Trente-neuvième session

Compte rendu analytique de la 795e séance (Chambre A)

Tenue au Siège, à New York, le mercredi 25 juillet 2007, à 10 heures

Président e:Mme Gaspard (Vice-Présidente)

Sommaire

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l'article 18 de la Convention (suite)

Rapport unique valant quatrième, cinquième et sixième rapports périodiques de la Guinée

En l’absence de Mme Simonovic, Mme Gaspard, Vice-Présidente, prend la présidence.

La séance est ouverte à 10 h 20.

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)

Rapport unique valant quatrième, cinquième et sixième rapports périodiques de la Guinée (CEDAW/C/GIN/4-6, CEDAW/C/GIN/Q/6 et Add.1)

Sur l’invitation de la Présidente, les membres de la délégation guinéenne prennent place à la table du Comité.

M me  Nabe (Guinée), présentant le rapport unique valant quatrième, cinquième et sixième rapports périodiques de la Guinée, dit que son gouvernement vise à renforcer la mise en œuvre de l’objectif 3 du Millénaire pour le développement par les activités suivantes : mise en place de groupes de l’égalité des sexes dans les départements ministériels, formation des femmes pour accroître leur participation au processus électoral, promotion de l’intégration de l’égalité entre les sexes dans tous les niveaux du système d’enseignement, formation des fonctionnaires gouvernementaux et autres responsables aux questions d’égalité des sexes et aux dispositions de la Convention et élaboration d’un plan stratégique quinquennal pour le cadre institutionnel du Ministère des affaires sociales, de la promotion féminine et de l’enfance.

Les femmes représentent actuellement 53 % de la population guinéenne. Bien qu’elles soient représentées au gouvernement, dans les partis politiques et les syndicats, leur présence ne reflète pas leur importance démographique, et le nombre des femmes qui occupent des postes de responsabilité est encore bien inférieur à l’objectif de 30 %.

L’article 4 de la Constitution (Loi fondamentale) prévoit que les hommes et les femmes sont égaux devant la loi et qu’ils jouissent des mêmes droits. Les droits de la femme ont été également promus par l’adoption d’un Code foncier et domanial non discriminatoire, la révision du Code pénal qui prévoit des peines plus lourdes pour les crimes sexuels et la traite des êtres humains, l’élaboration d’un projet de code civil qui abolit les dispositions discriminatoires à l’égard des femmes et l’élaboration d’un projet de code de l’enfance qui comblera les lacunes dans la législation nationale en ce qui concerne les droits des filles, la traite des filles et d’autres formes de violence. Le Gouvernement guinéen s’attache également à sensibiliser les juristes aux dispositions de la Convention.

Au niveau international, la Guinée a ratifié le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la femme en Afrique et il a signé un accord de coopération multilatérale avec neuf autres pays de la sous-région de l’Afrique de l’Ouest pour lutter contre la traite des enfants.

Un certain nombre de mesures ont été prises pour émanciper les femmes rurales et atténuer leur pauvreté : ce sont la mise en place du programme national triennal d’alphabétisation de 300 000 femmes au niveau local, la création d’un fonds national appuyant les activités économiques des femmes, l’établissement d’institutions locales de microfinancement et l’organisation d’un groupe de l’égalité des sexes au ministère de l’agriculture avec une stratégie sectorielle pour professionnaliser les femmes exploitantes agricoles.

Dans le domaine de la santé, le Gouvernement guinéen s’est attaché à renforcer la couverture de vaccination, améliorer les soins de santé maternelle et infantile, lutter contre les mutilations génitales féminines par l’élaboration d’un plan stratégique national et d’un plan d’action décennal (2003-2013) et combattre le VIH/sida par la mise en place du Comité national de lutte contre le sida et de comités aux niveaux des régions et des préfectures.

En vue de réduire l’écart entre les sexes dans le domaine de l’enseignement, le gouvernement a mis en place des comités d’équité aux niveaux des régions et des préfectures ainsi que la Commission nationale de l’éducation de base pour tous (CONEBAT) qui apporte un appui aux filles qui ont abandonné leurs études ou qui n’ont jamais été scolarisées.

Le mécanisme chargé de suivre la mise en œuvre de la Convention comprend un comité national et sept comités régionaux qui malheureusement n’ont pas fonctionné efficacement en raison du manque d’appui. Toutefois des responsables de la coordination pour l’égalité des sexes travaillent dans les ministères techniques, à l’Assemblée nationale et dans les ONG. Le suivi est également assuré grâce à la coopération avec un grand nombre d’ONG nationales et internationales.

Malgré la ferme détermination politique du gouvernement et les nombreux programmes qui ont été élaborés, la promotion des femmes en Guinée continue de se heurter à des difficultés telles que l’absence de données qualitatives et quantitatives fiables dans les domaines qui intéressent le Comité, le faible pourcentage de femmes aux postes de responsabilité et leur mauvais positionnement sur les listes électorales, le suivi insuffisant de la mise en œuvre des instruments juridiques ratifiés par la Guinée et la féminisation de la pauvreté. Le Gouvernement guinéen accueillera avec satisfaction l’appui de la communauté internationale pour atteindre ses objectifs en ce qui concerne la promotion et la protection des droits de la femme.

Articles premier à 6

M me  Shin regrette que le rapport n’ait pas été rédigé conformément aux directives du Comité et que la délégation guinéenne n’ait pas fourni de réponses par écrit aux questions posées par le groupe de travail présession. Elle espère que les rapports futurs présenteront les informations article par article et qu’ils seront soumis à temps; le septième rapport est dû à la fin d’un de l’année. Elle demande instamment à la délégation guinéenne d’étudier les recommandations générales du Comité car elles contiennent des interprétations et des informations supplémentaires. Finalement Mme Shin est déçue que le rapport à l’examen ne contienne pas de données ventilées par sexe et que la délégation guinéenne ne semble pas avoir compris les articles 4 et 5 sur les mesures temporaires spéciales et les stéréotypes.

En vertu de l’article 2 de la Convention, les constitutions nationales doivent consacrer le principe de l’égalité des hommes et des femmes. Bien que l’article 4 de la Constitution guinéenne (Loi fondamentale) prévoie que les hommes et les femmes sont égaux devant la loi, cette disposition n’exclut pas toutefois la possibilité de discrimination indirecte à l’égard des femmes.

Notant que de nombreux projets de loi attendent encore d’être adoptés, Mme Shin demande quelle est l’entité chargée de faire voter les réformes juridiques et s’il existe des délais. Finalement elle souhaite savoir pourquoi la Guinée n’a pas été en mesure de ratifier le Protocole facultatif ou d’appuyer l’amendement au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention.

M me  Neubauer, notant que d’après les réponses à la liste des questions (CEDAW/C/GIN/Q/6/Add.1, p. 15, les mécanismes chargés de suivre la mise en œuvre de la Convention ne sont pas encore opérationnels, demande s’il existe une volonté politique au sein du gouvernement de suivre la mise en œuvre de la Convention et de mettre en place un système d’assistance juridique aux femmes.

Mme Neubauer demande quels mécanismes existent pour assurer une coordination appropriée entre le Ministère des affaires sociales, de la promotion féminine et de l’enfance et les autres institutions chargées de mettre en œuvre la Convention. Elle souhaite également savoir si les activités du ministère sont coordonnées avec celles des autres responsables de la coordination pour l’égalité des sexes au sein du gouvernement. Elle demande également de quelle façon le ministère coopère avec l’Observatoire sur le respect des droits des femmes à l’Assemblée nationale et s’il fait rapport régulièrement à celle-ci sur la mise en œuvre des politiques, programmes et plans d’action nationaux.

M me  Patten félicite la délégation guinéenne de sa franchise dans l’identification des défis qui doivent être relevés pour mettre la Convention en œuvre et elle demande s’il est certain que les ressources financières et humaines nécessaires seront disponibles.

Elle souhaite savoir quelles sont les raisons avancées par les autorités pour rejeter la demande de ratification du Protocole facultatif et elle voudrait savoir si le nouveau gouvernement a présenté une autre requête. Elle fait observer que le Protocole facultatif est un instrument extrêmement importante qui permet de prévenir les violations des droits de la femme.

Mme Patten se déclare préoccupée devant la lenteur de la révision du Code civil et elle demande pourquoi cette activité prend tant de temps et quand elle sera achevée.

Notant que le Comité a été informé par des sources indépendantes qu’il n’y a pas eu de consultation véritable des organisations non gouvernementales, Mme Patten demande dans quelle mesure la société civile a participé à l’élaboration du rapport et si une assistance technique a été obtenue à cette fin. Elle prie instamment la Guinée de demander une telle assistance à l’avenir.

Mme Patten est préoccupée que la Convention n’ait pas été invoquée une seule fois devant les tribunaux bien qu’elle ait été ratifiée il y a 25 ans maintenant, et elle demande quelles mesures spécifiques sont envisagées pour faire mieux connaître l’existence de la Convention aux juristes. Il est évident que des ressources suffisantes ne sont pas consacrées à cette activité.

Elle prie instamment la Guinée de tenir compte de la recommandation générale 25 sur les mesures temporaires spéciales, dans laquelle le Comité souligne la nécessité de telles mesures pour remédier aux conséquences de discriminations passées. Les domaines où les femmes guinéennes semblent véritablement défavorisées, à savoir l’enseignement, la prise de décision et la politique, sont précisément ceux où le Comité recommande vivement l’emploi de mesures temporaires spéciales telles que les quotas ou les mesures de discrimination positive.

M me  Pimentel, tout en reconnaissant les efforts déployés par la Guinée pour mettre la Convention en œuvre, se déclare préoccupée devant les difficultés auxquelles se heurte ce pays pour parvenir à cet objectif. Le rapport mentionne que les femmes et les filles sont encore victimes de pratiques traditionnelles qui sont préjudiciables à leur épanouissement, notamment les tabous traditionnels; Mme Pimentel souhaite savoir ce que sont ces tabous traditionnels.

Si le rapport mentionne l’existence d’une loi interdisant les mutilations génitales féminines, celle-ci semble avoir un effet négligeable car le rapport mentionne également que 96 % des femmes en Guinée ont été soumises à cette pratique. C’est là un motif de profonde préoccupation. La recommandation générale 14 sur la circoncision féminine et la recommandation générale 19 sur la violence à l’égard des femmes sont des instruments extrêmement utiles pour lutter contre cette pratique et Mme Pimentel se demande pourquoi le gouvernement ne les met pas à profit.

M me  Nabe (Guinée) précise que les organisations non gouvernementales ont été invitées à l’atelier de validation qui a suivi la phase de rédaction. Son ministère entretient des relations étroites avec ces organisations. Les fonctionnaires chargés de l’élaboration du rapport ne savaient pas qu’ils devaient mentionner spécifiquement les articles de la Convention. À l’avenir les rapports se conformeront à la présentation souhaitée.

M me  Sylla, fournissant des informations complémentaires sur le processus d’élaboration des rapports, dit qu’une commission interministérielle a été établie avec des représentants des organisations non gouvernementales, de l’UNICEF et des partis politiques.

Le Ministère des affaires sociales, de la promotion de la femme de l’enfance coopère étroitement avec certaines ONG et les diverses activités relatives aux affaires féminines ont été organisées conjointement par le département concerné par chaque question spécifique et les organisations non gouvernementales actives dans ce domaine.

M me  Diaraye (Guinée), se référant au niveau de sensibilisation à la Convention, dit que malgré l’organisation de sessions spéciales d’information et de sensibilisation, tous les membres du système judiciaire n’ont pas véritablement saisi leur portée. Le Ministère des affaires sociales, de la promotion féminine et de l’enfance, en coopération avec l’Observatoire sur la défense des droits des femmes, a organisé des programmes de formation et de sensibilisation à l’intention des parlementaires sur le contenu des divers instruments juridiques ratifiés par la Guinée dans le domaine des droits de la femme.

La collecte de données se fonde sur le recensement national qui est organisé à l’échelle régionale. Le prochain recensement est prévu pour 2008.

Finalement Mme Diaraye dit que la modification des lois demande beaucoup de temps et nécessite de longues négociations entre les divers ministères. Les négociations sur la révision proposée du Code civil, qui cherchent à prendre en compte tous les instruments relatifs aux droits de la femme auxquels la Guinée est partie, ont été particulièrement compliquées. Le Gouvernement guinéen espère que le code révisé sera présenté à l’Assemblée nationale à la fin de l’année.

M me  Kaba dit qu’à l’issue de la promulgation de la loi relative aux mutilations génitales féminines, le pourcentage de femmes soumises aux mutilations a légèrement diminué, tombant de 99 % à 96 %. L’absence de succès ne signifie pas que des efforts n’ont pas été déployés. Il est extrêmement difficile de modifier le comportement de la population. La persistance de cette pratique est due en partie au fait qu’elle répond à un besoin social et religieux. Il convient de ne pas oublier que 80 % de la population en Guinée sont musulmans.

M me  Bamba (Guinée) dit que la loi interdisant les mutilations génitales féminines n’est pas appliquée efficacement et aucun cas n’a été porté devant les tribunaux. Un climat d’impunité règne. Mme Bamba reconnaît que les recommandations générales du Comité contribueraient à éliminer des pratiques préjudiciables aux femmes.

M me  Aribot (Guinée) dit que, dans le cadre du plan d’action décennal en cours visant à éliminer les mutilations génitales féminines, le gouvernement, en coopération avec divers partenaires, aide les femmes qui pratiquent les excisions à se recycler dans d’autres emplois. En raison de la mise en œuvre du plan décennal, les mutilations génitales féminines ne sont plus pratiquées par les infirmières et les sages-femmes dans les hôpitaux; ainsi le gouvernement a mis fin aux efforts visant à « médicaliser » cette pratique. Le gouvernement et les organisations de la société civile condamnent unanimement cette pratique et s’efforcent d’informer le public des dangers de cette pratique pour la santé procréative et mentale des femmes. Cependant cette position est quelque peu affaiblie par les représentants de la religion islamique qui ne se sont pas déclarés ouvertement en faveur de l’élimination de cette pratique.

M me  Sidibe (Guinée), reconnaissant la nécessité de davantage de données ventilées par sexe, dit qu’une base de données a été mise en place par le Ministère des affaires sociales, de la promotion féminine et de l’enfance en 2000 sur la base d’une enquête sur les activités économiques des femmes. D’autres enquêtes ces dernières années ont porté sur les femmes et la pauvreté et la condition sociale des femmes. Le recensement prévu pour 2008 permettra d’obtenir des statistiques à jour sur tous les aspects de la condition des femmes.

M me  Diaraye (Guinée) dit que, ces dernières années, la Guinée a célébré la Journée internationale pour l’élimination des mutilations génitales féminines avec un certain nombre de programmes nationaux et régionaux visant à sensibiliser les autorités, les femmes et les filles aux dangers que présentent les mutilations génitales féminines.

M me  Begum fait observer que les mutilations génitales féminines ne sont pas pratiquées dans son pays, le Bangladesh, qui est également un pays à forte majorité musulmane. C’est l’une des pires manifestations de violence à l’égard des femmes qui n’a rien à voir avec la religion. Certains pays d’Afrique ont commencé à fournir d’autres moyens d’existence aux personnes qui pratiquent les mutilations génitales féminines. La Guinée ne doit épargner aucun effort pour suivre leur exemple.

La prévalence de la violence à l’égard des femmes est un motif de profonde préoccupation. Notant que d’après les réponses à la liste des questions, 76 % des femmes battues sont musulmanes, Mme Begum se demande pourquoi les Musulmanes représentent une proportion aussi importante des victimes. Dans ses observations finales sur le rapport précédent (A/56/38, deuxième partie, par. 135), le Comité a recommandé à la Guinée et de promulguer des lois sur la violence familiale. Mme Begum demande quels progrès ont été réalisés dans ce domaine. Le Comité a également recommandé une formation aux questions d’égalité des sexes pour tous les fonctionnaires, en particulier les responsables de l’application des lois, les membres du système judiciaire et les travailleurs sanitaires. L’État partie doit faire savoir quelles mesures ont été prises à cet égard. Mme Begum demande également combien de condamnations ont été prononcées en vertu des articles du Code pénal relatifs aux blessures corporelles infligées délibérément, à la menace de mort et au viol.

Finalement Mme Begum demande des détails sur les services d’appui fournis aux victimes de violence, notamment le nombre de refuges, et elle souhaite savoir quel rôle joue le gouvernement dans la fourniture de ces services.

M me  Chutikul fait observer que le mandat du ministère des affaires sociales, de la promotion féminine et de l’enfance qui concerne plus particulièrement les femmes consiste à élaborer, coordonner, mettre en œuvre et suivre les politiques gouvernementales sur la promotion de la femme. En ce qui concerne le volet élaboration de ce mandat, l’État partie a mentionné de nombreux programmes et politiques relatifs à l’égalité des sexes : la politique nationale de promotion de la femme, adoptée en 1996, le programme-cadre pour les femmes et le développement, le programme d’action pour la mise en œuvre de la politique nationale révisée de promotion de la femme qui doit être élaborée en 2007 et un document directif national sur l’égalité entre les sexes à élaborer en 2008. L’État partie doit fournir davantage d’informations sur les diverses initiatives et leurs relations réciproques, et il doit faire connaître celles qui guideront l’action du gouvernement sur les questions d’égalité entre les sexes au cours des trois à cinq prochaines années. Mme Chutikul souhaite également savoir quelles sont les entités qui ont participé à la formulation de ces initiatives et quelles données ont été utilisées dans ce processus.

En ce qui concerne le volet coordination du mandat du ministère, Mme Chutikul note que la responsabilité de la promotion de la femme incombe à de nombreux ministères et ONG différents. L’État partie doit faire savoir s’il existe un mécanisme chargé de coordonner les activités de ces entités.

En ce qui concerne le volet mise en œuvre, Mme Chutikul note que les activités du ministère portent sur de nombreux domaines différents outre la promotion de la femme, tels que le développement social en général, la politique de protection sociale et les questions relatives à l’enfance. Compte tenu de cette lourde charge de travail, elle souhaite savoir comment le ministère s’acquitte de son mandat concernant les questions intéressant les femmes, en particulier l’importance des ressources humaines et financières affectées à cette partie de son mandat. Notant que la mise en œuvre de la politique nationale de promotion de la femme est assurée par un directoire national appuyé par trois divisions responsables respectivement de la promotion économique, de la formation et de l’éducation ainsi que de la promotion des droits de la femme, Mme Chutikul demande des informations supplémentaires sur la mise en œuvre de cette politique dans la pratique.

En ce qui concerne le suivi, Mme Chutikul note que le comité national et les sept comités régionaux créés pour suivre la mise en œuvre de la Convention ne fonctionnent pas. Elle demande quelles sont les mesures envisagées pour remédier à cette situation. En ce qui concerne la question des données, il faudra mettre davantage l’accent sur les résultats plutôt que sur les apports dans le prochain rapport. Finalement Mme Chutikul demande quelle est l’efficacité réelle des responsables de la coordination pour l’égalité des sexes dans les départements ministériels. Dans de nombreux pays ils ont peu de pouvoirs et ne disposent pas de l’appui ministériel voulu.

M me  Simms dit qu’une action beaucoup plus vigoureuse est nécessaire, en particulier de la part des femmes elles-mêmes, pour veiller à ce que l’État partie s’acquitte des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention. La traite des êtres humains, la prostitution, la violence à l’égard des femmes et les taux élevés de mortalité maternelle et infantile sont tous des problèmes graves auxquels il faut remédier. Des mesures doivent également être prises sur la question des mutilations génitales féminines, pratique barbare qui n’a rien à voir avec l’islam. En fait cette pratique a été préconisée pour la première fois par un gynécologue britannique au XIXe siècle dans le but de neutraliser la menace que poserait la sexualité des femmes et de les rendre plus dociles. Se félicitant des plans esquissés pour faire face à ce problème, Mme Simms prie instamment l’État partie de veiller à ce qu’ils deviennent une réalité. Il incombe aux femmes de résister à la culture patriarcale qui permet la persistance des mutilations génitales féminines et de veiller à ce que la loi interdisant cette pratique soit pleinement respectée.

La Présidente, prenant la parole en tant que membre du Comité, dit qu’il semble qu’il soit difficile aux femmes victimes de violence, en particulier les femmes rurales, d’obtenir justice en raison du coût des frais de justice et des distances qu’elles doivent parcourir pour porter plainte. Elle demande s’il existe des programmes qui facilitent l’accès des femmes à la justice et qui leur fournissent une aide pécuniaire.

En ce qui concerne les mutilations génitales féminines, elle encourage le gouvernement guinéen à prendre connaissance de l’étude approfondie de toutes les formes de violence à l’égard des femmes du Secrétaire général (A/61/122/Add.1 et Corr.1) qui met l’accent sur les dangers des mutilations génitales féminines, notamment le fait qu’elles contribuent à la mortalité maternelle et infantile. Mme Gaspard souhaite savoir pourquoi l’État partie ne dispose pas des instruments nécessaires pour faire appliquer la loi interdisant les mutilations génitales féminines et pourquoi le gouvernement n’a pas mené de campagne à grande échelle pour accroître la sensibilisation du public aux dangers de cette pratique. Mme Gaspard se demande également pourquoi la Guinée n’a pas ratifié le Protocole de 2003 à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, relatif aux droits de la femme en Afrique, qui condamne vivement les mutilations génitales féminines. Finalement Mme Gaspard demande si les campagnes visant à demander aux femmes qui pratiquent les mutilations génitales féminines de remettre leurs couteaux d’excision aux autorités contribuent réellement à réduire de façon permanente l’incidence de cette pratique.

M me  Nabe (Guinée) dit que, bien que les mutilations génitales féminines soient à présent considérées comme un crime, l’influence des dirigeants religieux dont l’interprétation du Coran est favorable aux hommes demeure extrêmement forte. Des campagnes de sensibilisation ont été menées et continueront de l’être mais du fait que cette pratique est considérée comme une coutume et une religion, son élimination est une entreprise de longue haleine.

M me  Sylla (Guinée) dit que les efforts déployés par le gouvernement pour faire connaître les conséquences néfastes de cette pratique commencent à donner des résultats. Toutes les couches de la société participent à l’examen de cette question. Les mutilations génitales féminines ne sont pas une pratique exclusivement musulmane car elles sont pratiquées même dans la région de la Guinée forestière qui compte une population musulmane relativement faible. Il s’agit donc d’une question culturelle plutôt que religieuse.

La première politique nationale de promotion de la femme a été adoptée en 1996. Initialement il y avait un seul organe, le directoire national de la promotion de la femme qui comprend trois divisions responsables respectivement de la promotion économique, de la formation et de l’éducation et de la promotion des droits de la femme. Cependant par la suite les États ont été priés d’aligner leurs politiques sur les objectifs du Millénaire pour le développement et le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique, d’où l’existence d’une deuxième politique nationale de promotion de la femme.

La première politique nationale de promotion de la femme a été pleinement intégrée à la stratégie de réduction de la pauvreté de la Guinée, mais les questions relatives à l’égalité des sexes ont été omises. Le gouvernement a donc décidé d’élaborer une politique distincte pour l’égalité des sexes. Une politique nationale d’égalité des sexes est prévue pour 2008.

Les responsables de la coordination pour l’égalité des sexes ont apporté une contribution importante à la mise en œuvre de la politique nationale de promotion de la femme. Cependant ils souffrent d’un certain nombre de handicaps : en raison de leur statut il leur est difficile de participer aux réunions où les décisions sont prises; ils changent souvent d’un département à l’autre et les remaniements ministériels aboutissent souvent à leur répartition inégale dans les divers départements. Le nouveau gouvernement a donc décidé de les remplacer par des groupes de l’égalité des sexes à l’image des comités d’équité dans le secteur de l’enseignement. Lorsque de tels comités existent des progrès considérables ont été réalisés dans la mise en œuvre de la Convention.

M. Traore (Guinée) dit que des données n’existent pas à l’heure actuelle sur les femmes victimes de traite en Guinée. Le gouvernement envisage donc d’effectuer une enquête pour déterminer l’ampleur de la traite des femmes et des filles en Guinée. Il a déjà adopté un plan d’action national pour lutter contre la traite des femmes et des filles d’une part et des enfants d’autre part. Au moins 12 cas attendent actuellement d’être jugés par la Cour d’assises, qui est responsable des cas de traite des êtres humains. Cependant du fait que la Cour ne se réunit pas régulièrement souvent de longs délais se produisent avant que le cas ne soit jugé. Le représentant de la Guinée reconnaît que la législation actuelle est insuffisante. Une loi spéciale visant à lutter contre la traite des êtres humains est donc en cours de rédaction et se trouve déjà à un stade avancé.

En ce qui concerne les victimes de violence dans les zones rurales, le représentant de la Guinée dit que toute forme de violence, qu’elle soit physique, morale ou psychologique, est passible de sanctions en vertu du Code pénal. Un homme, quelle que soit sa religion, qui bat sa femme commet un crime; il peut donc être poursuivi en justice et condamné par les tribunaux. Il n’existe pas de dispositions spéciales en faveur des femmes des zones rurales. Cependant si une femme victime de violence dépose plainte, l’auteur des violences sera jugé conformément à la loi, quelle que soit la région où vit la victime.

En ce qui concerne la mise en œuvre de la loi relative à la santé en matière de procréation, le représentant de la Guinée dit que cette loi a été adoptée en 2000; cependant aucune règle d’application n’a été élaborée car il a été décidé que les sanctions prévues dans cette loi étaient trop lourdes : par exemple si une fille décède 40 jours après avoir subi une mutilation génitale, la personne qui a pratiqué cette mutilation risque la peine de mort. Cette loi a été à présent révisée et des règles d’application sont actuellement élaborées. Maintenant il suffit aux victimes de mutilations génitales féminines ou à leurs parents de déposer plainte. Les ONG peuvent également jouer un rôle à cet égard.

Finalement le Protocole facultatif à la Convention a été présenté pour adoption au gouvernement. Une fois qu’il sera adopté il sera présenté à l’Assemblée nationale pour ratification. Cependant il est important que les femmes guinéennes comprennent bien les nombreux recours dont elles disposent.

M me  Aribot (Guinée) dit que, sur la question de la coordination, tout document directif élaboré par un ministère doit être examiné par le conseil interministériel qui se réunit une fois par semaine. Ce document doit également passer par un processus de validation nationale comprenant tous les ministères et ONG. Les responsables de la coordination pour l’égalité des sexes assistent également aux réunions de validation. Une fois le document validé, le ministère responsable le présente au conseil interministériel qui a deux semaines pour l’examiner. La ministre des affaires sociales, de la promotion féminine et de l’enfance, est autorisée, en tant que membre du conseil interministériel, à participer à toute réunion où sont examinés des documents directifs affectant les femmes. Du fait que la plupart des politiques affectent les femmes d’une façon ou d’une autre, elle est essentiellement autorisée à participer à toutes les discussions.

Articles 7 à 9

M me  Neubauer fait observer que, alors que le rapport (p. 7) mentionne la participation de plus en plus importante et influente des femmes au marché du travail, les informations contenues dans les réponses à la liste des questions (p. 15) indiquent que le nombre de femmes occupant certains postes de responsabilité a diminué ces dernières années. Elle se réfère en particulier au petit nombre de femmes parlementaires à l’Assemblée nationale, ministres, directrices d’établissements d’enseignement supérieur, préfètes, avocates et inspectrices régionales des affaires sociales. Elle souhaite des informations sur les efforts déployés en ce qui concerne le rôle des femmes dans l’exercice du pouvoir, outre les séminaires, ateliers et activités de lobbying par les ONG féminines mentionnés dans le rapport. Plus particulièrement elle souhaiterait des données concrètes sur toute intervention menée à bien, élaborée ou envisagée.

Le projet du gouvernement de recourir au plaidoyer pour persuader les autorités et les partis politiques d’accroître le nombre des femmes aux postes de responsabilité et d’améliorer leur positionnement sur les listes électorales (réponses, p. 15) est insuffisant. Par ailleurs il n’est pas conforme à l’article 2 de la Convention. Le paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et les recommandations générales 23 et 25 précisent clairement que le gouvernement doit prendre activement des mesures pour promouvoir la participation des femmes. À cet égard Mme Neubauer souhaite savoir si le gouvernement envisage d’introduire des mesures temporaires spéciales telles que la discrimination positive, le traitement préférentiel ou les systèmes de quotas.

La Présidente, prenant la parole en tant que membre du Comité, se félicite de l’établissement d’un réseau de femmes ministres et parlementaires, compte tenu en particulier du faible pourcentage de femmes à l’Assemblée nationale. Elle se demande cependant si les femmes parlementaires connaissent l’existence de la Convention. Dans le cas contraire l’État partie pourrait envisager de participer à la réunion des femmes parlementaires tenue chaque année à Genève sous les auspices de l’Union interparlementaire. L’une des questions examinées à cette réunion, à laquelle participent également des experts du Comité, est la Convention et l’état de sa mise en œuvre dans différents pays. Mme Gaspard estime que cette réunion sera l’occasion d’examiner la mise en œuvre de la Convention en Guinée.

Le nombre de femmes élues dans l’administration locale est particulièrement faible. Cependant c’est au niveau local que les problèmes se posent de façon la plus aiguë et que le pli est pris. Cette question doit être réglée, par exemple en établissant des quotas, en adoptant des lois imposant un pourcentage minimum de femmes sur les listes électorales ou en offrant des incitations, par exemple en liant le financement du parti au nombre de femmes élues. Mme Gaspard est heureuse d’apprendre que trois des 33 préfets en Guinée sont à présent des femmes. La Guinée doit persévérer dans cette voie.

Finalement, conformément à l’article 8 de la Convention, l’État partie doit prendre des mesures pour accroître le nombre de femmes occupant des postes diplomatiques de rang élevé. M me  Gaspard espère que le prochain rapport contiendra davantage d’informations à cet égard.

M me  Patten note que d’après le rapport (p. 16), un étranger qui épouse une Guinéenne ne peut acquérir la nationalité guinéenne que par naturalisation. Elle souhaite savoir si cette disposition, qui est discriminatoire, a été modifiée ou si le gouvernement envisage de l’amender.

La situation concernant la nationalité de l’enfant n’est pas claire. D’après le rapport, l’enfant acquiert la nationalité du père (p. 15), mais plus loin selon ce même rapport (p. 16), le projet d’amendement du Code civil a modifié ces dispositions de sorte que les femmes et les hommes sont à présent sur un pied d’égalité lorsqu’il s’agit de la nationalité de leurs enfants. D’après les réponses à la liste des questions (p. 12) les amendements sur la question de la nationalité de l’enfant qui figurent dans le projet de code civil révisé conformément à la Convention ne sont pas encore entrés en vigueur. Mme Patten souhaite savoir quel est le statut de ces amendements. Les réponses laissent entendre qu’ils ont été promulgués. Si c’est le cas pourquoi ne sont-ils pas entrés en vigueur? Mme Patten voudrait savoir si la délégation guinéenne peut fournir une réponse à cette question.

M. Traore (Guinée) dit que la question de la nationalité relève à la fois du Code civil et du Code de l’enfance. Une fois que ces deux instruments auront été adoptés la question sera réglée. À cet égard il dit que le code de l’enfance sera adopté à la fin de l’année et le Code civil en 2008.

La séance est levée à 13 heures