discrimination à l’égard des femmes

Vingt-huitième session

Compte rendu de la 595ème séance

Tenue au Siège, New York, le jeudi 16 janvier 2003, à 15 heures.

Présidente:Mme Açar

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États Parties en application de l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial et deuxième rapport périodique combinés de l’Albanie (suite)

La séance est ouverte à 15 h 5

Examen des rapports présentés par les États Parties en application de l'article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial et deuxième rapport périodique combinés de l'Albanie (suite) (CEDAW/C/ALB/1-2)

1. À l'invitation de la Présidente du Comité, les membres de la délégation de l'Albanie prennent place à la table du Comité.

2.La Présidente invite les membres du Comité à continuer de poser des questions à la délégation de l’Albanie.

Article 13

3.M. Flinterman demande comment le Gouvernement albanais a l'intention de renverser la situation s'agissant de la faible participation des femmes au sport, imputable aux préjugés (le sport étant considéré comme un loisir), aux responsabilités familiales et au manque de moyens financiers.

4.Mme Patten relève que la politique macroéconomique du Gouvernement est axée presque exclusivement sur le secteur formel et ne s'intéresse pas à la féminisation de plus en plus grande de la pauvreté. Ce phénomène se caractérise par un revenu qui ne suffit pas pour vivre, des problèmes de santé du fait de l'accès limité aux services médicaux de base, un fort taux d'analphabétisme imputable à un accès limité à l'éducation, un accroissement du taux de mortalité et de morbidité, un fort taux de VIH/sida, mais aussi par le taux de femmes sans domicile fixe ou mal logées, un environnement dangereux, la toxicomanie, une exposition aux sévices sexuels systématiques et au trafic de femmes. Le Gouvernement ne s'intéresse pas non plus à la pauvreté des travailleurs à faibles revenus ni à d'autres secteurs de la population ne bénéficiant ni d’un appui familial, ni de la prévoyance sociale ou des filets de sécurité mis en place dans le cadre de ses politiques macroéconomiques.

5.Le Gouvernement a fait valoir les transformations politiques, économiques et sociales mises en place pour lutter contre la rigidité des rôles que la société impose à l'un et l'autre sexe. Le fait est toutefois que l'accès limité des femmes aux postes de direction politique, à l'éducation et à la formation et aux ressources productives ne peut qu'amplifier leurs problèmes et aggraver leur insécurité et leur vulnérabilité à l'exploitation sexuelle. Le Gouvernement doit consentir de gros efforts pour intégrer la dimension femme dans ses analyses et projets économiques.

6.Mme Patten aimerait disposer de détails complémentaires sur le programme d'assistance sociale mis en place par l'État Partie en 1993 et sur le microcrédit non commercial proposé par le Fonds albanais de développement et son impact sur les femmes (CEDAW/C/ALB/1-2, p. 46). Il serait utile d'avoir des chiffres sur le nombre de femmes ayant effectivement bénéficié de ce type d'assistance.

Article 14

7.Mme Schöpp-Schilling, notant que 60 pour cent des Albanais vivent en milieu rural et que près de la moitié de la population est composée de femmes, s'inquiète du fait que les femmes ne peuvent être propriétaires de leurs terres ou se voir octroyer un crédit et que leur accès aux services de santé et à l'éducation est insuffisant. Même avant de traiter la question des stéréotypes, le Comité pour l'égalité des chances et le Gouvernement albanais doivent, éventuellement en coopération avec les organisations internationales et bilatérales, améliorer les conditions de vie des jeunes mères et des fillettes dont l'avenir est compromis. Le défaut d'investissements dans les objectifs retenus pour les femmes rurales représente une politique à courte vue.

8.Mme Patten félicite l'État Partie de son honnêteté dans la description du sort de la population rurale, et notamment des femmes, qui vivent en deçà du seuil de pauvreté et qui souffrent d'un fort taux d'analphabétisme, du manque d'eau courante, d'un approvisionnement en électricité insuffisant, de l'absence d'assurances sociales, de l'impossibilité d'avoir accès au crédit et de l'insuffisance des services de santé (aucun médecin, infirmières et sages-femmes uniquement dans les centres médicaux). Cela étant, aucune information ne figure dans le rapport sur ce qui est fait pour remédier à cette situation, au-delà d'une "volonté politique" invoquée dans la déclaration liminaire de la délégation. Mme Pattern souhaite des renseignements plus précis sur les mesures spécifiques prises par le Gouvernement pour aider les femmes rurales.

Article 15

9.M. Flinterman dit que les droits des femmes ne deviendront pas réalité tant qu'il n'y aura pas égalité d'accès à la justice. Il s'inquiète du fait que, selon le rapport, les Albanaises n'affirment pas leurs droits parce qu'elles ne les connaissent pas toujours et, en particulier, que le Gouvernement n'a aucun programme spécifique pour améliorer la connaissance de ces droits (CEDAW/C/ALB/1-2, p. 52). Il insiste sur la nécessité de prendre de telles mesures, qui pourraient être mises en place de concert avec les organisations non gouvernementales (ONG), la Division pour la promotion de la femme et le Bureau du Haut Commissaire des Nations Unies pour les droits de l'homme.

10Mme Šimonović note l'écart entre les garanties constitutionnelles de l'égalité des hommes et des femmes devant la loi (CEDAW/C/ALB/1-2, p. 51) et la situation de fait des femmes, en ce qui concerne notamment l'héritage et la propriété. La réalité effective, qui veut que les femmes intègrent la demeure de leur mari au moment du mariage et que ce soient les hommes qui héritent le plus souvent de la terre, et se voient refuser le droit de copropriété après le mariage parce que la terre est enregistrée au nom du chef de la famille (CEDAW/C/ALB/1-2, p. 18), constitue une violation à la fois de la Constitution albanaise et des droits de l'homme. Mme Šimonović aimerait des précisions à cet égard.

11.Mme Morvai juge discriminatoire le fait de proposer l'aide judiciaire dans toutes les affaires pénales – 90 % des défendeurs sont des hommes – mais non dans les affaires de nature civile ou familiale ou relatives à l'emploi, engagées le plus souvent par des femmes. Notamment dans les cas de divorce ou de violence conjugale, les femmes qui n'ont pas recours au système judiciaire peuvent être contraintes à continuer de vivre avec un époux violent.

12.S'agissant des questions de liberté de mouvement et du choix de la résidence, Mme Morvai demande si c'est la loi ou la coutume qui décide qu'au moment du mariage, les femmes intègrent le lieu de résidence de leur mari. Elle s'interroge également sur l'élection d'un chef de famille dans les familles rurales en vertu du Code civil et espère que cette loi sera révisée.

13.Mme Gnacadja voudrait l'assurance que la maladie mentale et le sous-développement mental ne sont pas des états invoqués pour priver les femmes de la capacité juridique. L'obligation faite aux femmes de s’en remettre aux hommes de la famille pour prendre en charge, ou le cas échéant, engager une action en justice lorsque le chef de la famille vend ou gère mal les biens de la famille constitue une pratique hautement discriminatoire. Il est triste également qu'une entreprise privée ne puisse être enregistrée au nom d'une femme, ce qui signifie que même une femme ayant beaucoup investi dans une entreprise ne peut représenter celle-ci au plan juridique. Elle appelle de ses vœux une réforme juridique afin d'aligner la législation albanaise sur la Constitution.

14.Mme Patten demande à la délégation d'énumérer les associations publiques accordant une aide juridique gratuite aux groupes vulnérables dans les affaires civiles (CEDAW/C/ALB/1-2, p. 52) et de donner des chiffres, d’une part sur le nombre de femmes ayant effectivement bénéficié de cette aide et, d’autre part, sur le taux de criminalité des femmes. L'État Partie devrait préciser l'article 22 du Code de procédure civile concernant la représentation juridique obligatoire dans les affaires pénales, et donner des précisions sur le budget de l'aide judiciaire en Albanie.

Article 16

15.Mme Kuenyehia demande des précisions sur les mesures prises par le Gouvernement pour assurer l'égalité entre hommes et femmes non seulement au plan juridique mais encore dans la réalité. Un domaine appelant une révision: la différence entre hommes et femmes s’agissant de l'âge légal pour le mariage. Étant donné qu'en vertu du Code civil, les époux ont un droit égal aux biens acquis en commun mais qu'une femme intégrant le lieu de résidence de son mari en se mariant n'a aucun droit à la maison, il n'est pas aisé de comprendre ce qui se passe en cas de divorce ou du décès du mari.

16.Mme Saiga s'enquiert de la composition du groupe d'experts travaillant sur le nouveau code de la famille et sur la participation du Comité pour l'égalité des chances à cette révision. Il serait intéressant de connaître la procédure en vertu de laquelle cette proposition est soumise au Parlement ainsi que les questions spécifiques actuellement à l'étude.

17.Mme Ruci (Albanie) remercie les membres du Comité de leurs questions, observations et suggestions constructives et fait savoir que la délégation donnera ses réponses à la date prévue.

La séance est levée à 15 h 40.