Comité pour l’élimination de la discriminationà l’égard des femmes

Vingt-quatrième session

Compte rendu analytique de la 488e séance

Tenue au Siège, à New York, le mercredi 17 janvier 2001, à 10 h 30

Présidente :Mme Abaka

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial du Burundi

La séance est ouverte à 10 h 45.

Examen des rapports présentés par les États partiesconformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial du Burundi (CEDAW/C/BDI/1)

À l’invitation de la Présidente, M. Nteturuye, M me  Ndorimana, M me  Rwamaneke et M. Jenje (Burundi) prennent place à la table du Comité.

M. Nteturuye (Burundi), présentant la délégation du Burundi, dit que la présence de Mme Ndorimana, Ministre de l’action sociale et de la promotion des femmes, et celle d’autres personnalités de haut niveau attestent de l’importance que le Burundi attache à la Convention et aux travaux du Comité.

M me  Ndorimana (Burundi), décrivant la situation politique, sociale et économique critique dans son pays depuis 1993, dit que les femmes sont frappées de plein fouet par la crise, du point de vue de la pauvreté, des déplacements de populations, de la détérioration de la capacité de production et de la pression démographique. L’agriculture, la pièce maîtresse de l’économie repose principalement sur les femmes qui ont de ce fait un rôle important à jouer pour le développement national.

Parmi les mesures prises par le Gouvernement pour faire face à ces épreuves et en particulier, s’acquitter des obligations lui incombant en vertu de la Convention, figurent l’adoption de deux décrets-lois qui ont profondément modifié le statut juridique des femmes au Burundi. Le décret-loi No 1/024 du 28 avril 1993, modifiant le Code de la personne et de la famille, abolit la polygamie et la répudiation unilatérale, fait du divorce une affaire juridique et les raisons du divorce qui doivent être les mêmes pour les hommes et les femmes, réglemente l’âge du mariage, consacre le droit des filles d’exprimer leur libre consentement au mariage, accorde la garde des enfants automatiquement à la mère si le père est absent ou frappé d’incapacité, et accorde à la femme le droit de gérer conjointement la propriété familiale. Ces réformes instituent de nouvelles relations familiales basées sur l’égalité des droits et des devoirs, le respect de la dignité humaine et le souci pour la justice. Le décret-loi No 1/037 du 7 juillet 1993, révisant le Code du travail, inclut un chapitre portant spécifiquement sur les femmes et en particulier les femmes enceintes, le congé de maternité et les droits des femmes pendant la période d’allaitement, bien qu’il soit possible d’améliorer le Code afin d’offrir plus de protection aux femmes qui travaillent et en cas de maternité, notamment la couverture des frais d’accouchement au titre du Fonds des prestations de la fonction publique et le paiement des salaires pendant le congé de maternité dans le secteur privé.

En général, les instruments des droits humains sont incorporés dans la législation burundaise comme le montrent les articles 12 et 17 de l’Acte constitutionnel de transition. Au niveau institutionnel, deux ministères, le Ministère de l’action sociale et de la promotion de la femme et le Ministère des droits de l’homme, de la réforme institutionnelle et des relations avec l’Assemblée nationale, sont chargés, entre autres choses, d’assurer le respect de la Convention. Ils sont soutenus dans leurs activités par des ligues des droits humains et des organisations non gouvernementales des femmes. L’institution du Ministère de l’action sociale, l’encouragement donné pour la création des associations des femmes et la réalisation de projets au profit des femmes témoignent du souci du Gouvernement de protéger les droits humains des femmes et de promouvoir leur condition, malgré la situation extrêmement défavorable qui a prévalu depuis 1993, deux années seulement après la ratification de la Convention par le Burundi. C’est effectivement dans ce contexte difficile que le premier rapport a été préparé et soumis, bien qu’avec retard, démontrant ainsi la détermination du Gouvernement à se conformer à ses obligations et décrire objectivement la situation telle qu’elle se présentait.

Dans le domaine de l’éducation, le taux d’abandon scolaire des filles entre les niveaux primaire et secondaire est encore très élevé, du fait de la faible capacité d’accueil au niveau secondaire. Les mesures de discrimination positive prises en 1970 ont contribué à augmenter l’effectif des filles dans le secondaire mais ces mesures ont été par la suite suspendues de peur qu’elles ne perpétuent le complexe d’infériorité chez les filles. Le Gouvernement sait bien qu’il faudrait prendre d’autres mesures correctives, notamment dans les régions où les taux de scolarisation sont faibles, et au profit des enfants batwa en particulier.

D’autres mesures sont également nécessaires pour promouvoir l’égalité des droits des femmes dans des domaines comme l’accès à des emplois bien rémunérés et aux postes de responsabilité. Avec la création de l’Union des femmes du Burundi (UFB), les femmes sont devenues plus conscientes de leur rôle potentiel dans la société, bien que le fardeau des préjugés continue de peser sur elles, car très peu de femmes occupent des postes de direction au Gouvernement, à l’Assemblée nationale, dans la fonction publique, dans le secteur judiciaire ou dans des sociétés publiques et privées. En outre, les sociétés traditionnelles ont toujours été plus sévères et plus exigeantes vis-à-vis des filles, bien que la situation se soit améliorée récemment. C’est ainsi que désormais, une fille qui tombe enceinte peut reprendre ses études après l’accouchement, bien que dans une école différente.

Le Gouvernement a certes adopté des mesures législatives pour supprimer toutes les formes de traite des femmes et l’exploitation de leur prostitution, mais avec la crise, la prostitution a pris de l’ampleur en raison de la pauvreté extrême de la population déplacée et du surpeuplement des camps de réfugiés.

Un autre effet de la crise est la détérioration de la santé des femmes, exacerbée par la pauvreté et le déplacement. Les femmes rurales sont particulièrement défavorisées en termes d’accès aux services de santé et d’éducation de base, la plupart des installations étant fortement concentrées dans des centres urbains. Les tâches domestiques des femmes rurales sont rendues encore plus lourdes par les distances qu’elles doivent parcourir pour atteindre des établissements qui dispensent des services sociaux de base. Ceci explique en grande partie le taux élevé des accouchements à domicile, dans des conditions d’hygiène précaires ainsi que le taux très élevé de mortalité maternelle. Le Gouvernement est en train de prendre des mesures pour rapprocher des populations les structures de santé et redéployer le personnel médical; il a introduit un système de sécurité sociale accessible, offrant aux bénéficiaires des consultations gratuites. Cela étant, les besoins dépassent de loin les ressources et la situation s’est détériorée du fait de la crise, avec une diminution sensible de l’effectif des agents médicaux qualifiés, la dégradation et la destruction des infrastructures sanitaires. Dans le domaine de la santé de la reproduction, le Gouvernement a entrepris des projets ciblant les femmes rurales, dont un excellent exemple est offert par le projet « Parité entre les sexes et développement dans les zones rurales », qui comprend la formation, la sensibilisation et la promotion des activités qui produisent des revenus. Les femmes rurales étant, en termes économiques, totalement dépendantes de leur mari, et n’ayant aucun contrôle sur ce qu’elles produisent, le Gouvernement met l’accent sur les associations des femmes basées sur les activités génératrices de revenus, dans le cadre de son programme de réduction de la pauvreté, ce qui donne aux femmes plus d’indépendance et la possibilité de décider de l’utilisation de leur propre revenu. Elles bénéficient de l’assistance des centres de développement familial que le Ministère de l’action sociale et de la promotion de la femme ont ouvert à travers le pays depuis 1996, et qui fonctionnent maintenant dans 11 des 17 provinces du Burundi.

Dès le début, les femmes burundaises ont été profondément et activement impliquées dans les efforts de reconstruction et de réhabilitation et ont pris part, en tant qu’observatrices, aux négociations qui ont abouti aux accords d’Arusha signés le 28 août 2000. Durant ce processus, les femmes des différentes origines ethniques et politiques de tout le pays ont organisé des réunions et des échanges d’informations et ont fait des recommandations qui ont été prises en compte, dans une certaine mesure, dans les accords. En particulier, le chapitre sur la reconstruction reconnaît les difficultés qui confrontent les femmes et précise leur rôle dans la reconstruction et les mesures à prendre pour assurer leur promotion. Il prévoit la participation des femmes dans toutes les structures de gestion pour la reconstruction, telles que les comités de réhabilitation, de réinstallation et d’assistance; la sensibilisation des femmes et leur promotion en tant que médiatrices de paix; l’organisation de réunions entre les femmes dans le pays et les Burundaises à l’étranger; la reconnaissance des femmes et des enfants chefs de ménage, et des droits des veuves et des orphelins; la création d’une structure chargée d’effectuer une évaluation exhaustive des problèmes des femmes et de proposer des solutions appropriées au Gouvernement; l’élaboration et l’adoption d’une loi sur les droits d’héritage de la femme; le logement pour les femmes sans domicile; l’aide à la création d’activités génératrices de revenus; et des services de conseil et de réintégration pour les filles et les femmes qui ont été victimes de violence sexuelle et de mariages forcés pendant et après la crise.

Le Gouvernement du Burundi continue à faire face à de nombreux défis – la persistance des hostilités; les gros besoins économiques d’une population ravagée par la guerre, le VHI/sida et la pauvreté; l’analphabétisme et le poids de la tradition – et a besoin du soutien et de la coopération de la communauté internationale pour assurer le succès du processus de paix et lui fournir les moyens nécessaires pour garantir la mise en œuvre efficace des dispositions de la Convention.

La Présidente dit que la présence de la délégation burundaise à la réunion témoigne de l’engagement politique du Gouvernement en faveur des droits des femmes et elle le félicite d’avoir ratifié la Convention sans réserve, aussitôt après l’indépendance du pays. Elle invite les membres du Comité à formuler toute observation de caractère général qu’ils estimeront nécessaire.

M me  Taya dit que si le Gouvernement du Burundi mérite des félicitations pour avoir travaillé avec 50 représentants des différentes institutions à la préparation du rapport, celui-ci est plutôt vague et ne contient aucune description de mesures spécifiques de promotion des droits de la femme ni une ventilation du budget national pour 1999, bien qu’il soit clair d’après les données statistiques que l’aide étrangère représente plus de la moitié de ce budget. Étant donné qu’il est indispensable de conjuguer les efforts du Burundi et de la communauté internationale pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes, il est essentiel d’indiquer le montant de l’aide étrangère qui est consacrée à cet effet. La priorité doit être donnée à l’éducation des filles (qui doit inclure l’instruction sur le planning familial), la réduction de la pauvreté et le programme de microcrédit, afin de rompre le cercle vicieux de la pauvreté rurale, de l’instabilité politique et de l’explosion démographique. Elle convient, comme il est suggéré dans le rapport, qu’il faudrait concevoir des stratégies pour renforcer l’inscription des filles dans l’enseignement secondaire et faire en sorte qu’une part plus importante de l’aide étrangère soit consacrée aux femmes, sous forme de microcrédits. Elle aimerait connaître la proportion du budget, y compris l’aide étrangère, qui est effectivement dépensée pour l’éducation des femmes et des filles et pour la réduction de la pauvreté parmi les femmes rurales.

La liberté d’expression a été manifestement bafouée suite à l’instabilité politique. La maison d’une journaliste de réputation internationale a été pillée et elle a été avertie par un officiel qu’elle sera tuée si elle continue à faire des reportages sur les activités du Gouvernement. Compte tenu de cette situation, l’intervenante se demande s’il sera possible de publier les commentaires du Comité et de les porter à l’attention du grand public. Elle souhaite aussi savoir quelle suite le Gouvernement du Burundi donnera aux délibérations et conclusions du Comité.

M me  Tavares da Silva dit que le rapport est clair et instructif. Elle est au courant des difficultés du pays et leurs conséquences sur le statut de la femme, et a par conséquent été particulièrement intéressée par la référence de la première partie du Plan d’action national à la mise en œuvre du Programme d’action de Beijing. Le rapport a présenté quelques données sur les domaines qui traitent du Plan d’action, mais n’en a pas mentionné d’autres. Elle aimerait savoir quels résultats ont été produits par le Plan. Les organisations non gouvernementales ont-elles participé à la mise en œuvre du Plan et, auquel cas, de quelle manière? Y a-t-il eu une coopération formelle ou informelle entre le Gouvernement et ces organisations et y a-t-il eu un mécanisme formel pour une telle coopération? Les activités de la commission nationale multidisciplinaire sur la promotion de la femme mentionnée dans les conclusions du rapport ont-elles apporté un changement au niveau institutionnel qui amènerait à accorder une plus grande attention dans tous les domaines aux besoins spécifiques des femmes?

Elle se pose la question de savoir si le libellé « tous les hommes sont égaux en dignité » et « tous les hommes sont égaux devant la loi » dans l’article 15 de l’Acte constitutionnel de transition n’est pas sexiste et discriminatoire. Quelle est l’opinion de la délégation? En outre, il y a une contradiction dans la mesure où le ministère compétent s’appelle « Ministère des droits de la personne humaine ». La terminologie n’est pas sans importance, car le langage est révélateur des attitudes profondément enracinées.

M me  Shin dit, qu’elle a été impressionnée par les initiatives des femmes dans le processus de paix au Burundi. Ces femmes devraient donner un bon exemple aux filles. Étant donné les problèmes qui existent dans le pays, elle se demande pourquoi aucune information précise n’a été fournie sur la situation des femmes dans les camps des réfugiés. Combien de personnes exactement y vivent encore? Quelles conditions de vie prévalent dans ces camps? Selon les informations qu’elle a reçues, 80 à 90 % de la population des camps sont des femmes et des enfants et ils sont soumis à la violence et à la faim, parce que les hommes leur volent souvent les cartes de ration. Quel avenir est réservé à ces gens?

Les efforts du Gouvernement tendant à réviser les lois, spécialement le Code de la personne et de la famille, sont louables, mais le rapport n’a pas du tout mentionné la discrimination de facto. Comment la législation révisée fonctionne dans la pratique? De même, il n’y a pas de données ventilées présentant un tableau plus détaillé de l’économie, de l’éducation et de l’emploi. Quel est le taux général d’emploi des femmes dans les villes? Des chiffres plus abondants auraient dus être donnés sur les taux de participation générale à l’économie des femmes urbaines et rurales au Burundi.

Une autre lacune sérieuse est l’absence de toute information sur la violence à l’égard des femmes, bien que, conformément à la recommandation générale No 19, cette information aurait dû être incorporée. Quelle était la position en ce qui concerne la violence physique et psychologique à l’égard des femmes au foyer, sur le lieu de travail et dans la société en général, ou perpétrée par l’armée burundaise ou celle des rebelles?

Article 2

M me  Corti félicite la Ministre de l’action sociale et de la promotion de la femme pour son rapport franc qui relate les énormes difficultés que rencontrent les femmes du Burundi. Le problème le plus urgent pour les gens du pays est de rétablir la paix. Les femmes ont déjà fait une contribution majeure au processus de paix et devraient continuer. Le Gouvernement a pris une mesure très courageuse, consistant à réviser le Code de la personne et de la famille, mais depuis que les instruments internationaux ratifiés par le Burundi font partie de la législation interne, elle se demande pourquoi l’application et la mise en œuvre de la Convention étaient loin d’être une réalité. La polygamie a-t-elle été réellement abolie? Comment explique-t-on la différence d’âge du mariage des garçons et des filles? Quelle est la force du droit coutumier? Elle est intriguée par le fait qu’à un endroit le rapport indique que les filles ont le droit d’exprimer leur libre consentement au mariage, mais dans un autre paragraphe il est question des mariages arrangés selon le droit coutumier. Quelle force a le Code révisé?

Le Code de la nationalité représente un grand pas en avant pour la promotion et l’égalité entre les hommes et les femmes. Étant donné que le rapport reconnaît les disparités qui existent encore entre les secteurs public et privé, il serait aussi intéressant d’en savoir plus sur la substance de la révision du Code du travail, d’autant plus que les femmes qui travaillent sont encore victimes de la discrimination et de la ségrégation. L’on a besoin de beaucoup de courage pour poursuivre la révision des codes élémentaires, à cause du fait que la persistance du caractère patriarcal de la société rend difficile la poursuite des progrès vers la mise en œuvre intégrale de la Convention par les ministères et par les mécanismes mis en place.

Elle souhaite que la réunion de la délégation et du Comité produise des sujets de réflexion sur la manière de mettre en œuvre la Convention et d’éliminer la discrimination à l’égard des femmes au Burundi.

M me  Gabr, notant que le rapport reflète clairement le souhait politique du Burundi de confirmer et de promouvoir les droits des femmes, dit qu’en ce qui concerne l’article 2, il est généralement reconnu que l’instauration de la paix constitue le préalable pour l’amélioration des droits politiques et sociaux des femmes, mais réciproquement, l’amélioration de la condition des femmes peut être un facteur important pour la réalisation d’une paix durable. Plusieurs critères devront être satisfaits pour atteindre l’objectif final qui est celui d’éliminer la discrimination à l’égard des femmes. Dans le domaine juridique, la Ministre et sa délégation retourneront chez elles avec quelques nouvelles idées sur la manière de modifier les lois du Burundi, afin de permettre aux femmes de faire valoir leurs droits. Certaines lois devront être modifiées, d’autres, comme le Code de la nationalité, devront être abrogées et remplacées par une nouvelle législation. De même, les lois sur la succession et l’héritage ont besoin d’être modifiées, et du moment que les lois coutumières constituent un obstacle à l’émancipation des femmes, elles doivent être remplacées. La législation doit permettre aux femmes de réaliser l’indépendance économique, mais certaines des lois du travail figurant dans le Code des lois empêchent les femmes de jouir de leurs pleins droits au travail. Une campagne de sensibilisation doit accompagner la mise en application des lois existantes, afin d’aider les femmes à faire valoir leurs droits de contracter le crédit, mobiliser des prêts et obtenir un logement, bien que cela ne constituera qu’un premier pas vers la jouissance complète par les femmes de tous leurs droits et la possibilité de jouer pleinement un rôle dans la société et d’aider activement à promouvoir la paix et le développement au Burundi.

M me  Schöpp-Schilling demande si le Gouvernement a pris des mesures pratiques pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes et si le Gouvernement ou n’importe quelle organisation non gouvernementale a entrepris d’évaluer toutes les lois, coutumières ou non qui continuent à défavoriser les femmes. Y a-t-il d’autres obstacles, à part la guerre, qui empêchent l’élimination rapide de telles lois discriminatoires, et le Gouvernement a-t-il envisagé de sensibiliser les juges aux nouvelles lois et les femmes à leurs droits?

M me  Aouij dit qu’en plus de la consolidation de la paix, le Burundi fait face au double défi de la lutte contre le VIH/sida et de la réduction de la pauvreté. Aucun de ces deux défis ne pourrait être relevé sans la participation effective des femmes à tous les niveaux. Le statut social et juridique des femmes doit être à la hauteur de leur nouveau rôle dans la société. Les dispositions du Code révisé de la personne et de la famille sont louables, dans un pays où les préjugés continuent de peser lourdement sur les femmes, dont la plupart sont analphabètes, et par conséquent ignorent leurs droits, il faudrait déployer des efforts pour assurer l’application effective de ces dispositions. Il est regrettable que l’accès des femmes aux carrières juridiques reste limité et que le laxisme des hommes juges empêche la mise en pratique des nouvelles mesures antidiscriminatoires. Il faudrait faire prendre conscience aux juges de l’importance de la Convention, afin qu’ils appliquent la loi d’une façon appropriée. En outre, les nouvelles lois et les dispositions de la Convention doivent être diffusées dans tout le pays et dans toutes les langues locales. L’intervenant soutient l’appel à la coopération internationale lancé par la Ministre de l’action sociale et de la promotion des femmes. Le Comité compte sur son ministère pour formuler des programmes et des projets pour les femmes dans tous les secteurs prioritaires, à savoir l’éducation, la santé, et l’habilitation économique.

M me  Manalo demande quelle priorité et quelles ressources le Gouvernement a allouées à la mise en application de la Convention dans un contexte d’instabilité civile et de déplacement des centaines de milliers de personnes. Combien de cas de discrimination à l’égard des femmes ont été portés devant les tribunaux et comment ont-ils été réglés? Elle aimerait aussi avoir des renseignements sur le budget alloué au Ministère de l’action sociale et de la promotion des femmes et au Ministère des droits de l’homme, de la réforme institutionnelle et des relations avec l’Assemblée nationale, qui sont chargés d’assurer la mise en application des dispositions de la Convention. Cela permettrait au Comité d’évaluer la portée de l’engagement du Gouvernement à l’égard de ces institutions. Elle se demande aussi si le Gouvernement a essayé de régler le problème de la violence basée sur le sexe, s’il existe des programmes pratiques qui tentent de changer les coutumes et les pratiques discriminatoires à l’égard des femmes, si des mesures sont prises pour améliorer le Code de la nationalité et si le Gouvernement envisage de réviser le Code pénal.

Article 3

M me  Ferrer Gomez dit que la guerre constitue le plus grand obstacle à l’application des dispositions de la Convention. Elle se demande si une perspective de l’égalité des sexes a été introduite dans les programmes et les mesures mises en œuvre par le Gouvernement du Burundi. À cet égard, l’existence d’un Ministère de l’action sociale et de la promotion des femmes et d’un Ministère des droits de l’homme représente un signe positif, mais elle se demande comment ces deux ministères sont liés. Elle aimerait avoir des renseignements sur les ressources et la dotation en personnel de ces deux ministères et sur les comités de réhabilitation, de réinstallation et d’assistance mentionnés dans l’exposé oral. Elle se demande quelle structure sera chargée de faire une évaluation exhaustive des problèmes des femmes et quand elle terminera ses travaux, et si le Gouvernement se propose de rédiger un nouveau plan d’action pour la promotion des femmes pour faire suite à celui qui s’applique à la période se terminant en 2000. Elle souhaite savoir si l’Union des femmes du Burundi a des antennes à travers le pays et si elle entretient des rapports avec le Ministère de l’action sociale et de la promotion des femmes.

Article 4

M me  Schöpp-Schilling apprécie le fait que le Gouvernement a essayé de mettre en application l’article 4, paragraphe 1, de la Convention en établissant un quota pour les filles dans l’enseignement secondaire. Cependant, elle se demande pourquoi le Gouvernement a choisi de mettre en pratique ce programme de mesures spéciales temporaires, en admettant des filles avec des notes légèrement inférieures. Il semble y avoir un malentendu, car l’application de l’article 4, paragraphe 1 n’implique pas nécessairement l’adoption de normes inférieures. La Ministre devrait indiquer si le Gouvernement a l’intention de faire de l’article 4 une partie centrale de son programme de reconstruction et quelle autorité sera chargée de suivre sa mise en œuvre. Le Comité aimerait voir une application plus générale de cet article.

Article 5

M me  Schöpp-Schilling demande s’il existe la volonté politique d’entreprendre une évaluation exhaustive des stéréotypes et des préjugés à l’égard des femmes. Ce serait le premier pas dans la voie du règlement du problème des stéréotypes.

M me  Corti, se référant à l’article 5, alinéa a), demande quelles mesures ont été prises pour modifier la culture patriarcale du pays et permettre aux femmes de participer à la vie économique et politique. Elle se demande si la radio et les journaux ou les manuels scolaires ont servi à cet effet. Elle est surprise que les femmes aient participé au processus de paix mais ne sont pas autorisées à s’exprimer en public, excepté par délégation. La Ministre devrait indiquer comment son ministère coopère avec les organisations non gouvernementales à sensibiliser les femmes au fait que leur participation dans la vie politique est vitale. Elle est choquée d’apprendre que les filles autorisées à reprendre leurs études après l’accouchement sont isolées dans des écoles spéciales. La Ministre devrait expliquer pourquoi elle tolère une telle discrimination. Enfin, elle souhaiterait avoir des informations et des statistiques sur les types de violence à l’égard des femmes et les mesures prises pour les combattre.

M me  Tavares da Silva dit que le rapport contient une description de la situation actuelle, mais manque une analyse des mesures prises pour le changement. Des sources indiquent que la violence à l’égard des femmes au Burundi et particulièrement les cas de violence découlant de la guerre se sont accrus. Elle aimerait savoir si la violence à l’égard des femmes fait l’objet d’un débat public, quelles sont les mesures de protection disponibles pour les victimes et quelles sont celles qui ont été prises pour éveiller l’attention du personnel de santé, de la police et des médias à cet égard? La violence à l’égard des femmes est-elle considérée comme une affaire privée ou publique?

M me  Kwaku dit que les femmes au Burundi rencontrent les mêmes problèmes que rencontrent les femmes africaines en général. Cela étant, elle est horrifiée d’apprendre qu’elles ne sont pas autorisées à s’exprimer en public, excepté par délégation. Elle aimerait savoir si les raisons d’une telle interdiction sont religieuses, et quelles mesures précises de discrimination positive le Gouvernement prend-il pour surmonter cet obstacle grave à la jouissance de leurs droits.

Article 6

M me  Regazzoli demande comment la violence au foyer est traitée. Quelles mesures sont prises, le cas échéant, pour protéger les femmes de la violence, détecter les abus, punir l’agresseur, installer des centres d’accueil et régler les plaintes? Elle aimerait aussi savoir quelles mesures existent pour protéger les prostituées, si les proxénètes sont poursuivis et punis, quelles sanctions sont prises et quelles formes de traite des femmes et des enfants sont pratiquées? Combien de Burundaises sont emprisonnées, quelle est la nature de leurs crimes et quelles sont les conditions de leur emprisonnement? Enfin, elle aimerait savoir ce que deviennent les enfants des femmes emprisonnées.

M me  Goonesekere dit qu’elle apprécie profondément la détermination du Gouvernement du Burundi d’honorer ses engagements aux termes de la Convention, particulièrement dans le contexte de la guerre en cours, et face à des attitudes patriarcales profondément ancrées. Elle regrette cependant que le rapport n’examine pas la violence sexuelle, un phénomène qui s’accroît toujours en temps de guerre.

Étant donné que la prostitution est liée à la pauvreté, poursuivre et emprisonner les femmes pour la prostitution revient en quelque sorte à les victimiser doublement. Il serait utile de savoir si des mesures juridiques ont été prises pour régler les problèmes liés à la prostitution et à la traite, en tenant en particulier compte des difficultés que connaissent les femmes qui sont victimes de telles pratiques.

M me  Kwaku se pose la question de savoir si les dispositions du Code pénal traitant de la prostitution ont eu un impact notable au cours des cinq dernières années, si la prostitution s’est accrue ou a diminué et quelles sont les mesures prises par le Gouvernement pour régler ce problème.

Articles 7 et 8

M me  Tavares da Silva demande quelles sont les mesures envisagées pour améliorer la représentation des femmes aux postes de décision et aux postes de responsabilité à tous les niveaux de la société burundaise.

M me  Schöpp-Schilling dit qu’elle aimerait avoir plus de renseignements sur le Bashingantahe, le conseil des hommes sages (qu’elle préfère appeler le conseil des personnes sages), si en particulier, il s’intéresse exclusivement au droit coutumier ou également au droit statutaire. Elle loue la décision d’inclure les femmes dans cette institution et veut savoir les connaissances juridiques et l’expérience professionnelles des femmes choisies. Quelles sont les raisons de la décision d’établir un quota d’un cinquième de représentation féminine? Il serait utile de savoir comment la réforme a eu lieu et ce que l’on peut faire pour augmenter davantage le nombre des femmes membres. Les femmes membres de Bashingantahe sont–elles acceptées par la population?

Elle aimerait savoir si, dans le contexte du processus de paix d’Arusha, le Gouvernement ou les partis politiques envisagent d’établir un système de quota pour le système législatif, et si oui, quels pourcentages seront-ils appliqués et comment un tel quota sera-t-il mis en œuvre? Enfin, a-t-on jamais pris des mesures pour soutenir les femmes dans les postes de direction ou les former pour qu’elles jouent le rôle de chef de file dans le domaine politique?

M me  Regazzoli demande quelles mesures ont-elles été prises pour assurer la participation des femmes aux postes de direction du pays et si une formation est prévue pour les préparer aux rôles de leadership.

Article 9

M me  Goonesekere dit que la législation du Burundi reconnaît que la loi interne doit incorporer les normes internationales, cependant le Code de nationalité ne permet pas aux Burundaises de transmettre leur nationalité à leurs enfants. Cela est sûrement un vestige du système juridique colonial. Quelles mesures sont-elles prises pour mettre le Code de nationalité en harmonie avec les normesinternationales ainsi qu’avec la législation nationale du Burundi?

La séance est levée à 13 heures.