Vingt-sixième session

Compte rendu analytique de la 530e séance

Tenue au Siège, à New York, le mercredi 16 janvier 2002, à 10 h 30

Présidente:Mme Abaka

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial de Fidji

La séance est ouverte à 11 heures

Examen des rapports présentés par les États partiesconformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial de Fidji (CEDAW/C/FJI/1)

À l’invitation de la Présidente, la délégation fidjienne prend place à la table du Comité.

M. Naidu (Fidji) présente la délégation de son pays.

M me  Salabula (Fidji) déclare que son pays considère avec sérieux les obligations qu’il a contractées en adhérant à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, et a annulé la réserve formulée au sujet de l’alinéa a) de l’article 5 – et ce, peu de temps avant la présentation de son rapport, au début de l’année 2000. Le rapport a été le fruit d’une collaboration entre le Gouvernement, des organisations non gouvernementales et des associations, dans le cadre de réunions aux niveaux national, de district et de communauté.

Depuis la présentation de son rapport, Fidji a partagé ce travail d’analyse avec les membres d’un atelier dirigé par la Division de l’émancipation de la femme de la Nouvelle-Zélande (DAW), en 2001. Fidji s’est enorgueillie d’être le premier État insulaire du Pacifique à soumettre son rapport au Comité, indiquant ainsi son engagement résolu dans le sens du progrès de la femme. Fidji a également été partie prenante à la Plateforme d’action du Pacifique, à la Déclaration de Port-Vila sur la population et le développement durable, et à la Déclaration de Yanuca, entre autres accords régionaux.

Ces dernières années, Fidji a connu un exode de professionnels et travailleurs qualifiés – dont 50 % de femmes –, et en particulier le départ d’architectes, d’ingénieurs, de comptables, d’enseignants, de médecins, d’infirmiers, de dentistes et de vétérinaires. Il faudra plusieurs années pour remédier à cette « fuite des cerveaux ».

Le 19 mai 2000, un coup d’État civil a interrompu le pouvoir parlementaire légal, et le Président a nommé un gouvernement provisoire. Un ressortissant fidjien – Chandrika Prajad – a contesté la légalité de ces procédures; la Cour suprême a statué en faveur de cette position et a, par conséquent, maintenu la Constitution; enfin, cette décision a été confirmée par l’instance d’appel suprême : la Cour d’appel de Fidji. Conformément à cette décision, le Président a nommé un gouvernement provisoire, et les élections qui ont suivi ont permis de rétablir la démocratie constitutionnelle et la stabilité politique du pays. En 2001, 26 femmes ont été candidates à des sièges à la Chambre des représentants. Cinq d’entre elles ont été élues; deux d’entre elles ont été nommées ministres au sein du Gouvernement, deux autres ministres adjointes, et la dernière a remporté un siège parlementaire de l’opposition. Enfin, trois femmes ont obtenu un siège au Sénat.

Parmi les défis auxquels Fidji était confrontée, il faut citer l’isolement géographique, la vulnérabilité du territoire face aux cyclones et à la sécheresse, la dimension restreinte du marché intérieur et du potentiel d’exportations, dans un marché international totalement ouvert. Les crises politiques ont entamé la confiance des investisseurs, engendré une certaine léthargie de l’économie nationale, et conduit à des pertes d’emplois, à l’émigration des ressortissants du pays, à ce que l’on appelle la « fuite des cerveaux », à une baisse du niveau de vie et à une augmentation de la pauvreté et de la criminalité.

En 2000, le produit intérieur brut (PIB) a chuté pour se situer à 2,8 %, et un déclin similaire a pu être constaté dans presque tous les secteurs. Les prévisions de croissance ont été de 1,5 % pour 2001 et de 3,5 % pour 2002. Les prévisions à la hausse pour 2002 se sont fondées sur des indices favorables en matière de tourisme, de réserves d’or et de pêche. En mai 2000, on assistait à la fermeture de plusieurs usines – ce qui a eu des effets négatifs en termes de marché du travail, notamment pour les femmes employées dans les industries manufacturières et en particulier dans la confection.

Une étude réalisée en 1996 au sujet de la pauvreté indiquait que plus de 25 % des ménages fidjiens vivaient en dessous du seuil de pauvreté, que les familles de mères célibataires représentaient 20 % des ménages pauvres, et qu’un foyer pauvre sur sept était une famille monoparentale gérée par la mère. En conséquence, le Gouvernement a rétabli le Ministère de la condition de la femme, en le rattachant au Département de la protection sociale et à celui de la lutte contre la pauvreté, et en transférant le Département de la culture et du patrimoine vers un autre secteur. Cette restructuration équivalait à reconnaître le lien entre les femmes et la pauvreté, et le fait que la réduction de la pauvreté permettait d’améliorer la condition de la femme, tout en faisant progresser la justice sociale en général. Le budget gouvernemental pour 2002 prévoit 157 millions de dollars pour la réduction de la pauvreté et le développement rural – soit une augmentation de 56 millions de dollars par rapport à 2001.

Le « Ministère de la condition de la femme » est l’instance politique et opérationnelle permettant la réalisation des objectifs du Gouvernement en matière de promotion de la femme. Ce ministère dispose d’un site Internet actuellement opérant, et qui fait bénéficier les femmes de l’évolution en matière de technologies de l’information. Le Plan d’action gouvernemental destiné aux femmes pour la période 1999-2009 permet de progresser dans le sens de l’égalité entre les sexes, en coordination avec différentes missions ministérielles. En outre, le Gouvernement subventionne des activités d’organisations non gouvernementales visant à répondre aux besoins stratégiques et pratiques des femmes, en ce qui concerne notamment la violence à l’égard des femmes, la place des femmes en politique et dans les médias, ou encore en matière de paix sociale et de réformes juridiques. Sous l’égide du Conseil consultatif national de la femme, un certain nombre de femmes et d’organisations féminines ont organisé des activités de surveillance et d’autres initiatives de paix sociale, visant à rétablir la démocratie lors des récents soubresauts politiques.

Le Plan de développement stratégique 2002-2004 souligne la nécessité de programmes en faveur des catégories les plus démunies et les plus marginalisées. Ainsi, un programme de discrimination positive a été établi, et doté d’un budget global de 28 millions de dollars; de plus une loi, dite de « justice sociale », a été promulguée. Dans le cadre de ce plan, le Gouvernement s’est engagé à soutenir un développement économique équitable en faveur des ressortissants nationaux, Fidjiens et Rotumans, et notamment à réexaminer la loi sur les questions fidjiennes, le « Native Land Trust Board » (Conseil des territoires indigènes) et la « Native Land Fisheries Commission » (Commission des pêcheries nationales), ainsi que d’autres activités éducatives, commerciales et économiques, conformément aux objectifs du Plan d’action pour les femmes.

La Constitution fidjienne est restée inchangée lors de la tentative de coup d’État, et continue à garantir l’égalité de tous. Outre la garantie du principe de non-discrimination, la Constitution stipule que, dans le cadre de l’interprétation des dispositions de la Déclaration des droits du citoyen, la justice doit promouvoir les valeurs démocratiques et prendre en considération le droit international en vigueur. Le Gouvernement a entrepris une révision constitutionnelle, en y consacrant un budget de 300 000 dollars, et prévoit, sur ce sujet, des consultations très larges avec toutes les communautés du pays. Le Premier Ministre a donné au Parlement l’assurance qu’aucun droit existant ne sera supprimé, restreint ou limité.

En matière législative et politique, le Gouvernement s’est, au cours des deux années écoulées, concentré sur le maintien de la sécurité nationale. Dans d’autres domaines, tels que la réforme juridique, le Code pénal a été révisé en vue de mettre ses dispositions relatives aux délits d’ordre sexuel en conformité avec la Constitution, ainsi qu’avec la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et la Convention relative aux droits de l’enfant; de plus, des efforts ont été déployés en vue d’améliorer le Code de procédure pénale, notamment en matière de procédures judiciaires préliminaires et de mise en accusation.

Les plaintes se sont multipliées au sujet de ce que l’on a appelé le « traitement insensible » des cas de victimes de violences conjugales, de viols et d’agressions sexuelles. En raison d’une augmentation des cas de pédophilie, la loi sur la jeunesse a été modifiée afin d’en combler les lacunes. Un projet de loi sur la famille était en seconde lecture, au Parlement, en mai 2000, c’est-à-dire lors du coup d’État. En outre, la législation relative aux testaments et aux successions a été examinée en vue d’établir un statut global de la succession, et le droit des entreprises ainsi que le droit commercial ont été modifiés – notamment les dispositions relatives à la propriété intellectuelle et aux droits d’auteur, au crédit à la consommation, à la location-vente, aux traites commerciales, à la vente de produits, à la faillite des particuliers et à l’insolvabilité des entreprises. Les femmes fidjiennes ont suivi avec intérêt la réforme de la législation sur la propriété intellectuelle, car cela concernait la protection des traditions indigènes et culturelles. Ainsi, les femmes possédant un savoir en matière de médecine traditionnelle ont souhaité préserver leurs droits dans ce domaine et à en tirer profit.

La loi sur la justice sociale a demandé au Parlement d’établir un cadre permettant d’inscrire le principe de discrimination positive dans les décisions politiques et législatives. Une politique d’égalité des chances a été adoptée pour l’ensemble des secteurs publics; un projet de loi sur les relations industrielles est à l’étude; et l’on envisage d’améliorer les dispositions relatives aux congés de maternité – qui sont déjà très progressistes.

Lors de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes, le Gouvernement fidjien s’est engagé à œuvrer à l’élimination du phénomène croissant de la violence à l’égard des femmes. En conséquence, il a soutenu les programmes et ateliers de travail destinés à éduquer la collectivité nationale, et fourni une aide financière aux organisations proposant un soutien et un hébergement aux victimes de ce type de violence. Dans ce domaine, des associations de la société civile se sont situées au premier plan, et ont notamment dirigé des ateliers sur les droits des femmes et offert des conseils et un soutien aux victimes. En outre, dans le cadre du Ministère de la condition de la femme, la « Mission d’intervention sur la violence à l’égard des femmes et des enfants » a étroitement collaboré avec des organisations féminines et des associations civiles en vue d’élaborer une législation et des mesures appropriées. Les archives du « Centre de crise des femmes fidjiennes » indiquent 544 nouveaux cas de violences conjugale et familiale en 1999, 361 en 2000 et 401 en 2001.

Des progrès importants ont également été accomplis dans le domaine de l’éducation. En novembre 2000, la Commission de l’éducation de Fidji a noté une augmentation de 19,8 % des inscriptions de filles dans l’enseignement primaire et une augmentation considérable – de 405 % – des inscriptions de filles dans les établissements secondaires, pour la période 1970-1999. Au niveau du secondaire, le taux de poursuite des études est plus élevé pour les filles que pour les garçons. Cependant, les filles accusent un retard dans les filières scientifiques et technologiques; la plupart d’entre elles sont orientées vers les disciplines littéraires et les humanités au niveau universitaire. À tous les niveaux, les programmes perpétuent les stéréotypes attachés à chaque sexe. Il est évident que les manuels scolaires primaires et secondaires ne proposent aucun modèle opérationnel aux filles dans les domaines scientifiques et technologiques, et que ces modèles sont également très rares en dehors de l’école. Cependant, à l’Institut de technologie de Fidji, la participation des filles aux filières d’ingénieur et autres disciplines non traditionnelles pour les femmes est croissante, grâce à l’octroi de bourses aux jeunes filles pour les encourager dans ces domaines. Le choix, par les femmes, des métiers d’enseignement a toujours été important; mais, même dans ce secteur, elles ne sont pas à égalité avec les hommes aux plus hauts niveaux : en effet, si plus de 50 % des enseignants du primaire et du secondaire sont des femmes, on ne compte respectivement que 22,5 % et 14 % de femmes directrices d’établissement.

La Commission de l’éducation en a conclu qu’en dépit d’un niveau élevé d’accès à l’éducation, le sexe de la personne restait de toute évidence un problème, et que, dans ce domaine, les femmes étaient désavantagées. En réponse à cette situation, on a nommé un secrétaire adjoint à l’éducation dans le cadre des mécanismes institutionnels du Ministère de la condition de la femme – et notamment du comité interministériel pour l’application du Plan d’action en faveur des femmes. De plus, le Ministère de la condition de la femme a organisé une formation permettant la sensibilisation aux problèmes d’égalité entre les sexes, au sein des collèges universitaires de formation des maîtres et de l’Unité de développement des programmes du Ministère de l’éducation.

Fidji s’est dotée d’un système de soins de santé primaires assez élaboré, par rapport à d’autres pays en développement. Dans le cadre de son processus de réforme, le Ministère de la santé s’est efforcé d’améliorer la qualité des équipements de santé des collectivités urbaines et rurales, ainsi que des systèmes de référence, afin de développer l’accès aux soins de santé et d’améliorer l’efficacité du système sur le plan économique. En réponse à la Déclaration de Yanuca sur l’approche dite « Iles-Santé » – déclaration approuvée en 1995 par les pays insulaires du Pacifique –, le Conseil national de promotion de la santé a été créé, en vue d’informer en permanence l’opinion publique des questions de santé, par des campagnes d’information et médiatiques.

La couverture des femmes en matière de santé procréative est assez globale, puisque plus de 40 % des femmes en âge de procréer utilisent les techniques contraceptives modernes, et que 99 % des naissances sont assurées par un personnel formé. Cependant, le cancer devient l’une des causes majeures de la mortalité féminine.

Les maladies sexuellement transmissibles, telles que la syphilis, la blennorragie et le sida, augmentent à un rythme très inquiétant, et vont constituer un danger pour la vie du pays au cours de la prochaine décennie. Une commission multidisciplinaire, composée de représentants du Gouvernement, de la société civile, d’organisations non gouvernementales et d’instances internationales, a été créée en vue de faire face à cette menace. Ses travaux seront guidés par les principes du droit de chacun à l’information, à des tests gratuits et volontaires, à des soins appropriés et à un soutien total et impartial de la collectivité. La « Première Dame » du pays, ainsi que d’autres « Premières Dames » de pays d’Asie et du Pacifique, sont activement engagées dans les travaux préparatoires de ce dossier, par l’intermédiaire du Ministère de la condition de la femme. Malheureusement, le secteur de la santé souffre de l’exode d’un certain nombre de professionnels, à tel point qu’il a fallu recruter des médecins et d’autres professionnels de la santé à l’étranger.

L’activité des femmes rurales est rarement prise en compte dans les statistiques relatives à la production nationale, et l’accès de ces femmes à l’éducation et aux soins de santé est loin d’être satisfaisant. À l’occasion de la Journée mondiale des femmes rurales, un atelier dirigé par le Conseil des services sociaux de Fidji a demandé au Gouvernement de reconnaître la contribution des femmes rurales au développement du pays. Cet atelier a fixé les priorités suivantes : création d’une banque destinée aux femmes rurales; création d’un organisme national de commercialisation en faveur des producteurs ruraux; programmes de développement de l’activité commerciale, et des instances dirigeantes et décisionnaires dans ce domaine; enfin, gestion des ressources.

Les rôles traditionnels des hommes et des femmes sont profondément ancrés dans l’ensemble de la société fidjienne, même si l’on constate un début d’évolution dans les ménages urbains, où les femmes comme les hommes exercent un emploi. La responsabilité partagée de l’éducation et du soin des enfants, ainsi que des tâches ménagères, est désormais mieux acceptée dans les foyers urbains; cependant, les décisions restent le privilège de l’homme. Par ailleurs, même si le phénomène n’est entré que très récemment dans le débat public, la violence conjugale ou familiale touche la plupart des foyers fidjiens, et ce, indépendamment de leur statut économique ou social. L’éclatement des familles est une préoccupation majeure, comme en témoigne l’augmentation des demandes d’aide juridique auprès de la Commission d’assistance juridique, pour tout ce qui concerne le droit familial. La participation des femmes aux décisions et à la vie politique reste un défi à relever; mais, dans ce domaine, la situation s’améliore – comme l’indique le parrainage, par le Conseil national de la femme, d’un projet encourageant les femmes ayant des aspirations politiques à s’engager effectivement.

À Fidji, les femmes sont désormais plus conscientes de leurs droits, et le Gouvernement utilise la Convention comme un moyen d’instaurer une société fondée sur l’universalité des droits de l’être humain. Se référant à la déclaration d’orientation générale du Ministère de la condition de la femme, Mme Salabula exprime enfin l’espoir que Fidji soit une nation où les femmes sont appréciées à leur juste valeur et traitées avec respect et dignité.

Observations générales

La Présidente félicite le Gouvernement fidjien de l’engagement dont il a fait preuve en présentant son rapport au Comité. Elle forme l’espoir que d’autres États de la région Asie-Pacifique suivront l’exemple fidjien et ratifieront la Convention. La Présidente se félicite également du retrait de deux réserves formulées au sujet de la Convention.

M me  Shin se félicite, pour sa part, de la participation d’organisations non gouvernementales à l’élaboration du rapport, et espère la poursuite de cette coopération entre le Gouvernement et la société civile. Elle ajoute que les noms des organisations participantes devraient être mentionnés dans les rapports à venir.

M me  Goonesekere se félicite de constater que la Constitution fidjienne comporte une définition de la discrimination faisant notamment référence au sexe des personnes. Elle se demande si cette définition s’applique aussi bien au secteur privé qu’aux institutions publiques, et si, par exemple, les entreprises privées opérant dans des secteurs de promotion des exportations doivent également respecter des normes d’emploi équitable. Elle souhaite également savoir si le projet de discrimination positive concerne aussi l’égalité entre les sexes, ou s’il n’est fondé que sur des critères ethniques.

M me  Corti s’interroge sur le statut de la CEDAW (Convention) dans la Constitution et la législation fidjiennes. Étant donné que l’absence d’une loi sur l’égalité des chances ouvre de facto la voie à une discrimination à l’égard des femmes – notamment dans le domaine de l’emploi et en ce qui concerne la violence familiale ou conjugale à l’égard des femmes –, Mme Corti souhaite savoir si un projet de loi sur l’égalité des chances est en préparation.

La tradition du bulubulu, telle qu’elle est décrite au paragraphe 1.8 du rapport, semble très patriarcale, et Mme Corti souhaite être informée de toute tentative du Ministère de la condition de la femme visant à éliminer une telle pratique.

M me  Schöpp-Schilling souhaite savoir si, lors de la ratification de la Convention, celle-ci est automatiquement devenue partie intégrante de la législation fidjienne ou s’il a fallu promulguer de nouvelles lois ou dispositions juridiques pour que la Convention prenne effet. Notant que le paragraphe 2 de l’article 43 de la Constitution fidjienne stipule que les magistrats doivent promouvoir le principe d’égalité conformément au droit international en vigueur, Mme Schöpp-Schilling demande si les magistrats sont formés en vue d’adhérer à cette disposition et dans quelle mesure ils le font effectivement. Elle demande également s’il existe un mécanisme efficace permettant le dépôt d’une plainte en cas de violation de telle ou telle disposition de la Convention.

Mme Schöpp-Schilling se félicite de la révision de la législation et des politiques fidjiennes depuis la ratification de la Convention. Toutefois, elle souhaite savoir quelles réformes, parmi toutes celles envisagées, ont été d’ores et déjà adoptées par le Parlement, et, plus précisément, si les lois relatives, respectivement, à la famille, à la preuve et aux relations professionnelles ont été modifiées.

Mme Schöpp-Schilling ajoute qu’elle souhaiterait se voir confirmer l’élaboration d’une nouvelle constitution, et savoir si ce nouveau texte allait englober les dispositions relatives à l’égalité et à l’interdiction de toute discrimination.

M me  Livingstone Raday se félicite du fait que la Cour d’appel de Fidji ait maintenu la Constitution de 1997 lors de la crise politique de l’année 2000, et de ce que les femmes magistrates aient alors contribué à la défense de cette Constitution. Elle demande que l’on précise le nombre exact de femmes magistrates en exercice, et si les magistrates ayant démissionné lors de la crise en question ont été rétablies dans leurs fonctions. Elle souhaite savoir également si l’on envisage de modifier la Constitution, et en particulier l’article 38, qui interdit la discrimination.

Prenant acte de l’information selon laquelle le « Forum constitutionnel des citoyens » a été récemment rayé des listes d’organisations autorisées pour avoir remis en cause la légalité du Gouvernement, elle demande si cette décision a été réexaminée depuis lors, et si la Constitution garantit la protection des organisations non gouvernementales – y compris les organisations féminines – contre toute restriction de leur liberté d’expression.

Mme Livingston Raday se félicite, par ailleurs, de ce que le Gouvernement fidjien soutienne les processus de formation et d’éducation en vue de lutter contre le problème croissant que constitue la violence à l’égard des femmes; à cet égard, elle considère que la législation en vigueur à Fidji reste peu satisfaisante. Outre le problème que constitue la tradition du « bulubulu » – évoquée par Mme Corti –, Mme Livingston Raday s’inquiète du fait que, dans les affaires de viol, les éléments de preuve relatifs à l’histoire sexuelle des plaignantes soient toujours autorisés par la justice, et que, notamment dans les affaires où la victime est une prostituée, que ces éléments de preuve soient utilisés en vue de réduire l’importance de la sanction infligée aux agresseurs. De plus, la confirmation des preuves apportées par les victimes est encore obligatoire. Elle ajoute qu’elle est consciente du fait qu’avant la crise constitutionnelle, la Commission de réforme des lois fidjiennes ait réexaminé la loi sur la preuve, et demande que l’on soit informé des progrès récents dans ce domaine.

M me  Kwaku demande des informations actualisées au sujet de la Commission des droits de l’homme, du fonctionnement de cette dernière, et que l’on précise si des femmes en sont membres. Elle souhaite également savoir si cette commission contribue au contrôle de l’application de la Convention, et de quelle manière, et si cette instance est correctement financée.

M me  Ferrer Gomez déclare que le rapport de Fidji met en lumière de nombreux cas de discrimination à l’égard des femmes, en violation de la législation du pays, qui interdit toute discrimination de ce type. Elle se demande quelles mesures pourraient être prises afin de garantir l’application effective des lois en vigueur. En ce qui concerne la tradition du « bulubulu », elle se félicite de l’adoption opportune d’une loi visant à la suppression de cette coutume et à la protection de l’ensemble des femmes du pays.

Mme Ferrer Gomez se dit également préoccupée par la discrimination directe exercée à l’égard des femmes en matière de recrutement et de promotion, et par le fait que les femmes soient généralement cantonnées dans des activités du secteur informel et des emplois moins bien rémunérés. De plus, il n’existe pas, à Fidji, de loi garantissant l’égalité des salaires à travail égal. Sur la base de l’article 11 de la Convention, Mme Ferrer Gomez souhaite savoir si le Gouvernement fidjien envisage de promulguer une loi garantissant aux femmes l’égalité des chances en matière d’emploi. Elle demande également si les autorités fidjiennes envisagent une protection juridique en faveur des employées domestiques.

Elle souligne aussi la nécessité de réformer la loi sur la famille, afin d’améliorer la condition de la femme dans ce domaine, et notamment de lui faciliter l’accès au divorce. Enfin, elle se félicite du projet d’adoption, pour 2002, d’une loi relative à la violence conjugale et familiale.

M me  Shin déclare qu’étant donné la gravité du problème de la violence conjugale et familiale à Fidji, il importe d’adopter et de promulguer une loi autonome, visant spécifiquement à prévenir ce type de violence et à protéger les victimes.

Après avoir salué les progrès accomplis, à Fidji, en matière d’application de la Convention, M me  Acar espère que les organisations non gouvernementales maintiendront leur engagement dans ce domaine, du fait que leur contribution, et celle de la société civile en général, sont essentielles à une application effective de la Convention. Il importe également de créer un climat propice à l’action des organisations non gouvernementales. De plus, c’est seulement dans les sociétés démocratiques, où les lois sont conformes au droit international et appliquées par une justice indépendante, que les droits de l’homme sont correctement protégés. Mme Acar souhaite savoir si le calendrier de la réforme de la loi sur la famille et de la loi sur la preuve – dont on peut comprendre qu’il ait pu être bouleversé par les récentes secousses politiques – a été communiqué à la société civile fidjienne, et si les questions liées à ces réformes font l’objet d’un débat public.

M me  Gaspard demande que l’on soit informé des efforts de sensibilisation à la Convention déployés par les autorités fidjiennes – en particulier auprès des magistrats. Elle demande également si des plaintes relatives à des actes de discrimination à l’égard de femmes ont été déposées au Bureau du Médiateur, et, le cas échéant, quelle en a été l’issue.

M me  Saiga demande qui sont les personnes qui désignent les membres de la Commission des droits de l’homme, et si des plaintes relatives à des actes discriminatoires ont déjà été déposées devant cette commission.

M me  Goonesekere demande si le Gouvernement fidjien a envisagé la reconnaissance de droits socioéconomiques, tels que ceux à la santé et à l’éducation, dans le cadre de la Constitution, et en particulier compte tenu des effets de la mondialisation sur la vie des femmes fidjiennes. Elle souhaite également savoir si la Constitution garantit des droits civils et politiques tels que le droit à la vie, à la protection contre la torture, ou encore le droit d’organisation. Elle demande également des informations sur les mécanismes permettant de se pourvoir en justice aux personnes affirmant être victimes de violations de leurs droits constitutionnels. Elle demande encore si des pratiques négatives ancrées dans le droit coutumier du pays peuvent être remises en cause devant les tribunaux, étant donné que le paragraphe premier de l’article 38 de la Constitution interdit toute discrimination. Mme Goonesekere souhaite enfin être informée du statut du Conseil consultatif national de la femme.

M me  Tavares da Silva se félicite des nombreuses initiatives prises par le Gouvernement fidjien en vue de promouvoir l’égalité, et du fait que Fidji soit dotée d’un Ministère de la condition de la femme, de la protection sociale et de la réduction de la pauvreté – ministère ayant un statut à part entière, et qui ne se contente plus de traiter uniquement des questions de protection sociale, puisque, désormais, il est également chargé de l’émancipation des femmes, de l’élaboration des politiques dans ce domaine et de l’action visant à instaurer l’égalité entre les sexes. Cependant, elle note que la discrimination subsiste dans de nombreux secteurs, tels que le marché du travail et la formation. Elle souhaite connaître les raisons de cette faible participation des femmes aux processus de formation, en dépit du niveau généralement élevé des performances scolaires des filles.

Le rapport révèle certaines contradictions : malgré les progrès accomplis, à Fidji, dans le sens de l’égalité des femmes, la société fidjienne reste patriarcale et maintient les comportements et points de vue bien ancrés dans ce sens; Mme Tavares da Silva se demande dans quelle mesure les femmes fidjiennes sont conscientes de cette contradiction. Elle se félicite du Plan d’action pour les femmes, et de son objectif ambitieux, consistant à parvenir à un taux de représentation des femmes de 50 % dans toutes les branches du secteur public, et se demande si cet objectif est soutenu par la société civile dans son ensemble.

Tout en se félicitant également de la création de cinq missions spéciales chargées de travailler dans des domaines prioritaires, Mme Tavares da Silva se demande pour quelles raisons il n’a pas été créé de groupe de travail qui aurait été chargé de traiter des inégalités en matière de participation des femmes au marché de l’emploi, et d’améliorer les conditions de travail et les droits de maternité des femmes – en particulier au cours de la période de la grossesse. Il est certain que ces questions liées à l’emploi méritent d’être tout aussi prioritaires que celles de la santé et de l’éducation. De plus, tout en se félicitant du caractère novateur de l’initiative du Gouvernement visant à inscrire les questions d’égalité entre les sexes dans le budget – et qui envisage notamment un projet pilote garantissant une approche dans ce sens lors de l’élaboration du budget national –, Mme Tavares da Silva demande à être plus amplement informée des résultats positifs et des difficultés rencontrées dans ce domaine, et demande également s’il est prévu des mécanismes qui permettraient d’élaborer des critères d’audit du projet pilote en question en termes d’égalité entre les sexes.

M me  Hazelle (Rapporteur), se référant au Comité interministériel de la femme (IMCW), se demande s’il y a des doubles emplois entre les 17 ministères concernés; et, notant que les membres de ce comité se situent au niveau du « Secrétaire adjoint », souligne que ces membres devraient, au contraire, se situer au niveau de pouvoir le plus élevé possible afin de garantir la traduction concrète de leurs décisions dans des politiques et des actions effectives, mises en œuvre à tous les échelons du Gouvernement. Ce comité interministériel ne devrait pas être seulement un forum, ou une simple chambre d’enregistrement, et Mme Hazelle se demande s’il y a une interaction véritable entre ce comité et le Ministère des finances quant à l’initiative concernant la dimension « égalité entre les sexes » du budget, ainsi qu’entre ce comité et d’autres instances, telles que le Conseil consultatif de la femme, les centres consacrés aux questions d’égalité, les missions d’intervention et autres – et ce, afin de garantir une action concrète du Comité interministériel en matière d’application du Plan d’action en faveur des femmes.

M me  Schöpp-Schilling se demande s’il existe des mécanismes de contrôle et de suivi des progrès accomplis dans le sens des objectifs fixés en matière de droits de la femme, si le Conseil consultatif national de la femme existe toujours, et, si tel est le cas, si ce dernier coordonne ses travaux avec ceux d’autres instances.

M me  Corti considère qu’il est très curieux que la question de l’application de la Convention ne fasse pas partie du mandat de la Commission des droits de l’homme (par. 2.1), et demande des informations sur la composition du Conseil consultatif de la femme et l’engagement des organisations non gouvernementales au sein de ce conseil. De même, en ce qui concerne l’initiative visant à inscrire dans le budget la dimension de l’égalité entre les sexes, Mme Corti se dit surprise par le fait que le Ministère de la condition de la femme, de la protection sociale et de la réduction de la pauvreté – ministère qui a une importance majeure pour le combat de l’égalité – ne soit pas non plus spécifiquement mentionné dans le cadre de la première phase de cette initiative (par. 3.9 du rapport).

M me  Gabr déplore qu’en dépit des mesures déjà prises et des progrès accomplis, il subsiste un fossé entre l’objectif d’égalité intégrale et la réalité, en grande partie en raison des points de vue traditionnels de la société fidjienne – lesquels ont un effet négatif en matière d’émancipation des femmes – et de politiques qui établissent une distinction entre différents groupes ethniques. Mme Gabr demande quelles mesures ont été prises en vue de corriger les aspects des structures sociales tendant à marginaliser les femmes.

M me  Ferrer Gomez demande si des progrès ont été accomplis dans le sens de l’élaboration d’un système de contrôle et d’évaluation de la mise en œuvre du Plan d’action en faveur des femmes. Elle se dit particulièrement préoccupée par la nécessité de réduire la pauvreté des femmes et de leur offrir des possibilités d’emploi. Cela est d’autant plus urgent qu’à l’heure actuelle, 25 % des femmes vivent dans des conditions telles qu’elles choisissent de se prostituer pour survivre.

M me  Shin souligne l’excellence du Plan d’action en faveur des femmes, mais considère que l’échelonnement sur 10 ans est trop long. Elle souhaite savoir si des objectifs précis ont été fixés pour chaque année du Plan, et si un mécanisme d’ajustement approprié a été prévu. Elle se demande également si le Conseil consultatif national de la femme est toujours en exercice et, si tel est le cas, si des organisations non gouvernementales participent toujours à ses travaux. Mme Shin prend note du fait qu’il existe des programmes de discrimination positive en faveur de groupes ethniques – notamment les Fidjiens indigènes –, mais se demande si ces programmes sont également destinés à aider spécifiquement les femmes au sein des groupes ethniques en question.

M me  Goonesekere demande si les programmes de discrimination positive prévoient un processus d’évaluation de leur efficacité en termes de promotion de l’égalité, et s’ils ne visent pas seulement à offrir certains avantages aux groupes concernés. Elle pose également la question du lien entre ces programmes et le projet de loi sur la justice sociale. Elle souligne la nécessité de veiller à une prise en compte pleine et entière des questions d’égalité entre les sexes dans le cadre de l’application de ces programmes d’action positive. Les statistiques devraient se décliner non seulement par sexe, mais aussi par ethnie, afin de déterminer clairement si les femmes ne font pas l’objet d’une double discrimination – sexuelle et ethnique.

M me  Schöpp-Schilling demande de quelle manière le Gouvernement fidjien concilie la nécessité de mesures temporaires et celle d’éviter une discrimination inversée dans le cadre de l’application des programmes de discrimination positive. Elle se demande très sérieusement si les questions d’égalité entre les sexes sont véritablement prises en compte par l’ensemble des ministères, car elle constate que, s’il est souvent fait mention des jeunes, des personnes handicapées, des minorités et des familles, les femmes, en revanche, sont rarement prises en considération. Mme Schöpp-Schilling demande qui est chargé de contrôler et suivre les progrès en matière de promotion des femmes dans le sens de fonctions décisionnaires; elle ajoute enfin qu’elle serait très heureuse d’obtenir des informations plus précises sur l’action visant à éliminer la discrimination fondée sur le sexe.

M me  Ferrer Gomez souligne la nécessité d’une prise de conscience accrue des droits des femmes parmi les femmes elles-mêmes, et dans la société en général, ainsi que d’une responsabilisation accrue des femmes, afin de dépasser les attitudes qui prédominent au sein de groupes ethniques d’esprit très largement patriarcal, et qui cantonnent les femmes dans des rôles stéréotypés. C’est de cette manière seulement que l’on pourra pleinement concrétiser les garanties constitutionnelles concernant les droits de la femme. En ce qui concerne l’amélioration de la condition de la femme, Mme Ferrer Gomez souligne le rôle important que peuvent jouer les organisations non gouvernementales. Elle demande si les programmes de formation visant à l’épanouissement de chacun prennent en considération les questions d’égalité entre les sexes, et, si tel est le cas, dans quelle mesure les femmes sont conscientes des possibilités offertes par ces programmes, et si une formation spécialisée est dispensée à des catégories professionnelles importantes, telles que les enseignants et les médecins. Mme Ferrer Gomez se demande également si les valeurs transmises par l’enseignement secondaire englobent les droits de la femme, quel rôle jouent les médias en matière d’égalité entre les sexes, et si les journalistes reçoivent une formation susceptible de les sensibiliser à ces questions. Elle demande enfin si des mesures sont prises en vue de mieux sensibiliser les Fidjiens non seulement à la législation de leur pays, mais aussi à la Convention – c’est-à-dire aussi bien la population dans son ensemble que les femmes en particulier.

La séance est levée à 13 heures.