Trente-huitième session

Compte rendu analytique de la 789e séance

Tenue au Siège, à New York, le mardi 29 mai 2007, à 10 heures

Présidente :Mme Šimonović

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial et deuxième rapport périodique combinés du Niger

La séance est ouverte à 10 h 5.

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport initial et deuxième rapport périodique combinés du Niger (CEDAW/C/NER/1-2; CEDAW/C/NER/Q/2 et Add.1)

À l’invitation de la Présidente, les membres de la délégation du Niger prennent place à la table du Comité.

Mme Ousmane (Niger), présentant le rapport initial et le deuxième rapport périodique combinés pour le Niger (CEDAW/C/NER/1-2), précise que son Gouvernement attache une importance particulière aux questions concernant l’égalité entre les sexes, et qu’il continuera donc de soumettre régulièrement des rapports au Comité. Son pays participera également activement aux délibérations de la Commission de la condition de la femme, dont il est devenu membre lors de la dernière session. Le Niger, qui apporte son soutien total aux travaux du Comité, a, depuis l’élaboration de son rapport, ratifié le Protocole facultatif à la Convention.

Le Niger a pris un certain nombre de mesures en faveur des femmes, notamment en adoptant, en 1996, une politique nationale pour la promotion des femmes, qu’il considère comme une condition préalable à une mobilisation effective de la population pour le développement durable. Cette politique est axée sur le long terme et fondée sur cinq principes, à savoir le respect des droits des femmes en tant que citoyennes et parties prenantes à la construction nationale; non discrimination à l’égard des femmes; égalité entre les sexes; égalité des chances et protection maternelle et infantile; elle inclut des aspects sociaux, économiques, politiques, légaux et culturels et vise à atteindre un certain nombre d’objectifs concrets dans la vie quotidienne des femmes.

Depuis qu’il a ratifié la Convention en 1999, le Gouvernement nigérien a établi un certain nombre de mécanismes institutionnels, en particulier le Ministère de la promotion des femmes et de la protection des enfants, qui, en 2005, a remplacé le Ministère du développement social, de la population, de la promotion des femmes et de la protection des enfants; il bénéficie dans cette tâche de l’assistance fournie par les instituts chargés de surveiller la promotion des femmes aux niveaux national, régional et sous-régional. En 2000, l’État partie a adopté une loi prévoyant pour les femmes un quota de 10 % des fonctions découlant d’élections et de 25 % des postes dans le Gouvernement et dans l’administration publique. Il s’en est suivi une augmentation sensible de la représentation des femmes dans la vie publique et politique.

Plusieurs projets et programmes ont été lancés en vue d’améliorer les conditions socioéconomiques, notamment pour les femmes; sur les 63 % de la population vivant en dessous de la ligne de pauvreté, 73 % sont des femmes. Un programme spécial, parrainé par le Président de la République, assure aux femmes un soutien pour entreprendre des activités génératrices de revenus, notamment dans les zones rurales, ainsi que pour les campagnes d’emprunts et de microcrédits. De même, des mesures ont été prises pour favoriser l’éducation et la formation des filles, qui se sont traduites par une augmentation sensible du taux d’inscription de ces dernières. Un autre domaine ayant bénéficié d’une attention particulière est la santé. En conséquence et malgré les difficultés économiques que doit affronter le pays, de nombreuses personnes ont été formées aux soins de santé dans la communauté, des services sanitaires ont été créés et une grande campagne préventive a été lancée contre la malaria et le VIH/sida. Les soins de santé destinés aux femmes et aux enfants constituent la pierre angulaire de la politique sanitaire nationale du Niger. En outre, une nouvelle législation a été introduite, ou celle qui existe modifiée, pour faire de la violence contre les femmes, sous toutes ses formes, un délit passible de sanctions.

Une politique nationale d’égalité entre les sexes, visant à réduire les inégalités et les iniquités dans chaque secteur, est pratiquement au point. Grâce à l’aide très appréciée fournie par ses partenaires, le Gouvernement nigérien continuera de respecter ses engagements en ce qui concerne l’amélioration de la situation des femmes pour elles-mêmes et comme moyen pour combattre plus efficacement la pauvreté et pour réussir le développement socio-économique.

Articles 1 et 2

Mme Schöpp-Schilling pense que les réserves faites, au moment de la ratification par l’État partie, trouvent peut-être leur origine dans une mauvaise interprétation de ses obligations au titre de la Convention car, s’il était tenu de prendre des mesures dans l’immédiat, il ne l’était pas d’obtenir des résultats dans le même temps. De plus, étant donné que la Convention énumère simplement les principes de la non discrimination déjà contenus dans les deux Pactes internationaux sur les droits de l’homme, une contradiction existe entre la ratification sans réserves de ces deux instruments par l’État partie et ses réserves en ce qui concerne la Convention. Une campagne de sensibilisation doit être entreprise dans tous les secteurs de la société, de façon à permettre au Niger de retirer ses réserves.

M. Flinterman se félicite des mesures déjà prises à cette fin, étant donné notamment qu’il ne voit pas la nécessité de telles réserves. De même, il se réjouit de la ratification par le Niger du Protocole facultatif, tout en soulignant l’importance de garantir la justice au niveau interne. Compte tenu de l’ignorance de la population quant à ses droits, en raison du taux élevé d’analphabétisme mentionné dans les réponses (CEDAW/C/NER/Q/2/Add.1), l’intervenant se demande à ce sujet ce que le Gouvernement compte faire pour informer les personnes concernées.

Mme Shin attire l’attention de l’État partie sur l’article 28 de la Convention, qui stipule que les réserves ne peuvent pas être incompatibles avec son objectif et ses intentions. Elle souhaiterait savoir la somme d’efforts que le Gouvernement consacre à communiquer, à la population, la Convention et le Protocole facultatif, notamment la déclaration concernant ses réserves sur l’article 16 dont certaines dispositions sont contraires aux coutumes et pratiques, lesquelles, du fait de leur nature, ne pourront être modifiées qu’avec le temps et l’évolution de la société. Ces changements dépendent toutefois de la volonté politique et de l’engagement du Gouvernement à l’égard des objectifs poursuivis. Le Comité souhaite savoir ce que le Gouvernement a entrepris depuis la ratification pour promouvoir et provoquer cette évolution de la société.

Mme Begum veut connaître le calendrier fixé pour l’adoption du code de la famille, dont l’élaboration, selon les réponses du Gouvernement, n’est pas achevée en raison d’obstacles socioculturels.

Mme Gaspard, de même, se demande si un calendrier est fixé pour le retrait des réserves par l’État partie. Il serait utile de savoir si les limites à la portée du Code civil Napoléon de 1804, mentionnées dans le rapport périodique (para. 1.2.1), ont été inspirées par des pratiques discriminatoires fixées par le droit coutumier.

La Présidente, intervenant en tant que membre du Comité, demande quand l’État partie sera en mesure de ratifier le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, relatif aux droits de la femme en Afrique. Des informations seraient également bienvenues sur tous les obstacles à l’application, par l’État partie, des dispositions de la Convention en raison des réserves concernant l’article 2 et en particulier le paragraphe f).

Mme Abdourhaman (Niger) confirme que les réserves ont été introduites en raison des contraintes socioculturelles à une époque où la préoccupation dominante était d’écarter toutes les tensions politiques. Des campagnes d’information sont déjà en cours pour promouvoir les changements nécessaires dans les attitudes, en particulier grâce à la publication et à la diffusion de brochures sur la loi des quotas et sur les arguments islamiques en faveur de l’équité entre les sexes. Les contradictions remarquées existent, mais elles étaient nécessaires et elles finiront par disparaître.

M. Adama (Niger) rappelle que les coutumes font partie du droit national de l’ensemble de la population et que, depuis la période coloniale, la nécessité s’est imposée de les conserver. Le législateur n’a pas estimé souhaitable à l’époque d’introduire des changements brutaux dans les lois coutumières, à condition qu’elles ne soient pas en conflit avec les exigences de l’ordre public ou avec n’importe lequel des instruments internationaux ratifiés par l’État. Toutefois, les parties à un différend peuvent choisir de ne pas se référer à la coutume, auquel cas la responsabilité primaire pour son application est du ressort du juge. Le droit coutumier évoluera en même temps que la société qui est, elle-même, liée à l’évolution du monde.

Le Code civil Napoléon est décrit dans le rapport comme n’étant appliqué que partiellement, en ce sens que les parties à un différend peuvent choisir de voir certaines dispositions du Code s’appliquer ou non. En ce qui concerne la place de la Convention dans la législation du Niger, M. Adama constate que la Convention est directement applicable, l’emporte sur les autres lois et a la même valeur que la Constitution. Répondant à une question sur les procédures de recours, il signale que la plupart des affaires portant sur une forme quelconque de correctif, découlent d’une décision administrative contre laquelle il a été fait appel et les recours sont prévus dans le cadre du système administratif légal, même si le Code pénal ne traite pas spécifiquement de la discrimination à l’égard des femmes, le harcèlement sexuel, par exemple, est spécifiquement cité comme délit criminel.

Article 3

Mme Chutikul, constatant la succession des politiques et des stratégies nationales adoptées depuis 1996, demande ce qu’il y a de neuf dans la politique nationale d’égalité entre les sexes, adoptée en 2007, et quel est l’organisme chargé de son application, de sa coordination et de son évaluation. Elle demande des renseignements supplémentaires sur les liens existant entre l’Observatoire national pour la promotion de la femme et le Ministère pour la promotion des femmes et la protection des enfants, ainsi que sur les instruments de surveillance et les indicateurs qui ont été instaurés pour mesurer les progrès réalisés dans la promotion des femmes.

Mme Gaspard demande ce qui a été fait pour faire participer les médias à la campagne de promotion de la femme et quelle est la situation en ce qui concerne l’adoption du Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, relatif aux droits de la femme en Afrique. Elle demande instamment au Ministère de faire appel aux médias pour lancer des campagnes visant à lutter contre l’analphabétisme et à promouvoir la scolarisation des filles.

Mme Neubauer demande d’autres informations sur les ressources humaines affectées à la mise en œuvre de la politique nationale d’égalité entre les sexes et sur les structures spécifiques de coordination établies entre le Ministère, l’Observatoire national et les centres de coordination. Elle demande également ce qui a été fait pour évaluer les réussites et les échecs des politiques et stratégies antérieures, de façon à ce que la nouvelle politique puisse être plus efficace.

Mme Gabr demande comment le Ministère, travaillant de concert avec les autres organismes du Gouvernement, la société civile et les organisations non gouvernementales, coordonne les attributions et évite la duplication des efforts dans le domaine de la promotion des femmes. Elle veut également savoir comment la nouvelle législation a été élaborée et le rapport établi.

Mme Schöpp-Schilling demande si les décisions judiciaires dans les cas de discrimination sont publiées. Elle souhaite également avoir plus de renseignements sur les mécanismes de suivi, la collecte des données et les indicateurs utilisés par l’Observatoire national pour la promotion de la femme, et par ses filiales. Constatant que des négociations commerciales dans le domaine agricole sont en cours entre l’Union européenne et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest, dont le Niger est membre, lesquelles pourraient entraîner des politiques macroéconomiques susceptibles d’avoir des effets négatifs pour les femmes des zones rurales, elle demande si le Gouvernement a étudié les conséquences pour les femmes et l’incidence de telles politiques sur la sécurité alimentaire. Il est important de veiller à ce que les questions des droits de l’homme soient présentes dans ces négociations.

Mme Abdourhaman (Niger) répond que depuis l’adoption de la politique nationale pour la promotion des femmes en 1996, des plates-formes et des stratégies nouvelles ont été adoptées aux niveaux international et régional, lesquelles obligent le Gouvernement à élaborer d’autres politiques et des plans au niveau interne, y compris la récente stratégie nationale pour l’application de la Convention et la politique nationale d’égalité entre les sexes, tous aspects qui contribuent à créer un environnement porteur pour les femmes. L’Observatoire national pour la promotion de la femme est un organisme assez ouvert qui fait intervenir des acteurs du Gouvernement et de la société civile, surveille la mise en œuvre du plan national d’action et communique au Gouvernement des suggestions sur les mesures nécessaires. Les filiales provinciales de l’Observatoire remplissent des fonctions similaires au niveau local mais, de même que l’Observatoire national, elles ne disposent que de personnel et de crédits insuffisants et sont tributaires des apports et des activités des organisations non gouvernementales.

Des consultations avec des organisations féminines sont en cours au sujet de la ratification du Protocole à la Charte africaine et l’intervenante espère que des mesures seront prises rapidement sans recours à des réserves. Les obstacles confrontant les femmes dans leur progression sont bien connus et sont constitués notamment par la pauvreté, le manque d’informations sur leurs droits et possibilités et leur manque de confiance en elles-mêmes. Le Ministère collabore avec l’Observatoire et les chefs coutumiers pour changer les mentalités et les attitudes, par exemple sur les mariages précoces. L’Observatoire s’intéresse également à la collecte de données et transmet ses informations au Ministère pour sa base de données.

Mme Maïguizou (Niger) dit que l’analphabétisme est un problème d’importance majeure pour le pays, mais que la scolarisation des filles s’est intensifiée grâce en partie aux efforts des organisations non gouvernementales. La formation des enseignantes joue également un rôle important de modèle pour les jeunes filles. Au nombre des autres stimulants figurent la fourniture de bicyclettes pour les filles poursuivant leur scolarisation.

Mme Moussa (Niger) souligne l’importance de plusieurs des piliers de la politique nationale pour la promotion des femmes et en particulier l’égalité d’accès aux services sociaux, la planification de la famille, les campagnes menées pour lutter contre la violence à l’égard des femmes et le renforcement de la protection sociale.

M. Adama (Niger) précise que les procès sont publics et que le Code pénal autorise la publication des jugements dans certains cas de discrimination. Les médias ont accès aux procès et publient souvent leurs propres comptes rendus. Personnellement, il ne dispose pas de statistiques nationales sur les cas de violence à l’égard des femmes, mais son expérience des tribunaux d’appel lui permet de déclarer que leur nombre est relativement faible.

Mme Abdourhaman (Niger) signale que le Ministère a obtenu des crédits de la Banque africaine de développement pour un projet visant à élaborer un code sur le statut personnel fondé sur l’égalité entre les sexes. Le rapport a été élaboré par le Gouvernement après des consultations avec les organisations non gouvernementales. La sensibilisation à la Convention et la familiarisation avec ses dispositions sont des éléments importants des attributions du Ministère, qui prévoient notamment des mesures pour modifier les attitudes stéréotypées dans les tribunaux, les médias et d’autres secteurs où les femmes sont confrontées à des obstacles. Des centres de liaison ont été créés dans chaque ministère sur les questions relatives à l’égalité des sexes, mais la rotation des fonctionnaires dans les ministères pose des problèmes.

Article 4

Mme Shin explique que les mesures temporaires spéciales ont pour objet d’accélérer l’égalité de fait entre les hommes et les femmes; elle attire l’attention sur la recommandation générale 25 du Comité sur ce thème. Elle félicite le Gouvernement d’avoir adopté en 2000 la Loi instituant un système de quotas, qui a permis d’augmenter le nombre des femmes membres du Parlement et suggère d’étendre l’application de la Loi à d’autres secteurs, tels que la santé et l’éducation, pour lesquels des objectifs en pourcentages pour l’inclusion des femmes pourraient également être fixés.

Mme Ousmane (Niger) répond que la Loi sur les quotas a été adoptée à la suite de la ratification de la Convention. Les femmes au Niger ont appris qu’elles ont non seulement des devoirs mais également des droits, qu’elles n’ont plus peur maintenant de défendre. Elles peuvent également postuler à des emplois, être élues et voter et ont déjà occupé des postes importants tels celui de Président de la Cour suprême.

La Loi sur les quotas stipule que la proportion des candidats élus de chaque sexe – non seulement les femmes – ne doit pas descendre au-dessous de 10 %. Toutefois, depuis l’adoption de la Loi, le pourcentage minimum est dépassé; le nombre de femmes au Parlement est passé de 1 à 14 (12 % de tous les sièges) et 611 des 3 747 Conseillers municipaux du pays (17 %) sont des femmes. Six ministères, y compris celui des Affaires étrangères, de la coopération et de l’intégration africaine, ainsi que le Ministère du travail et de la modernisation de l’administration, sont dirigés par des femmes qui sont également représentées dans tous les secteurs du Gouvernement et participent à l’organisation des élections et au comptage des voix. Le Président de la République donne aux femmes et aux enfants une place importante dans sa politique économique.

Mme Abdourhaman (Niger) dit que le Gouvernement considère la Loi sur les quotas comme un exemple de discrimination positive parce qu’elle a permis d’augmenter le nombre des femmes dans les postes de haut niveau. Des efforts sont également déployés pour réduire l’écart entre les sexes dans les écoles, y compris notamment grâce à la création d’un service pour l’inscription des filles. La Loi sur les quotas est déjà appliquée dans les secteurs non gouvernementaux, y compris pour ce qui concerne l’examen pour le recrutement dans les forces armées; depuis 2005, 25 % des nouvelles recrues sont des femmes.

Article 5

Mme Tavares da Silva constate que l’article 5 stipule que l’État partie doit prendre toutes les mesures adéquates pour modifier les schémas sociaux et culturels de comportement des hommes et des femmes, dans la mesure où ces schémas empêchent les femmes de jouir de leurs droits. Le rapport (p. 70) indique que "dans la coutume, l’homme est supérieur à la femme, il ne peut être son égal dans quelque condition que ce soit" et que, malgré des dispositions légales pour obtenir le contraire, "la femme nigérienne est donc une citoyenne de seconde zone". Le Gouvernement essaie de traiter ce problème en diffusant une brochure sur l’égalité entre les sexes dans l’Islam et en organisant des caravanes pour sensibiliser les populations, ainsi que des programmes de radio et de télévision. Toutefois, une stratégie générale, prévoyant des changements de programmes d’enseignement, de nouveaux manuels scolaires, une formation des enseignants et un calendrier pour sa mise en œuvre, s’imposent. Il convient de ne pas oublier que la Convention n’exige pas de modifications dans l’immédiat; le Gouvernement a, en fait, déjà accompli beaucoup dans ce domaine et devrait retirer sa réserve au titre de l’article 5 a) en signe d’engagement à l’égard des changements culturels.

Mme Pimental constate, au vu des réponses du Gouvernement aux questions 11 et 13 de la liste des thèmes, que si la Constitution proclame l’égalité et interdit la discrimination, la coutume continue de réglementer de nombreux secteurs liés à la vie de famille. Elle serait heureuse d’avoir des détails sur la brochure sur l’égalité entre les sexes, patronnée par le Gouvernement, ainsi que sur la campagne de sensibilisation et les programmes des média.

Elle constate aussi que le Niger ne dispose pas d’une stratégie générale pour lutter contre la violence à l’égard des femmes et demande des informations sur la portée, la méthodologie, le contenu et les réalisations du cadre mis en place pour les consultations entre acteurs et participants dans la lutte contre la violence et la discrimination à l’égard des femmes et des enfants.

Mme Arocha Dominguez dit que le rapport ne fournit pas d’informations suffisantes sur la mise en œuvre de l’article 5 a). Il est clair que le Gouvernement reconnaît que des mesures doivent être prises pour modifier les pratiques traditionnelles qui défavorisent les femmes; l’intervenante, tout en admettant que les attitudes et les cultures évoluent plus lentement que la législation, constate que des progrès plus rapides s’imposent. La pauvreté, l’analphabétisme et l’isolement contribuent à perpétuer des schémas culturels négatifs; elle souhaiterait avoir des renseignements sur les mesures spécifiques déjà prises pour lutter contre la discrimination, notamment dans les zones rurales, sur l’incidence des caravanes de sensibilisation et autres mesures, ainsi que sur tous les programmes pertinents parrainés par des organisations non gouvernementales (ONG).

Mme Simms dit que, d’après les déclarations de la délégation, il est évident qu’en dépit des réserves du Gouvernement sur l’article 5 a) de la Convention, des efforts sont déployés pour surmonter les schémas culturels et sociaux négatifs et que les tribunaux cherchent péniblement leur voie dans la dichotomie entre coutume et loi. Toutefois, l’esclavage persiste au Niger. Il ne s’agit pas là d’une pratique coutumière, mais plutôt d’un déni des droits de l’homme les plus fondamentaux, qui ne peut perdurer dans une démocratie. Les esclaves sont possédés corps et âme par leurs maîtres et les femmes se trouvent tout à fait en bas de cette hiérarchie. L’intervenante demande combien de propriétaires d’esclaves ont été jugés et condamnés depuis l’élaboration du rapport, combien de personnes ont subi des mutilations génitales féminines et combien de nouveaux emplois ont été créés pour les femmes plus âgées qui procèdent à ces mutilations et continueront de le faire, à moins qu’elles puissent disposer d’une autre source de revenus.

Mme Coker-Appiah encourage le Gouvernement à faire preuve de la volonté politique nécessaire en retirant ses réserves à l’article 5 a). La culture et la coutume sont souvent invoquées pour justifier la discrimination à l’égard des femmes qui représentent plus de la moitié de la population du pays. Afin de se développer en tant que nation, toutefois, le Niger doit changer la façon dont les femmes sont perçues, alors qu’elles font partie intégrante du processus de développement.

L’intervenante demande à la délégation de résumer les constations de l’étude de 2006 sur la violence dans la famille, d’informer le Comité de l’importance du problème et de préciser les mesures prises par le Gouvernement pour encourager les victimes à dénoncer ces violences, puisqu’elles hésitent souvent à le faire par crainte de répudiation.

Mme Gabr déclare que, d’après les informations recueillies auprès de diverses sources, l’esclavage reste un problème sérieux en dépit de son interdiction en 2003. Elle demande des renseignements supplémentaires sur ce thème.

De nombreux pays à majorité islamique et nombre de pays africains ont ratifié la Convention sans aucune réserve à l’article 5; l’intervenante suggère que le Gouvernement fasse une étude en vue de retirer ladite réserve à l’alinéa a) de l’article 5.

Enfin, elle encourage le Gouvernement à garantir l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes pendant le pèlerinage à la Mecque.

La Présidente, intervenant en tant que membre du Comité, constate que la recommandation générale 19 du Comité montre que la violence à l’égard des femmes relève de l’article premier de la Convention et constitue une violation des droits de l’homme. Des pays dans toutes les parties du monde se penchent sur ce problème; le Secrétaire général a publié une étude approfondie sur toutes les formes de violence à l’égard des femmes (A/61/122/Add.1) en 2006 et le Comité nigérien sur les pratiques traditionnelles néfastes, ayant un effet sur la santé des femmes et des enfants (CONIPRAT), existe depuis 1990. Elle aimerait donc une actualisation du problème que constituent les mutilations génitales féminines au Niger et des renseignements sur les activités des "brigades de vigilance villageoise", créées dans 218 villages, ainsi que sur les "pratiques bénéfiques" favorisées par le CONIPRAT (CEDAW/C/NER/Q/2/Add.1, page 9). Il serait également utile de savoir si des refuges pour les femmes victimes de la violence ont été créés.

Mme Ousmane (Niger) dit que la coopération entre les ONG et le Ministère pour la promotion des femmes et la protection des enfants a permis de réduire le taux des mutilations génitales féminines de 5 à 2,2 %.

Le Niger est une démocratie de droit et l’esclavage n’existe que dans certains cas isolés. Tous les citoyens connaissent leurs droits légaux et il est hautement improbable que n’importe lequel d’entre eux se laisserait vendre ou accepterait de travailler de façon dégradante. À l’heure actuelle, un ancien esclave peut se marier dans la noblesse. Le Niger est un état séculier, mais la majorité de ses habitants sont musulmans et les obstacles à l’élimination des pratiques discriminatoires sont inévitables. Cependant, toutes les formes de traitements dégradants sont sanctionnées par la loi et n’importe quel citoyen peut se plaindre de mauvais traitements.

M. Adama (Niger) ajoute que la législation nigérienne repose sur des lois écrites et coutumières et que quelques-unes de ces dernières entrent en conflit avec les demandes des temps nouveaux. Notamment parmi la jeunesse, les attitudes concernant l’égalité entre les sexes évoluent manifestement. Le Niger prend des mesures pour lutter contre les coutumes dangereuses, mais cette évolution prend du temps. L’égalité absolue entre les femmes et les hommes est inscrite dans la Constitution et une réforme majeure de la législation civile, commerciale et pénale est en cours afin d’instaurer effectivement cette égalité et d’harmoniser les lois avec les temps nouveaux. C’est ainsi qu’on peut s’attendre à la promulgation d’un nouveau code de la famille, plus conforme aux normes modernes.

La question a été posée de savoir si l’article 8 de la Constitution est appliqué, compte tenu de la Loi de 1962 qui prévoit l’application du droit coutumier dans certaines affaires relevant de la législation sur la famille. Cette dernière loi ne peut pas l’emporter sur la Constitution, mais des déficiences ont été constatées dans la mise en œuvre. Les lois de 1962 et de 2004 contiennent des garanties prévoyant que la coutume ne s’applique pas de façon générale et automatiquement. Les parties à un différend peuvent convenir de ne pas recourir à la coutume et demander l’application des dispositions du Code civil. Lorsqu’une coutume est obscure ou contraire aux dispositions d’une convention internationale dûment ratifiée, aux politiques publiques ou aux libertés personnelles, elle ne s’applique pas. En ce qui concerne la violence à l’égard des femmes, les tribunaux peuvent examiner les faits et recueillir des statistiques dans les seules affaires qui leur sont soumises. En ce qui concerne les affaires relevant de la compétence du Tribunal d’appel de Niamey, qui a le plus important registre, les abus isolés doivent être distingués des tendances générales. L’incidence des actes de violence à l’égard des femmes n’est pas plus grande que dans les autres sociétés. Au Niger, les accusations de violence à la maison, de viol ou d’attentat à la pudeur peuvent être déposées par les victimes elles-mêmes, ou par d’autres personnes ayant connaissance de la situation, et le Code pénal prévoit des sanctions rigoureuses pour ces délits et autres manifestations de violence. Ces affaires font l’objet de poursuites, que la personne accusée soit ou non l’époux. Dans certains cas, l’avocat général peut ne pas poursuivre l’affaire si un juge estime que cette décision constitue le meilleur moyen de protéger les biens de la famille ou de sauvegarder les intérêts des enfants.

Il est surprenant d’entendre certaines remarques donnant à penser que l’esclavage existe au Niger. Dans les instruments internationaux et dans le Code pénal du Niger, l’esclavage est défini comme étant l’application de certains droits de propriété à un être humain. Selon cette définition, l’esclavage n’existe pas au Niger, bien que certains vestiges demeurent dans des appellations péjoratives à l’encontre de personnes dont les ancêtres ont été des esclaves. Néanmoins, avant même que la question soit soulevée à la suite d’un article de presse, le Niger a adhéré aux conventions internationales sur ce thème à l’époque de son indépendance et il a introduit des dispositions dans l’article 269 de son Code pénal datant de 1961, aux termes desquelles la privation de liberté est interdite et des sanctions sont prévues pour toutes les formes de servitude involontaire. La traite des êtres humains fait de même l’objet de sanctions, ainsi que toutes les formes illégales de violence. Depuis l’an 2000, une législation spécifique est en vigueur, selon laquelle l’esclavage proprement dit est un crime contre l’humanité et un délit majeur qui ne peut être soumis à une forme quelconque de limites. De même, le délit d’esclavage a été également promulgué pour sanctionner certaines formes de comportement contre des personnes soumises à une forme quelconque d’asservissement.

La Présidente dit que les questions concernant l’esclavage découlent sans aucun doute du fait que le rapport du Niger (CEDAW/C/NER/1-2) contient des références à l’esclavage aux pages 32 et 33.

Mme Abdourhaman (Niger) précise que, même si le Niger a fait des réserves à la Convention à l’époque de la ratification, ses activités se sont améliorées de pair avec l’évolution des schémas de comportement. Sur la question des campagnes dans les médias au sujet des droits des femmes, elle constate que les émissions de la radiodiffusion nationale atteignent tous les villages du pays, ainsi que les radios privées et 171 stations de radios communautaires, qui utilisent les langues locales. Il s’ensuit que les Nigériennes sont sensibilisées à leurs droits et devoirs. Des cassettes sont utilisées pour diffuser les informations, de même que les "caravanes de sensibilisation", traitant de sujets tels que mutilations génitales féminines, statut civil et remèdes légaux offerts aux femmes. Ces dernières ont accès aux juges qui accompagnent les caravanes et doivent répondre aux questions qui leur sont posées, par l’intermédiaire des porte-paroles qu’elles ont choisis, sur la manière de réagir aux actes de violence perpétrés contre elles. Il existe un événement annuel dénommé "Cinq jours d’activisme", ainsi que des débats à la télévision et à la radio, traitant du Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, relatif aux droits de la femme en Afrique. Des arguments ont été tirés des coutumes islamisées du Niger pour montrer que les dispositions de la Convention ne sont pas contraires aux mœurs et à la religion du pays et que les réserves pourraient être retirées.

Le programme mixte du Gouvernement pour l’égalité entre les sexes, approuvé par tous les ministères, a le soutien des ONG et des institutions des Nations Unies. Chaque année, les ONG indiquent les activités qu’elles entreprendront et, si celles-ci sont approuvées, elles obtiennent des crédits pour les exécuter.

Article 6

Mme Begum signale que le rapport du Niger mentionne plusieurs formes de traite des êtres humains et d’exploitation, de travail obligatoire et de travail forcé, de mariages forcés et de mariages précoces, de traite sous forme de mariage lorsqu’une fille est arrachée à sa famille pour toujours et mariée à un homme uniquement aux fins de procréation et "le commerce de roturières" entre le Niger et le Nigeria, aux termes desquels les hommes qui souhaitent remplir leurs devoirs religieux prennent une femme comme quatrième épouse qu’ils maintiennent en servage. Ce sont principalement les femmes vivant dans les zones rurales où un tiers environ de la population a moins de quinze ans, ainsi que les réfugiées et les demanderesses d’asile qui sont victimes de ces formes de traite. Le Rapporteur spécial sur la violence à l’égard des femmes a signalé que la traite interne comprend également les mariages de fillettes. Il semble ainsi que le Niger soit un pays d’origine, de destination et de transit, et de traite des êtres humains, également pratiquée à l’intérieur du pays. Quelles sont les stratégies, les politiques et les mesures réelles que le Gouvernement a prises pour mettre fin à ces graves abus contre les droits de l’homme, y compris la lutte contre la traite des êtres humains et sa criminalisation? Le problème ayant un caractère transfrontalier, le Niger a-t-il pris des initiatives au niveau régional ou bilatéral pour protéger les victimes et sanctionner les auteurs de ces abus? Le Gouvernement a-t-il adopté des programmes préventifs ou des formes d’assistance pour les victimes, comme des refuges par exemple? Existe-t-il un mécanisme chargé de fournir une assistance psychosociale aux victimes ou des programmes de réinsertion? Où en sont le projet de loi criminalisant la traite des êtres humains et le calendrier pour son adoption?

Mme Chutikul dit que le Niger doit être félicité pour avoir ratifié le Protocole de Palerme visant à prévenir, supprimer et punir la traite des êtres humains. Quel est l’état de la loi contre la traite, élaborée en 2006? Cette loi définit-elle clairement la traite des êtres humains? Le Plan national d’action pour lutter contre la traite des êtres humains, élaboré par un comité interministériel en 2006, est-il opérationnel? La mise en œuvre et la coordination des activités sont-elles du ressort du Ministère pour la promotion des femmes et la protection des enfants? Conformément aux dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant, il a été recommandé au Niger d’entreprendre une étude sur l’exploitation sexuelle commerciale, y compris la prostitution, la pornographie et la traite. Le Ministère a-t-il été en mesure d’entreprendre cette étude? Dans ce cas, où en sont les conclusions et quelle utilisation est-elle faite des résultats? Quel est le nombre des pays ayant signé en 2005 l’accord avec la Côte d’Ivoire sur la coopération multilatérale pour lutter contre la traite des êtres humains et existe-t-il des activités conjointes ou la coopération est-elle poursuivie ?

Articles 7 et 8

Mme Neubauer constate que le Niger a fait des efforts louables pour garantir les droits des femmes aux termes des articles 7 et 8 de la Convention, en prenant notamment des mesures légales et des dispositions pour la promotion des femmes. L’article 7 oblige les États parties à garantir que les femmes sont à égalité avec les hommes pour ce qui est de la vie politique et publique, mais, au Niger, cette dernière est toujours dominée par les hommes. Les pourcentages définis pour les emplois publics semblent trop faibles pour soutenir le principe de l’égalité. Comme le montrent les résultats des récentes élections, le corps électoral voudrait augmenter le quota de 10 % fixé par les législateurs. De plus, le quota de 25 % pour les postes faisant l’objet de nominations n’a pas été atteint à tous les niveaux des organes de décision du Gouvernement et des administrations décentralisées, des entreprises publiques ou des missions diplomatiques. Dispose-t-on de données plus précises au sujet de la présence des femmes dans les postes faisant l’objet de nominations dans la vie publique et politique? Ces renseignements permettraient de procéder à une évaluation de la participation des femmes par rapport à celle des hommes, ce qui n’est pas possible si seuls des chiffres totaux peuvent être fournis pour les femmes. Si ces données ne sont pas disponibles, il faudrait les fournir dans le prochain rapport. Le Ministre a déclaré dans ses commentaires introductifs que son Gouvernement est déterminé à accélérer le processus en ce qui concerne l’instauration de l’égalité pour les femmes. Y a-t-il une intention sérieuse d’augmenter les quotas fixés par la loi pertinente afin de parvenir à l’égalité pour ce qui est de la participation des femmes en tant que candidates aux élections et de leur participation totale et à égalité dans l’élaboration des politiques dans tous les secteurs et à tous les niveaux?

La séance est levée à 13 heures.