Trente-septième session

Compte rendu analytique de la 762e séance (Chambre A)

Tenue au Siège, à New York, le jeudi 18 janvier 2007, à 15 heures

Président e:Mme Gabr (Vice-Présidente

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Deuxième et troisième rapports périodiques groupés de l’Inde (suite)

En l’absence de Mme Simonovic, Mme Gabr, Vice-Présidente, assume la présidence .

La séance est ouverte à 15 heures.

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Deuxième et troisième rapports périodiques groupés de l’Inde (suite) (CEDAW/C/IND/2-3, CEDAW/C/IND/Q/3 et Add.1)

À l’invitation de la Présidente, les membres de la délégation indienne prennent place à la table du Comité.

Articles 10 à 14

M me  Pimentel demande des informations supplémentaires au sujet des plans et programmes visant spécifiquement à améliorer la condition des femmes appartenant à des catégories marginalisées et défavorisées, et concernant notamment leur accès à l’enseignement au-delà du primaire. L’oratrice demande également à être informée des mesures législatives prises en vue de l’application du 86e texte de loi portant modification de la Constitution et établissant le principe d’enseignement gratuit et obligatoire pour tous les enfants âgés de six à quatorze ans.

M me  Schöpp-Schilling demande quels sont les pouvoirs de l’État central dans des secteurs – tels que l’éducation – relevant des différents États fédérés. Lorsque les États ne sont pas suffisamment performants – et cela ressort précisément des inégalités constantes que l’on observe entre les différentes régions du pays, en matière d’éducation – le gouvernement fédéral se doit d’intervenir d’une manière ou d’une autre. Mme Schöpp-Schilling fait observer que le budget de l’éducation du gouvernement indien reste inférieur aux 6 % du produit intérieur brut auxquels s’étaient engagées les autorités indiennes dans le cadre de la réunion de Beijing. De plus, les chiffres fournis en matière d’éducation sont à la fois en valeur absolue et en valeur relative, ou se présentent encore sous forme de pourcentages – ce qui fait qu’il est difficile de disposer d’un tableau précis de la situation et des mesures prises. Mme Schöpp-Schilling espère que le prochain rapport fournira des données comparables, de manière à faire ressortir clairement les proportions et tendances relatives. L’oratrice ajoute que le rapport n’indique pas non plus de manière claire si les investissements dans le secteur éducatif émanent exclusivement de fonds publics, ou comportent également une participation du secteur privé; l’objectif recherché est de faire appel uniquement aux crédits de l’État. Mme Schöpp-Schilling déclare enfin que l’un des dangers de la privatisation du secteur éducatif est de voir l’école publique devenir exclusivement l’école des pauvres.

M. Flinterman demande quels ont été les effets de la privatisation de l’éducation sur les femmes et les jeunes filles appartenant à des minorités. Le Comité a reçu un rapport sur le statut social et éducatif des Musulmans – rapport élaboré après les émeutes de Gujarat. Ce document a montré que la pauvreté et d’autres facteurs socioéconomiques avaient plus de poids que le conservatisme religieux pour empêcher la scolarisation et les progrès des Musulmans. L’orateur demande si le gouvernement indien a pris des mesures en vue de donner une suite aux conclusions de ce rapport. Puis, notant que les taux d’alphabétisation des hommes et des femmes s’étaient, semble-t-il, améliorés au cours des années 1990, M. Flinterman demande des informations au sujet de la présente décennie, ainsi que sur les crédits budgétaires prévus pour réduire l’analphabétisme – notamment chez les femmes et les jeunes filles.

La Présidente, s’exprimant en tant que membre du Comité, déclare que l’éducation et l’élimination des stéréotypes sont des instruments puissants d’intégration sociale des minorités et des groupes défavorisés. Elle demande instamment au gouvernement indien de redoubler d’efforts en vue d’augmenter ses investissements dans le secteur éducatif.

M me  Swarup (Inde) déclare qu’un projet de loi type sur le développement de l’accès à l’éducation a été élaboré et diffusé auprès des différents États du pays. Lors de l’examen de ce projet, le gouvernement central a, en partenariat avec les États, créé des programmes parrainés par le pouvoir central en vue d’améliorer l’accès à l’éducation. À l’heure actuelle, le pourcentage des enfants des zones rurales scolarisés aux niveaux primaire et élémentaire dépasse les 85 %, et le nombre d’enfants non scolarisés a été réduit de manière très importante.

90 % des enfants musulmans sont scolarisés, et, parmi les enfants musulmans non scolarisés, on ne compte pas plus de 50 % de filles. Le renforcement de l’éducation des groupes défavorisés est l’une des priorités majeures des autorités, et, dans ce contexte, un certain nombre de places sont réservées à des membres de minorités. L’écart entre garçons et filles en matière d’éducation se réduit dans l’ensemble du pays, et notamment au sein des groupes minoritaires; de plus, le taux d’abandon scolaire baisse plus rapidement en ce qui concerne les filles que pour les garçons. Les parents hésitent parfois à autoriser leurs filles à faire de longs trajets pour se rendre à l’école; dès lors, le gouvernement indien s’efforce de faire construire des établissements scolaires plus près des zones d’habitation. Le gouvernement indien a d’abord concentré ses efforts sur l’enseignement primaire, en élargissant l’offre de services fondamentaux dans ce domaine, et en développant l’accès aux écoles primaires; mais, aujourd’hui, les autorités indiennes s’efforcent de garantir la transition vers des niveaux d’enseignement supérieurs.

En ce qui concerne le financement de l’éducation, la déléguée indienne souligne que le niveau actuel des dépenses éducatives n’inclut pas les sommes recueillies grâce à la taxe de 2 % prélevée en faveur du secteur éducatif. Au sujet de la privatisation, la déléguée indienne déclare que 85 % des enfants scolarisés le sont, en fait, dans des établissements publics, où des critères qualitatifs très stricts doivent être respectés. Par ailleurs, plus de 40 millions d’enseignants ont déjà participé à des programmes de formation et de recyclage. Quant au contrôle et au renouvellement des programmes, ce sont également des secteurs dans lesquels le gouvernement central et ceux des différents États collaborent de manière dynamique avec la société civile en vue de promouvoir l’intégration sociale et d’instaurer une approche fondée sur les droits.

M me  Dairiam demande – au sujet de l’article 11 de la Convention – quelles mesures sont prises en vue d’influer sur l’impact négatif que peuvent avoir les grandes industries, qui monopolisent les ressources productives et écartent les pauvres et les plus défavorisés; il s’agit, ajoute l’oratrice, de faire en sorte que ces catégories démunies ne soient pas encore plus marginalisées. Mme Dairiam demande également à être plus amplement informée au sujet des textes de loi qui permettent de combattre le harcèlement sexuel, en particulier sur les lieux de travail. Les groupes représentant les femmes devraient être consultés lors de l’élaboration de toute recommandation dans ce domaine. L’oratrice demande également quels sont les programmes et les investissements prévus pour traiter le problème de l’extrême pauvreté des États du Nord-Est de l’Inde, et quel sera le calendrier législatif en matière de protection des travailleurs du secteur informel – dont une grande partie est constituée par des femmes. Mme Dairiam demande enfin davantage d’informations au sujet des programmes visant à garantir un meilleur accès à l’éducation en zone urbaine – où l’on constate le pourcentage le plus élevé de travail des enfants.

M me  Singh (Inde) confirme que le projet de loi relatif au harcèlement sexuel sur le lieu de travail progresse, et ajoute que diverses organisations – y compris des groupes représentant les femmes – ont été consultées à ce sujet, et qu’une recommandation a été présentée en vue de l’application de la future loi dans le secteur informel également. Le texte du projet de loi en question va être diffusé sur Internet, afin que le public y apporte ses commentaires. L’une des questions majeures, à cet égard, est de savoir dans quelle mesure les allégations de harcèlement sexuel devraient être accessibles, dans le domaine public, à toute personne souhaitant poser des questions sur le sujet.

Abordant ensuite la question des microcrédits, Mme Singh rappelle que, dans le cadre du précédent mouvement coopératif, le gouvernement avait largement contrôlé les critères d’obtention éventuelle d’un crédit. Mais, à l’heure actuelle, dans le cadre de groupes autonomes, des femmes se réunissent régulièrement à dix ou vingt, afin de s’initier à la gestion d’une petite entreprise. La déléguée indienne reconnaît enfin que la réduction de la pauvreté à l’échelle nationale est une toute autre question, qui implique l’examen de divers autres facteurs.

M. S.K. Srivastava (Inde), répondant à la question posée sur les États du Nord-Est de l’Inde, explique que cette région fait l’objet d’un traitement particulier, et précise que la plupart des programmes parrainés par le gouvernement central dans ce domaine sont totalement financés par les autorités centrales. Le développement des capacités et la formation technique concernant cette région se font très largement en direction des femmes. Mais, à ce jour, il est impossible de donner des informations précises sur la durée de l’aide économique au Nord-Est.

En ce qui concerne le travail des enfants, le délégué indien précise que, d’après les chiffres du recensement de 2001, on compte environ 12 millions d’enfants qui travaillent dans le pays – dont 1,2 million dans des activités pouvant être dangereuses. Le gouvernement indien a créé des établissements scolaires spécifiquement réservés à ces enfants qui travaillent, et va poursuivre ce programme, en ouvrant notamment des écoles-pensionnats à l’intention des enfants/travailleurs des centres urbains, et en vue de leur offrir une formation professionnelle.

En ce qui concerne les femmes qui travaillent – notamment en zone rurale –, et qui sont évincées par l’arrivée de grandes industries, le délégué indien déclare que le gouvernement se concentre, dans ce domaine, sur la formation professionnelle des femmes en question, en considérant que cette formation et le développement de l’alphabétisation permettront d’augmenter considérablement la participation des femmes à la vie active.

Abordant enfin la question du calendrier du projet de loi sur la sécurité sociale évoqué au paragraphe 233 du rapport, M. Srivastava déclare qu’une annonce est attendue prochainement à ce sujet. Il y a eu des consultations interministérielles intensives sur des questions telles que les incidences financières du projet de faire bénéficier près de 370 millions de personnes de la sécurité sociale, ou le fait de déterminer s’il faut limiter cette couverture sociale aux agriculteurs, voire aux travailleurs agricoles vivant en dessous du seuil de pauvreté, ou encore la base légale sur laquelle doit reposer ce système.

M me  Dairiam se déclare préoccupée par les taux de mortalité maternelle – laquelle est la principale cause de décès des femmes. En chiffres absolus, l’Inde compte le nombre le plus élevé au monde de morts liées à la maternité – soit 130 000 par an. Et, selon d’autres sources, le chiffre réel pourrait être encore plus élevé. Mme Dairiam considère par conséquent qu’il faut analyser les diverses causes de ce phénomène, et ajoute qu’à son avis, l’une de ces causes est le nombre annuel d’avortements clandestins, qui se situe entre 4 et 6 millions. L’oratrice demande si l’on dispose de données au sujet de l’incidence des avortements clandestins sur la mortalité maternelle, et si cet aspect des choses est suivi par les autorités.

Une autre cause de la mortalité maternelle est l’accès limité aux contraceptifs. Mme Dairiam ajoute qu’elle a entendu dire que, dans certains États de l’Inde, la délivrance de contraceptifs était liée aux cotisations sociales. Elle demande si c’est effectivement le cas, et, dans l’affirmative, quelles sont les mesures envisagées par le gouvernement pour y remédier. Parmi les autres facteurs de mortalité maternelle figurent les maladies infectieuses liées à l’absorption d’eau ou d’aliments, la famine, les mauvaises conditions d’hygiène – autant d’éléments qui ont des effets sur la santé maternelle. Mme Dairiam demande quelles sont les mesures envisagées par le gouvernement pour traiter ces différents facteurs.

L’oratrice déclare par ailleurs qu’elle croit savoir que les dépenses de l’État consacrées au secteur public de la santé sont en diminution, et que celles du secteur privé sont, au contraire, en augmentation. Étant donné qu’une telle situation peut avoir de graves conséquences en ce qui concerne l’accès des femmes aux services de santé, Mme Dairiam demande quelle sera éventuellement l’action du gouvernement indien pour y remédier.

M me  Simms déclare que la discrimination à l’égard de certaines catégories de la population est profondément ancrée dans l’histoire du pays. Même les femmes ayant accédé, aujourd’hui, à un poste de pouvoir ont dû reconnaître qu’elles avaient elles-mêmes bénéficié d’une discrimination positive par rapport à d’autres catégories de femmes. Mme Simms ajoute que, par conséquent, ce sont les femmes dirigeantes, dans tous les secteurs, qui doivent faire en sorte que la discrimination structurelle soit éliminée de manière tout aussi structurée. Les femmes ne peuvent pas attendre passivement le changement; ce sont elles qui doivent agir pour faire changer les choses.

M me  Shin souligne la nécessité de traiter la condition spécifique des femmes rurales, en Inde – lesquelles sont souvent déplacées géographiquement afin de permettre l’implantation de projets de développement à grande échelle. En outre, alors que les réformes foncières ont permis la redistribution, en faveur des populations tribales, de terres en excédent, il s’est avéré que ces terres étaient désertiques et incultivables. Mme Shin ajoute qu’elle serait très reconnaissante d’obtenir des informations supplémentaires sur les mesures prises par le gouvernement indien en vue d’aider les femmes rurales et membres de tribus; et, dans ce contexte, elle attire tout particulièrement l’attention sur l’alinéa (a) du paragraphe 2 de l’article 14 de la Convention, qui demande aux États parties de garantir notamment le droit des femmes rurales à « participer pleinement à l’élaboration et à l’exécution des plans de développement à tous les échelons ».

Quant aux programmes d’accès autonome à des microcrédits, mentionnés dans le rapport, ils fonctionnent sur la base de prêts de roulement : les candidats à ces crédits doivent avoir constitué une certaine épargne avant de pouvoir accéder à un microcrédit; il faut noter toutefois que les femmes indiennes les plus pauvres n’ont absolument pas accès à ces programmes. En dernière analyse, il semble bien que les établissements de prêt soient les principaux bénéficiaires des programmes en question. L’État partie devrait développer les programmes de développement des capacités et d’alphabétisation en direction des femmes souhaitant créer leur propre entreprise; l’État partie devrait également diversifier les mécanismes d’aide en faveur de ces femmes. Les crédits prévus pour la promotion de la femme dans le cadre du « Women Component Plan » pourraient être utilisés pour atteindre les objectifs précités.

M me  Coker-Appiah rappelle que près de 70 % des femmes indiennes vivent en zone rurale. Alors que le gouvernement indien a adopté un certain nombre de politiques et de programmes de réduction de la pauvreté, des efforts supplémentaires devraient être déployés afin que les politiques et programmes en question prennent en compte les différents niveaux de discrimination à l’égard des femmes rurales. Dans ce contexte, l’oratrice souhaiterait des données supplémentaires – différenciées par caste, par tribu et par religion – au sujet de la situation des femmes rurales.

Faisant observer par ailleurs que les ressources naturelles de l’Inde et ses forêts se situent en grande partie dans des régions tribales, Mme Coker-Appiah ajoute qu’elle craint que des intérêts privés ne prédominent par rapport aux droits des habitants des secteurs en question. Par conséquent, l’oratrice souhaite savoir si le projet de politique nationale relatif aux tribus, évoqué en page 40 des réponses à la liste de questions du Comité (CEDAW/C/IND/Q/3/Add.1), a été adopté, et, dans l’affirmative, de quelle manière le gouvernement indien envisage d’en contrôler l’application.

La Présidente, s’exprimant en tant que membre du Comité, rappelle les précédentes observations de l’État partie au sujet des effets de la mondialisation sur les communautés rurales et de la question connexe de l’accès des femmes au microcrédit. Elle précise que, dans son pays d’origine – l’Égypte –, les femmes ont démontré leur capacité à utiliser efficacement ce type de crédits et à rembourser les organismes prêteurs. Cependant – ajoute la Présidente –, en Inde, on compte davantage d’hommes que de femmes bénéficiaires d’initiatives de microfinancement; par conséquent, des efforts supplémentaires doivent être déployés pour garantir l’égalité des droits dans ce domaine. Et, toujours dans ce contexte, la Présidente se demande pour quelles raisons le gouvernement indien n’a pas encore pris de mesures en vue d’aider financièrement les femmes les plus pauvres.

M me  Singh (Inde), répondant aux questions posées, reconnaît que des efforts supplémentaires sont nécessaires en vue de garantir la santé des femmes. Les taux de mortalité maternelle ont, certes, considérablement baissé; mais il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine. Le onzième plan quinquennal contient un certain nombre de propositions en vue de traiter certains secteurs problématiques; ce plan souligne notamment la nécessité de garantir l’accessibilité des services de santé, leur dimension favorable aux femmes et une approche fondée sur le cycle vital; le plan en question souligne également qu’il importe de reconnaître que la violence à l’égard des femmes est un problème de santé publique, ainsi que la nécessité de prévoir des crédits suffisants pour la formation. Ce plan quinquennal contient également un ensemble de recommandations sur les soins de santé procréative, sur la prévention du sida, et sur la situation des femmes et des enfants déplacés à l’intérieur du pays. La déléguée indienne précise d’autre part qu’elle ne dispose pas de chiffres concernant les avortements clandestins, en Inde. Toutefois, des efforts sont en cours en vue de l’application effective et concrète de la Loi relative aux Techniques de diagnostic préconceptionnel et prénatal (interdiction du choix du sexe de l’enfant).

Mme Singh ajoute que l’Inde est actuellement confrontée aux armes à double tranchant que sont la mondialisation et la libéralisation, car ces deux éléments, nécessaires à la croissance économique, ont des conséquences négatives pour les catégories les plus vulnérables de la population. Il faut examiner de près le lien éventuel entre ces phénomènes et celui des personnes déplacées. Afin de garantir aux femmes rurales et membres de tribus l’exercice de leurs droits fonciers, le gouvernement indien a délivré des titres de propriété conjoints (dits pattas) aux maris et aux épouses. De plus, les autorités ont interdit le transfert, de populations tribales à des populations non tribales, de terres allouées ou obtenues par héritage, et accepté de restituer aux tribus les terres qu’on leur avait confisquées.

Revenant sur la question des microcrédits, la déléguée indienne déclare qu’on prend de plus en plus conscience de la nécessité d’aider les femmes qui n’y ont pas accès, et que des efforts sont déployés afin de veiller à ce que le progrès et l’émancipation des femmes prennent le pas sur toute autre préoccupation.

M. Khanna (Inde) déclare que l’emploi d’éboueurs travaillant manuellement et la construction de latrines sans évacuation d’eau étaient interdits depuis 1993. Afin d’éliminer la pratique du ramassage manuel des ordures et déchets, le gouvernement a pris un certain nombre de mesures visant à remplacer les latrines sans eau par des latrines dotées d’un système d’évacuation. En outre, des programmes ont été mis en place afin de fournir un nouvel emploi aux éboueurs qui opéraient manuellement.

Si les populations tribales vivent généralement dans des secteurs très retirés, on trouve des Dalits dans tous les villages et villes du pays. Par conséquent, ce groupe de population n’est pas plus sujet au déplacement que d’autres catégories. Un comité gouvernemental présidé par le Secrétaire du ministère de la Justice sociale et de l’Émancipation est chargé de superviser les programmes d’aide et de réinsertion en faveur des communautés déplacées.

Par ailleurs, le gouvernement indien a officiellement adopté une politique nationale en faveur des personnes handicapées, et l’Inde signera prochainement la Convention des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées. Enfin, la politique nationale relative aux personnes âgées prend dûment en considération les droits des femmes âgées, et l’on étudie actuellement un projet de législation qui garantira la protection de ces droits.

Articles 15 et 16

M me  Coker-Appiah déclare que, bien que, sur le plan de la tradition, les droits des femmes aient été sacrifiés afin de soutenir les institutions que sont le mariage et la famille, les gouvernements et les organisations internationales interviennent de manière croissante dans la sphère privée en vue de protéger les droits de la femme. Cependant, on peut déplorer que le gouvernement indien ne soit pas disposé à aller dans cette direction, car, d’après le paragraphe 329 du rapport, il y a encore des mariages d’enfants et d’adolescents dans de nombreuses régions du pays – même si, en dehors de la loi islamique, l’ensemble de la législation indienne établit à 18 ans pour les filles et à 21 ans pour les garçons l’âge minimum requis pour pouvoir se marier. L’oratrice se demande si le gouvernement indien peut envisager de modifier la Loi sur la limitation des mariages de mineurs en vue de permettre l’annulation de tout mariage de ce type, plutôt que de se contenter de sanctionner les responsables de ce type de situation. Dans ce contexte, Mme Coker-Appiah demande instamment au gouvernement indien de reconsidérer ses réserves vis-à-vis des articles 5 et 16 de la Convention.

M me  Halperin-Kaddari fait observer qu’étant donné que la Loi spécifique sur le mariage ne reconnaît pas la notion de communauté de biens, une femme qui divorce ne peut pas obtenir la part des biens acquis et qui lui reviennent dans le cadre de l’union conjugale, ou encore certains avantages sociaux à venir tels que la retraite, et se voit contrainte de dépendre d’une pension alimentaire ou de maintien de la part de l’ex-époux. L’oratrice demande quels sont les obstacles qui empêchent le gouvernement indien d’adopter des lois laïques en vue d’améliorer cette situation, et, également, les raisons pour lesquelles le viol conjugal n’est pas considéré comme un délit.

En matière de réforme intérieure, Mme Halperin-Kaddari souhaite être informée sur le rôle de l’Office panindien musulman du droit de la personne, et souligne que, bien que le gouvernement indien ait proposé (cf. le paragraphe 5 du rapport) que le principe du « triple talaq » prononcé sans raison valable soit considéré comme un grave péché, il pourrait – tout en restant dans le cadre du droit des personnes – aller plus loin encore et décréter qu’il s’agit là d’un crime. En ce qui concerne l’enregistrement des mariages, l’oratrice considère que l’État pourrait établir un distinguo entre la validité d’un mariage sur le plan religieux et l’obligation administrative d’enregistrement, afin de permettre le contrôle des mariages de mineurs et des unions polygames. Par ailleurs, Mme Halperin-Kaddari note également l’absence de données au sujet de l’âge auquel on se marie et autres aspects.

M. Vahnavati (Inde) déclare que l’invalidation des mariages de mineurs, qui viendrait remplacer la simple sanction des contrevenants, est une question délicate dans la mesure où tout enfant né de l’une de ces unions de mineurs ne doit pas être pénalisé en étant déclaré illégitime. En ce qui concerne la communauté des biens, l’orateur déclare que les tribunaux statuant sur les affaires familiales sont en progrès puisqu’ils n’établissent pas seulement la nécessité de verser une pension alimentaire et d’assurer les besoins de l’ex-épouse : désormais, ils reconnaissent également le concept de « foyer conjugal ».

Concernant l’Office panindien musulman du droit de la personne, M. Vahnavati précise que cet organisme n’est que consultatif. En fait, il existe en Inde de nombreuses écoles de pensée au sujet du droit des musulmans en tant que personnes; aux termes de la nouvelle législation en vigueur dans ce domaine, les femmes musulmanes divorcées ont droit à une indemnité de maintien leur permettant de conserver le niveau de vie qu’elles avaient dans le cadre de leur mariage. Abordant enfin la question de l’enregistrement des mariages, le représentant indien déclare que la Cour suprême a statué que chaque État fédéré du pays devait adopter une réglementation contraignante, après l’avoir soumise à l’examen d’autorités publiques.

Mme Pimentel félicite le gouvernement indien au sujet des améliorations qu’il a apportées dans le domaine de l’éducation – et notamment au niveau de l’enseignement élémentaire; toutefois, l’oratrice demande des informations supplémentaires au sujet de l’accès des femmes les plus marginalisées à l’enseignement supérieur.

M. Flinterman réaffirme la préoccupation du Comité au sujet de l’immunité des membres des forces armées en cas de violation des droits des femmes. Alors qu’une commission a été chargée, semble-t-il, d’examiner cette question, aucune information n’a été fournie à ce sujet.

Mme Schöpp-Schilling demande si l’on dispose de chiffres au sujet des résultats de l’action du gouvernement indien dans le domaine de l’éducation. En dépit des dispositions constitutionnelles, il y a une dichotomie entre, d’une part, la liberté du culte pour tous, et, de l’autre, l’égalité potentielle des droits des hommes et des femmes. L’oratrice demande instamment au gouvernement indien d’engager un dialogue en vue de promouvoir les droits de la femme.

Mme Shin demande si le gouvernement indien est disposé à écouter les femmes rurales et membres de tribus et à tenir compte de leurs préoccupations dans le cadre des politiques officielles du pays. D’autre part, Mme Shin fait observer que le pourcentage de personnes handicapées, indiqué au paragraphe 117 du rapport, semble inférieur à la réalité. D’après les données qui relèvent du bon sens commun, ce pourcentage devrait se situer plutôt entre 5 et 10 %. L’oratrice propose enfin que les ONG représentant les femmes apportent leur contribution au prochain rapport de l’Inde, et qu’un forum soit organisé dans le pays en vue d’éduquer la population sur les questions abordées dans le cadre de la présente session.

M me  Halperin-Kaddari se demande pour quelle raison la réponse à sa question au sujet de la Loi spécifique sur le mariage et aux préoccupations du Comité au sujet des émeutes dans l’État du Gujarat et des violations des droits de l’homme se réfère uniquement aux décisions de la Cour suprême – plutôt que d’évoquer, à ce sujet, des mesures législatives éventuellement adoptées à l’initiative du gouvernement.

M me  Dairiam demande pour quelles raisons les perspectives de rendre obligatoire l’enregistrement des mariages semblent moins prometteuses si l’on se fonde sur les réponses de la délégation indienne plutôt que sur les informations fournies au paragraphe 9 du rapport.

M me  Singh (Inde), répondant à la question concernant l’immunité des membres des forces armées, déclare que, s’il est vrai qu’une commission a été chargée d’examiner ce problème, ses recommandations n’ont pas été rendues publiques.

Concernant la contribution des ONG représentant les femmes, entre autres, Mme Singh déclare que le texte du projet du dernier rapport avait été publié sur Internet pour une durée de deux mois, afin de recueillir les propositions du public, et que ce même processus aurait lieu également pour le prochain rapport.

M me  Swarup (Inde), se référant à la question posée par Mme Pimentel, fournit des données au sujet de la scolarisation des filles en général, et, plus particulièrement, des membres de groupes marginalisés; elle ajoute que, dans la plupart des États indiens, l’enseignement est totalement gratuit pour les filles jusqu’au niveau du second cycle du secondaire. En outre, des bourses sont prévues pour les jeunes filles appartenant à ces groupes marginaux, afin de leur permettre de suivre des études supérieures. Cependant, la déléguée indienne souligne la nécessité d’augmenter le nombre de filles scolarisées aux niveaux primaire et secondaire, si l’on veut voir un plus grand nombre d’entre elles, également, accéder à l’enseignement supérieur.

M. Vahnavati (Inde) déclare qu’il n’y a aucun motif de découragement en ce qui concerne l’enregistrement des mariages, du fait qu’il y a eu effectivement un arrêt de la Cour suprême sur le sujet, et que ce type de décision accélère toujours le processus de mise en œuvre. La Cour suprême joue un rôle unique en Inde, dans la mesure où elle a la capacité de prendre ce type de décision d’ordre général sur tous les sujets, dans le sens d’une justice concrète, et que le gouvernement accepte et applique toujours les décisions en question.

La Présidente se déclare optimiste au sujet de l’évolution de l’application des droits des femmes en Inde, et demande instamment à la délégation indienne d’informer le Parlement et l’opinion publique de son pays au sujet des résultats des réunions de la Commission.

La séance est levée à 17h 15 .