Vingt-quatrième session

Compte rendu analytique de la 496e séance

Tenue au Siège, à New York, le mardi 23 janvier 2001, à 10 h 30

Présidente :Mme Abaka

Sommaire

Examen des rapports soumis par les États parties en application de l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial du Burundi (suite)

La séance et ouverte à 10 h 45.

Examen des rapports soumis par les États partiesen application de l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial du Burundi (suite) (CEDAW/C/BDI/1)

À l’invitation de la Présidente, M me  Ndorimana (Burundi) prend place à la table du Comité.

M me  Ndorimana (Burundi), répondant aux questions des membres du Comité, dit que l’insécurité et la violence qui règnent en permanence au Burundi, le manque de ressources et de données statistiques, l’embargo et la persistance des préjugés et stéréotypes traditionnels sont des obstacles à la pleine application de la Convention. Son gouvernement et elle-même, en tant que Ministre de l’action sociale et de la promotion de la femme, demeurent résolus à améliorer le sort des femmes au Burundi, sans omettre l’espoir né de l’Accord de paix d’Arusha et de la récente rencontre du Président avec l’un des chefs de rebelles.

Dans les zones rurales, des programmes du Gouvernement ont été mis en place pour éliminer la violence à l’égard des femmes et accroître leur participation à la vie économique et politique. Résultats positifs, la fourniture d’eau potable plus facilement accessible et la création de moulins à grains ont allégé le fardeau des corvées domestiques des femmes rurales. Des cours d’alphabétisation fonctionnelle sont proposés aux femmes rurales ainsi qu’une formation à la gestion des microcrédits.

La diffusion de la Convention tient une bonne place sur le calendrier du Gouvernement pour 2001. Il a adopté une nouvelle démarche impliquant les plus hautes autorités politiques du pays, l’objectif global étant d’apporter un changement dans les comportements qui neutraliserait l’opinion selon laquelle ce ne serait qu’une affaire de femmes. Le rapport initial du Burundi sera également diffusé ainsi que les recommandations du Comité.

Un plan national d’action dans la ligne du Programme d’action de Beijing a été lancé en 1997 avec l’établissement d’un comité national qui a organisé des consultations et un séminaire national pour examiner leurs résultats avec des associations de femmes. L’environnement sociopolitique n’a pas été propice à la pleine mise en œuvre des programmes soutenus par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et le Fonds international de développement agricole (FIDA), et plus particulièrement les programmes de microcrédit pour les femmes rurales qui se sont lancées dans des activités génératrices de revenus.

Par ailleurs une vaste campagne de sensibilisation lancée en 1997 a abouti à l’établissement de comités de femmes pour la paix et le développement, dont les membres sont élus par les femmes elles-mêmes et qui les représentent lors de réunions organisées par le Ministère en coopération avec les organisations féminines. Des centres de développement familial créés dans plusieurs provinces aident les femmes à s’impliquer dans les programmes de développement et les formations proposées.

Le Code des personnes et de la famille a été traduit dans la langue nationale et diffusé à grande échelle. Avec l’aide du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) et d’organisations non gouvernementales, les femmes rurales sont maintenant bien informées sur les méthodes de contraception, la santé de la procréation, la planification familiale et les maladies sexuellement transmissibles, y compris le VIH/sida. Les médias contribuent à la promotion des femmes rurales par le biais d’émissions hebdomadaires qui véhiculent une image positive des femmes, diffusent les dispositions du Code des personnes et de la famille et retransmettent des débats sur le futur plan d’action actuellement en cours d’élaboration.

Les IVG sont interdites au Burundi en raison de la pratique coutumière qui demande aux filles de s’abstenir d’avoir des relations sexuelles jusqu’au mariage, et la libéralisation de l’IVG serait perçue comme une invitation à l’immoralité approuvée par le Gouvernement. Les sessions d’information sur la santé génésique, le sida et les maladies sexuellement transmissibles sont organisées dans les écoles et pendant les vacances scolaires. Elle aimerait d’autres informations sur les IVG, notamment au regard des filles scolarisées.

La magistrature est ouverte aux femmes du Burundi et, selon les chiffres de 1998, un quart des membres du Conseil supérieur de la magistrature sont des femmes, de même que 42,9 % des membres de la Cour constitutionnelle, 26,9 % des membres de la Cour d’appel et du tribunal administratif et 26,1 % du Tribunal de grande instance, du commerce et du travail. La preuve que le laxisme n’est pas chose courante chez les magistrats apparaît dans des rapports de femmes elles-mêmes, à savoir que lorsqu’elles portent une affaire devant un tribunal, la décision est souvent en leur faveur, même dans des affaires pour lesquelles n’existe aucun texte de loi promulgué, telles que les problèmes de succession. Cela étant dit, Il devient urgent de voter des lois relatives aux successions pour assurer que les femmes ne subissent pas de discrimination de la part des magistrats; d’ailleurs une commission a été établie en 1999 dans le cadre du plan de réforme et de modernisation du système judiciaire afin d’élaborer un texte de loi sur le mariage et les successions.

Tout comme ailleurs, les femmes sont exposées à la violence, et notamment à la violence dans la famille et au viol. Bien que traditionnellement ces actes de violence soient rarement rendus publics ou portés devant les tribunaux, les comportements sont en train de changer progressivement. En 1999, 17 affaires de viol ont été jugées à Bujumbura donnant lieu à 11 condamnations, avec des peines allant de 3 à 10 ans d’emprisonnement. On observe de plus en plus la volonté de cerner le problème et de réfléchir à des stratégies pour lui trouver une solution. Les conclusions de l’étude réalisée en 1999 sur la violence dans la famille ont poussé le Ministre de l’action sociale et de la promotion de la femme à renforcer ses dispositifs pour entendre les plaintes et informer les femmes de leurs droits et des services qui sont à leur disposition. Ce travail est réalisé avec le soutien du service d’aide juridique créé par une association de femmes juristes et la Ligue burundaise de défense des droits de l’homme ITEKA qui a conduit l’étude. En outre une commission gouvernementale des droits de l’homme entend et suit les plaintes relatives aux violations des droits de l’homme, y compris la violence contre les femmes.

La législation du Burundi ne contient aucune disposition discriminatoire à l’égard des filles en matière d’éducation. Le seul facteur inhibiteur de l’inscription des filles à l’école est la tendance des parents à garder les filles à la maison pour les tâches ménagères. Les mesures antidiscriminatoires positives prises depuis les années 70 ont accru la fréquentation de l’école par les filles, bien que dans une moindre mesure au niveau de l’enseignement supérieur. Il n’y a aucun budget spécifique pour l’éducation des filles. Compte tenu que les filles représentent actuellement 45 % de la population scolaire au niveau primaire et dans une moindre mesure au niveau secondaire, le Gouvernement poursuit ses efforts de sensibilisation des parents. Une étude approfondie doit être réalisée par une ONG de femmes sur les causes de l’abandon scolaire des filles. Le fait qu’une fille enceinte puisse changer d’établissement scolaire et reprendre ses études n’est pas discriminatoire, il s’agit au contraire d’une mesure de protection à son égard, souvent à sa propre demande, afin d’éviter l’humiliation qu’une telle situation peut entraîner dans la société burundaise.

Eu égard à la situation sociopolitique critique du pays et à la suspension des aides étrangères, la sécurité nationale a supplanté l’agriculture, la santé et l’éducation comme cibles prioritaires des affectations budgétaires nationales. Les récents engagements financiers pris à la réunion des donateurs qui s’est tenue à Paris seront notamment destinés à la reconstruction, au rapatriement, à la démobilisation et à la promotion et à la protection des droits des femmes et des enfants.

Les femmes représentent quelque 2 % de la population carcérale. Elles sont condamnées surtout pour empoisonnement, avortement, infanticide et meurtre. Les cellules des femmes sont séparées dans les prisons. Une commission de femmes au sein de l’ITEKA cherche à assurer le traitement rapide des dossiers des détenues. Les enfants nés en prison ou détenus avec leur mère retournent dans leur famille à l’âge de 3 ans mais on se demande actuellement si c’est une bonne idée de priver un enfant de l’affection de sa mère à cet âge. Les autres enfants détenus ont plus de 13 ans et sont auteurs d’infractions pénales. Globalement ils sont environ 100 et bénéficient d’une certaine clémence eu égard à des circonstances atténuantes. Les mesures actuellement à l’étude comprennent la nomination de juges pour enfants et la séparation des adultes des enfants dans les prisons.

L’égalité entre les hommes et les femmes au regard de l’emploi est pleinement stipulée dans les textes de loi, à l’exception mineure du paragraphe 4 de l’article 123 du Code du travail, qui demande le versement d’un demi-salaire aux femmes en congés de maternité. Toutefois cette disposition ne s’applique que dans le secteur privé. Dans la pratique, la législation du travail n’est pas toujours strictement respectée et la tradition d’accorder la préférence aux hommes prévaut souvent dans le cadre des recrutements. À titre d’observation préliminaire sur les questions posées par les membres, elle dit qu’aussi longtemps que la situation restera critique dans le pays il sera impossible de fournir des statistiques détaillées sur le plein exercice du droit du travail et de veiller au respect de ce droit. En outre, elle observe que le droit au travail est un idéal qui n’est pas pleinement garanti même dans les pays les plus industrialisés.

Au Burundi, le salaire minimum est garanti aux termes de l’article 74 du Code du travail qui est strictement appliqué. Le droit à la sécurité sociale et aux allocations de vieillesse n’établit aucune discrimination entre les hommes et les femmes et l’Institut national de la sécurité sociale assure l’application correcte de la loi tant dans le secteur privé que dans le secteur public.

Les salariés et les employeurs ont le droit de créer des syndicats ouverts aux hommes et aux femmes pour défendre leurs intérêts. Les syndicats sont libres de résoudre les conflits par des moyens collectifs, y compris les grèves, dans les conditions fixées par la loi. Dans le secteur privé où les hommes et les femmes sont traités comme des égaux, les salaires sont fixés au terme de négociations entre les employeurs et les salariés, tandis que dans le secteur public, c’est le Gouvernement qui fixe les salaires de ses fonctionnaires. Bien que les salariés du secteur privé soient mieux payés que leurs homologues du secteur public, ces derniers jouissent souvent d’une plus grande stabilité professionnelle. Quoique les dispositions du droit du travail soient respectées dans le secteur privé, le Gouvernement a nommé des inspecteurs du travail et établi des tribunaux du travail sur tout le territoire burundais afin de prévenir et, s’il y a lieu, punir le non-respect de la législation du travail dans des litiges entre des employeurs et des salariés ou entre des employeurs et le Gouvernement.

Des crèches et des jardins d’enfants existent seulement dans la capitale et dans trois ou quatre grandes villes. Peu de femmes profitent cependant de ces services quand ils existent, préférant garder leurs enfants à domicile.

Abordant la question du contrôle du revenu des femmes, elle observe que si les femmes éduquées gèrent leurs propres finances, les actifs des femmes rurales sont parfois totalement contrôlés par leurs maris. L’objectif de l’Association des femmes rurales est, entre autres, d’assurer que les femmes maîtrisent totalement leurs propres revenus.

Bien que la prostitution ne soit pas un problème social majeur au Burundi, le Gouvernement prend actuellement des dispositions juridiques pour la prévenir et la punir. Une unité de police spéciale pour mineurs s’emploie à protéger les jeunes femmes des hommes sans scrupules qui cherchent à les exploiter. Une campagne de sensibilisation a été conduite dans les médias en plus de séminaires organisés sur ce thème. En outre le poids de la tradition constitue un rempart important contre la prostitution. La traite des femmes est inconnue au Burundi.

Bien que le mariage soit monogame au Burundi aux termes de la loi, on sait qu’il existe quelques cas de polygamie. Actuellement toutes les affaires ayant trait au mariage sont gérées par le Code des personnes et de la famille qui protège également les enfants nés de couples non mariés et leur octroie le même statut que les enfants légitimes.

Comme l’égalité des droits pour les hommes et les femmes est garantie par la législation, on ne peut pas parler de lois discriminatoires à l’égard des femmes. Néanmoins, les dispositions de quelques lois permettent toujours la discrimination à l’égard des femmes; il y a le paragraphe 4 de l’article 123 du Code du travail qui stipule le versement d’un demi-salaire aux femmes en congés de maternité. Son gouvernement est résolu à éliminer ces dispositions discriminatoires dans un proche avenir afin de mettre tous les textes de loi du Burundi en conformité avec la Convention (CEDAW).

Si sa délégation apprécie les préoccupations exprimées par les membres du Comité quant à la propagation du VIH/sida au Burundi, elle souhaite souligner que son gouvernement a déjà accordé la toute première priorité aux efforts de lutte contre la maladie et de soutien aux malades. Ces efforts comprennent l’affectation de 100 millions de francs burundais (BIF) par an au secteur de la santé, la suppression des taxes sur les médicaments antiviraux et le lancement de campagnes de sensibilisation sur le VIH/sida dans les médias.

En conclusion, elle dit que son gouvernement déplore les violations des droits du peuple burundais et notamment des droits des femmes en raison de la guerre et de ses répercussions dévastatrices. Elle réaffirme l’engagement du Gouvernement à restaurer la paix et la sécurité sur tout le territoire afin de permettre aux femmes de développer pleinement leur potentiel et ainsi faciliter la mise en œuvre de la Convention (CEDAW). Elle se félicite de la signature de l’Accord de paix et de réconciliation d’Arusha pour le Burundi et lance un appel urgent à la reprise de la coopération bilatérale et multilatérale sous toutes ses formes afin d’assurer la réussite de l’Accord, ouvrant ainsi la voie aux conditions permettant la pleine application de la Convention.

La Présidente remercie la délégation burundaise de ses réponses rapides aux nombreuses questions soulevées par le Comité et dit qu’elle est consciente des difficultés de la délégation à fournir des statistiques ventilées par sexe.

M me  González exprime l’espoir que le Gouvernement burundais continuera de s’employer à assurer la mise en œuvre convenable de la Convention, améliorant ainsi les conditions de vie des femmes. Elle espère également que le Gouvernement sera en mesure d’instaurer la paix dans le pays, lui permettant ainsi de progresser grâce à ses efforts de développement.

M me  Livingstone Raday exprime l’espoir que, dans le cadre de son programme de lutte contre la propagation du VIH/sida, le Gouvernement mettra en œuvre des mesures techniques, y compris la distribution de préservatifs, tant masculins que féminins, en complément de l’éducation sociale.

La Présidente dit en conclusion du dialogue avec le Burundi que le Comité s’accorde à dire avec la délégation que la guerre civile a gravement freiné la mise en œuvre de la Convention, et que le rôle subalterne des femmes dans la société burundaise ainsi que la propagation du VIH/sida, notamment chez les femmes et les jeunes filles, ont également représenté des handicaps majeurs.

Elle observe toutefois que la législation burundaise contient toujours des dispositions discriminatoires, parmi lesquelles l’article 88 du Code des personnes et de la famille qui autorise une différence dans l’âge légal du mariage pour les hommes et les femmes, et la section 1 de l’article 122 qui établit que le mari est le chef de famille. Les femmes sont également victimes d’une discrimination aux termes du Code pénal qui traite le crime d’adultère en des termes plus favorables aux hommes qu’aux femmes. La question de la violence dans la famille, y compris le viol, constitue une grave préoccupation, tout comme la condition des femmes et des filles dans les camps de réfugiés et de personnes déplacées.

Il est vital de faire de l’enseignement des droits de l’homme une priorité dans les efforts du Gouvernement pour accorder aux femmes l’égalité avec les hommes. Néanmoins, la condition préalable la plus importante est la paix. Elle se félicite du processus de paix, reconnaissant le rôle joué par les femmes pour y parvenir. Elle prie instamment la délégation de faire en sorte que davantage de femmes s’impliquent dans le processus de paix afin d’établir des passerelles et de renforcer les partenariats avec tous les secteurs de la société, y compris la tolérance entre les différents groupes ethniques. Les femmes ont besoin de prouver que les négociations de paix ne sont pas une affaire personnelle mais une question de vie ou de mort. Il faut également former les prestataires de soins de santé à aider les personnes victimes de traumatismes dus à la guerre.

Elle recommande au Gouvernement de poursuivre et d’accentuer ses efforts de lutte contre la propagation du VIH/sida en sollicitant l’assistance du Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA).

M me  Ndorimana (Burundi) exprime les remerciements de sa délégation pour les recommandations du Comité, faisant observer que son gouvernement entend continuer à travailler à l’amélioration de la situation des femmes dans le pays.

La séance est levée à 11 h 43.