Vingt-cinquième session

Compte rendu analytique de la 515e séance

Tenue au Siège, à New York, le lundi 7 juillet 2001, à 15 heures

Présidente :Mme Abaka

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties en vertu de l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial et deuxième rapport périodique de Singapour (suite)

La séance est ouverte à 15 h 5.

Examen des rapports présentés par les États partiesen vertu de l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial et deuxième rapportpériodique de Singapour (suite) (CEDAW/C/SGP/1 et 2)

À l’invitation de la Présidente, les membres de la délégation de Singapour prennent place à la table du Comité.

M me  Aouij fait remarquer que la réserve de Singapour concernant l’article 11 de la Convention n’est plus d’actualité vu que l’espérance de vie à la naissance a considérablement augmenté, les femmes vivant beaucoup plus longtemps que les hommes. Le rapide développement économique de Singapour, digne d’éloges, ne peut toutefois être soutenu s’il n’est pas étroitement associé au développement social et politique. Pour réaliser des progrès dans cette direction, un changement des mentalités s’avère indispensable. Les femmes doivent recevoir la place qui leur revient en qualité de citoyennes à part entière. L’économie du XXIe siècle de ce pays ne peut coexister avec une société archaïque.

La communauté musulmane de Singapour est régie par des lois qui diffèrent à de nombreux égards de celles du reste de la population, donnant lieu à la coexistence de deux sociétés, l’une bouddhiste, l’autre musulmane. Cette situation entraîne à son tour une discrimination à l’égard des femmes musulmanes à la fois dans leur vies privées et publiques. À cet égard, elle souhaite savoir si les femmes musulmanes sont autorisées à travailler en qualité d’officier d’état civil dans les municipalités régies par le Code civil et si elles peuvent exercer la fonction de juge dans les tribunaux civils. Il serait également intéressant de savoir si elles ont la possibilité de choisir entre deux types de sociétés, civile ou musulmane. La délégation devrait indiquer la façon dont les femmes musulmanes sont organisées et si elles sont pleinement intégrées à la société ou si elles disposent d’organisations non gouvernementales séparées pour faire valoir leurs droits. Comment les différences entre la loi islamique et la législation générale du pays sont-elles résolues, notamment en ce qui concerne l’âge du mariage et le divorce? Y a-t-il des femmes musulmanes dans la délégation de Singapour?

M me  Schöpp-Schilling dit que la législation de Singapour relative au congé parental vise exclusivement les femmes qui travaillent et non les pères, contrairement aux dispositions de l’article 5 de la Convention. Des efforts sont-ils entrepris pour abroger cette législation? Elle a peine à comprendre comment Singapour peut avoir une Charte des droits de la femme qui réclame l’égalité entre hommes et femmes au sein de la famille tout en défendant en même temps la conception de l’homme soutien de famille et en maintenant de surcroît ses réserves à propos de l’article 9 de la Convention. En outre, elle se déclare préoccupée par le fait que les valeurs familiales semblent primer le droit. L’objectif même de promulguer des lois est d’instaurer un cadre objectif pour assurer que tous les citoyens soient traités sur un pied d’égalité.

M me  Ferrer Gómez aimerait davantage d’informations sur la façon dont le Gouvernement envisage le partage des tâches entre hommes et femmes. Vu que les valeurs traditionnelles discriminent les femmes, il est inquiétant de constater l’absence de tout effort pour contrecarrer l’impact des valeurs traditionnelles et assurer un réel partage des tâches. Le rapport tout entier réaffirme le stéréotype de la femme au foyer. Tout en prenant note qu’un comité a fait des propositions pour des changements spécifiques dans la présentation des droits des femmes dans les médias, on ne trouve nulle part de description de ces modifications ni indication sur leur application. Elle aimerait savoir quelles mesures ont été effectivement prises, par exemple pour lutter contre l’image de la femme comme objet sexuel dans la publicité. Tout en reconnaissant que la famille constitue le fondement de la société, elle ne trouve nulle part dans le rapport une référence à l’égalité des sexes au sein de la famille. Des cours de formation ont été organisés à l’intention des femmes sur des thèmes tels que l’abstinence de rapports sexuels de rencontre ou les maladies sexuellement transmissibles alors que des cours analogues ne sont pas prévus pour les hommes qui partagent les responsabilités en matière de planification familiale. Elle se demande si le Gouvernement a l’intention de lancer un programme en vue de modifier les attitudes à l’égard de ces questions, notamment la polygamie.

M me  Shin demande la définition d’une « famille forte et saine ». De son point de vue, ce concept devrait  inclure l’ensemble des membres de la famille – hommes, femmes et enfants. Elle aimerait savoir si l’économie familiale et les sujets techniques, enseignés aujourd’hui aux enfants des deux sexes, sont des cours à option ou obligatoires. Combien de garçons, par exemple, suivent les cours d’économie familiale et quel sens y a-t-il d’offrir ces cours si rien n’est changé dans la façon de représenter les femmes dans les manuels scolaires? Il est très important également de former les enseignants en vue de modifier les images stéréotypées des rôles impartis à chacun des deux sexes qui prévalent parmi les étudiants. De plus, l’éducation sexuelle ne devrait pas porter exclusivement sur les questions biologiques, mais également inclure la violence conjugale, la violence à l’encontre des femmes et l’égalité entre les sexes.

M. Melander, notant que les statistiques concernant les délits sexuels révèlent à la fois une diminution du nombre de ces délits ainsi qu’une diminution du nombre des condamnations, demande s’il existe une explication quelconque de cette tendance.

M me  Manalo dit que les travailleurs étrangers, soit plus de 100 000 personnes, représentent 30 % de la main-d’œuvre à Singapour. Toutefois, de nombreux droits fondamentaux les plus élémentaires des femmes migrantes travaillant comme employées de maison ne sont pas respectés. Il leur est interdit d’épouser des citoyens locaux et elles doivent se soumettre à des tests de grossesse tous les six mois. De surcroît, elles doivent travailler de longues heures, sont très mal payées et doivent verser des honoraires lourds à supporter aux bureaux de placement. Elle aimerait savoir ce que le Gouvernement de Singapour entend faire pour remédier à ces violations et quelle est la nature de la protection accordée aux femmes migrantes par la loi sur l’emploi, notamment les normes minimales que les employeurs doivent respecter. L’amendement de 1998 au Code pénal qui prévoit des peines plus lourdes pour les sévices sexuels et physiques infligés aux employées de maison ne semble pas être appliqué vu que les tribunaux classent la majorité des affaires ou mettent un temps inconcevable pour les rares cas pris en considération. Entre-temps, les plaignantes demeurent sans emploi, sans compensation et sont souvent contraintes de retourner dans leur pays d’origine. Elle demande comment le Gouvernement entend concilier les efforts pour éliminer ces abus et le maintien de ses réserves à propos de l’article 11 de la Convention.

Singapour est un pays de transit en ce qui concerne la traite des femmes et des enfants. Le Comité dispose d’informations fiables selon lesquelles des agents à Singapour, notamment des fonctionnaires du Gouvernement, établissent souvent de faux papiers et ferment les yeux en échange de pots-de-vin. Le Gouvernement dispose-t-il d’un programme intégré pour lutter contre ces problèmes?

M me  Taya fait siennes les observations qui viennent d’être faites par Mme Manalo et souhaite que le champ d’application de la loi sur l’emploi soit étendu aux employées de maison en s’assurant qu’elles sont correctement traitées. Elle aimerait savoir pourquoi les plaignantes sont obligées de rester sans emploi pendant que l’affaire est en jugement suite à la plainte pénale déposée contre leurs employeurs.

M me  Livingstone Raday dit que la délégation devrait fournir des données chiffrées spécifiques sur le nombre de prostituées, de proxénètes et de trafiquants d’êtres humains qui ont été poursuivis et condamnés. Elle aimerait également obtenir les statistiques sur le nombre de victimes de la traite ainsi que des informations sur la protection des témoins féminins dans les affaires de traite. Leur sécurité est-elle assurée et reçoivent-t-elles un permis de séjour provisoire?

M me  González Martínez souhaiterait connaître les mesures prises par le Gouvernement aux niveaux national et international pour lutter contre la traite des enfants et des femmes à des fins sexuelles ou économiques.

M me  Feng Cui dit que le faible taux de participation des femmes aux décisions ne correspond pas au degré élevé d’instruction et de développement économique atteint par le pays. Le Gouvernement a souligné qu’il ne discrimine pas les femmes et qu’il a adopté un système fondé sur le mérite, néanmoins les femmes ne représentent que 6 % aux postes élevés de direction, un chiffre inférieur à ceux de nombreux pays. Le problème ne réside certainement pas dans le manque de femmes qualifiées. Existe-t-il par conséquent des formes cachées de discrimination à l’égard des femmes? Elle espère que le Gouvernement examinera de façon approfondie les causes de la faible participation des femmes à la vie politique et de façon plus générale aux décisions.

M me  Gaspard déclare que le très bas niveau de participation des femmes dans l’élaboration des politiques gouvernementales ainsi que dans les organisations non gouvernementales requiert une explication. Elle aimerait savoir quelles mesures positives ont été adoptées en vue d’améliorer cette situation.

M me  Myakayaka-Manzini félicite la délégation pour l’amélioration de la représentation des femmes au niveau international. Les femmes seraient encore davantage encouragées si des efforts étaient consentis afin de promouvoir leur accès à des postes de haut rang pour servir de modèles de dirigeantes prenant des décisions, notamment dans la société civile et les mouvements syndicaux.

M me  Corti déclare que le Comité a été surpris par les réserves émises par Singapour à propos des dispositions de la Convention sur la nationalité (art. 9) et estime que la législation singapourienne sur la nationalité d’un enfant né à l’étranger est en contradiction avec la Convention dans la mesure où l’acquisition de la nationalité est liée à la nationalité du père.

En se référant à la section 10.2 du rapport initial (CEDAW/C/SPG/1), elle aimerait être mieux informée à propos du statut des femmes étrangères mariées à des ressortissants singapouriens et des modalités en ce qui concerne la garde des enfants en cas de divorce.

Dans le cas des travailleurs migrants venus à Singapour pour des raisons d’ordre économique, elle aimerait connaître les conditions requises pour l’obtention des permis de séjour et de travail. Trouve-t-on à Singapour des personnes réfugiées et des requérants d’asile et le cas échéant, a-t-on des statistiques sur le pays d’origine? Par ailleurs, au cas où des ressortissants singapouriens émigrent vers d’autres pays, quels sont leurs droits en termes de nationalité et quelle est la procédure à l’égard des étrangers travaillant illégalement à Singapour?

M me  Goonesekere, notant la position apparemment contradictoire de la législation avec l’article 9, déclare que la discrimination inhérente à la législation sur la nationalité reflète la tradition juridique coloniale de Singapour. Bien que le Gouvernement ait déjà pris des mesures pour amender divers aspects de la loi, il reste encore quelques contradictions dans le cas des enfants nés à l’étranger et de leur éligibilité par transmission. Elle demande si la loi n’a jamais été remise en cause, tout en ajoutant qu’elle se déclare également préoccupée par la non-reconnaissance de la double nationalité et par la position précaire dans laquelle se trouvent les enfants issus de mariages entre des ressortissants singapouriens et étrangers.

M me  Taya demande s’il est exact qu’une limite est imposée au nombre d’étudiantes admises en faculté de médecine et, le cas échéant quelle en est la justification.

M me  Achmad, se référant au paragraphe 6.10 du deuxième rapport périodique, demande si les deux premières catégories mentionnées suivent le programme d’enseignement normal et quelles précautions sont prises pour qu’un niveau identique d’éducation soit offert à tous les groupes.

M me  Goonesekere s’interroge sur l’impact du service militaire sur l’accès des filles à l’éducation.

M. Melander appelle l’attention sur le tableau 8 du deuxième rapport périodique concernant les bourses et demande pourquoi davantage de bourses ont été attribuées aux garçons.

M me  Ferrer Gómez aimerait connaître les pourcentages à temps partiel et à temps plein parmi les femmes qui travaillent ainsi que le nombre de femmes occupées dans le secteur informel. En outre, elle aimerait obtenir le pourcentage de femmes travaillant dans les industries d’exportation et être informée des droits des travailleurs migrants employés dans ces entreprises.

Compte tenu de l’engagement de Singapour au niveau international de respecter le principe de l’égalité des salaires, elle se demande si la législation singapourienne s’avère efficace pour réduire l’écart des salaires entre hommes et femmes. En outre, elle souhaiterait des précisions sur les compétences précises demandées aux femmes pour être inscrites comme demandeurs d’emploi.

M me  Livingstone Raday relève que les restrictions imposées aux femmes migrantes qui travaillent sapent largement leurs droits fondamentaux. Elle se demande par conséquent si le Gouvernement de Singapour réexaminera lesdites restrictions, notamment celles qui limitent les travailleuses à un employeur spécifique ainsi que celles qui portent sur le mariage et la grossesse. De plus, l’exclusion de certaines catégories de travailleuses du champ de la législation du travail entraîne une discrimination parce que ces femmes n’ont pas droit au congé de maternité, contrairement aux dispositions de l’article 11 de la Convention.

De façon générale, le rapport ne fournit pas une explication adéquate à propos des mesures législatives visant à interdire la discrimination à l’égard des femmes. Il y a manifestement besoin d’une législation spécifique interdisant la discrimination fondée sur le sexe dans les domaines de l’embauche, de la formation et de la rémunération.

M me  Feng Cui note que le Gouvernement a adopté une politique visant à favoriser l’accroissement du taux de natalité. Elle demande si les effets de cette politique sur l’emploi des femmes ont été étudiés et si des conclusions en ont été dégagées. Elle demande également des précisions sur la déclaration selon laquelle le Gouvernement encourage hommes et femmes d’un bon niveau d’instruction à avoir des familles plus nombreuses.

M me  Schöpp-Schilling souligne le besoin de statistiques supplémentaires sur l’emploi des femmes et des hommes, ventilées selon le secteur d’activité, le niveau professionnel, l’âge ainsi que le taux d’alphabétisation féminin et l’écart des salaires entre hommes et femmes. Elle serait curieuse de savoir combien de femmes ont abandonné le marché du travail pour fonder une famille et combien y sont retournées et à quels niveaux et si les femmes sont disposées à rester sur le marché de l’emploi. De même, elle se demande si le temps consacré aux enfants est pris en considération pour le montant de la pension et si les travailleuses à temps partiel bénéficient des mêmes droits que les travailleuses à temps plein. Elle aimerait aussi des informations sur la façon dont le travail des femmes est réglementé dans le secteur public et dans le secteur privé.

M me  Goonesekere estime que sur le marché mondialisé actuel, les conditions de travail ne devraient pas être tributaires de la bonne volonté des employeurs. Singapour devrait adopter les mesures requises pour assurer que les travailleurs étrangers jouissent de conditions de travail adéquates. En outre, elle fait remarquer qu’en dépit de leur accès à l’éducation, les femmes singapouriennes sont contraintes d’abandonner le marché de l’emploi en raison de l’insuffisance des structures d’appui. L’État partie devrait prendre en compte les effets de cette situation sur l’avenir de ces femmes et celui du pays.

La Présidente dit que les restrictions imposées aux bonnes, qu’elle préfère appeler employées de maison, constituent une violation sérieuse du droit fondamental de procréation qui doivent être éliminées. Bien que l’État partie ait fait des progrès notables dans l’application de l’article 12 de la Convention, des statistiques sur l’incidence du VIH/sida, ventilées selon le sexe, l’âge et le groupe ethnique, font défaut. À cet égard, elle aimerait savoir s’il existe des programmes destinés aux personnes vivant avec le sida. Des informations seraient également les bienvenues à propos de la législation relative à l’interruption de grossesse non désirée et la toxicomanie, y compris le tabagisme.

En outre, elle souhaiterait des précisions sur la signification de la déclaration figurant dans le rapport initial (par. 14.1) en vertu des dispositions actuelles de la loi sur l’imposition du revenu, sauf si l’épouse choisit d’être imposée séparément de son mari, son revenu est considéré comme étant celui de son époux. Quelle est la procédure à suivre pour une femme désirant être taxée séparément? Le paragraphe 14.2 dispose que les femmes mariées sont autorisées à déduire de leurs revenus les frais pour l’entretien des enfants et l’emploi de personnel de maison. Il serait utile de savoir si ces abattements fiscaux sont également d’application pour les femmes travaillant à temps plein qui, elles aussi, ont certainement besoin d’une aide ménagère. Même lorsque le mari ne travaille pas, il est considéré être le contribuable, ce qui revient à dire que les femmes n’ont pas de capacité juridique.

M me  Kwaku note que le Conseil des organisations féminines de Singapour a publié un guide intitulé La famille et vous et suggère la publication d’un guide similaire sur la Convention en vue d’aider les femmes singapouriennes à lutter pour leurs droits.

M me  Acar rappelle que les États parties ont l’obligation de faire respecter la Convention à la fois dans leurs secteurs public et privé. Le besoin de maintenir un équilibre politique et la stabilité ne saurait être invoqué pour retarder la réalisation des besoins fondamentaux des femmes. Singapour devrait réexaminer attentivement ses réserves à propos de l’article 16, soit pour les retirer, soit pour formuler une déclaration à la fois plus précise et plus limitée. Vu que dans la pratique, les charias ne sont pas toujours interprétées ou appliquées de façon identique, la communauté internationale des femmes devrait s’efforcer de trouver un consensus pour une interprétation progressiste de ces lois religieuses. À Singapour, la pratique du divorce par talaq doit être maintenant confirmée par un tribunal de la charia et ne repose plus uniquement sur la parole du mari. Dans les pays musulmans à travers le monde, des changements s’opèrent dans l’interprétation de la charia en vue de permettre l’application intégrale de la Convention. Elle invite l’État partie à se pencher sur ces exemples et à lancer un débat sur la charia dans la société singapourienne.

Selon le Code pénal, des rapports sexuels avec une épouse âgée de 13 ans ou plus ne sont pas assimilés à un viol. L’âge légal du mariage est de 21 ans et de 16 ans dans la charia. Quelle est l’explication pour ces deux chiffres contradictoires? Le rapport annonce également que le non-respect de la charia est désormais un délit pénal. Il serait utile de savoir comment et de quelle façon ce changement serait favorable aux femmes d’autant plus qu’il y a de nombreux cas qui s’avèrent catastrophiques pour les femmes. Il serait également utile de savoir quelles sont les lois s’appliquant à l’adultère, tant dans les mariages musulmans que non musulmans. Que se passe-t-il lorsqu’une femme ne se soumet pas au verdict prononcé par un tribunal de la charia? Les femmes musulmanes ont-elles le droit de choisir d’épouser un musulman ou un non-musulman sous le régime de la loi civile? Elle souhaiterait également savoir pourquoi le divorce par talaq est davantage encouragé que le divorce par taklik et fasakh. Est-ce que les femmes perdent une compensation lorsqu’elles sont répudiées par talak plutôt que divorcées par taklik ou fasakh?

De plus, elle voudrait savoir quelles règles gouvernent la liberté de mouvement des femmes musulmanes, mariées et non mariées, et si les femmes musulmanes sont habilitées à disposer d’un passeport de plein droit. Elle aimerait aussi savoir si le libre choix de la profession s’applique également aux femmes musulmanes?

Finalement, elle invite l’État partie à fournir des statistiques, ventilées non seulement selon le sexe, mais également selon le groupe ethnique et la religion, afin d’illustrer à quel point le niveau d’instruction et la réussite professionnelle ont une incidence sur la violence.

M. Melander demande comment les deux systèmes juridiques distincts concernant la famille, la loi sur l’administration du droit islamique et la Charte des droits de la femme, coexistent dans la société singapourienne et si l’on est enregistré par l’une ou l’autre des deux lois.

M me  Goonesekere dit que Singapour aurait de bonnes raisons de réexaminer ses réserves à propos de l’article 16 de la Convention au vu des progrès déjà réalisés. Certains pays musulmans n’ont pas accepté l’âge du mariage à 16 ans; de nombreux pays africains ont échoué dans leurs efforts d’introduire la pratique de la mutaah, un cadeau de compensation payé par le mari, même dans les cas où c’est la femme qui demande le divorce. Dans la charia, une grande latitude d’interprétation s’avère possible; la notion qu’elle est sacro-sainte n’est pas conforme à la pratique singapourienne.

La législation singapourienne autorise le mariage à 18 ans dans les communautés non musulmanes. Toutefois, le mariage de mineurs est permis sous réserve de consentement parental en violation directe des dispositions de la Convention qui interdit les mariages d’enfants. Le Code pénal interdit au mari d’avoir des rapports sexuels avec sa femme en dessous d’un certain âge; en dessous de cet âge, les rapports sexuels sont assimilés à un viol. De telles dispositions ont été incorporées dans le Code pénal de presque tous les pays marqués par un héritage colonial britannique en vue de décourager les mariages d’enfants. Elle aimerait savoir si le Gouvernement de Singapour reconnaît l’existence de ces contradictions et s’il compte prendre des mesures pour y remédier.

M me  Kwaku invite Singapour à adopter une approche plus progressiste de la charia. La loi sur l’administration du droit islamique autorise la polygamie mais demande que le second mariage soit célébré solennellement par le cadi (juge de paix qui enregistre des mariages musulmans). Vu que les cadis habituellement sont des hommes, cette disposition constitue une grave discrimination à l’égard des femmes. Est-ce que Singapour envisage la possibilité de femmes cadis?

M me  Yu-Foo (Singapour) dit que sa délégation a beaucoup appris des commentaires du Comité et répondra aux questions des membres au mieux de ses possibilités. Si les statistiques demandées ne sont pas disponibles, elles seront fournies à une date ultérieure.

La séance est levée à 17 heures.