XXX session
Compte rendu analytique de la 436e séance
Tenue au Siège, à New York, le , à
Président :XXX (XXX)
Sommaire
Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)
Troisième et quatrième rapports périodiques de l’Espagne
La séance est ouverte à 11 h 5.
Examen des rapports présentés par les États partiesconformément à l’article 18 de la Convention (suite)
Troisième et quatrième rapports périodiquesde l’Espagne (CEDAW/C/ESP/3 et 4)
À l’invitation de la Présidente, la délégation de l’Espagne prend place à la table du Comité.
M. Arias (Espagne) dit que la Constitution espagnole, adoptée en 1978, sert de cadre juridique à la promulgation de toutes les réformes démocratiques, notamment celles liées à l’égalité entre les hommes et les femmes. La Constitution tient la liberté, la justice, le pluralisme politique et l’égalité pour les valeurs suprêmes du système juridique espagnol, consacrant non seulement l’égalité devant la loi mais également la responsabilité des pouvoirs publics de promouvoir les conditions nécessaires à la réalisation d’une réelle égalité. Par ailleurs, la Constitution dispose explicitement que les libertés et droits fondamentaux qu’elle reconnaît doivent être interprétés selon la Déclaration universelle des droits de l’homme et les instruments internationaux auxquels l’Espagne est partie. La Convention s’inscrit alors dans la structure juridique de l’Espagne et peut être invoquée lors de l’interprétation de normes juridiques nationales en rapport avec l’égalité.
Depuis 1980, année où l’Espagne a décidé d’engager le processus aboutissant à la ratification de la Convention, de sensibles progrès ont été accomplis dans l’instauration de l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, ainsi qu’en témoignent non seulement les réformes législatives mais également les engagements politiques des gouvernements successifs. Durant la période couverte par les troisième et quatrième rapports périodiques, un certain nombre de conférences internationales majeures, notamment la Conférence mondiale sur les droits de l’homme de Vienne, la Conférence internationale sur la population et le développement du Caire, et la quatrième Conférence mondiale sur les femmes de Beijing, ont imprimé un nouvel élan aux efforts nationaux déployés pour parvenir à l’égalité. En effet, les plans d’action adoptés lors de ces conférences ont servi de pierres angulaires au développement des programmes nationaux de promotion de l’égalité des chances. Le troisième Plan d’action de l’Espagne pour l’égalité des chances, dont des exemplaires ont été distribués aux membres du Comité, est la plus récente de ces initiatives. L’Institut de la condition féminine, mécanisme national responsable au premier chef de la mise en œuvre des politiques de promotion de l’égalité des chances, a servi de point focal aux divers organismes administratifs et organisations non gouvernementales qui ont contribué à la rédaction des rapports.
M me Dancausa (Espagne), présentant, en qualité de Directrice générale de l’Institut de la condition féminine, le troisième et quatrième rapports périodiques (CEDAW/C/ESP/3 et 4), dit que l’information contenue dans les rapports a été recueillie auprès des ministères, communautés autonomes et organisations non gouvernementales. L’État espagnol est divisé en municipalités, provinces et communautés autonomes. En vertu de la Constitution, les pouvoirs visant à assurer l’égalité des chances sont répartis entre l’État, les communautés autonomes et les municipalités. Il existe actuellement des organismes de promotion de l’égalité des chances dans les 17 communautés autonomes d’Espagne, et de nombreuses municipalités ont créé des postes de conseillers pour les femmes. Les conférences sectorielles ont été organisées pour coordonner l’action des communautés autonomes et des conseils municipaux.
L’Institut de la condition féminine, qui relève du Ministère du travail et des affaires sociales, est doté de deux organes directeurs : le Conseil de direction, qui met en œuvre les politiques de coordination des différents services ministériels responsables des questions féminines, et la charge de Directeur général responsable du fonctionnement de l’Institut. Cent cinquante personnes environ travaillent dans les divers services de l’Institut. Mise en place en 1995, la Conférence sectorielle de la femme a pour mission d’évaluer les problèmes soulevés lors de la mise en œuvre des politiques de promotion de l’égalité des chances et les éventuelles approches à adopter pour les résoudre, ainsi que de participer à la formulation, à la mise en œuvre et au suivi des plans d’action. En outre, l’Institut de la condition féminine est chargé de nouer des liens avec les organisations non gouvernementales qui travaillent pour la défense des femmes, et de promouvoir la formation des groupes de femmes et la participation des femmes à la vie politique, culturelle, économique et sociale.
Les organisations non gouvernementales participent à l’action du Conseil de direction de l’Institut qui leur offre une aide technique et financière à la mise en œuvre de programmes. De 1991 à 1998, ces organisations ont reçu près de 10 milliards de pesetas (environ 70 millions de dollars des États-Unis) pour la mise en œuvre de 1 619 programmes en faveur des femmes. La garantie de l’égalité passe par l’adoption de mesures non seulement législatives, mais également culturelles et structurelles.
Le Gouvernement espagnol a formulé des plans d’action pour l’égalité des chances pour l’ensemble du pays. Le premier de ces plans, couvrant la période 1988-1990, avait pour objectif d’élaborer des mesures juridiques visant à assurer la compatibilité constitutionnelle des dispositions du Code juridique du pays garantissant l’égalité. Le deuxième plan d’action, couvrant la période 1993-1995, a intégré des mesures et programmes spécifiques dans les domaines comme l’éducation, la formation professionnelle et la santé. Le troisième plan d’action, qui prendra fin durant l’année 2000, est conçu à la fois pour maintenir les programmes répondant à des besoins spécifiques des femmes et pour intégrer une démarche soucieuse de l’égalité des sexes à tous les programmes et politiques publics.
Les femmes espagnoles sont toujours plus nombreuses à suivre des études universitaires et à entrer sur le marché du travail. L’éducation est en effet la pierre angulaire d’une société où aucun des deux sexes ne domine l’autre. L’ensemble des filles et garçons espagnols vont à l’école durant la période de scolarité obligatoire, mais les femmes sont plus nombreuses que les hommes dans les cours d’enseignements facultatifs qui précèdent l’université ainsi que dans les universités. De fait, les femmes âgées de 16 à 40 ans ont atteint un niveau d’études supérieur aux hommes du même groupe d’âge. La Loi organique 1/1990 réglementant le système éducatif a institué l’égalité réelle des droits entre les sexes, interdit toutes les formes de discrimination et favorisé l’élimination des stéréotypes discriminatoires des matériels éducatifs.
Les programmes d’enseignement primaire et secondaire, établis en 1991, ont établi comme objectifs éducatifs l’égalité des sexes et la reconnaissance de la contribution des femmes dans la société. La valeur inégale accordée à la masculinité et à la féminité est au nombre des différents facteurs qui affectent le développement de l’identité personnelle. En 1994, l’Institut a commencé à collaborer avec les universités à la transformation de la nature des instruments didactiques de base; les textes ont été formulés de manière à servir de cadre à une éducation non sexiste. L’Institut conduit également des programmes annuels de formation pédagogique dans les universités et mène des programmes en coopération avec les organismes de promotion de l’égalité des chances et les syndicats d’enseignants.
L’Institut a également signé des accords de coopération avec le Ministère de l’éducation et la Confédération espagnole des associations de parents d’élèves pour mener des activités éducatives et de formation non sexistes qui insisteraient sur l’éducation sexuelle et le partage des responsabilités familiales, et encourageraient la mixité. Toutes ces mesures visent à faire évoluer les mentalités. Des mesures ont été prises pour encourager les femmes adultes à poursuivre leur éducation, et inciter les filles et adolescentes à élargir leurs choix d’étude en vue d’intégrer les domaines où les femmes sont traditionnellement non représentées.
En vue d’éliminer l’utilisation du langage sexiste, le Comité consultatif NOMBRA sur le langage a procédé à l’examen critique du Diccionario de la Lengua de la Real Academia espanola et a formulé une série de propositions communiquées à tous les membres de l’Académie de manière à ce que ceux-ci les prennent en considération lors de la rédaction de la nouvelle édition prévue pour 2000. En 1998, le Comité a approuvé la réalisation d’un certain nombre d’études sur la caractérisation des modèles masculins et féminins proposés dans les manuels scolaires de l’enseignement secondaire.
En 1996, l’Institut de la condition féminine a mis en place un programme sectoriel sur les questions féminines au sein du Plan national pour la recherche et le développement, qui a abouti à une hausse sensible des ressources destinées à la recherche liée au genre. Le budget a doublé et la quantité et qualité des études de recherche ont augmenté ainsi que le nombre de professionnels travaillant dans les domaines de recherche sur les femmes. L’Institut, en outre, apporte une aide financière annuelle aux activités des séminaires d’études féminines, organisés actuellement dans toutes les universités espagnoles. Ces dernières années, les perspectives éducatives qui s’offrent aux femmes se sont en effet élargies.
Le nombre de femmes qui poursuivent un enseignement supérieur reste inférieur à celui des hommes, mais les disparités entre les sexes ont considérablement diminué entre 1990 et 1998; le pourcentage des femmes est monté de 41 % à 46 % dans l’enseignement professionnel, de 56 % à 57 % et de 38 % à 46 % respectivement dans les premier et second cycles des études universitaires. Il ressort des données statistiques que l’enseignement professionnel est le domaine qui enregistre le plus faible pourcentage de femmes; en outre, il demeure divisé en filières qui sont clairement orientées vers les hommes (réparation automobile, électronique, industries sidérurgiques, bâtiment) ou vers les femmes (coiffure, traitements de beauté, soins de santé). Aucun progrès n’a été accompli vers l’objectif visé dans ce domaine. Au niveau universitaire, la présence des femmes a augmenté dans toutes les disciplines, mais elles demeurent minoritaires dans les filières scientifiques et techniques. Toutefois, le nombre de femmes aux différents niveaux d’éducation est dans l’ensemble comparable à celui des hommes. Les nettes améliorations enregistrées dans la préparation professionnelle des femmes ont facilité la mise en œuvre de réformes spécifiques conçues pour accroître leur participation au marché du travail.
Concernant l’emploi, la participation des femmes au marché du travail, une des priorités des second et troisième Plans d’action pour l’égalité des chances, a augmenté durant plusieurs décennies. Les trains de mesures spéciales adoptés depuis 1996 pour donner une impulsion à l’emploi des femmes ont eu un impact positif, en particulier le Plan d’action pour l’emploi. Les principales composantes de ce plan consistent à : renforcer les capacités pour l’entrée à certaines professions; développer un esprit d’entreprise; permettre aux travailleurs et entreprises de s’adapter aux changements; et consolider l’approche fondée sur l’égalité des chances. Seule la dernière composante est spécifiquement axée sur les femmes, mais celles-ci ont bénéficié de la mise en œuvre de l’ensemble du Plan. L’Institut national de l’emploi réserve également 60 % des places de ses programmes de formation professionnelle aux femmes conformément au Plan d’action. Les programmes d’assistance technique et financière à l’intention des femmes chefs d’entreprise ont également bénéficié à quelque 20 000 femmes ces dernières années.
Ces activités se sont accompagnées d’une série de mesures juridiques, notamment la réglementation du travail à temps partiel, le versement intégral des prestations de sécurité sociale aux travailleuses en congé de maternité, l’octroi de subventions aux entreprises embauchant des femmes dans les domaines où elles sont traditionnellement sous-représentées et la soumission au Parlement d’un projet de loi conciliant responsabilités familiales et professionnelles. Il ressort des indicateurs généraux que la situation des femmes en matière d’emplois s’est améliorée depuis 1990. L’économie espagnole subit une transformation vers un stade postindustriel où le secteur des services absorbe la majorité des travailleurs tandis que l’industrie et l’agriculture reculent. La proportion des femmes employées dans les secteurs industriels, du bâtiment et des services s’est accrue considérablement tout en baissant dans l’agriculture.
L’Espagne a déployé de gros efforts pour accroître la participation des femmes au processus de décision. Néanmoins, même si la participation des femmes à la vie publique a continué de croître, un net déséquilibre persiste. La tradition perpétue souvent le pouvoir masculin, mais le mode de constitution des structures organisationnelles, politiques et économiques exerce également une influence décisive. Les résultats d’une étude qualitative et quantitative sur les obstacles à la participation des femmes au processus de décision ont ainsi été publiés, et une campagne de presse et de radio a été conduite pour encourager les femmes à participer à la vie politique et sociale en présentant des modèles de femmes occupant des postes de haut niveau. D’autres mesures sont notamment des programmes dispensant aux femmes la formation et les compétences requises pour parvenir les postes de décision.
Un grand nombre de données ont été compilées sur la participation des femmes à la vie politique, au monde des affaires et à l’éducation. S’agissant de la politique, le pourcentage de sièges au Parlement occupés par des femmes est monté de 15 % en 1993 à 22 % à l’issue des dernières élections. Au Parlement européen, 33 % des sièges de l’Espagne sont actuellement pourvus par des femmes, plaçant le pays au quatrième rang parmi les 12 représentés. Les élections des communautés autonomes qui viennent de se tenir le 13 juin dernier ont enregistré une hausse sensible du nombre de candidates. Les femmes pourvoient également davantage de postes de haut niveau (directeur et au-dessus) au sein de la fonction publique. Toutefois, leur présence dans la magistrature augmente lentement, aucune femme à ce jour n’ayant jamais été nommée à la Cour suprême.
Les données les plus récentes sur le secteur des entreprises remontent à 1994. Il ressort de ces données que les femmes enregistrent de petites avancées aux postes de direction, en particulier dans les sociétés qui comptent moins de 10 employés. Dans l’enseignement, la part des femmes est la plus grande aux niveaux préscolaire et primaire, et la plus faible au niveau universitaire. Dans l’ensemble, les femmes espagnoles n’ont en principe aucune difficulté à mener des carrières dans certains secteurs, mais des obstacles persistent à leur accès à d’autres domaines où se trouvent les postes de pouvoir, de responsabilité et de prestige dans le monde de la politique, des affaires et universitaire. L’Espagne poursuit toujours sa transformation sociologique majeure, initiée lors de la réforme de son régime politique en 1976, et certains vestiges de l’ancien système de pouvoir persistent. Dans l’ensemble, les efforts des institutions et de la société civile ont commencé à porter leurs fruits, et les femmes ont commencé à percer le « plafond de verre » qui les sépare des postes de décision
L’Espagne déploie de gros efforts pour lutter contre la violence à l’égard des femmes via l’examen de sa législation dans ce domaine et l’adoption du Plan d’action contre la violence familiale 1998-2000. Né de l’expression d’un consensus entre la société, les institutions et les organismes intervenant directement en réponse aux effets de cette violence, le Plan s’est concrétisé grâce aux efforts d’intégration d’une démarche soucieuse de l’égalité des sexes dans ce domaine. Le budget couvrant les trois années du Plan est estimé à 70 millions de dollars. Ses principaux volets sont notamment la sensibilisation et la prévention, l’éducation et la formation, les ressources sociales, la santé, la législation ainsi que la jurisprudence et l’investigation. Les conclusions les plus pertinentes font apparaître notamment une hausse de 28 % des dépôts de plaintes pour violences familiales entre 1990 et 1998, ainsi qu’une hausse de 18 % des plaintes pour agressions. D’autre part, le nombre de viols signalés a baissé de 29 % entre 1990 et 1998.
Les médias jouent un rôle très important dans les efforts visant à éliminer les préjugés et les pratiques coutumières discriminatoires à l’égard des femmes. Ainsi, l’Observatoire de la publicité, via une ligne téléphonique gratuite et un Conseil de l’image des femmes dans les médias, tente d’éliminer toutes publicités discriminatoires et de prévenir les distinctions sexistes entre hommes et femmes. Des études et recherches sur l’emploi des femmes dans les médias ont également été entreprises.
Des changements majeurs ont également lieu en zones rurales. La recherche par les jeunes femmes rurales d’un travail dans les secteurs autres que l’agriculture et l’élevage a conduit à l’exode rural. Il ressort d’une étude que 52 % des femmes rurales ont un travail. En 1998, seulement 25 % des fermes en Espagne étaient possédées par des femmes. Toutefois, fait plus significatif encore, les fermes dont les propriétaires sont des femmes équivalent en général au tiers de la superficie des exploitations possédées par des hommes. Les femmes se heurtent le plus souvent notamment au manque de formation, au chômage et au sous-emploi, au déficit d’équipements collectifs et à l’isolement.
Afin d’améliorer la situation des femmes rurales, d’attirer davantage l’attention sur elles et de souligner l’importance de leur action en Espagne, l’oratrice dit que son Institut, en collaboration avec le Ministère de l’agriculture et d’organisations non gouvernementales, a offert davantage de services de formation à l’intention des travailleuses agricoles et a, pour la première fois, organisé une foire de femmes rurales en vue de présenter leurs produits. En outre, un financement est assuré pour mettre en place un centre de formation à l’intention des femmes rurales.
La féminisation de la pauvreté est apparue comme une tendance manifeste à l’origine de la marginalisation des femmes. Les femmes les plus vulnérables sont notamment les gitanes, les immigrées, les prostituées, les toxicomanes, les femmes infectées par le VIH/sida et les mères célibataires. Pour combattre ce phénomène, l’action du Gouvernement a mis l’accent sur la mise en place de programmes spécifiques ainsi que sur l’accroissement du financement en faveur des organisations non gouvernementales qui aident ces femmes.
Un certain nombre de mesures ont également été prises pour améliorer la santé des femmes. Le Plan global de soins de santé à l’intention des femmes a ainsi été adopté en 1998. Les activités du Plan mettent l’accent sur quatre grands domaines : la prévention des cancers gynécologiques; la grossesse, l’accouchement et les soins post-partum; les soins de santé à l’intention des femmes qui traversent la période de la ménopause; et l’information et le suivi relatifs à l’utilisation des contraceptifs, ainsi que la prévention des grossesses non souhaitées, en particulier chez les adolescentes. Pour la première fois, des mesures conçues pour promouvoir la participation des femmes aux questions de l’environnement ont été reprises dans le troisième Plan d’action en faveur de l’égalité des chances pour les femmes. Les activités entreprises dans ce domaine sont principalement liées à la formation aux questions environnementales à tous les niveaux, y compris la formation des femmes aux métiers notamment du tourisme rural, des questions environnementales et de la gestion des déchets urbains.
La loi espagnole sur la coopération internationale, adoptée en 1998, considère la question de l’égalité des sexes – au même titre que l’environnement et l’élimination de la pauvreté – comme l’une des composantes intersectorielles de l’action de l’Espagne en matière de coopération internationale. Cette loi, à élaborer et mettre en œuvre dans le cadre d’un plan directeur mis en place à cette fin, a supposé des travaux préparatoires sur l’application des indicateurs de la condition féminine dans le domaine de la coopération internationale. En outre, des projets de coopération pour le développement sont mis en place qui intègrent une démarche soucieuse de l’égalité des sexes, en particulier en Amérique latine et au Maghreb, et les femmes sont formées au rôle d’experts en coopération et développement.
Certains progrès ont été accomplis de 1990 à 1998 sur la voie de l’égalité entre les hommes et les femmes, mais l’égalité totale entre les sexes n’a pas été accomplie dans tous les domaines de la vie sociale. Beaucoup reste encore à faire; en particulier, la société doit changer radicalement d’état d’esprit. Des améliorations sont également nécessaires dans le domaine de l’éducation et des professions toujours dominées par les hommes. Les femmes continuent de se heurter à des difficultés considérables dans l’accès au marché du travail et à certaines professions. En outre, leurs rémunérations atteignent à peine 75 % de celles des hommes à travail égal, et leurs conditions de travail et contrats d’embauche sont plus précaires. De surcroît, les femmes sont rarement représentées aux postes de responsabilité supérieure. Toutefois, les programmes intersectoriels ont conduit à un changement majeur. Non plus simplement perçue comme un problème lié aux questions féminines, l’inégalité est désormais considérée comme un problème social. À cette fin, les politiques sociales de l’Espagne visent à investir dans les ressources financières et humaines afin de garantir l’égalité, celle-ci étant un objectif à atteindre en vue d’inaugurer une société plus démocratique et plus équitable.
La Présidente dit que la présentation a grandement complété et amélioré les informations déjà abondantes, à la disposition du Comité, sur la situation des femmes en Espagne et sur l’évolution de leur rôle au fil du temps. La volonté politique de l’Espagne de mettre en œuvre la Convention est manifeste. Toutefois, il est regrettable que toute cette masse de renseignements n’ait pas été disponible en d’autres langues que l’espagnol dans la mesure où de nombreux membres du Comité ne parlent pas cette langue.
M me Corti félicite la délégation pour la qualité de ses rapports et de sa présentation orale. Ils traduisent bien le rôle de chef de file de l’Espagne au sein de l’Union européenne dans l’action visant à instaurer l’égalité des chances entre hommes et femmes. L’Espagne a intégré une démarche soucieuse de l’égalité des sexes dans ses politiques et programmes nationaux et s’est également attaquée au problème des stéréotypes culturels et au pouvoir d’influence des médias sur l’opinion publique. Le Gouvernement espagnol a changé entre la rédaction des troisième et quatrième rapports périodiques. L’oratrice se demande si ce changement a conduit à de nouvelles orientations des politiques de l’Institut de la condition féminine.
En ce qui concerne les relations administratives entre l’Institut de la condition féminine et les divers organismes provinciaux de promotion de l’égalité des chances, l’oratrice demande si les politiques pâtissent d’un manque de cohésion ou bien si l’Institut exerce une surveillance de manière à assurer la mise en œuvre d’une véritable politique nationale étendue à l’ensemble du pays. L’action de l’Espagne en matière d’emploi, ciblée sur les femmes chefs de petites entreprises et sur les travailleuses indépendantes, ainsi que sa nouvelle et remarquable législation sur le travail à temps partiel sont fondées mais l’oratrice se demande si le Gouvernement n’aurait pas une approche par trop microéconomique aux dépens des aspects macroéconomiques. Elle signale que les femmes sont très peu présentes aux postes de décision, excepté dans une certaine mesure dans l’arène politique, en dépit du fait qu’elles sont plus nombreuses que les hommes dans les universités.
M me Abaka dit que les programmes pour l’égalité des chances de l’Espagne servent de modèles sur lesquels les gouvernements de l’ensemble du monde en développement élaborent leurs propres programmes : le Ghana, par exemple, s’inspire de l’Espagne et des pays scandinaves et a conçu son organisme national de discrimination à rebours sur le modèle espagnol. L’idée consistant à décentraliser les programmes, à l’instar de l’Espagne, est bénéfique pour les femmes, elles-mêmes actives au sein de leurs communautés.
Le Comité fonde de grands espoirs sur la position de chef de file de l’Espagne dans ce domaine ainsi que sur le souci qu’elle est réputée avoir pour les défavorisés. Le Gouvernement, en particulier les autorités chargées de veiller au respect de la loi, pourrait envisager d’améliorer la protection des étrangers, en plus de l’assistance louable déjà accordée aux demandeurs d’asile. Étant donné l’influence considérable que les communautés autonomes ont sur les questions éducatives, il serait intéressant de savoir si les enfants des minorités ont l’habitude de recevoir une dose d’enseignement dispensé dans leurs langues maternelles.
M me Acar dit que le rapport est très solide car la situation y est sérieusement étudiée, et les problèmes bien diagnostiqués et décrits en toute franchise. L’oratrice est surtout préoccupée par la persistance des stéréotypes concernant les attitudes et les rôles. Même si les réponses écrites du Gouvernement (CEDAW/PSWG/1999/II/CRP.1/Add.2, p. 23) indiquent que les deux tiers, ou presque, de la population déclarent à présent être favorables à un modèle familial non traditionnel où les deux parents travaillent à l’extérieur du foyer et partagent les responsabilités du ménage, la pratique n’a pas évolué aussi rapidement que les mentalités et un double fardeau accable toujours les femmes. La promotion, par le Gouvernement, du travail à temps partiel pour les femmes ne favorise pas nécessairement une égalité durable en matière d’emploi et d’accès des femmes à des postes d’encadrement en dépit des effets bénéfiques de court terme. En outre, le fait que les femmes se découragent une fois qu’elles ont atteint un certain niveau et qu’elles bornent leurs ambitions professionnelles vers l’âge de 40 ans (réponses écrites, p. 39) traduit une discrimination indirecte à leur égard à l’origine de cette lassitude et de cette perte d’ambition. Il importe de s’attaquer vigoureusement à ce problème.
L’oratrice demande si d’éventuelles études ont été effectuées signalant quelles sont en particulier les responsabilités familiales qui, de l’avis même des femmes, les freinent le plus dans leurs carrières professionnelles, et si le Gouvernement a pris des mesures novatrices pour leur venir en aide – par exemple, en associant les personnes âgées aux garderies, activités extrascolaires ou de gestion de foyer. L’oratrice souhaiterait également obtenir des informations sur l’étendue du recours aux employés domestiques et leurs nationalités, ainsi que sur une éventuelle corrélation entre le recours aux employés de maison et la poursuite de carrières professionnelles chez les femmes. Il serait intéressant d’en connaître davantage sur la situation de droit et de fait des employés de maison.
M me Cartwright, signalant alors combien les politiques, programmes et réformes législatives du Gouvernement ont été perfectionnés depuis la rédaction de son rapport initial, fait observer que l’Espagne en est au stade complexe où les questions faciles ont été réglées et où seuls persistent les problèmes majeurs plus difficiles à résoudre. L’Espagne est considérée par les pays développés aussi bien que les pays en développement comme un chef de file du mouvement vers l’égalité des sexes. Aussi les domaines de discrimination que ce pays repère et les programmes qu’il élabore ont-ils une incidence majeure sur les autres pays.
Le rapport n’examine guère la question de la discrimination indirecte à l’égard des femmes âgées, problème qui prendra des proportions considérables à l’avenir chez les populations défavorisées, en particulier les minorités éthiques. L’allongement de la durée de vie et les taux d’analphabétisme supérieurs chez les femmes âgées, la majorité desquelles sont veuves, fait qu’elles sont moins à même de pourvoir à leurs besoins; le taux plus faible d’emploi des femmes en général et l’écart de rémunération entre les sexes les rendent moins capables d’épargner pour leurs retraites, problème aggravé par un amoindrissement de l’assiette fiscale propre à financer l’aide publique aux personnes âgées eu égard à la baisse des naissances et au chômage au sein de la population en général. Les difficultés qu’elles rencontrent, qu’aggravent les problèmes de santé liés, par exemple, au tabagisme accru des femmes et à une plus grande disposition aux maladies débilitantes à la fin de leur vie, favoriseront également la violence à leur égard et les maltraitances de nature financière. L’oratrice demande si le Gouvernement espagnol a déjà identifié ce problème qui se dessine et élaboré des politiques inspirées de travaux de recherche, et si son prochain plan national mettra l’accent sur les femmes âgées.
La séance est levée à 13 heures.