction publique, de même qu’il a élaboré un Plan national qui doit servir de feuille de route à l’application de la Loi. L’un des premiers résultats de ce Plan national est la signature, en novembre 2008, par les chefs des trois branches du Gouvernement – l’exécutif, le législatif et le judiciaire – et par neuf institutions publiques d’une déclaration de « tolérance zéro » s’agissant de la violence contre les femmes. Cette déclaration est une manifestation au plus haut niveau de la volonté politique d’apporter au problème de la violence contre les femmes des solutions pratiques.

Une formation a été dispensée à 860 représentants du pouvoir judiciaire, du Bureau du Procureur public et de la Police nationale au sujet de la violence à l’égard des femmes, et six centres financés par l’État d’aide aux survivants d’actes de violence ont été ouverts. L’Institut national de la statistique prépare actuellement un Système national d’information sur la violence à l’égard des femmes, qui doit fournir des données susceptibles de contribuer à la définition de politiques et de priorités.

Des avancées ont été enregistrées dans le renforcement du cadre législatif de la promotion de la femme et la mise en conformité des lois avec les engagements internationaux en matière de droits de la femme. Ainsi, le harcèlement sexuel sur le lieu de travail ou dans les établissements d’enseignement n’est pas considéré comme un délit, mais il fait partie du train de réformes du Code pénal proposées et actuellement examinées par le Congrès de la République. La nouvelle Loi sur le féminicide et autres formes de violence à l’égard des femmes traite également du harcèlement sexuel. Des efforts ont été engagés en vue de réformer le Code civil, en vertu duquel les femmes sont victimes de discrimination aux chapitres de l’âge du mariage et des droits de propriété. L’un des principaux objectifs consiste à supprimer toutes les dispositions autorisant la médiation dans les affaires de violence familiale.

La traite des êtres humains est un thème extrêmement sensible au Guatemala. La fondation en 2007 du Groupe interinstitutionnel contre la traite des personnes a représenté une avancée importante, de même que la mise en œuvre de la politique publique et du plan d’action stratégique 2007-2017 de prévention, d’élimination et de répression de la traite des êtres humains sous toutes ses formes et de protection de ses victimes.

La santé des femmes constitue une autre priorité du Gouvernement, qui y voit l’un des piliers de sa stratégie visant à promouvoir la productivité, la compétitivité et le développement social. Les autorités s’attachent en particulier à réduire les taux de mortalité maternelle et infantile et à enrayer la propagation du VIH/SIDA, un problème peut-être lié à la violence sexuelle. Un Programme national de santé reproductive a également été mis en œuvre.

La participation des femmes à la vie politique constitue une autre voie d’autonomisation, et elle revêt une très grande importance pour le Gouvernement. Il reste encore beaucoup à faire avant d’atteindre la parité hommes-femmes en matière de leadership et de prise de décisions, mais des progrès non négligeables ont été constatés au niveau local et communautaire grâce aux conseils de développement local et aux bureaux municipaux des femmes.

Articles 1 à 6

M me Šimonović dit que, même si la Convention est réputée être au Guatemala l’instrument juridique le plus puissant de protection des droits de la femme et même si le texte est directement applicable devant les tribunaux, elle aimerait savoir pourquoi la Convention n’a pas encore été invoquée et s’il reste des lois discriminatoires en vigueur. La définition de la discrimination de l’article 1 de la Convention devrait se retrouver dans tous les textes législatifs pertinents interdisant la discrimination. Mme Šimonović demande si un calendrier précis concernant l’abrogation des lois discriminatoires restantes a été fixé.

M me Arocha Dominguez, passant à l’article 3 de la Convention relatif aux mesures nationales à prendre pour assurer le progrès des femmes, dit que les mandats du groupe d’institutions responsables de ce domaine semblent se chevaucher, et elle aimerait savoir si le SEPREM, en sa qualité d’organe suprême, a été chargé d’une mission de coordination. Il conviendrait par ailleurs de préciser la relation entre le CONAPREVI et le SEPREM s’agissant de l’application de la nouvelle Loi contre le féminicide. Par ailleurs, on a du mal à comprendre la manière dont les bureaux départementaux et municipaux des femmes sont supervisés. Enfin, malgré la mise en œuvre de certaines mesures temporaires spéciales, la Recommandation générale n°25 du Comité pourrait permettre de cerner d’autres domaines dans lesquels de telles mesures pourraient s’avérer utiles.

M me Escobedo (Guatemala) répond que l’harmonisation de la législation nationale avec la Convention est un domaine où les progrès se sont avérés difficiles du fait du système patriarcal encore en vigueur. En ce qui concerne les textes législatifs de nature à assurer le progrès des femmes, il est prévu en 2009 de constituer un groupe d’associations féminines et de députés à l’Assemblée nationale qui rédigera un ensemble conjoint de textes législatifs de promotion de la femme, l’objectif visé étant d’obtenir l’adoption de trois de ces textes chaque année.

Les mandats des différentes institutions formant le dispositif national de promotion de la femme se chevauchent effectivement, mais chacun de ces organismes représente un succès dans l’histoire des femmes guatémaltèques, et il n’est pas prévu pour l’instant de fusionner les unes ou les autres de ces instances. La coordination entre elles est parfois difficile, mais elle est facilitée par les accords de coopération passés entre diverses institutions. Le CONAPREVI est un organe indépendant non soumis à l’autorité du SEPREM, même si ce dernier est membre de son mécanisme de coordination. Le SEPREM est responsable de l’administration du budget des diverses institutions féminines. Il s’emploie par ailleurs à garantir l’autonomie administrative du CONAPREVI en tant qu’organisation mixte faisant intervenir la société civile.

M me Stallings (Guatemala) dit que les instruments internationaux de protection des droits de l’homme sont appréciés au Guatemala et priment sur le droit intérieur mais, étant donné que le pays ne s’est pas encore doté de textes d’application interdisant explicitement la discrimination, ces instruments restent difficilement applicables.

M me Robles (Guatemala) dit que le CONAPREVI est l’organisme de coordination en matière de politiques, de prévention, de prise en charge des victimes et de sanctions des violences à l’égard des femmes. Il constitue un exemple de coordination entre des organisations féminines de la société civile et l’État et une forme de paradigme des efforts de consolidation de la paix. Après des dizaines d’années de conflit armé, le tissu de la société guatémaltèque est affaibli. Le Plan NOVI, qui incarne une vision de la lutte contre la violence à l’égard des femmes, a été rédigé en 2001, dans le but de procéder à une analyse du problème. Au terme de cet exercice, l’État et la société civile se sont entendus sur un plan de nature à régler les causes et les conséquences de la violence à l’égard des femmes, qui a débouché sur l’adoption de la Loi contre le féminicide et autres formes de violence contre les femmes. Le renforcement des effectifs et du budget du CONAPREVI est une autre indication de la volonté politique de s’attaquer à ce fléau.

M me Escobedo (Guatemala) dit que l’État guatémaltèque, concentré et centralisé, manque de mécanismes de surveillance des bureaux municipaux et départementaux des femmes. Le SEPREM assure cette supervision avec les diverses associations féminines de la société civile. Le plan de développement national est subdivisé en mini-plans de développement municipal qui prévoient des projets destinés aux femmes. Des rapports annuels sur les plans de développement municipaux sont rédigés, qui concernent notamment les activités des bureaux des femmes.

M me Coker-Appiah dit que les stéréotypes sur les rôles respectifs des hommes et femmes, selon lesquels les hommes sont réputés supérieurs aux femmes qu’ils contrôlent et dominent, restent puissants. Les mesures adoptées jusqu’à présent ne semblent pas toucher les groupes les plus vulnérables, qui incluent des femmes autochtones et des femmes d’origine africaine. Elle demande à quel moment les manuels scolaires débarrassés des stéréotypes sexistes seront disponibles, s’ils seront publiés en langues autochtones comme en espagnol, et quels efforts sont déployés pour toucher dans leurs propres langues les groupes les plus vulnérables.

M me Šimonović demande s’il faudrait des moyens ou une assistance technique complémentaires pour mettre en œuvre la nouvelle Loi sur le féminicide. Elle aimerait également savoir si cette Loi couvre le harcèlement sexuel et, si oui, quels sont les taux de poursuites.

M me Pimentel dit que, malgré des efforts considérables et l’adoption de la Loi contre le féminicide, les taux de meurtres de femmes ne baissent pas, et elle se déclare préoccupée par la grande impunité dont les auteurs bénéficient. Les femmes, et les femmes autochtones en particulier, doivent pouvoir surmonter leurs difficultés d’accès à la justice et leur peur de dénoncer d’éventuels délits. Mme Pimentel aimerait également savoir si l’on s’est intéressé plus particulièrement à la question de la violence à l’égard des lesbiennes.

M me Rasekh dit que, étant donné que le Guatemala est un pays d’origine, de transit et de destination pour la traite des êtres humains, elle se félicite d’apprendre qu’il a ratifié la Convention des Nations Unies sur la criminalité transnationale organisée et ses protocoles pertinents. On trouve toutefois dans le rapport des informations contradictoires à ce sujet. Le Gouvernement et le parlement se sont efforcés de lutter contre cette forme de trafic et ont passé à ce sujet des accords régionaux, mais un manque de textes législatifs adaptés et un petit nombre de signalements d’affaires de traite ont également été mentionnés. Elle demande à la délégation de préciser les mesures adoptées par le Gouvernement pour lutter contre la traite d’êtres humains et venir en aide aux victimes. De plus, elle aimerait savoir s’il existe des mesures pour empêcher la prostitution des jeunes femmes autochtones dans les régions touristiques.

M me Chutikul souhaiterait un complément d’informations sur l’activité réelle du Groupe interinstitutionnel contre la traite des personnes. Elle demande si le Plan national de lutte contre la traite des êtres humains contient des dispositions prévoyant des sanctions sévères ou l’octroi de permis de séjour temporaires aux femmes et aux enfants sans papiers. Elle aimerait également bénéficier d’informations supplémentaires sur le nombre de femmes autochtones victimes de cette traite, que l’objectif principal de ce trafic de femmes soit le travail forcé ou la prostitution, et savoir s’il existe un système quelconque de collecte de données sur les individus concernés par le tourisme sexuel par appartenance ethnique ou par pays d’origine.

M me Escobedo (Guatemala) dit que des campagnes de sensibilisation visant à surmonter les valeurs patriarcales ont été lancées. La diversité linguistique des communautés autochtones est reconnue dans le domaine de l’éducation, bien que de nombreuses langues autochtones n’aient pas de forme écrite. La révision des manuels scolaires a été engagée dans les années 1980 et, même s’il reste beaucoup à faire, les enseignants eux-mêmes ont joué un rôle déterminant dans la lutte contre les stéréotypes relatifs aux rôles respectifs des hommes et des femmes. Le système éducatif figure est l’un des grands axes de la Stratégie nationale sur l’intégration d’une perspective sexospécifique, et le Conseil national de l’éducation compte parmi ses membres des représentants d’organisations de femmes. Aucun changement radical ne devrait intervenir durant la mise en œuvre du plan quadriennal actuel, mais l’on devrait continuer d’enregistrer des avancées régulières, notamment grâce à la progression de l’enseignement primaire gratuit; on devrait également voir augmenter les taux de scolarisation.

Au chapitre de la justice, la Loi sur le féminicide et autres formes de violence contre les femmes confie des missions précises à certaines institutions, et le financement de l’exécution de ces mandats doit provenir des organisations concernées elles-mêmes, d’où l’importance accrue de la coordination et l’harmonisation des budgets de coopération nationale et internationale.

M me Stalling (Guatemala) dit qu’un groupe de travail composé de représentants de la société civile, du Congrès de la République et du CONAPREVI a été constitué pour suivre l’application de la Loi, avec le soutien financier et l’assistance technique de l’Union européenne. Les dispositions de la Loi concernant le harcèlement sexuel ont soulevé l’opposition de la plupart des hommes membres du Congrès, et la seule disposition sur le harcèlement sexuel que l’on trouve dans la Loi telle qu’elle a été adoptée concerne le fait de tenter de reprendre une relation ou de renouer avec une ancienne partenaire par la force.

Depuis l’adoption de la Loi en avril 2008, 423 dossiers ont été ouverts pour faits de violence, vingt-cinq d’entre eux étant considérés comme des meurtres de femmes. Le premier cas de féminicide a été porté devant les tribunaux; la plupart de ces affaires ont été finalement assimilées à de simples homicides. Il existe un programme gratuit d’aide juridictionnelle destiné à aider les femmes victimes de violence familiale devant les cours pénales ou familiales. Le centre qui reçoit les appels d’urgences des victimes de violences familiales a reçu un total de 1 956 appels depuis octobre 2008. Trois cas de viols ont été jugés devant les tribunaux; les trois prévenus ont été finalement reconnus coupables et condamnés.

M me Castillo (Guatemala) dit que de nombreuses plaintes pour violences familiales ont été portées devant les juges de paix locaux et les tribunaux de la famille, qui travaillent en collaboration avec le Bureau du Procureur public pour signaler les affaires de violence familiale, proposer un examen médical immédiat aux victimes, transmettre le rapport au Bureau par voie électronique et demander pour les victimes des mesures de sécurité d’urgence. Les affaires ont ensuite été portées devant la cour pénale pour suite à donner. Trois tribunaux itinérants ont été établis, qui se sont rendus dans certains lieux publics où se retrouvent les femmes – des marchés, par exemple – à des dates publiées d’avance pour leur donner accès à des services de médiation. Ces services de médiation ne sont pas proposés dans les affaires faisant intervenir des actes de violence, toutefois. Les cours spéciales établies en vertu de la Loi contre le féminicide n’ont pas encore été financées, et il conviendrait de former les juges sur la teneur de la Loi. On espère ainsi que les femmes vont avoir confiance dans le système judiciaire et cesser de craindre de saisir la justice et les tribunaux.

M me Escobedo (Guatemala) dit qu’il n’existe actuellement aucune loi spécifique sur la question de la traite des personnes. Les initiatives relatives à l’adoption d’une telle loi montrent clairement qu’elle devra être exhaustive et porter aussi bien sur la traite de femmes que d’enfants. Le problème de la traite est pour ainsi dire invisible au Guatemala, et il n’existe que peu de statistiques sur son étendue. Les informations disponibles montrent que les femmes font l’objet d’un trafic pour devenir travailleuses du sexe ou occuper des emplois domestiques; la région de la frontière avec le Mexique est celle où ce type d’activité est le plus intense. Par le passé, la police civile nationale a été accusée d’abus sexuels contre des victimes de la traite en détention, mais la nouvelle Directrice est une femme déterminée à sensibiliser et à faire connaître les aspects sexospécifiques au sein de la communauté des officiers de police.

M me Robles (Guatemala) dit que les femmes autochtones victimes de violences peuvent se tourner vers les centres de secours culturellement sensibles mis en place par le CONAPREVI. En tant que coordonnateur national de la politique relative à la lutte contre la violence à l’égard des femmes, le CONAPREVI aurait besoin d’une plus grande autonomie administrative et financière pour pouvoir s’acquitter de sa tâche.

M me Chutikul dit que, dans le cadre des efforts déployés pour modifier les attitudes et les valeurs à l’égard de la violence contre les femmes et de la société patriarcale, l’éducation informelle par l’éducation et la socialisation des garçons et des filles et le recours à des méthodes de discipline plutôt positives que violentes pourraient s’avérer encore plus efficaces que le système d’éducation formel.

M me Rasekh demande quelles mesures d’ordre juridique et administratif le Gouvernement a prises pour mettre les femmes à l’abri du harcèlement sexuel sur le lieu de travail vu que la pauvreté les empêche généralement de porter plainte. Leur est-il possible de porter plainte anonymement?

M me Pimentel aimerait savoir quel niveau de formation va être dispensé aux juges des tribunaux spécialisés dont la mise sur pied est prévue par la Loi contre le féminicide. Elle répète sa question concernant l’attention portée et les services rendus aux lesbiennes victimes de violence.

M me Arocha Dominguez dit que le processus d’adoption de la Loi contre le féminicide aurait constitué une bonne occasion d’évoquer l’harmonisation des lois nationales avec la définition de la discrimination telle que contenue dans la Convention, et elle espère que l’on profitera des occasions futures. Elle aimerait savoir s’il existe des programmes spéciaux concernant la double discrimination dont sont victimes les femmes autochtones. Enfin, elle demande si les lois régissant l’adoption internationale prévoient des mécanismes de protection suffisant pour empêcher que les adoptions ne se transforment en simples ventes d’enfants.

M me Ameline dit que le Congrès de la République est appelé à jouer le rôle principal au cours des prochains mois en ce qui concerne l’adoption de la Loi sur la discrimination contre les femmes, et elle est curieuse de savoir quels enseignements ont été tirés des problèmes rencontrés lors de l’adoption de la Loi contre le féminicide et autres formes de violence contre les femmes. Elle se demande si les structures concernant les femmes au Congrès de la République ne pourraient pas être renforcées pour surmonter la résistance dont elles y font l’objet.

M me Escobedo (Guatemala) dit que le système patriarcal ne reconnaît pas la diversité sexuelle, et qu’il existe une forte répression et de la violence contre les membres de la communauté lesbienne, gay et trans-genre. Peu de progrès ont été faits, mais le SEPREM a rencontré des représentants de ces groupes et discuté de la nécessité de travailler ensemble.

Les émissions radiophoniques en langues autochtones sont un élément de la stratégie pédagogique visant à modifier les attitudes de la société à l’égard de la violence. D’autres programmes cherchent à modifier les paradigmes et les images dans la fonction publique, où subsistent un grand nombre de pratiques discriminatoires. Les fonctionnaires peuvent faire appel à certaines pratiques et règlements administratifs pour lutter contre le harcèlement sexuel, bien qu’il n’existe aucune politique publique dans ce domaine et aucune mesure qui s’applique au secteur privé. La nouvelle loi sur les adoptions s’est traduite par une chute de 80 % du nombre des adoptions internationales dans l’année passée en raison d’exigences juridiques nouvelles et plus contraignantes. Concernant la résistance au Congrès de la République, elle dit que les partis politiques ont constitué un forum de femmes, qui s’est entendu sur un programme législatif et a décidé de le défendre.

M me Cú (Guatemala) dit que le Gouvernement a créé en 2007 un bureau chargé des femmes autochtones placé sous l’autorité du Bureau présidentiel pour les droits de l’homme. En 2008, ce bureau a fourni des services sociaux, juridiques et psychologiques culturellement adaptés à quelque 2894 femmes autochtones.

M me Stalling (Guatemala) dit que le Bureau du Défenseur des droits de l’homme a enquêté sur des plaintes pour harcèlement sexuel sur le lieu de travail et ordonné autant que possible des mesures disciplinaires internes. L’article 7 de la Loi contre le féminicide permet également de porter les affaires de harcèlement sexuel devant le Bureau du Procureur public. Un programme spécial d’aide aux femmes autochtones permet de recourir à des lois, à des tribunaux et à des sanctions culturellement appropriés, de même qu’ils mettent à disposition des interprètes judicaires dans la majorité des langues autochtones.

M me Robles (Guatemala) dit que les conditions d’application de la Loi contre le féminicide se sont nettement améliorées grâce au dialogue et à la formation dispensée à tous les membres du pouvoir judiciaire et à son intégration au programme de l’école de formation de la magistrature. La coordination interinstitutionnelle est essentielle à l’application de la Loi. Le CONAPREVI doit également être renforcé s’il veut avoir les moyens d’engager davantage d’études et de débats sur les stratégies de mise en œuvre.

M me Castillo (Guatemala) dit que des efforts ont été engagés dans les bureaux des maires de tout le pays afin d’éduquer la jeunesse à la non-violence et prévenir les lynchages, lutter contre les stéréotypes sexistes et enseigner aux jeunes garçons la non-discrimination et la non-violence envers les filles. Elle note qu’en 2008, un juge a été inculpé pour harcèlement sexuel et révoqué.

Articles 7 à 9

M me Jaising dit que, légalement, les femmes ont le droit de vote, mais en réalité, le nombre de femmes qui votent est très réduit. Le principal obstacle semble tenir à l’absence de documents d’identité nécessaires à l’inscription des femmes sur les listes électorales, et elle demande quand chaque citoyen pourra recevoir une carte d’identité lui permettant une participation à la vie publique. Elle aimerait également savoir si des efforts particuliers ont été déployés pour inscrire les femmes sur les listes électorales et si les langues locales sont couvertes. Seules 12,6 % des candidats aux scrutins locaux sont des femmes, le chiffre étant encore plus réduit pour les postes supérieurs. Elle demande ce qu’il serait possible de faire pour remédier au fait que les femmes ont si peu de possibilités de participer à la vie publique et à l’absence de volonté politique dans ce domaine. En dépit des efforts de décentralisation, la participation des femmes aux instances municipales est également faible, et elle demande si de quelconques quotas de femmes ont été instaurés au niveau des instances élues locales. Elle sollicite par ailleurs un complément d’information sur la représentation des femmes au sein des organisations internationales et du service diplomatique.

M me Escobedo (Guatemala) dit que la participation politique des femmes reste un défi majeur. La décentralisation a ouvert des occasions à la participation des femmes au niveau local, par exemple dans les conseils de développement communautaire, mais dans les postes ministériels et élus, le nombre de femmes baisse en réalité, et les hommes continuent de détenir la plus part des postes de décision.

45.Le nouveau système de délivrance de papiers d’identité est entré en vigueur depuis cinq mois, mais il est encore en période de transition. Le Tribunal électoral suprême a pris des initiatives pour accroître la participation des femmes aux élections, mais dans la mentalité patriarcale, une femme prend la place d’un homme, et la résistance reste forte.

46.Mr. Martínez Alvarado (Guatemala) dit que les lois régissant le service diplomatique date des années 1960 et qu’elles sont donc dépassées depuis 40 ans. Sur les 34 ambassades du Guatemala, sept ou 8 sont dirigées par des ambassadrices; sur les 11 consulats aux États-Unis d’Amérique, qui y dessert une importante communauté immigrée de Guatémaltèques, cinq sont dirigés par des femmes, bien que le personnel soit constitué d’environ cinquante % de femmes.

La séance est levée à 13 heures.