Dix-neuvième session

Compte rendu analytique de la 396e séance

Tenue au Siège, à New York, le jeudi 2 juillet 1998, à 15 heures

Président :Mme Khan

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Deuxième et troisième rapports périodiques du Nigeria

La séance est ouverte à 15 h 20

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Deuxième et troisième rapports périodiques du Nigeria (CEDAW/C/NGA/2-3)

À l’invitation de la Présidente, Mme Sani, Mr. Ayewah, Mme Muhammad et Mme Osijo (Nigeria) prennent place à la table du Comité.

Mme Hartono dit que, selon les rapports de l’Etat partie, il n’y a pas de violence familiale déclarée au Nigeria. Ceci pourrait signifier que les gens sont réticents à porter de tels problèmes à la connaissance des autorités. Les rapports donnent également l’impression que le planning familial est une affaire privée devant être gérée uniquement par les femmes. Cette interprétation est contraire à l’esprit de la Convention, qui insiste sur la nécessité d’un partenariat entre les hommes et les femmes dans ces domaines. Le Comité apprécierait avoir plus d’information sur la façon dont la Commission nationale sur les droits de l’homme gère les conflits impliquant les familles et les femmes. En particulier, l’Etat faisant rapport devrait décrire les pouvoirs de la Commission, comparés à ceux d’autres agences engagées dans la résolution des conflits. La délégation devrait également indiquer si les décisions de la RAD (Résolution alternative des disputes) peuvent être jugées en appel par un tribunal et devrait expliquer quelles sont les conséquences si un mari ou un père n’applique par les décisions de la cour.

Mme Shalev dit que, selon les rapports examinés, le viol conjugal n’existe pas ; il n’y a pas de violence contre les femmes, il n’y a pas d’abri pour les femmes victimes de violence ; les hommes et les femmes ne reçoivent pas un enseignement identique ; il y a des pratiques discriminatoires contre les femmes sous la loi islamique et la loi coutumière ; et les femmes sont sous représentées politiquement. Elle est surtout inquiète par le fait que le Gouvernement ne semble pas être conscient des stéréotypes affectant la vie des femmes dans la société nigériane et ne comprend pas vraiment ce que la position de la femme devrait être si la Convention était pleinement mise en œuvre.

Pour surmonter les forces culturelles négatives dans la société, il faut qu’il y ait une volonté politique de la part du gouvernement afin d’améliorer la position des femmes et de promouvoir la discrimination positive et la prise de conscience en ce qui concerne l’égalité des sexes. Comme le rapport ne fournit pas suffisamment d’informations statistiques, il est difficile de jauger les progrès réalisés dans la mise en œuvre de la Convention.

Le Comité s’attend à de la transparence et de la responsabilité de la part de l’Etat faisant rapport. Si les gouvernements ne fournissent pas suffisamment de données, des informations de sources indépendantes doivent être utilisées. Selon des rapports d’organisations non gouvernementales, il existe des pratiques d’embauche dans la police nigériane qui sont discriminatoires à l’égard des femmes et seulement 0,8 % du budget national est alloué à des dépenses de santé, comparé à une moyenne de 2,5% dans l’Afrique sub-saharienne. Alors que le Nigeria est l’un des pays les plus riches de la région, son taux de mortalité maternelle est l’un des pires en Afrique, du à un accès limité aux établissements de santé et au fait que des honoraires sont exigés pour les services de maternité. Selon l’article 12 de la Convention, les Etats parties ont l’obligation de fournir des services gratuits dans ce secteur lorsque cela est nécessaire. Au vu des ressources financières du Nigeria, elle prie instamment le gouvernement de commencer à fournir immédiatement des services de maternité aux femmes nigérianes.

Selon d’autres informations de sources indépendantes, il y a un haut taux de mortalité maternelle du à des conditions d’avortement à haut risque. Au Nigeria, l’avortement n’est légal que lorsque la vie de la mère est en danger. Mais, même dans ce domaine, le Gouvernement ne subventionne pas les soins de santé pour les femmes. Le manquement à fournir des données sur la prévalence du VIH/sida et d’autres maladies sexuellement transmissibles est inacceptable, en particulier dans un pays où les risques sont élevés en raisons de la polygamie et de la prostitution et parce que les femmes n’ont pas le droit de refuser des relations sexuelles à leur époux.

De plus, il ne semble y avoir aucune loi interdisant les mutilations génitales féminines dans un pays où cette pratique semble toucher près de la moitié de la population féminine. Elle applaudit le courage des organisations non gouvernementales nigérianes et des groupes de femmes qui ont fourni ces informations au Comité en dépit des pauvres performances de l’Etat partie en ce qui concerne la liberté d’expression, de parole et d’association.

Mme Abaka insiste sur la nécessité de fournir une éducation aux femmes rurales comme un moyen de les habiliter dans tous les domaines de la vie. Elle demande si elles ont accès à des programmes spéciaux d’enseignement formel et informel et quelles mesures ont été prises pour garantir qu’elles ne sont pas l’objet de pratiques traditionnelles inhumaines. L’Etat faisant rapport devrait expliquer comment les dispositions de la section 51 de la Constitution de 1979 traitent ces pratiques et fournir plus d’information sur les recommandations présentées à cet égard par le Comité national sur le harcèlement sexuel. Le Comité voudrait également savoir quels sont les moyens de contraception disponibles en plus de la vasectomie et quel est le pourcentage d’hommes utilisant cette dernière méthode. Est-ce que les hommes sont également visés par les programmes de planning familial.

Comme les mesures d’ajustement structurel ont souvent des effets négatifs sur le secteur social, l’Etat faisant rapport devrait indiquer s’il existe des programmes pour mitiger ces effets. La délégation nigériane devrait également indiquer si les femmes peuvent utiliser des contraceptifs librement ou si elles doivent obtenir le consentement de leur conjoint avant d’avoir recours aux services de planning familial.

Mme Guvava dit qu’elle partage les inquiétudes exprimées par les précédents orateurs, en particulier en ce qui concerne le très haut taux de mortalité maternelle au Nigeria. Elle demande si le Gouvernement est conscient de la magnitude du problème et s’il existe des programmes pour s’en occuper. Comme le taux d’admission des filles au niveau d’éducation secondaire est de 17%, le Comité voudrait savoir ce que le Gouvernement fait pour améliorer la situation des filles qui ne peuvent pas recevoir une éducation secondaire et si des mesures spéciales sont prises à cet égard en vertu de l’article 4 de la Convention.

Mme Bustelo dit que la situation des femmes au Nigeria est d’importance pour le Comité en raison de sa taille, de sa population et de la position géographique. Le Comité aurait apprécié avoir plus d’information sur la situation de facto des femmes au Nigeria et sur la nouvelle législation mise en œuvre durant la période examinée pour pouvoir baser son jugement sur la manière dont la Convention est mise en application. Compte tenu de ses ressources économiques considérables, il est difficile de comprendre ce qui a pu empêcher le Nigeria de se conformer plus efficacement à ses obligations. Il est à espérer qu’avec l’établissement de la démocratie, le Nigeria deviendra un leader régional dans la promotion de l’égalité des chances pour les hommes et les femmes et dans la protection des droits de la femme.

Dans son prochain rapport, l’Etat faisant rapport devrait fournir plus d’information sur le contenu et l’application des lois pénalisant le trafic et l’exploitation des femmes à des fins de prostitution, comme cela est requis par l’article 6 de la Convention. Des informations supplémentaires sont nécessaires sur la législation protégeant les femmes touchées par ces crimes, sur l’accès des prostituées à des services médicaux et sur l’application des lois sur le viol lorsque les victimes sont des prostituées, de même que des données sociologiques sur les femmes qui pratiquent la prostitution. L’Etat faisant rapport devrait également indiquer comment il protège les femmes émigrant vers d’autres pays, en particulier les jeunes femmes, de devenir victimes de réseaux criminels engagés dans le trafic des femmes et l’exploitation des prostituées.

Mme Yung-Chung Kim félicite le Gouvernement du Nigeria pour les mesures prises pour impliquer davantage les femmes dans la vie publique et politique au niveau de la prise de décision. Toutefois, le lobbying par le biais d’organisations non gouvernementales n’est probablement pas suffisant. Elle prie instamment le Gouvernement de mettre en œuvre de façon systématique les programmes visant à augmenter la participation des femmes dans la transition vers la démocratie, en particulier au niveau local mais également dans les branches exécutive et législative du Gouvernement et dans les syndicats. Le taux de 39,5 % d’alphabétisation des femmes est toujours très bas comparé à celui des hommes. Elle se demande si la politique d’éducation du Gouvernement national comprend des mesures pour réviser le contenu des livres et des programmes scolaires. Elle fait remarquer qu’en dépit de l’augmentation de l’admission des femmes dans les écoles, elles ne constituent que 27% des étudiants universitaires et restent confinées aux traditionnels secteurs d’études pour les femmes, ce qui signifie qu’elles sont à la traîne en sciences et en technologie Elle espère que le prochain rapport périodique reflètera une situation plus positive.

Mme Gonzalez dit que la fusion des droits civil, ordinaire et religieux implique automatiquement certaines violations des droits de la femme. Par exemple, la pratique des mutilations génitales féminines est un obstacle constant à la prévention et au traitement de maladies sexuellement transmissibles (CEDAW/C/NGA/2-3, par.55.6 et 55.7) et devrait être interdite. De même, les pratiques traditionnelles inhumaines à l’égard des veuves devraient être éliminées. A cet égard, la réforme législative sensée garantir que de telles pratiques soient appliquées de manière égale aux hommes et aux femmes est inacceptable.

Mme Ferrer dit que le Comité n’a pas suffisamment de statistiques pour évaluer la situation des femmes au Nigeria, en particulier en ce qui concerne les articles 11 et 14 de la Convention. A cet égard, elle souhaiterait connaître les principales réformes législatives proposées par le Comité national des femmes et des enfants après son compte-rendu. Quand seront-elles soumises au Parlement pour examen ? Elle fait remarquer la difficulté de faire appliquer le droit dans un système fédéral où le droit constitutionnel et le droit islamique cohabitent.

Elle se demande si le Gouvernement a formulé un plan intégré pour édifier la population et éduquer les femmes, en particulier dans les régions rurales, en vue d’éliminer les stéréotypes et les préjudices sur les sexes. La délégation de l’Etat partie n’a fait qu’effleurer le plan du Gouvernement pour traiter de la situation des femmes paupérisées, et n’a fourni aucune indication sur son contenu ou ses objectifs ou encore sur le nombre de ses bénéficiaires. Faisant remarquer les douloureux effets secondaires que les ajustements structurels et le service de la dette ont sur les femmes et les pauvres, elle demande plus d’information sur les programmes spécifiques censés augmenter l’accès des femmes pauvres à l’emploi, aux services de santé et à l’eau potable. Il aurait également été intéressant d’en savoir plus sur les programmes de développement agricole, y compris sur les coopératives et les centres pour la commercialisation des produits agricoles. Elle est en accord avec les remarques respectives de Mme Cartwright et Mme Shalev respectivement sur les articles 15 et 16, et sur l’article 12 de la Convention. Elle s’enquiert de la formation des autorités gouvernementales, judiciaires et policières en matière de parité des sexes. Enfin, elle déplore les coutumes traditionnelles et les pratiques qui affectent la santé et le bien-être des femmes, y compris les mutilations génitales, le traitement des veuves, la violence contre les femmes et la polygamie.

Mme Lin Shangzen fait remarquer que le Nigeria est économiquement plus fort que la plupart des pays en voie de développement qui font face à des problèmes similaires dans les domaines de la santé, de l’éducation et de la position des femmes dans la famille. Elle espère que les ressources nécessaires seront allouées aux agences nationales et au Ministère de la condition féminine et du développement social pour résoudre ces problèmes. Une campagne d’information à grande échelle doit être lancée afin de surmonter l’impact défavorable des pratiques traditionnelles et des stéréotypes. Des programmes complets devraient également être développés pour la réhabilitation économique des femmes et pour mener d’autres études et sondages.

Mme Schopp-Schilling exprime sa gratitude à la délégation pour sa présentation mais elle se fait l’écho des inquiétudes soulevées par d’autres membres du Comité. Bien que le Nigeria ait signé la Convention sans réserve, le fait de ne pas prendre action équivaut à émettre une réserve. Elle exprime sa solidarité avec le Gouvernement et les femmes du Nigeria dans leur effort pour améliorer la situation.

Mme Sani (Nigeria), répondant aux questions additionnelles, insiste sur le fait que la ratification de la Convention par le Gouvernement est en elle-même une indication claire de son engagement à la mettre en œuvre. Se référant à l’article 15, elle dit que la coutume de demander la permission du mari pour sortir du pays est enracinée dans le respect mutuel de l’institution du mariage et du partage des responsabilités du foyer ; un homme n’a, en fait, pas le droit légal de limiter la liberté de mouvements de sa femme. Elle attribue le manque de données statistiques à la géographie et à l’énorme population du pays. Les données fournies par des organisations non gouvernementales ont été rassemblées à la hâte ; la collecte de données précises par Gouvernement prendra plus de temps et ses résultats seront fournis au Comité aussi vite que possible.

M. Ayewah (Nigeria) dit qu’il n’est pas réaliste de la part du Comité d’attendre du Nigeria qu’il mette en œuvre toutes les dispositions de la Convention parce qu’il faudra du temps pour surmonter les pratiques traditionnelles et coutumières qui sont discriminatoires contre les femmes et qui rendent difficiles pour le Nigeria de se conformer à certaines dispositions. Le fait que le Nigeria ait signé la Convention sans aucune réserve est une indication de sa volonté de la mettre en œuvre dans tous ses aspects.

Mme Sani (Nigeria) dit que la question du veuvage est traitée de façon différente dans les diverses régions du Nigeria. La pratique qui a été décrite par les membres du Comité est confinée à une région limitée du Nigeria et ne doit pas être considérée comme la norme.

Mme Muhammad (Nigeria) dit que les taux de mortalité maternelle et infantile auxquels Mme Guvava et Mme Abaka se réfèrent sont le résultat d’un sondage mené il y a plusieurs années. Depuis lors, le Ministère de la Santé a fait des efforts concertés, par le biais de son système de santé primaire, pour réduire ces taux. Bien qu’elle n’ait pas de chiffres précis elle souhaite confirmer que la situation s’est progressivement améliorée. En plus des centres de santé de village, il existe des cliniques mobiles pour couvrir les régions les plus reculées du Nigeria.

Le Ministère fédéral de la condition féminine et du développement social a travaillé en collaboration avec le Ministère de l’éducation pour améliorer l’admission des filles dans les écoles, en particulier dans les régions du nord du pays. Pour augmenter l’admission des jeunes filles dans les écoles, le Gouvernement du Nigeria a ouvert des écoles secondaires dans chaque état fédéral, une exclusivement pour les filles, l’autre mixte, ce qui a considérablement augmenté le taux d’admission des filles. Dans son prochain rapport périodique, le Nigeria fournira des chiffres exacts sur l’admission des filles et des garçons.

Le viol conjugal est considéré comme une question très privée au Nigeria et n’est jamais déclaré. Comme le système de la famille étendue joue un rôle clef en cas de violence conjugale, il n’y a pas d’abri pour les victimes de ces violences et aucune de ces victimes ne voudraient aller dans un tel abri.

Mme Shalev déclare que l’année 1987 a été la dernière année pendant laquelle le Nigeria a alloué des ressources budgétaires pour la santé. Cela n’est pas vrai. Chaque ministère, y compris le Ministère de la Santé, a un budget annuel. Le Ministère de la Santé a développé un programme pour fournir des soins de santé à tous les citoyens du Nigeria d’ici l’an 2000. De plus, le Gouvernement du Nigeria est conscient des besoins spéciaux des femmes et des enfants et fait de son mieux pour se conformer aux dispositions pertinentes de la Convention en vue d’améliorer la situation de ce secteur de la population.

Mme Osijo (Nigeria) dit que, bien qu’il n’y ait pas de lois spécifiques pour traiter de la violence contre les femmes au Nigeria, les femmes qui prétendent avoir été victimes de mauvais traitements de la part de leurs maris peuvent demander des réparations en vertu des lois existantes qui couvrent le viol et les coups et blessures. Toutefois, le Gouvernement pourrait considérer la mise en œuvre d’une loi qui traite exclusivement de la violence faite aux femmes. En plus de contrôler et d’enquêter sur les violations des droits de l’homme au Nigeria, la Commission nationale des droits de l’homme, récemment créée, assiste les victimes de violence en cherchant à obtenir réparation. Malheureusement, elle n’a pas de données spécifiques sur l’action que le Gouvernement a pris à cet égard. Récemment, les membres du conseil de la Commission ont rencontré le chef de l’Etat pour discuter de questions relatives aux droits de l’homme.

La Section 31 de la Constitution du Nigeria, qui traite des droits de l’homme fondamentaux de tous les Nigérians, stipule : « Tous les individus ont droit au respect de la dignité de leur personne et, ce faisant, personne ne doit être l’objet de traitement inhumain ou dégradant. Personne doit être tenu en esclavage ou en servitude, et personne ne doit être l’objet de travail forcé ou obligatoire ». « Le travail obligatoire » signifie tout travail exigé en forme de punition ou d’un arrêt juridique, tout travail requis par les forces armées ou par la Fédération de la police nigériane dans la poursuite de leurs fonctions ou dans le cas d’un individu qui aurait des objections de conscience à servir dans les forces armées de la Fédération ; ou tout travail qui est raisonnablement nécessaire dans le cas d’une urgence qui menacerait la vie ou le bien-être de la communauté.

Le droit à la propriété dépend des trois formes de mariage existantes au Nigeria. Si une femme se marie en vertu de la Loi sur le mariage, elle peut profiter des dispositions du droit sur la propriété. Toutefois, si elle s’est mariée sous une autre forme de mariage, il n’y pas d’autres voies de recours lui permettant de demander réparation. Il y a récemment eu un arrêt de tribunal qui déclarait que toute forme de mariage ou toute norme coutumière empêchant une femme de posséder une propriété ayant appartenu à son père est contraire au droit naturel, à l’équité et à la bonne conscience. Le Nigeria élimine progressivement les normes qui ne sont pas conformes aux pratiques internationales.

Mme Sani (Nigeria) remercie les membres du Comité pour leurs commentaires constructifs. Le Nigeria fera tout son possible pour inclure des informations satisfaisantes et favorables dans son prochain rapport sur la mise en œuvre des dispositions de la Convention.

La Présidente remercie la délégation du Nigeria pour sa présentation conjointe des deuxième et troisième rapports périodiques, qui ont été préparés en conformité avec les directives du Comité. Cependant, il est regrettable que le rapport n’ait pas inclus des données statistiques permettant au Comité de mesurer les progrès accomplis depuis la soumission par le Nigeria de son premier rapport périodique en 1986. Bien que les remarques préliminaires de la délégation nigériane ont fourni un bon nombre d’informations de fond, il est décevant que la délégation n’ait pas répondu spécifiquement aux 75 questions qui avaient été préparées par le Comité lors de la séance de travail préparatoire.

Il est admirable que le Nigeria, un pays à prédominance musulmane, ait ratifié la Convention sans aucune réserve. Elle salue les récents efforts pour introduire une disposition constitutionnelle qui permettra aux individus de pouvoir s’adresser aux tribunaux lorsque leurs droits sont violés, et elle se demande quel recours acceptable sera accessible aux femmes nigérianes dont les droits ont été violés dans le domicile conjugal. Malgré les dispositions de la Constitution de 1979, certaines législations du Nigeria demeurent discriminatoires. Si elle comprend les raisons de la persistance de pratiques discriminatoires à l’égard des femmes dans la sphère privée comme dans la sphère publique, elle souhaite faire observer que le Nigeria n’est pas le seul pays qui a eu à lutter contre des comportements, des coutumes et des religions traditionnels. De nombreux pays en développement ont trouvé des moyens tout à fait efficaces pour s’atteler à ces problèmes et pour améliorer la situation des femmes.

Les membres du Comité ont attiré l’attention sur certaines de ces pratiques nuisibles, tels que le mauvais traitement des veuves, la polygamie, la violence conjugale et les mutilations génitales féminines, qui ne peuvent toutes se justifier au nom de la coutume ou de la religion. La remarque de la délégation nigériane selon laquelle la polygamie est préférée parce qu’elle est un moyen de réduire la prostitution est particulièrement dérangeant. Elle espère que le Gouvernement du Nigeria examinera la législation existante dans le but d’abroger les lois discriminatoires et d’éliminer des coutumes et des traditions qui sont incompatibles avec les dispositions de la Convention.

Alors que le rapport stipule qu’il y a eu des changements extraordinaires et des progrès dans le domaine de l’éducation, il montre également que le taux d’alphabétisation des femmes est de 40% comparé à 62% pour les hommes. Un pays pétrolier, riche comme le Nigeria, devrait avoir un enseignement obligatoire et gratuit et devrait peut-être fournir une aide financière aux étudiants les plus nécessiteux, en particulier aux filles. Dans son prochain rapport, le Nigeria devrait inclure des informations sur le budget du Ministère de l’éducation et sur le pourcentage des revenus du pétrole qui sont dépensés en faveur du développement social.

Le Gouvernement du Nigeria ne dévoue pas suffisamment d’attention au développement social. Selon des sources indépendantes, 70% des Nigérians vivent dans les régions rurales et 52% des femmes nigérianes vivent en dessous du seuil de pauvreté. Les taux de mortalité maternelle et infantile et les mariages précoces sont l’objet de sérieuses préoccupations. Selon les Nations Unies, seuls 40% de la population ont accès à des soins de santé et le manque de centres de santé force les femmes des régions rurales à se tourner vers les praticiens de médecine traditionnelle. La politique de santé nationale du Nigeria devrait régler ces questions.

Néanmoins, dans les faits, le statut des femmes s’est amélioré au Nigeria, il y a une augmentation marquée du nombre de femmes dans les fonctions directives. Le Gouvernement nigérian a mis en œuvre le Projet de vie meilleure pour les femmes rurales qui a permis de contribuer de manière significative au développement des régions rurales. Le Nigeria devrait prêter une plus grande attention à l’article 4 de la Convention et au Programme de développement des Nations Unies Rapport mondial sur le développement humain, qui recommande que les pays allouent entre 4 et 6% de leur budget annuel à la santé et à l’éducation.

La séance est levée à 17 h 10.