Quarantième session
Compte rendu analytique de la 818e séance
Tenue au à l’Office des Nations Unies à Genève, le vendredi 18 janvier 2008, à 15 heures
Présidente :Mme Šimonović
Sommaire
Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18de la Convention (suite)
Sixième rapport périodique de la France (suite
La séance est ouverte à 15 h 5.
Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 18 de la Convention (suite)
Sixième rapport périodique de la France (suite) (CEDAW/C/FRA/6, CEDAW/C/FRA/Q/6 et Add.1)
Sur l’invitation de la Présidente, la délégation de la France et prend place à la table du Comité.
Articles 10 à 14
M me Dairiam (Rapporteur), tout en se félicitant du niveau élevé d’instruction des femmes françaises dans leur ensemble, souhaiterait obtenir une comparaison entre femmes issues de l’immigration et l’ensemble de la population féminine. Il serait utile de disposer de statistiques sur les activités mentionnées à la page 18 du rapport ainsi que d’informations sur le contenu des programmes de formation, sur les mesures adoptées et sur les calendriers de mise en œuvre.
Dans ses réponses à la liste des questions suscitées par le rapport, (CEDAW/C/FRA/Q/6/Add.1), le Gouvernement déclare que l’interdiction du port du voile islamique dans les écoles n’a pas eu de conséquences sur l’éducation des filles et qu’aucune plainte de la part d’étudiantes ou de leurs familles n’a été enregistrée en 2007. Elle craint toutefois que parents et jeunes filles aient simplement abandonné tout espoir de convaincre les autorités de revoir leur décision. Par ailleurs, elle n’est pas convaincue de l’existence de véritables alternatives d’enseignement pour tous les cas. Elle souhaiterait connaître les mesures prises par le Gouvernement pour veiller à l’application de la législation sur l’enseignement obligatoire et l’invite à poursuivre l’examen des effets de l’interdiction du voile tout en continuant le dialogue avec les communautés concernées aux fins d’aboutir à une solution à long terme convenue d’un commun accord.
M me Ara Begum demande quelles mesures ont été adoptées pour éliminer les stéréotypes sexistes qui selon le rapport, persistent dans les manuels scolaires.
Diverses études ont montré que de nombreuses filles ont abandonné l’école à cause du voile, mettant fin à leur scolarisation, la majorité des familles immigrées n’ayant vraisemblablement pas les moyens pour envoyer leurs filles dans des écoles privées. Concernant la question 15 de la liste (CEDAW/C/FRA/Q/6), le Comité a demandé au Gouvernement l’incidence de la loi du 15 mars 2004 sur le droit des filles et des jeunes femmes à l’éducation. En outre, dans ses observations finales (CRC/C/15/Add.240, para 26) relatives au second rapport périodique de la France, le Comité des droits de l’enfant a recommandé à l’État partie de continuer de suivre de près la situation des filles exclues des écoles par suite de la nouvelle législation et de veiller au respect de leur droit à l’éducation. Elle souligne que cette interdiction constitue une grave violation des droits fondamentaux des filles et demande si le Gouvernement a l’intention de réexaminer cette question.
M me Voisin (France) dit que le Gouvernement ne tient pas de statistiques distinctes concernant les élèves de familles issues de l’immigration. Néanmoins, dans le cadre d’une initiative du lycée Henri IV, les élèves des classes préparatoires (programmes de préparation aux concours d’entrée très sélectifs aux grandes écoles), ont prodigué un tutorat aux élèves provenant des quartiers les plus pauvres de la banlieue –principalement issus de l’immigration – afin d’augmenter leurs possibilités d’être admis aux classes préparatoires et finalement à l’Institut d’études politiques. Cette initiative a été couronnée de succès et a bénéficié particulièrement aux filles.
Ainsi que mentionné dans les réponses au questionnaire, lorsque la loi du 15 mars 2004 a été réévaluée un an après son entrée en vigueur, il s’est révélé que 90 % des 626 filles qui portaient le voile début 2004 ont choisi de respecter la loi ; sur les 96 élèves (comprenant notamment des garçons coiffés du turban sikh) qui ont opté pour une autre solution, la plupart se sont inscrits dans des écoles privées. Le système de l’enseignement privé en France comprend de nombreuses écoles qui sont financées par le Gouvernement, tandis que d’autres offrent des bourses aux élèves nécessiteux ; elle est par conséquent convaincue que l’enseignement obligatoire est respecté. En 2005, moins de 10 élèves ont été affectés par la loi. En 2007, l’unique exclusion a porté sur un garçon sikh. Le médiateur du Ministère de l’éducation nationale n’a pas été saisi une seule fois au titre de cette loi.
M me Patten, se référant à l’article 11 de la Convention, se déclare préoccupée par le fait qu’en dépit de l’augmentation du pourcentage de femmes actives, leurs rémunérations, pensions et heures de travail prestées sont rarement comparables à celles des hommes. De nombreuses femmes ont des emplois à temps partiel ou des emplois temporaires et sont surqualifiées pour les postes qu’elles occupent. Elle s’interroge sur l’efficacité des mesures adoptées par le Service des droits des femmes et de l’égalité (SDFE), notamment celles relevant de l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE).
Il importe de savoir si le personnel à temps partiel bénéficie d’une préférence sur les candidats externes en cas d’augmentation du volume d’heures de travail et le cas échéant, si le non-respect de cette priorité fait l’objet d’une sanction. La délégation devrait par ailleurs préciser si ces travailleuses sont enregistrées par le Gouvernement comme étant au chômage partiel et décrire les mesures visant à empêcher toute discrimination à l’égard des travailleuses temporaires ou à temps partiel.
Elle se déclare quelque peu sceptique à l’égard de l’application de la loi de 2006 sur l’égalité salariale entre femmes et hommes du fait qu’elle fait appel aux négociations et n’entraîne pas de sanctions. Il serait intéressant de savoir si une évaluation de ses effets a déjà été entreprise. Elle souhaiterait également être informée du rôle du Gouvernement en cas de blocage des négociations, des mesures d’incitation prévues et de la manière dont le contrôle est assuré dans les petites et moyennes entreprises sans représentants syndicaux.
En dernier lieu, elle a le sentiment que la définition du harcèlement sexuel dans la loi est trop restreinte et peu conforme à celle de la Directive européenne 2006/54/EC du 5 juillet 2006 et demande si le Gouvernement envisage d’y remédier.
M me Arocha Dominguez se déclare préoccupée par l’observation à la page 41 du rapport qui fait état du renforcement de la concentration de l’emploi des femmes dans un petit nombre de métiers moins valorisés socialement et aimerait des statistiques additionnelles sur le nombre de femmes dans les différents secteurs ainsi qu’une ventilation de l’emploi selon les zones rurales et urbaines.
Elle partage la même préoccupation à propos du caractère facultatif des négociations dans le cadre de la loi sur l’égalité salariale entre les femmes et les hommes tout en relevant que les écarts sont les plus marqués au niveau des postes de direction. Elle se demande si les salaires à ce niveau font également l’objet de négociations en application de cette loi.
La majeure partie des informations sur les collectivités territoriales d’outre-mer a été fournie en réponse au questionnaire qui n’a pas encore été traduit dans toutes les langues. Elle espère que le prochain rapport contiendra les principales statistiques permettant la comparaison entre la situation des femmes dans tous les départements et celle des collectivités territoriales d’outre-mer.
M me Gabr de son côté souhaiterait également voir incluses dans le prochain rapport des statistiques supplémentaires sur les chômeuses et les retraitées, les immigrées et les femmes des collectivités territoriales d’outre-mer. Elle se demande si le Gouvernement envisage de recourir au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention (mesures temporaires spéciales) en vue d’augmenter la représentation féminine aux postes élevés et demande si les femmes voilées sont discriminées en matière d’emploi dans le service diplomatique et dans les médias.
M me Belmihoub-Zerdani dit que bien que la Constitution établisse l’égalité entre tous les citoyens français, il ne semble pas y avoir de véritable volonté politique pour appliquer la Convention dans les collectivités territoriales d’outre-mer. L’explication fournie le matin ne l’a pas convaincue ; des informations en provenance de diverses sources laissent croire que les femmes vivant dans les départements et collectivités territoriales d’outre-mer sont discriminées et dans certains cas, soumises au droit coutumier. Elle demande quelles sont les mesures du Gouvernement pour assurer que ces femmes soient mises au courant de la Convention. Elle souhaiterait également savoir si cette si ces dernières ont été consultées durant l’établissement du rapport et si les observations finales du Comité leur seront communiquées. Enfin, elle se demande si la législation du travail leur est appliquée de la même façon.
M me Shin demande si le Gouvernement estime nécessaire d’aligner sa définition du harcèlement sexuel sur celle de la directive européenne 2006/54/EC du 5 juillet 2006. Elle se déclare particulièrement préoccupée par le fait que la législation présentement en vigueur ignore le harcèlement des femmes par leurs clients.
En ce qui concerne l’harmonisation de la vie professionnelle et familiale, elle se demande si les maris qui bénéficient d’un congé de paternité consacrent effectivement davantage de temps aux soins à donner aux enfants ou s’ils destinent ce temps à un autre usage.
La Convention relative aux droits des personnes handicapées a été adoptée en décembre 2006. Il est regrettable que le rapport ne présente pas davantage d’informations sur l’emploi des femmes handicapées.
À la réunion du matin, la délégation a déclaré que suite à une conférence sur l’égalité professionnelle, toute entreprise qui n’adoptait pas un plan pour garantir l’égalité des salaires d’ici au 31 décembre 2009 serait frappée d’une amende. Ces dernières n’ont pas eu beaucoup d’effet jusqu’à présent sur les employeurs pour les inciter à réduire les disparités salariales. Elle se demande si la délégation pense que les amendes seront plus efficaces à l’avenir.
M me Voisin (France) dit que le taux de chômage féminin a baissé, néanmoins le Gouvernement est conscient de la nécessité d’offrir davantage de possibilités d’emploi aux femmes. Des organisations non gouvernementales (ONG) ainsi que des associations fournissent aux chômeuses une formation en vue de renforcer leur confiance en soi. En outre, le Gouvernement diffuse des informations sur les conséquences du travail à temps partiel : il est important que les jeunes femmes aient conscience qu’accepter un temps partiel rendra plus ardue par la suite l’obtention d’un travail à temps plein tout en empêchant le versement d’une contribution suffisante pour leur pension de retraite. Néanmoins, les femmes exerçant une activité à temps partiel ont droit aux prestations de congé parental calculées en fonction du nombre d’heures de travail prestées Le Gouvernement réexamine actuellement le système de congé parental à la fois trop prolongé et insuffisamment rémunéré.
Le Gouvernement se propose de tenir des tables rondes avec les partenaires sociaux ainsi qu’avec les entreprises en vue de sensibiliser davantage aux questions liées au travail à temps partiel. Selon le Code du travail, une femme employée à temps partiel dans la même entreprise doit bénéficier d’une priorité sur les autres candidates pour l’obtention d’un emploi. permanent. Le Gouvernement a également pris des mesures en vue de promouvoir les emplois multiples de manière à permettre à une femme d’occuper simultanément plusieurs emplois à temps partiel au lieu d’un emploi à temps plein.
En application de la loi de mars 2006 sur l’égalité salariale entre femmes et hommes, les entreprises doivent négocier chaque année avec les représentants syndicaux en vue d’éliminer les différences salariales. En outre la loi dispose qu’en l’absence de progrès, un projet de loi sera soumis en vue d’infliger des amendes. Avant même son élection, le nouveau Président a annoncé que s’il était élu, il ferait de l’égalité salariale l’une de ses priorités. Une conférence sur l’égalité salariale a été organisée en novembre 2006 ; l’une de ses conclusions s’est traduite dans la décision d’imposer des amendes aux entreprises n’ayant pas établi un programme d’action visant à assurer l’égalité salariale d’ici décembre 2009. La conférence a également déterminé les activités prioritaires pour l’analyse des facteurs structurels qui sous-tendent les inégalités salariales.
Le Gouvernement offre des services d’orientation professionnelle aux filles en vue d’éliminer les stéréotypes qui les empêchent de choisir certaines professions dominées par les hommes. La question de l’articulation entre vie familiale et vie professionnelle constitue un aspect essentiel de l’égalité. Il est évident que des soins de qualité aux enfants s’avèrent essentiels et que la parentabilité doit être partagée. Le constat que 75 % des hommes, notamment les jeunes pères, prennent un congé parental, est encourageant. Le taux d’emploi des femmes handicapées varie en fonction de la nature du handicap, toutefois les femmes handicapées subissent davantage de discrimination que les hommes.
M. Juy-Birmann (France) annonce la parution d’une annexe au sixième rapport afin de présenter des informations plus complètes sur les collectivités territoriales d’outre-mer. Bien que celles-ci jouissent d’un certain degré d’autonomie, les principes de la République y sont respectés : la polygamie par exemple y a été éradiquée. Le Gouvernement fournira également des données statistiques ventilées sur l’emploi et les salaires. Néanmoins, il est évident que le chômage y constitue un problème sérieux en raison de l’importance des activités traditionnelles, aussi le taux de chômage y est-il plus élevé que dans la métropole. S’agissant de la diffusion de l’information relative à la Convention dans les collectivités territoriales d’outre-mer, il importe de souligner que celles qui jouissent d’un certain degré d’autonomie peuvent promulguer leur propre législation dans certains domaines. Néanmoins, le Gouvernement dans un effort concerté s’efforce d’assurer que les organes locaux diffusent l’information (dans les langues vernaculaires) par le biais de campagnes de sensibilisation faisant appel à la télévision ainsi qu’à des numéros d’appel gratuit.
M me Schulz (France) précise que la discrimination et le harcèlement sexuels sont des délits qui relèvent du Code pénal qui fait une distinction entre harcèlement sexuel et harcèlement psychologique. Le harcèlement sexuel est passible d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à une année et d’une amende pouvant s’élever jusqu’à 15 000 euros. La loi no 2002-73 du 17 janvier 2002 relatif à la modernisation sociale contient des dispositions visant à éliminer le harcèlement psychologique. Le Code du travail prévoit également des peines de prison pouvant aller jusqu’à une année ainsi que des amendes pouvant s’élever jusqu’à 3 750 euros.
Le Gouvernement a été critiqué par la Commission européenne pour n’avoir pas donné de définition du harcèlement direct ni du harcèlement indirect ni d’un incident ponctuel de harcèlement à l’inverse du harcèlement répété. Le Gouvernement a élaboré en conséquence un projet de loi contenant les dispositions requises pour adapter la législation nationale aux directives de la Commission européenne. S’agissant des statistiques sur le harcèlement sexuel et psychologique, on a enregistré 47 condamnations en 2004 et 64 en 2005, dont 49 assorties d’une peine de prison.
M me Augustin (France) appelle l’attention sur les caractéristiques propres aux collectivités territoriales d’outre-mer. Dans l’ensemble, les femmes y ont davantage de probabilité d’être au chômage et de le rester pour de longues durées. Ces collectivités sont moins industrialisées et disposent de moins de places de travail ; en outre, les femmes ont tendance à se concentrer dans le secteur des services. Près de 70 % des familles sont monoparentales et les femmes qui doivent élever seules leurs enfants se voient souvent contraintes d’accepter des emplois pour lesquels elles sont surqualifiées.
L’économie est largement constituée de microentreprises, ce qui rend plus ardue l’application de politiques paritaires. Changer les attitudes avec l’aide des Conseils régionaux et du Ministère de l’emploi s’avère une tâche essentielle. Sa délégation fournira davantage de précisions sur les collectivités territoriales d’outre-mer, mais il importe de garder à l’esprit que les politiques en faveur de l’égalité des sexes doivent être adaptées à la nature particulière de la société directement concernée.
M me Coker-Appiah souhaite obtenir un complément d’information concernant l’accès et le coût de la contraception, en particulier pour les femmes immigrées en France ainsi que pour les femmes des collectivités territoriales d’outre-mer. Elle souhaite également connaître le taux de mortalité maternelle parmi ces groupes, notamment comme suite d’avortements pratiqués dans de mauvaises conditions.
Selon le rapport (p. 56), plus de la moitié des personnes vivant avec le sida en France ont été infectées à l’occasion de relations hétérosexuelles ; 60 % sont des femmes et 50 % sont des ressortissantes d’un pays d’Afrique subsaharienne. Elle aimerait savoir si ces femmes ont accès à des médicaments gratuits, notamment du fait qu’elles sont probablement au chômage et que nombre d’entre elles vivent illégalement en France.
Enfin, elle invite instamment l’État partie à fournir dans son prochain rapport davantage de renseignements sur les collectivités territoriales d’outre-mer.
M me Arocha Dominguez se déclare préoccupée par le fait que la facilité d’accès à l’avortement est susceptible d’encourager les femmes à n’y voir qu’une autre forme de contraception et demande quelles mesures sont adoptées pour aider les jeunes couples à faire un choix éclairé en matière de méthodes contraceptives. Les méthodes modernes sont généralement supérieures, mais plus coûteuses.
Elle regrette l’insuffisance de données sur le VIH/sida dans les collectivités territoriales d’outre-mer dans les Caraïbes vu que son taux dans cette région est le plus élevé immédiatement après l’Afrique subsaharienne. De surcroît, de nombreux ménages dans les Caraïbes sont dirigés par des femmes, les rendant particulièrement vulnérables en cas de maladie.
Finalement, elle aimerait savoir si des programmes ont été mis sur pied à l’intention des femmes enceintes affectées par le VIH/sida.
M me Tan demande à la délégation de fournir des statistiques ventilées selon le sexe sur les établissements sanitaires dans les zones rurales. Elle voudrait aussi savoir si l’accès représente un problème et, le cas échéant, si des mesures sont prises pour y remédier.
Selon le rapport (p. 9), la loi d’orientation agricole no 99-574 du 9 juillet 1999 a créé, pour les conjoints ne souhaitant pas devenir coexploitants ou salariés de l’exploitation, un nouveau statut : celui de « conjoint collaborateur ». Elle demande combien de femmes ont choisi ce dernier et de quelle façon ce statut leur a ouvert des droits plus importants en matière de pension de retraite.
Il sera intéressant de mieux connaître la situation des femmes salariées et non-salariées en zones rurales, notamment si ces dernières ont droit à une part des bénéfices de l’exploitation agricole. La délégation aimerait peut-être également faire part des mesures adoptées pour chaque domaine identifié dans les études de 2003 mentionnées à la page 67 du rapport.
Finalement, elle souhaiterait obtenir des informations sur la situation des femmes immigrées vivant en zones rurales.
M me Voisin (France) répond qu’en France toutes les femmes ont accès à la contraception ; le problème résiderait davantage dans le fait qu’elles ne recourent pas nécessairement à la méthode la plus appropriée à leur cas. Le Gouvernement a lancé des actions de sensibilisation auprès des jeunes femmes et des femmes plus âgées, car nombre d’entre elles ont des idées fausses sur le sujet. Une autre difficulté est liée au fait que les méthodes contraceptives les plus récentes sont très coûteuses et ne sont pas remboursées par la sécurité sociale. Sur une note plus positive, le recours à la contraception d’urgence est en augmentation. On espère que cette tendance se manifestera particulièrement parmi les jeunes femmes, car la contraception d’urgence est nettement préférable aux avortements.
Elle n’est pas en mesure de fournir des statistiques sur le nombre d’enfants bénéficiant de programmes de cours d’éducation sexuelle. La loi dispose que de tels programmes soient enseignés à partir de l’école primaire ; dans la réalité, toutefois, ces programmes ne figurent que dans l’enseignement secondaire. L’éducation sexuelle est souvent prodiguée par des associations, telles que le Mouvement français pour le planning familial, qui y sont mieux préparées que des enseignants déjà surchargés de tâches et qui excellent à transmettre des messages simples aux jeunes filles. Le défi consiste à étendre ces programmes à tous les jeunes, en particulier aux jeunes en situation difficile.
M me Augustin (France) signale que dans les collectivités territoriales d’outre-mer, des campagnes sont ciblées sur les femmes qui continuent de percevoir la contraception comme une contrainte. En Martinique, à la Guadeloupe et en Guyane française, moins de la moitié des femmes recourt à la contraception, en partie en raison d’une tradition religieuse qui décourage le débat dans ce domaine.
Au cours de ces dernières années, les autorités ont souligné l’importance de la contraception tant pour les hommes que pour les femmes. Traditionnellement, la contraception était supposée concerner exclusivement les femmes, mentalité qui explique du moins partiellement la propagation du VIH/sida du fait que les hommes refusent de se protéger et qu’une femme le demandant est aussitôt suspectée de polyandrie.
Elle se déclare très préoccupée par la fréquence du recours à l’avortement comme méthode contraceptive par les femmes en Guadeloupe. À la Martinique, 8 % des filles mineures d’âge se sont déjà fait avorter. L’une des explications avancées serait que les relations sexuelles se font généralement au hasard et que les jeunes filles tombent enceintes lors de leur premier rapport sexuel. Il reste beaucoup à faire pour inciter les jeunes filles à contrôler leur sexualité.
M me Voisin (France) reconnaît que davantage d’attention a été consacrée dans le passé aux femmes en zones urbaines qu’aux femmes en zones rurales. Le Gouvernement s’efforce d’y remédier.
Ainsi que mentionné à la page 9 du rapport, l’épouse du chef d’une exploitation agricole peut opter entre trois qualités (conjoint collaborateur, salariée ou coexploitante). Elle peut se déterminer pour le statut de conjoint collaborateur sans être obligée de recueillir préalablement l’accord de son mari. La qualité de conjoint collaborateur mariée est désormais étendue aux personnes liées au chef d’exploitation par un pacte civil de solidarité ou vivant avec lui en concubinage. Suite à cette législation, la pension des épouses d’exploitants agricoles a été sensiblement améliorée, car on tient compte désormais des années passées à élever les enfants. La loi de financement de la sécurité sociale de 2007 a constitué un autre facteur d’amélioration car elle a simultanément baissé le seuil fixé pour la réévaluation des pensions et celui de la réduction du montant de la pension en fonction du nombre d’années passées hors du marché de l’emploi. À ce jour, environ 34 000 femmes agricultrices pensionnées bénéficient de cette nouvelle législation.
Il importe maintenant que le Gouvernement s’attaque à d’autres problèmes confrontant les femmes rurales, dont l’ampleur varie d’une commune à l’autre. Le « chèque emploi service » représente une démarche particulièrement intéressante. Il se fonde sur le principe du cofinancement des services personnels et pourrait être élargi pour inclure le financement de diverses formes de soins, notamment les soins aux enfants. De tels chèques s’avèrent particulièrement utiles dans les zones rurales où les crèches sont rares et éloignées, contraignant ainsi les femmes qui travaillent à faire appel à une aide familiale.
Elle n’est pas en mesure de fournir à l’heure actuelle des données statistiques ventilées selon le sexe sur les services de soins de santé en zones rurales. Néanmoins, grâce à la large implantation à la fois de médecins et de centres de PMI, les services de santé sont plus accessibles aux femmes qu’aux hommes.
Il existe toutefois des zones rurales totalement dépourvues de médecins. Nombre d’entre eux émigrent vers les villes, et en dépit des efforts du Gouvernement, peu de jeunes médecins sont disposés à s’installer à la campagne. Elle soupçonne qu’en fait ce sont surtout les épouses des jeunes médecins qui refusent d’aller vivre dans des endroits aux conditions d’existence plus dures.
Articles 15 et 16
M me Tan relève que selon le rapport (p. 10) les parents peuvent désormais choisir le nom de famille de leur enfant par déclaration écrite conjointe remise à l’officier de l’état civil. En l’absence de déclaration, un enfant né de parents mariés ou reconnu simultanément par les deux parents prend automatiquement le nom de son père. Elle souhaite savoir si la mère peut demander un changement de nom dans le cas où le père a abandonné l’enfant, et le cas échéant quelle est la durée de la procédure. Elle demande également si les enfants nés avant le 31 décembre 2004 portant un nom d’usage depuis la naissance peuvent le faire légaliser à leur majorité.
Se déclarant préoccupée par le fait que la polygamie continue d’être pratiquée, bien qu’interdite par la loi, elle souhaiterait savoir s’il existe des données sur le nombre de mariages polygames et s’il existe des programmes à l’intention des femmes de mariage polygame et la façon dont la propriété est répartie après le décès de l’époux.
La loi du 26 mai 2004 relative au divorce introduit l’éviction de l’époux violent du domicile conjugal. Elle aimerait savoir combien de demandes d’éviction ont été reçues, combien ont été soumises aux tribunaux et combien d’ordres d’éviction ont été effectivement prononcés.
Enfin, elle aimerait avoir des chiffres sur l’incidence des mariages forcés en France. Il serait particulièrement intéressant de savoir si des sanctions ont été appliquées et si le Gouvernement a l’intention d’ériger le mariage forcé en délit pénal.
M me Coker-Appiah s’enquiert des mesures adoptées pour harmoniser le droit coutumier dans les collectivités territoriales d’outre-mer avec la législation.
M me Neubauer signale la déclaration figurant à la page 31 du document présentant les réponses au questionnaire, selon laquelle des dérogations étaient toujours possibles pour des motifs sérieux, bien que l’âge légal du mariage soit maintenant 18 ans révolus pour les filles comme pour les garçons. Elle aimerait connaître la nature de ces motifs. L’État partie devrait également expliquer la base de la disposition manifestement discriminatoire en vertu de laquelle un parent qui s’oppose au mariage d’un ou d’une enfant mineure n’est pas en mesure de l’empêcher si le procureur de la République accorde une dispense et l’autre parent son consentement.
M me Schultz (France) dit que les parents d’un enfant né après 2005 peuvent enregistrer l’enfant à l’état civil sous le nom de l’un ou l’autre parent ou des deux. Si ces derniers n’ont pas procédé à un choix, le nom du père est utilisé si la filiation paternelle et maternelle sont dûment établies au moment de l’enregistrement. À l’inverse, l’enfant reçoit le nom du parent dont la filiation de l’enfant a été établie en premier.
La majorité des parents continue de donner le nom du père aux enfants, mais dans 7 % à 8 % des cas les parents recourent à cette nouvelle option, en donnant généralement à l’enfant le nom des deux parents. Lorsque le nom de la mère est choisi, c’est généralement par crainte que le nom du père ne soit une source de ridicule ou parce que son nom est manifestement d’origine étrangère.
Une mère a le droit de demander que son enfant porte désormais son nom plutôt que celui du père lorsqu’il existe un motif sérieux de le faire, par exemple lorsque le père a abandonné l’enfant ou refuse de payer sa pension alimentaire. Le fait que l’enfant se sente plus proche de la mère sur le plan émotionnel ne constitue pas une raison suffisante.
Les enfants nés avant 2005 portent généralement le nom du père. Durant la période 2005-2006, un dispositif temporaire spécial a permis aux parents de jeunes enfants d’ajouter le nom du conjoint, mais très peu y ont recouru.
Un nom d’usage ne peut être légalisé comme nom s’il n’a pas été utilisé par au moins trois générations. Le principe de l’immuabilité et de la cohérence des noms revêt une grande importance en France et les incidences de la nouvelle loi qui autorise la modification du nom par décret n’apparaissent pas encore clairement.
M me Voisin (France) dit que bien que la polygamie soit interdite depuis 1993, un mariage contracté à l’étranger ne peut être dissous de plein droit en France. Il présente des effets en termes de soutien et de droits de succession pour la seconde et les autres épouses, mais uniquement dans le cas où la polygamie est légale dans le pays d’origine de chaque conjoint.
Dans le contexte de la réunification familiale, une seule épouse et ses enfants sont autorisés à entrer en France. Un homme qui emmènerait plus d’une épouse perdrait son droit de résider en France. Dans le cas de familles polygames admises à entrer en France avant 1993, seule la première épouse a droit au renouvellement de sa carte de résidente. Les autres épouses reçoivent un permis de résidence temporaire, sans renouvellement automatique, jusqu’à ce que la question de leur statut soit résolue. Elles sont encouragées à abandonner le mariage polygame et à établir des ménages séparés. Il s’agit là d’un problème difficile et il n’existe pas de statistiques détaillées disponibles.
M me Demiguel (France) dit que les familles immigrées ont été informées de l’existence de la loi relative à la polygamie avant leur venue en France, lors du cours d’intégration sur les valeurs et principes républicains. La loi leur est rappelée dès leur arrivée dans le contexte du contrat d’accueil et d’intégration. Comme la polygamie n’est pas reconnue en France, il n’existe pas de statistiques sur son incidence.
M me Voisin (France) rappelle que la loi du 26 mai 2004 relative au divorce permet l’éviction du domicile familial du conjoint violent. Le Ministère de la justice est disposé à évaluer l’impact de cette disposition dans les meilleurs délais.
M me Schulz (France) dit que la loi permet à une victime de violences de demander l’éviction de son conjoint s’il constitue une menace pour elle-même ou ses enfants. Malheureusement, les statistiques ne font pas de distinction entre les cas d’éviction et les autres procédures dans le cadre de cette loi. Des informations plus précises seront disponibles en mars 2008.
Ces mesures doivent être utilisées avec modération car elles affectent de façon fondamentale le droit de propriété en permettant l’éviction d’un conjoint violent même s’il est le seul propriétaire de la maison familiale. Il s’agit par conséquent d’une mesure provisoire et si aucune action n’a été menée endéans quatre mois en vue d’obtenir le divorce, l’ordre d’expulsion s’éteint. D’autres arrangements dans lesquels c’est la victime qui quitte le domicile familial se présentent également.
La loi no 2006-399 du 4 avril 2006 visant à renforcer la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs a ajouté des dispositions pénales et s’applique également aux couples non mariés. Elle est trop récente pour permettre d’en évaluer l’impact. D’ici fin 2008, des statistiques devraient être disponibles.
La loi de 2006 a également fait passer l’âge légal du mariage de 15 à 18 ans pour les femmes. Dans certains cas, une dispense est accordée. Dans le passé, plus de 300 mineures ont été chaque année autorisées à se marier, en général pour motif de grossesse. Comme le nombre concerné s’avère très faible, aucune enquête n’a été menée et il n’existe pas de statistiques sur le nombre de jeunes filles mineures qui se sont mariées depuis la modification de la loi.
M. Juy-Birmann (France) rappelle que certains aspects du droit coutumier dans les collectivités territoriales d’outre-mer sont des archaïsmes qui contreviennent aux articles 15 et 16 de la Convention. Depuis 2000, des efforts sont entrepris pour éliminer ces éléments. L’irrégularité la plus forte dans le contexte du mariage a été trouvée à Mayotte, où le mariage traditionnel se déroule devant le cadi, (juge islamique) tandis que la mariée est représentée par un tuteur matrimonial. Le mariage est arrangé par les familles et il n’est pas nécessaire que la mariée soit présente.
La première mesure a été d’élever l’âge légal du mariage de 15 à 18 ans ainsi que de rendre obligatoire la présence du maire à la cérémonie du mariage. La loi no 2006-911 du 24 juillet 2006 sur l’immigration et l’intégration a apporté des changements additionnels en assignant au maire plutôt qu’au cadi la responsabilité de conduire la cérémonie du mariage.
Il reste toujours une réforme à mener, à savoir l’abolition de la coutume du tuteur matrimonial afin que la femme elle-même puisse donner son consentement au mariage et d’élever l’âge du mariage à 18 ans.
La polygamie est interdite à Mayotte depuis le 1er janvier 2005, mais les mariages polygames existants déjà sont autorisés. La répudiation unilatérale a été abolie, la législation sur le divorce a été introduite dans le droit coutumier et le cadi n’a plus de juridiction dans ce domaine. Le nom des enfants suit également la législation française en vigueur.
M me Schöpp-Schilling demande s’il est exact qu’une femme qui souhaite être réunie avec son mari immigré et qui demande un visa dans son pays d’origine est obligée de prouver ses connaissances du français ou à défaut de suivre un cours de langue. Le cas échéant, elle se demande qui paie pour le cours et si cet enseignement est disponible dans les zones rurales.
S’agissant de la question du droit de propriété dans les cas de violence conjugale, elle note que le Comité s’est prononcé à cet égard (dans l’affaire A.T. contre la Hongrie, dans le cadre du Protocole facultatif) en étant d’avis que ce droit ne saurait primer sur le droit d’une femme à la vie et à la sécurité.
M me Demiguel (France) déclarent que dans les cas de réunification familiale, les cours de langue et les cours sur les valeurs de la République sont organisés par les autorités compétentes lorsqu’une évaluation en révèle la nécessité. Ils sont prodigués gratuitement dans le pays de résidence aux futurs immigrés. En aucun cas, la méconnaissance du français n’a constitué une barrière à l’entrée en France ou a la réunification familiale.
M me Belmihoub-Zerdani demande instamment que le prochain rapport consacre davantage d’informations aux collectivités territoriales d’outre-mer.
M me Simms relève que le Comité a reçu des rapports déclarant que les pesticides exerçaient un effet néfaste sur les travailleuses agricoles en Martinique et qu’une assistance technique s’avérait nécessaire. Le Gouvernement a l’obligation de veiller à ce que ces femmes soient protégées.
M. Flintermann demande s’il existe une étude indépendante ou une évaluation de l’impact de la loi du 18 mars 2003 en matière de sécurité intérieure et sur la prostitution.
M me Voisin (France) signale que l’évaluation sera bientôt disponible. Elle répondra à la question par écrit.
La Présidente, prenant la parole en qualité de membre du Comité, demande un complément d’information sur le recours à la médiation entre la victime et l’auteur de violences conjugales. Elle demande si cette méthode continue d’être utilisée, si elle présente un caractère obligatoire et s’il est envisagé de la réévaluer ainsi que la législation pertinente critiquée par les ONG.
M me Voisin (France) signale que la loi no 2006-399 restreint déjà le recours à la médiation et qu’il est envisagé de la limiter aux situations de conflit sans manifestation de violence conjugale. Elle espère que des informations supplémentaires pourront être fournies dans le prochain rapport.
Son Gouvernement prend très au sérieux ses responsabilités au titre de la Convention et diffusera les observations finales du Comité. Le prochain rapport comportera une annexe spécialement consacrée aux collectivités territoriales d’outre-mer tandis que les consultations interministérielles seront organisées en vue de retirer la réserve à l’article 16. Elle demande au Comité de confirmer dans ses observations finales que la nouvelle législation concernant les noms est conforme à la Convention. Bien que l’égalité en droit ait été promulguée depuis 30 ans, l’égalité de fait reste encore à réaliser. Son Gouvernement poursuivra ses efforts pour atteindre cet objectif.
La Présidente remercie la délégation pour son dialogue constructif avec le Comité et dit qu’elle espère que la France sera bientôt en mesure de retirer sa réserve à l’alinéa g) de l’article 16 de la Convention.
La séance est levée à 17 h 10.