Trente-troisième session

Compte rendu analytique de la 698e séance

Tenue au Siège, à New York, le vendredi 15 juillet 2005, à 15 heures

Président :Mme Manalo

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18de la Convention (suite)

Rapport initial, deuxième et troisième rapports périodiques groupés de la Gambie (suite)

La séance est ouverte à 15 heures.

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial, deuxième et troisième rapports périodiques groupés de la Gambie (suite) (CEDAW/C/GMB/1-3; CEDAW/PSWG/2005/II/CRP. 1/Add. 4 et CRP.2/Add. 4)

À l’invitation de la Présidente, les représentants de la Gambie prennent place à la table du Comité.

Articles 7 et 8 (suite)

M. Taal (Gambie) dit que les membres nommés et élus à l’Assemblée nationale ont, les-uns comme les autres, le droit de vote. Il partage entièrement le point de vue selon lequel le Coran ne fait nullement obstacle à la participation des femmes à la vie publique et selon lequel il est inacceptable de les empêcher de le faire au nom de l’Islam.

Articles 9 et 10

M me Arocha Dominguez dit qu’il n’y a toujours pas beaucoup de filles dans le secondaire en Gambie et leur nombre n’augmente guère. A-t-on envisagé de prendre différentes mesures pour promouvoir une plus grande alphabétisation des filles, éventuellement par une action éducative menée hors des structures scolaires à l’intention du groupe cible? Le pays compte une si forte proportion de jeunes que le Gouvernement devrait peut-être songer à d’autres manières de traiter le problème de l’instruction des femmes pour les sortir de l’analphabétisme et les inciter à poursuivre leurs études.

M me Saiga demande un complément d’informations concernant les mesures mises en place dans le cadre de l’Initiative pour une école soucieuse du bien-être des filles. Elle voudrait aussi savoir ce que donne la politique nationale pour l’amélioration de l’instruction des Gambiennes : quelles mesures ont été mises en place et quels progrès ont été réalisés? L’instruction obligatoire est-elle gratuite?

M me Pimentel estime que le Gouvernement gambien ne prête pas une attention suffisante à la violence domestique contre les femmes. Que fait-il à cet égard et dans quelle mesure suit-il la recommandation générale no 19 du Comité? Utilise-t-on le système éducatif pour susciter une plus grande prise de conscience de ce problème?

M. Taal (Gambie) dit que son pays fait partie des 10 premiers pays d’Afrique pour la réalisation de l’objectif de développement du Millénaire relatif à l’instruction des femmes. Il existe pour elles des bourses spéciales au niveau secondaire et dans le supérieur. Dans les zones rurales, on offre aux femmes la possibilité d’apprendre à lire, écrire et compter.

M me Dacosta (Gambie) dit qu’un certain nombre d’organismes publics et d’ONG organisent des programmes d’alphabétisation principalement destinés aux femmes. Dans deux projets de l’État, 80 % des participants sont des femmes. Les programmes sont conduits dans les cinq principales langues du pays et organisés sur l’ensemble du territoire pour le groupe d’âge des 15 à 35 ans, avec parfois participation de femmes qui peuvent avoir jusqu’à 50 ans. Ces programmes d’alphabétisation sont des programmes fonctionnels au sens où on y apprend aussi à compter et à savoir exercer des activités génératrices de revenus. L’Initiative pour une école soucieuse du bien-être des filles est un programme entrepris par le Ministère de l’éducation nationale en association avec le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et le Chapitre gambien du Forum pour les enseignantes d’Afrique (Fawegam). Il s’agit de trouver, surtout en milieu rural, des communautés auxquelles on donne la possibilité de subvenir aux frais de scolarité et au coût des uniformes scolaires tout en organisant parallèlement des cours d’alphabétisation, ou « clubs de mères », que suivent les mères dont les enfants fréquentent les écoles soucieuses du bien-être des filles.

M me Singhateh (Gambie) dit qu’il n’y a pas, en Gambie, de dispositions législatives portant répression de la violence domestique contre les femmes. Malheureusement, la plupart des cas ne sont pas signalés, mais, quant ils le sont, le Code pénal prévoit des peines qui varient selon le degré de gravité de l’acte. Le Bureau de la condition de la femme et les organismes qui lui sont associés prennent des mesures pour sensibiliser les gens au problème de la violence domestique et à ses causes et fait des suggestions concernant la manière de traiter la question. Il n’en est pas encore fait état dans les programmes scolaires.

M me Fye-Hydara (Gambie) dit qu’une étude nationale est en cours sur la problématique des sexes et la démarginalisation de la femme et les résultats de cette étude donneront une idée du degré d’application de la politique nationale pour la promotion des Gambiennes dans tous les secteurs.

Article 11

M me Patten dit que le rapport ne contient guère d’informations concernant l’application des dispositions de l’article 11. Il ne suffit pas de dire que la législation n’a rien de discriminatoire; encore faut-il qu’il en aille de même dans la pratique. Existe-t-il une discrimination indirecte? Que font les lois de la Gambie pour protéger toutes les femmes qui travaillent? Qu’y trouve-t-on concernant la santé et la sécurité, l’égalité de salaire et le harcèlement sexuel au travail? Y a-t-il une loi relative à l’égalité des chances? Y a-t-il un dispositif quelconque visant à en assurer le respect? Que fait-on pour assurer l’application de la législation du travail, en particulier dans le secteur privé? Pourrait-on avoir des précisions concernant l’application des dispositions du deuxième paragraphe de l’article 11? Quels recours existe-t-il en cas de non-application? Quels efforts les pouvoirs publics font-ils pour rendre les femmes conscientes de l’existence d’une législation et de normes en matière de travail? L’institution d’un système d’assistance judiciaire n’est pas, apparemment, jugée prioritaire, mais le prochain rapport pourrait-il informer sur le nombre d’affaires portées par les femmes devant les tribunaux du travail ainsi que des plaintes dont elles ont saisi l’inspection du travail? On aimerait aussi connaître la fréquence des affaires de harcèlement sexuel au travail ainsi que le nombre de plaintes qui ont été déposées. En ce qui concerne le faible pourcentage de femmes dans le secteur public – 21 % – et leur absence à peu près totale dans les échelons supérieurs de la hiérarchie, envisage-t-on de recourir à l’application de mesures temporaires spéciales? Quelle est la composition de la Commission de la fonction publique? La Gambie a-t-elle des programmes spéciaux pour les femmes atteintes d’invalidités et autres catégories de femmes fragilisées? Le Gouvernement de la Gambie est-il sérieusement résolu à revoir ses politiques de l’emploi afin d’en éliminer ce qu’elles ont d’incidences négatives pour les femmes?

M me Coker-Appiah engage vivement le Gouvernement à prendre des mesures pour faire en sorte que le prochain rapport renseigne, chiffres à l’appui, sur la présence des femmes dans le secteur informel, car elles y jouent manifestement un rôle important qui mérite d’être pris plus au sérieux par les autorités que ce n’est le cas.

M. Taal (Gambie) dit qu’il y a manque général de données sur le secteur informel et sur la part qu’il a dans l’économie du pays; la Direction centrale de la statistique s’emploie à en recueillir et, une fois traitées, il en sera fait état dans le prochain rapport. On manque aussi de données sur l’emploi, mais le fait est que le secteur structuré et le secteur public ignorent la discrimination : les demandeurs d’emploi sont traités sur un pied d’égalité. La Gambie vient loin devant le monde développé pour le congé de maternité; il y a des années que les femmes enceintes bénéficient d’un congé de maternité de trois mois. Le harcèlement sexuel au travail est un phénomène proprement occidental, de sorte que la Gambie, qui l’ignore, n’a pas eu à légiférer en la matière. Il n’y a pas beaucoup d’équipements pour invalides en Gambie, mais on s’efforce de leur faciliter la vie. Le secteur public a toujours pratiqué l’égalité de salaire et il y a en Gambie, par rapport à d’autres pays d’Afrique, un grand nombre de femmes qui exercent de hautes responsabilités gouvernementales et qui occupent des postes haut placés dans la fonction publique.

M me Singhateh (Gambie) dit que la législation du travail ne contient pas de dispositions discriminatoires, mais qu’elle est très vieille et qu’elle a besoin d’être revue, ajoutant qu’il y a un tribunal du travail qui, tout comme la législation du travail, est neutre quant au sexe des justiciables. Il n’y a pas, à sa connaissance, de disposition législative relative au harcèlement sexuel au travail, mais il y en a une concernant la répression des actes de violence commis à l’intérieur et autour des écoles. La Commission de la fonction publique, qui nomme les employés de l’État, est formée de cinq membres – trois hommes et deux femmes. Il ne fait pas de doute que la Gambie a besoin de revoir sa législation du travail et de l’emploi.

Article 12

M me Dairiam dit que le Gouvernement a certes pris de bonnes initiatives pour rendre les services de santé publique plus accessibles aux femmes, mais on aimerait en savoir davantage sur les résultats des divers programmes et services mis en place. Ont-ils atteint leurs objectifs? Comment en assure-t-on le suivi? Les catégories de femmes les plus fragilisées y ont-elles accès? Ce sont, semble-t-il, les zones urbaines plutôt que rurales qui absorbent la majeure partie du personnel de santé, outre qu’il y aurait des disparités entre divisions administratives et classes sociales. Il y a un plus gros effort à faire pour veiller à ce que les naissances soient assistées par un personnel qualifié afin de réduire la très forte mortalité infantile de même que maternelle. On s’efforce, il est vrai, de mettre en place des services de planification familiale, mais la pratique de la contraception demeure très faible. Est-il exact que les femmes de moins de 21 ans sont interdites de contraceptifs et les femmes doivent-elles obtenir la permission de leur mari pour s’adresser aux services de planification familiale? Mme Dairiam voudrait être renseignée sur les avortements à risque et savoir s’il est possible de les chiffrer. De même, elle voudrait des précisions concernant les taux élevés de VIH/sida et d’infections relatives aux maladies sexuellement transmissibles et savoir s’il est exact que les causes de la propagation de ces infections sont la polygamie, la promiscuité et la faible utilisation des contraceptifs. Ce sont là des domaines qui appellent une plus grande attention. Des efforts louables ont été faits, mais les résultats laissent encore beaucoup à désirer par suite d’un ensemble conjugué de facteurs – culturels, traditionnels et religieux.

M me Gabr dit que les inégalités sociales sont préjudiciables à la santé des femmes et qu’il faut que le Gouvernement prenne des mesures pour trouver remède à un certain nombre de problèmes, comme la malnutrition des filles, la nécessité de donner un plus haut degré de priorité à la lutte contre le sida et contre la pneumonie dans les effets qu’elle a sur les femmes enceintes ainsi qu’au remplacement du secteur privé comme principal fournisseur de contraceptifs.

Elle demande quels efforts font les pouvoirs publics pour sensibiliser la population aux questions de santé publique et elle voudrait savoir quel rôle jouent à cet égard les médias, la religion et les chefs de tribus. Le Gouvernement ne peut pas y pourvoir tout seul. Pas plus qu’il ne faut pour cela s’en remettre à la charia ni aux traditions populaires.

M me Khan note que, sur le plan démographique, la Gambie souffre de tous les désavantages d’être un des pays les moins avancés. Ses statistiques sur la santé des femmes font apparaître l’existence de taux très élevés d’accroissement démographique et de fécondité et une faible espérance de vie. Elle demande, à cet égard, si la politique nationale de santé est ciblée et si les objectifs qu’elle vise sont assortis d’un calendrier. D’après le rapport, le taux de mortalité maternelle a atteint 16 % en milieu rural et il continue à monter.

Mme Khan dit que son pays, le Bangladesh, a connu, dans le passé, un taux très élevé d’accroissement démographique, mais qu’il est parvenu à inverser cette tendance. Le Bangladesh a suivi l’exemple de l’Indonésie, choisissant, comme elle, un système de planification familiale et de conseils en matière de procréation conforme aux enseignements de la mosquée, système qui prévoit aussi la formation des chefs religieux. En tant que pays musulman, la Gambie pourrait, elle aussi, s’inspirer de ce modèle.

M. Taal (Gambie) dit que son Gouvernement est résolu à veiller sur la santé de tous, et en particulier des femmes. Si les statistiques actuelles du pays laissent à désirer, il n’en demeure pas moins qu’au milieu des années 70 le pays faisait figure de pionnier en matière de planification familiale, adoptant à cet égard une démarche d’intervention par l’intermédiaire d’agents de santé des villages. Le Directeur régional du Bureau de l’Organisation mondiale de la santé pour l’Afrique a appliqué ce modèle dans d’autres parties de l’Afrique.

Le Gouvernement gambien a lancé un fonds global pour la santé qui comprend la mise en route de programmes de lutte contre la pneumonie et le paludisme qui touchent les femmes enceintes ainsi que d’un programme rural d’alimentation. Cependant, malgré la volonté affichée par le Gouvernement d’atteindre l’objectif visé, l’ensemble de la population ne reçoit pas le minimum quotidien de ration calorique.

La Gambie applique actuellement un programme d’ajustement structurel dont les dispositions la mettent dans l’impossibilité d’obtenir de quoi financer le système de soins de santé dont le pays a un besoin pressant.

M me Dacosta (Gambie) dit que son Gouvernement a mis en route un programme de sensibilisation dans le but de réduire la mortalité infantile et maternelle, de promouvoir l’utilisation de contraceptifs au moyen d’un programme de distribution à caractère social et de s’attaquer au VIH/sida, au paludisme et à la pneumonie dans le cadre d’une campagne menée en association avec des groupements de femmes. Le Gouvernement a aussi un plan stratégique pour réduire les taux élevés de fécondité et d’accroissement démographique et on espère qu’il sera en mesure, pour la prochaine session, de faire état d’une tendance positive.

M me Sanneh (Gambie) dit que la situation des centres publics de soins de santé s’est améliorée et que les femmes font partie des bénéficiaires. Toutefois, en raison du peu d’instruction des femmes des zones rurales, il y a pénurie de personnel féminin de vulgarisation dans le domaine médical. Pour tenter d’y remédier, on essaie de lier la fourniture des services médicaux au système de la vulgarisation agricole et communautaire dont on forme le personnel à la fourniture des services de soins médicaux de base.

Priorité est donnée à la lutte contre le paludisme, dont l’effet est dévastateur et qui représente un problème bien plus pressant que le VIH/sida en Gambie, ainsi qu’à la sensibilisation de la population à la prévention du paludisme. On cherche aussi à convaincre les femmes de la nécessité d’envoyer leurs enfants à l’école de façon à ce que le personnel infirmier finisse un jour par se féminiser.

M me Dacosta (Gambie) dit que, pour réduire la forte croissance de la population et améliorer les statistiques socioéconomiques des femmes, le Gouvernement a créé un programme de population, un comité de l’Islam et des groupes divisionnaires d’étude de la population.

Article 13

M me Gabr demande comment le Gouvernement conçoit le rôle des femmes dans les domaines économique, social et culturel. Le chef de la délégation a fait état de ses efforts pour faire baisser les taux d’intérêt des prêts consentis aux femmes, question hautement prioritaire pour les femmes du Tiers monde, car cela donne ainsi aux femmes des zones rurales la possibilité de monter des microentreprises. On espère que les prochains rapports contiendront des statistiques sur le nombre de femmes employées dans les secteurs structurés, tant public que privé. Le Gouvernement pourrait ainsi évaluer le rôle des femmes dans l’économie et prévoir de nouvelles mesures pour leur avancement.

En ce qui concerne la législation gambienne du travail, un récent rapport de l’Organisation internationale du travail (OIT) notait l’existence d’un large écart entre ce qui y est dit et la rémunération effective du travail des hommes et des femmes. Il appartient au Gouvernement d’examiner de près cet apparent manque d’équité. Il devrait également agir de manière à aider les femmes à jouer un rôle dans le domaine de la culture, des médias et du sport, ce qui leur donnerait davantage de visibilité et permettrait au Gouvernement de faire valoir que les femmes ont un important rôle national à jouer.

M. Taal (Gambie) portera toute l’attention nécessaire aux questions qui ont été soulevées.

M me Singhateh (Gambie) dit, eu égard au fait que la législation gambienne du travail a besoin d’être mise à jour, que le Gouvernement s’y emploie actuellement avec le concours de l’OIT, faisant ainsi un pas dans la bonne direction, et elle espère pouvoir, à la prochaine session, faire état de progrès dans ce sens.

Article 14

M me Tan, se referant à la réponse de la Gambie à propos de l’article 14 (CEDAW/PSWG/2005/II/CRP.2/Add.4, par. 28), disant qu’il n’y a pas encore de politique de développement rural où l’accent serait mis sur les femmes, demande pourquoi il en est ainsi compte tenu du fait qu’en milieu rural ce sont les femmes qui font le plus pour le bien-être physique de leur famille et pour la vie économique du pays. Il est grand temps que le Gouvernement mette en place une politique globale de développement pour les femmes rurales qui permette à celles qui cultivent un lopin de terre d’en devenir propriétaires, de bénéficier d’une aide et de crédits de sources publiques et privées à faible taux d’intérêt et de recevoir une formation de type formel et informel qui fasse d’elles des femmes prospères cultivant une terre qui leur appartient. Le Gouvernement devrait travailler avec le Conseil national des femmes et toutes les organisations gouvernementales et non gouvernementales de femmes à l’incorporation des dispositions de l’article 14 de la Convention dans sa politique de développement rural et le plan d’action qui lui correspond. Les chefs religieux ne devraient pas empêcher les femmes d’exercer leur droit à la terre et de se prévaloir des autres droits que leur reconnaît la Convention.

M me Zou Xiaoqiao dit qu’on ne peut pas, du fait que le rapport ne contient pas de statistiques sur les femmes rurales, savoir si le Gouvernement leur assure l’accès à la santé et à l’instruction et si la politique d’égalité des chances pour tous est appliquée, ajoutant que, faute de statistiques aussi, le Comité n’est pas en mesure de dire si le Gouvernement applique les dispositions de la Convention; d’où la nécessité d’en inclure dans le prochain rapport.

Elle demande quels sont les principaux obstacles auxquels doivent faire face les femmes et les filles aujourd’hui et quelles mesures on envisage de prendre pour améliorer la situation. Elle note que la plupart des Gambiens vivent en milieu rural et elle demande si le Plan décennal de la Gambie (1999-2009) comporte des objectifs stratégiques pour l’amélioration de la condition de la femme rurale. Comme la délégation a déclaré lors de la précédente séance qu’aucune politique nationale n’est en place, elle demande si le Gouvernement peut se porter garant de la crédibilité du plan décennal et si ce plan est appliqué actuellement ou s’il est encore à l’état de projet.

M me Schöpp-Schilling se dit, elle aussi, déçue par ce qui est dit dans le rapport concernant les femmes rurales ainsi que par les réponses de la délégation sur la question. Elle demande si l’intérêt des femmes rurales est pris en compte dans la volonté gouvernementale de réforme et d’action. En ce qui concerne le processus de décentralisation, par le fait duquel les autorités locales sont chargées de faire reculer la pauvreté au niveau de la collectivité, et donc des femmes rurales, elle demande quel système est en place pour garantir à celles-ci le bénéfice des mesures de réduction de la pauvreté. Elle voudrait, à cet égard, savoir quelle est la source de financement pour ces programmes et si l’Administration centrale aidera les administrations locales à coopérer avec les agences d’aide internationale.

En ce qui concerne le projet de loi de 2005 relatif aux enfants, pourrait-on remettre au Comité une liste des néfastes pratiques traditionnelles dont il y est fait état?

M me Patten se dit, elle aussi, déçue de ne pas trouver dans le rapport ni dans les réponses de la délégation l’information attendue. Notant qu’il est dit dans le rapport que priorité est donnée aux collectivités rurales en matière de développement et que des organismes nationaux travaillent à faire reculer la pauvreté, elle voudrait savoir quelles mesures sont prises pour alléger le sort des femmes rurales, de quel ministère relèvent les collectivités rurales, quelles allocations budgétaires sont prévues pour celles-ci et dans quelle mesure les femmes rurales ont priorité. Le prochain rapport devrait donner des précisions sur les agences internationales mentionnées et des statistiques concernant les éventuelles augmentations budgétaires.

À propos des microcrédits consentis aux femmes pour promouvoir leur emploi, Mme Patten demande si une infrastructure est en place pour assurer un égal accès aux marchés aux hommes et aux femmes qui sont chefs d’entreprise et s’il est tenu compte des besoins prioritaires des femmes rurales dans les programmes d’investissements publics en matière, par exemple, d’eau, d’électricité et de transport.

M. Taal (Gambie) dit que son gouvernement ne considère pas avec complaisance le bilan de son action : il sait qu’il lui faut faire davantage pour les femmes des zones rurales et pour satisfaire aux obligations que lui fait l’article 14 de la Convention. La Gambie est un pays essentiellement agricole et son économie repose sur le travail des femmes; des efforts sont faits en vue d’élever le niveau de ce travail pour en faire, non plus un travail d’agriculture de simple subsistance, mais un travail d’agriculture plus orienté vers le commerce. On a, dans les années 70, bombardé le pays de projets de développement rural qui, financés par des bailleurs de fonds étrangers, ne se sont pas révélés durables. Le Gouvernement a appris à faire des choix plus judicieux et à opter pour des programmes qu’il est capable de mener à bien à l’aide de ses propres ressources. Il y a actuellement pléthore de politiques sectorielles qui ne sont pas bien coordonnées et le Gouvernement travaille, en vue de les harmoniser, à l’élaboration d’une politique globale de développement rural. Le processus de développement décentralisé mentionné précédemment bénéficie d’un financement du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et prévoit une planification à partir du niveau de l’arrondissement. Les autorités locales ont leurs propres sources de financement du fait qu’elles ont le pouvoir de lever impôts et taxes et elles sont également chargées du développement. Cela dit, M. Taal peut donner au Comité l’assurance que les problèmes des femmes rurales seront également portés à l’attention des plus hautes instances administratives.

M me Fye-Hydara (Gambie) dit qu’il est vrai que le Gouvernement gambien n’a pas de politique globale de développement rural. Toutefois, les nombreux projets de développement en place concernent les zones rurales parce que la majorité de la population vit dans ces zones et parce que des études ont montré que c’est là que la nécessité d’une intervention se fait le plus sentir. Un de ces projets est un projet de financement rural : les villages créent des banques d’épargne qui consentent des prêts pour financer des activités locales de développement. Il existe des coopératives d’épargne et de crédit qui prêtent aux femmes. Il y a des projets d’infrastructure rurale conçus pour faire gagner du temps aux femmes, comme ceux qui consistent à remplacer le puisage de l’eau à la main par l’installation de pompes. En matière d’infrastructure pour l’écoulement des produits de l’agriculture, il reste des problèmes de stockage à résoudre.

Presque tous les projets parrainés par des institutions internationales et régionales, comme l’UNICEF, le PNUD et la Banque africaine de développement, ont pour bénéficiaires les zones rurales. Le Commonwealth contribue aussi à la création de coopératives de femmes. L’application du prochain grand programme de développement que prépare le Gouvernement se fera au niveau divisionnaire et les projets répondront à la demande des collectivités. En sa qualité de Directrice générale du Département de la condition féminine et du Bureau de la femme, Mme Fye-Hydara intervient dans l’évaluation sociale du programme pour s’assurer qu’il est tenu compte des problèmes des femmes rurales. Comme, par ailleurs, la Gambie fait également, de par sa déclaration de stratégie de réduction de la pauvreté, l’objet d’un examen de la politique des transports de l’Afrique subsaharienne, son rôle, dans cet examen, est de veiller à ce qu’il soit tenu compte des besoins des femmes rurales en matière d’accès à la santé et à l’instruction ainsi qu’aux marchés pour l’écoulement de leurs produits. Le projet de tourisme « La Gambie, c’est bon », que patronne le Département du développement international du Royaume-Uni, vise à aider les producteurs locaux à écouler leurs produits; les femmes rurales s’organisent pour produire des denrées horticoles de grande qualité que d’autres femmes vont vendre dans la région de la capitale et, dans certains cas, à des hôtels pour gagner davantage. Si le projet marche bien, l’idée est d’amener les participantes à s’associer en entreprise et d’envisager l’exportation.

Le Gouvernement a un programme d’aide aux femmes chefs d’entreprise dans le cadre duquel se met actuellement en place un projet doté d’un montant de 3 millions de dollars destiné à la création d’un marché central pour articles de mode et d’artisanat ainsi que pour denrées de haute qualité. Dans son prochain rapport, le Gouvernement gambien pourra montrer dans quelle mesure les femmes rurales en auront bénéficié. Le développement communautaire est considéré comme très important pour les femmes et Mme Fye-Hydara s’est déjà entretenue avec d’autres membres du Conseil national des femmes afin de voir comment réunir les ministères appropriés pour définir une stratégie globale de développement rural qui tienne compte de la problématique des sexes.

M me Singhateh (Gambie) dit que le Comité a posé des questions sur la liste des néfastes pratiques traditionnelles qui figurait d’abord dans le projet de loi de 2005 relatif aux enfants et qui en a été ensuite retirée. Si cette décision a été prise, c’est dans la crainte qu’une énumération de ces pratiques omette d’en mentionner une dont on pourrait penser dès lors qu’elle n’a rien de répréhensible. La liste mentionnait notamment la mutilation génitale féminine; on pourrait en communiquer la liste au Comité si celui-ci le souhaite.

Articles 15 et 16

M me Šimonović note que, bien que la Constitution dispose que le mariage exige le libre et plein consentement des parties, même ce droit n’est pas toujours respecté dans les quatre formes de mariage prévues par la loi et que la protection que l’État assure aux femmes contre la discrimination s’arrête à leur porte. La charia et le droit coutumier ne reconnaissent pas aux femmes les mêmes droits qu’aux hommes en matière de divorce ou de succession. Toutes les formes de mariage doivent être conformes aux dispositions de la Constitution et de la Convention. Mme Šimonović voudrait avoir des précisions sur la situation juridique correspondant aux différentes formes de mariage et elle voudrait savoir ce que le Gouvernement envisage de faire pour assurer aux femmes des droits égaux à ceux des hommes au sein de la famille.

M me Tan dit qu’il y a manifestement beaucoup à faire pour se conformer aux dispositions de l’article 16 de la Convention, à commencer par la fixation d’un age légal au mariage. Plus de 90 % des femmes relèvent soit de la charia soit du droit coutumier, lesquels autorisent la polygamie. Le rapport dit que la polygamie est un sujet sensible, mais on aimerait savoir quelles mesures le Gouvernement est disposé à prendre pour se conformer aux dispositions de l’article 16. En ce qui concerne les néfastes pratiques traditionnelles, le mieux serait, afin d’éviter toute ambiguïté quant aux pratiques qui sont illégales, d’en donner une liste très précise dans un texte de loi dont on assurerait l’application.

M me Simms dit que c’est au sujet de l’article 16 que la Gambie se sépare le plus de la Convention. Par exemple, le rapport dit que même en droit chrétien du mariage une épouse peut se trouver désavantagée du fait que son mari peut la déshériter complètement et que la loi ne lui assure aucune protection à cet égard. On peut, du fait de l’absence de disposition législative précise sur la question, penser qu’un homme a le droit de battre sa femme, pareil comportement de violence étant traité comme affaire de famille. Les dispositions générales relatives aux voies de fait n’y pourvoient pas; ce qu’il faut, ce n’est rien de moins qu’une loi portant répression de la violence domestique. Il y aura naturellement à compter avec le résistance des églises, mais il faut que le Gouvernement prenne les devants et qu’il fasse voter des textes prescrivant justice et égalité pour tous.

M me Bokpé-Gnacadja dit que, d’après le rapport, toutes les personnes sont égales devant la loi, que les femmes sont libres de conclure des contrats, d’administrer leurs propres biens, de voyager et de choisir leur domicile et que les désavantages auxquels les femmes sont exposées ne sont que le résultat de croyances et de mentalités véhiculées par la société, ce contre quoi elle s’inscrit en faux. En effet, les diverses formes du droit en vigueur en Gambie dénient aux femmes l’égalité de droits en matière de mariage, de divorce et de succession : par exemple, en droit islamique, le témoignage d’un homme vaut celui de deux femmes devant le tribunal du cadi, et, en droit coutumier, une veuve peut être considérée comme faisant partie de la succession de son mari. La discrimination n’a pas ses racines uniquement dans des croyances et coutumes sociétales, mais dans les lois elles-mêmes, comme la loi musulmane relative au mariage et au divorce et la loi relative aux successions, qui établissent la primauté des lois religieuses. Le fait qu’il n’existe pas de loi prescrivant un âge minimum au mariage signifie qu’une mère, par exemple, ne peut pas saisir la justice d’une plainte contre le mariage forcé de sa fille encore enfant. Le rapport dit que le Gouvernement fera prendre conscience aux femmes du fait qu’elles sont les égales des hommes devant la loi, mais cela ne servira à rien étant donné que, dans la réalité, elles ne le sont pas. Et pourtant le rapport ne mentionne ne serait-ce qu’une seule initiative gouvernementale tendant à remédier à cette situation et à rendre les lois du pays conformes à sa propre Constitution.

M me Belmihoub-Zerdani aimerait savoir à quelle proportion de la population correspond chaque forme de mariage, si, toutes formes de mariage confondues, les mariages sont enregistrés, si l’un ou l’autre des conjoints peut demander le divorce et ce qu’est la pratique suivie par les différents systèmes religieux quant à l’attribution de la garde des enfants. Elle voudrait qu’on lui dise s’il est loisible à quiconque de se marier civilement quelle que soit sa religion et si toute femme, mariée sous quelque forme de mariage que ce soit, peut obtenir un passeport, quitter le pays sans le consentement de son mari et emmener ses enfants hors du pays sans le consentement du père.

M me Morvai dit que le rapport et les réponses aux questions semblent montrer que le Gouvernement n’a guère conscience de la gravité et de la dangerosité des problèmes que sont la violence domestique et le harcèlement sexuel dans toutes les cultures. Il faut qu’il fasse preuve de volontarisme, qu’il fasse analyser le problème et qu’il demande aux femmes et aux ONG de parler de leur expérience et de la conscience qu’elles en ont. Il s’agira ensuite d’étudier la Convention et les recommandations générales du Comité, en particulier les nos 12 et 19, afin de voir en quoi la législation et la pratique comportent des lacunes. La pénalisation de la violence ne représente qu’une partie de la solution. Il faut aussi protéger les victimes et organiser des campagnes de sensibilisation dans la magistrature, la police, l’enseignement et les médias.

M. Taal (Gambie) se dit déconcerté par l’image que semblent projeter de son pays, par leurs questions et leurs déclarations, certains membres du Comité. La violence du type évoqué n’est connue des Gambiens que par les films et les livres venus de l’étranger. La Gambie ne cherche nullement à se cacher derrière l’écran de valeurs culturelles liées aux traditions, mais il faut que les membres du Comité comprennent que la polygamie, par exemple, n’est pas nécessairement génératrice d’épouses malheureuses. Ces femmes ne sont pas des concubines ou des maîtresses, comme ce peut être le cas dans d’autres cultures; elles jouissent de la condition et des droits qui sont ceux d’une épouse. Tout citoyen a le droit de choisir sa forme de mariage, choix qui correspond généralement à sa religion. En ce qui concerne le divorce en droit musulman, les femmes ont, elles aussi, le droit de le demander; si leur mari refuse, elles peuvent porter l’affaire devant un tribunal musulman.

M me Singhateh (Gambie) dit qu’il existe en fait un âge minimum au mariage en ceci que les moins de 18 ans sont en droit des enfants et que les enfants ne peuvent pas se marier. De même, on ne peut forcer personne à se marier. Les règles applicables en matière de divorce et de succession dépendent du droit personnel correspondant au type de mariage que l’on a contracté, c’est-à-dire musulman, chrétien, civil ou coutumier. Ceux qui se sont mariés selon le droit musulman, par exemple, et qui représentent 90 % de tous les mariages, relèvent de la charia. Il n’y a pas de loi portant spécifiquement répression de la violence ou des sévices domestiques, mais les dispositions du code pénal contre la violence y pourvoient. En ce qui concerne l’application de toutes les dispositions de la Convention en droit gambien, Mme Singhateh indique qu’en vertu de la séparation des pouvoirs, les traités signés par l’exécutif doivent être incorporés dans le droit par le législatif, processus qui peut demander beaucoup de temps dans un pays en développement aux prises avec de nombreux problèmes. Pour ce qui est de la liberté de voyager, tous les adultes peuvent obtenir un passeport en leur nom propre, mais il n’en pas de même pour les enfants dans la mesure où le consentement des parents est normalement exigé.

M. Taal (Gambie) dit que la garde des enfants, en cas de divorce, est normalement fonction de l’age de l’enfant; celle des tout jeunes, par exemple, est généralement attribuée à la mère. La pratique qui consiste, comme c’est le cas dans certains pays musulmans, à obliger une veuve à épouser le frère ou un autre membre de la famille de son défunt mari est inconnue en Gambie.

La Présidente, prenant la parole en sa qualité d’expert, indique que la Gambie a signé la Convention sans émettre de réserves, ce qui l’oblige à appliquer pleinement tous les droits dont elle est dépositaire. Cela étant, elle engage vivement la Gambie à ratifier le Protocole facultatif et l’amendement à l’article 20 de la Convention. Le Comité veut voir tous les États adhérer pleinement à la Convention et elle prie le Gouvernement gambien de prendre l’initiative de convaincre le législatif de ratifier la Convention et d’en incorporer les dispositions dans le droit gambien. Elle note que certaines dispositions de la Constitution sont encore à revoir afin d’éliminer tout à fait la discrimination à l’encontre des femmes. Il faut des lois plus fortes pour réaliser l’égalité, sans quoi la participation des femmes à la vie du pays ne peut être qu’inégale. Il faut en particulier des lois contre le trafic des femmes, contre la violence à l’égard des femmes et contre le harcèlement sexuel dans le travail. On espère que le prochain rapport contiendra également des statistiques faisant état de progrès, par exemple, dans l’élimination des stéréotypes dans l’enseignement et les médias. Àcet égard, on demande instamment au Gouvernement d’étudier la recommandation générale no 25 du Comité concernant l’adoption de mesures temporaires spéciales pour renforcer la participation des femmes à la vie politique et à la prise des décisions. Il semble que le droit religieux joue un rôle déterminant dans la conduite de la vie des personnes en Gambie et les différentes règles sont génératrices d’une certaine discrimination à laquelle doit s’opposer le pouvoir civil. Comme la Gambie est en très grande partie agricole et rurale, il faut que le Gouvernement se dote d’une politique globale de développement rural, notamment pour améliorer la vie et renforcer les droits des femmes rurales.

La séance est levée à 17 h 30.